Comme aux premières heures du multipartisme en 1990, Jules Yao Yao est toujours debout pour le Front populaire ivoirien (Fpi), son parti. Depuis quelques jours, il est sur le terrain pour remobiliser les militants. Ce dimanche, il animera un meeting au stade de la Sogephia à Koumassi. Il en parle et jette un regard sur la situation sociopolitique ivoirienne.
Notre Voie : Le leader historique du Fpi, Laurent Gbagbo, est détenu depuis le 11 avril 2011 à Korhogo. Il est emprisonné en même temps que son épouse, Simone Ehivet Gbagbo, et son fils Michel Gbagbo. Avec eux, se trouvent, tous les membres de la direction du FPI, au nombre desquels, Pascal Affi N’Guessan, président du parti. Les autres cadres se sont exilés dans les pays voisins pour fuir les exactions des forces pro-Ouattara. N’avez- vous pas peur d’organiser à Abidjan un meeting du Fpi dans un tel contexte?
Jules Yao Yao : Lorsqu’on est dans le trou, on n’a plus peur du noir. Des frères et des amis sont tombés durant cette barbarie. Aujourd’hui, certains de nos camarades sont détenus.
D’autres sont en exil dans des conditions difficiles. Ma maison à Didiévi, située à 100 mètres de la résidence de Jeannot Ahoussou Kouadio (ministre de la Justice, nlrd), a été pillée. A Abidjan, nous avons reçu, ma famille et moi, la visite des Frci. Ils ont emporté ma voiture ainsi que mes portables et ceux de mon épouse. Lorsqu’ils m’ont demandé de les suivre, ma femme a commencé à pleurer. Je lui ai demandé d’arrêter les pleurs. Je lui ai dis de se tenir prête à assurer l’éducation des enfants, si j’étais tué. Quand tu as vécu tout cela ; quand tu sais que tes camarades de lutte sont tombés ; quand tu sais que d’autres sont en prison, ce que tu te dis en tant que militant, c’est de faire en sorte que ton parti reste debout.
Je voudrais vous faire une confidence. Le 24 juillet dernier, j’ai organisé une grande rencontre avec tous les militants Lmp de Koumassi. De nombreux camarades sont venus des contrées lointaines pour nous apporter leur soutien. La peur, c’est une affaire de Dieu.
Le président américain John Kennedy, tout protégé qu’il était, a été assassiné (en 1963, ndlr). En tant qu’être humain, j’ai peur. Mais ce n’est pas pour cela que je vais laisser mourir mon parti.
N.V. : Vous voulez, en quelque sorte, raviver la flamme de la mobilisation au Fpi…
J.Y.Y. : Nous tiendrons le meeting de dimanche pour briser la peur en chacun de nos militants. Il n’y a aucune de nos sections, ni nos fédérations qui tiennent des réunions, alors que le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, n’a jamais dit que le Fpi est dissout.
N.V. : Et pourtant à Dabou, le préfet a été limogé parce que des militants Fpi et Lmp de sa circonscription ont osé au cours d’un défilé, le 7 août dernier, simuler la libération des pro-Gbagbo détenus…
J.Y.Y. : Mais c’est justement pour cela que nous devons tenir ce meeting. A partir du moment où le FPI n’a pas été dissout, nous sommes en droit d’organiser des activités politiques. Young-Jin Choi a soutenu que le FPI n’a plus sa raison d’être. J’ai obtenu une bourse d’études, et je suis allé en Corée du Sud. J’ai honte d’entendre Choi dire de telles choses parce que les Coréens sont des gens dignes. Si la loi du karma existe, Choi paiera un jour. Pour revenir à votre préoccupation, qu’est-ce que ce fonctionnaire de l’administration a-t-il fait de mal ? Ce qui s’est passé à Dabou est-il anti-démocratique ? Je m’insurge contre cela.
N.V. : N’avez-vous pas peur des représailles des forces pro-Ouattara des Frci ?
J.Y.Y. : Pour la réunion que j’ai tenue le 24 juillet dernier, j’ai écrit aux Frci pour qu’ils m’envoient des gens pour sécuriser la manifestation. Ils ont réagi positivement en nous envoyant deux personnes. Pour ce meeting, j’ai écris au commissariat du 36ème arrondissement. Jusque-là, je n’ai pas reçu de feed-back qui dise qu’ils sont contre la tenue de ce meeting. Je veux tout simplement parler au peuple de Côte d’Ivoire.
N.V. : Comment avez-vous vécu le coup d’état de la France contre le régime Gbagbo ?
