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Santé Publié le samedi 3 septembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Entretien / Bunmi Makinwa, DG de l’Unfpa-Afrique : ‘’La mauvaise gouvernance est un frein au financement de la santé’’

Agence du système onusien, le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) mène à travers le monde des activités liées aux problèmes de population et de développement humain. Dans cet entretien, son directeur régional pour l’Afrique M. Bunmi Makinwa qui séjourne depuis le lundi dernier à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, dans le cadre des assises de la 61ème session du comité Afrique de l’OMS dresse l’état des lieux de la situation sanitaire sur le continent. Aussi interpelle-t-il sur la mauvaise gouvernance des fonds alloués au financement des activités sanitaires qui constitue, selon lui, un frein à l’affectation de 15% des budgets nationaux à la santé.

Vous sortez d’un panel des ministres africains en charge de la Santé et de l’Economie sur le financement de la santé à niveau continental. Quelle appréciation faites-vous de ce panel ?
Il faut dire que c’est la première fois que nous tenons ce type de rencontre qui a enregistré, comme vous l’avez relevé, la participation des ministres de la Santé et leurs pairs des Finances des pays africains membres de l’Oms. Ce débat était important car nous avons constaté qu’au moment où des pays sur le continent font des progrès pour mobiliser des fonds conséquents pour la santé, d’autres traînent les pas. Il est important que tous les pays fassent le même effort pour améliorer la situation sanitaire en Afrique. Pour y arriver, il faut une réflexion avec les détenteurs des portefeuilles du budget ou des finances. Pendant le panel du mardi 30 août 2011, le constat a été que le budget alloué dans l’ensemble des pays n’est pas significatif. En clair que la déclaration d’Abuja n’est pas appliquée rigoureusement par tous. Or, il faut augmenter le budget de la santé pour qu’il y ait suffisamment de réalisations et rendre le secteur de la santé plus efficace. Je me réjouis de ce panel qui a fait le diagnostic véritable de la situation avant d’appeler chaque gouvernement à prendre ses responsabilités. Nous pensons que l’année prochaine, il y aura une grande conférence avec les ministres de la santé et ceux de l’Economie pour prendre de grandes décisions.

Au terme de cette rencontre, le financement de la santé, à votre avis, va-t-il connaître une amélioration considérable dans les Etats qui sont en retard sur les autres ?
Je suis optimiste parce que j’ai relevé, dans ces débats souvent houleux mais enrichissants, un engagement fort des ministres de la santé à agir dans le sens préconisé par leurs collègues des Finances. A savoir qu’ils doivent être plus efficaces dans la gestion des fonds alloués à leur département. Il faut qu’il y ait aussi moins de demandes, et que les ministres de la santé utilisent de manière rationnelle et efficace ce dont ils arrivent à disposer. Si cela est fait, il y aura une amélioration des prestations sanitaires dans notre région.

Certains ministres de l’Economie ont également relevé un manque de visibilité des résultats sanitaires avec les budgets alloués. N’est ce pas un frein à la mobilisation de fonds significatifs ?
Il faut noter que, généralement sur le terrain, les responsables de la santé ne parviennent pas à démontrer la relation entre ce qui est fait et les fonds qui leur ont été octroyés. Beaucoup d’actions sont posées dans les pays, mais nos responsables de la santé, qui sont experts dans leur art et discipline, n’ont pas l’habitude des démonstrations liées aux fonds mis à leur disposition.

Dans le cadre de la situation post-crise ivoirienne, comment votre agence va-t-elle accompagner ce pays vulnérable dans sa reconstruction et l’atteinte des objectifs du millénaire ?

Il y a un engagement fort et ferme de l’ensemble des agences des Nations Unies d’accompagner le gouvernement Ivoirien dans l’atteinte des objectifs du développement humain. Conformément à cet engagement, nous avons commencé avec le ministère de la Santé dans treize districts sanitaires du pays. Depuis juillet 2011, notre assistance a commencé par le projet « Stratégie de réorganisation des services pour améliorer l’offre du service de santé ». Ce projet nous a permis de former et d’équiper les prestataires de soins confrontés à beaucoup de problèmes dans les formations sanitaires qui ont enregistré des actes de destruction et de pillage. Dans la zone Ouest, particulièrement, nous avons formé 240 prestataires pour le dispositif minimum d’urgence. En rapport avec la PSP, nous avons mobilisé des kits d’urgence pour la réouverture des centres de santé. Nous avons aussi approvisionné des Ong internationales et locales ainsi que des services publics en équipements et matériels de soins. Nous entendons poursuivre sur cette lancée. C’est pourquoi nous nous réjouissons du fait que le Président de la république SEM Alassane Ouattara, en relation étroite avec ses ministres, ait adopté un programme présidentiel d’urgence pour accélérer la mise en œuvre des OMD dont nous sommes concernés par le point 5 lié à la santé maternelle et néo-natale et le point 6 qui se rapporte à la lutte contre le Vih-Sida. En outre, le gouvernement Ivoirien, en accord avec les institutions de Bretton Woods s’est engagé à réviser la stratégie de réduction de la pauvreté pour l’adapter à la situation post-crise. Il y a eu des déplacés internes. Or, le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) ne tenait compte que de la dimension Développement. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, il y a une dimension humanitaire à prendre en compte. Et nous sommes impliqués dans le processus de révision de ce document puisque nous avons pris part aux missions d’évaluation sur le terrain au niveau des dix pôles de développement en vue d’aider le gouvernement à la mise en place de données fiables dans le cadre