J.Y.Y. : Nous sommes tous devenus, nous les Ivoiriens, des citoyens français depuis le 11 avril 2011. Depuis ces événements, notre télévision nationale est devenue un relais de la chaîne française, France24. Vous devinez que je ne pouvais pas supporter qu’un pays souverain comme le nôtre soit recolonisé. C’est la volonté de Nicolas Sarkozy et Barrack Obama. Lors de l’attaque d’Abidjan, c’est au carrefour du camp des gendarmes-commandos de Koumassi que les militaires français déversaient les mercenaires. J’étais triste pour mon pays.
N.V. : Quelle est la santé de votre parti ?
J.Y.Y. : Le FPI se porte bien. Comme deux boxeurs sur le ring, on a pris un vilain coup. Ça nous a fragilisés. La tête du parti a été décapitée. Les responsables sont soit en prison, soit en exil. Koulibaly Mamadou avait pris le relais, mais, malheureusement, il nous a lâchés.
Heureusement, le Fpi sait réagir. Il a trouvé en Miaka Ouretto, un homme pour continuer le combat. Le jour de la désignation de la nouvelle direction, nous avons donné un signal fort, à travers notre mobilisation. Le siège du Cnrd était devenu exigüe pour la circonstance. Les militants sont venus de partout. C’est dire que le FPI reste le FPI.
N.V. : Comment préparez-vous le meeting de dimanche?
J.Y.Y. : J’ai fait plusieurs réunions avec les responsables de la fédération-mère. Nous avons rencontré les secrétaires de section avec qui nous avons discuté. Nous sommes passés dans les fédérations pour sensibiliser les militants à sortir nombreux ce dimanche. Je le répète toujours, la Côte d’Ivoire nouvelle ne peut pas se construire sans le FPI. Nous saisissons cette occasion pour dire aux nouvelles autorités qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. On parle de réconciliation nationale, mais qui réconcilier ?
Comment réconcilier ? Pour faire la réconciliation, il faut au moins deux entités opposées. Le Fpi, c’est une partie de la Côte d’Ivoire. Si le leader du Fpi n’est pas là, comment peut-on réconcilier les Ivoiriens.
Je ne dis pas de ne pas rendre justice, mais il ne faut pas faire une justice à double vitesse. On ne pourra pas me démontrer que dans le camp du Rhdp, il n’y a rien de condamnable !
Entretien réalisé
par César Ebrokié
ebrokie2@yahoo.fr
Notre Voie : Le leader historique du Fpi, Laurent Gbagbo, est détenu depuis le 11 avril 2011 à Korhogo. Il est emprisonné en même temps que son épouse, Simone Ehivet Gbagbo, et son fils Michel Gbagbo. Avec eux, se trouvent, tous les membres de la direction du FPI, au nombre desquels, Pascal Affi N’Guessan, président du parti. Les autres cadres se sont exilés dans les pays voisins pour fuir les exactions des forces pro-Ouattara. N’avez- vous pas peur d’organiser à Abidjan un meeting du Fpi dans un tel contexte?
Jules Yao Yao : Lorsqu’on est dans le trou, on n’a plus peur du noir. Des frères et des amis sont tombés durant cette barbarie. Aujourd’hui, certains de nos camarades sont détenus.
D’autres sont en exil dans des conditions difficiles. Ma maison à Didiévi, située à 100 mètres de la résidence de Jeannot Ahoussou Kouadio (ministre de la Justice, nlrd), a été pillée. A Abidjan, nous avons reçu, ma famille et moi, la visite des Frci. Ils ont emporté ma voiture ainsi que mes portables et ceux de mon épouse. Lorsqu’ils m’ont demandé de les suivre, ma femme a commencé à pleurer. Je lui ai demandé d’arrêter les pleurs. Je lui ai dis de se tenir prête à assurer l’éducation des enfants, si j’étais tué. Quand tu as vécu tout cela ; quand tu sais que tes camarades de lutte sont tombés ; quand tu sais que d’autres sont en prison, ce que tu te dis en tant que militant, c’est de faire en sorte que ton parti reste debout.
Je voudrais vous faire une confidence. Le 24 juillet dernier, j’ai organisé une grande rencontre avec tous les militants Lmp de Koumassi. De nombreux camarades sont venus des contrées lointaines pour nous apporter leur soutien. La peur, c’est une affaire de Dieu.
Le président américain John Kennedy, tout protégé qu’il était, a été assassiné (en 1963, ndlr). En tant qu’être humain, j’ai peur. Mais ce n’est pas pour cela que je vais laisser mourir mon parti.
N.V. : Vous voulez, en quelque sorte, raviver la flamme de la mobilisation au Fpi…
J.Y.Y. : Nous tiendrons le meeting de dimanche pour briser la peur en chacun de nos militants. Il n’y a aucune de nos sections, ni nos fédérations qui tiennent des réunions, alors que le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, n’a jamais dit que le Fpi est dissout.
N.V. : Et pourtant à Dabou, le préfet a été limogé parce que des militants Fpi et Lmp de sa circonscription ont osé au cours d’un défilé, le 7 août dernier, simuler la libération des pro-Gbagbo détenus…
J.Y.Y. : Mais c’est justement pour cela que nous devons tenir ce meeting. A partir du moment où le FPI n’a pas été dissout, nous sommes en droit d’organiser des activités politiques. Young-Jin Choi a soutenu que le FPI n’a plus sa raison d’être. J’ai obtenu une bourse d’études, et je suis allé en Corée du Sud. J’ai honte d’entendre Choi dire de telles choses parce que les Coréens sont des gens dignes. Si la loi du karma existe, Choi paiera un jour. Pour revenir à votre préoccupation, qu’est-ce que ce fonctionnaire de l’administration a-t-il fait de mal ? Ce qui s’est passé à Dabou est-il anti-démocratique ? Je m’insurge contre cela.
N.V. : N’avez-vous pas peur des représailles des forces pro-Ouattara des Frci ?
J.Y.Y. : Pour la réunion que j’ai tenue le 24 juillet dernier, j’ai écrit aux Frci pour qu’ils m’envoient des gens pour sécuriser la manifestation. Ils ont réagi positivement en nous envoyant deux personnes. Pour ce meeting, j’ai écris au commissariat du 36ème arrondissement. Jusque-là, je n’ai pas reçu de feed-back qui dise qu’ils sont contre la tenue de ce meeting. Je veux tout simplement parler au peuple de Côte d’Ivoire.
N.V. : Comment avez-vous vécu le coup d’état de la France contre le régime Gbagbo ?
J.Y.Y. : Nous sommes tous devenus, nous les Ivoiriens, des citoyens français depuis le 11 avril 2011. Depuis ces événements, notre télévision nationale est devenue un relais de la chaîne française, France24. Vous devinez que je ne pouvais pas supporter qu’un pays souverain comme le nôtre soit recolonisé. C’est la volonté de Nicolas Sarkozy et Barrack Obama. Lors de l’attaque d’Abidjan, c’est au carrefour du camp des gendarmes-commandos de Koumassi que les militaires français déversaient les mercenaires. J’étais triste pour mon pays.
N.V. : Quelle est la santé de votre parti ?
J.Y.Y. : Le FPI se porte bien. Comme deux boxeurs sur le ring, on a pris un vilain coup. Ça nous a fragilisés. La tête du parti a été décapitée. Les responsables sont soit en prison, soit en exil. Koulibaly Mamadou avait pris le relais, mais, malheureusement, il nous a lâchés.
Heureusement, le Fpi sait réagir. Il a trouvé en Miaka Ouretto, un homme pour continuer le combat. Le jour de la désignation de la nouvelle direction, nous avons donné un signal fort, à travers notre mobilisation. Le siège du Cnrd était devenu exigüe pour la circonstance. Les militants sont venus de partout. C’est dire que le FPI reste le FPI.
N.V. : Comment préparez-vous le meeting de dimanche?
J.Y.Y. : J’ai fait plusieurs réunions avec les responsables de la fédération-mère. Nous avons rencontré les secrétaires de section avec qui nous avons discuté. Nous sommes passés dans les fédérations pour sensibiliser les militants à sortir nombreux ce dimanche. Je le répète toujours, la Côte d’Ivoire nouvelle ne peut pas se construire sans le FPI. Nous saisissons cette occasion pour dire aux nouvelles autorités qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. On parle de réconciliation nationale, mais qui réconcilier ?
Comment réconcilier ? Pour faire la réconciliation, il faut au moins deux entités opposées. Le Fpi, c’est une partie de la Côte d’Ivoire. Si le leader du Fpi n’est pas là, comment peut-on réconcilier les Ivoiriens.
Je ne dis pas de ne pas rendre justice, mais il ne faut pas faire une justice à double vitesse. On ne pourra pas me démontrer que dans le camp du Rhdp, il n’y a rien de condamnable !
Entretien réalisé
par César Ebrokié
ebrokie2@yahoo.fr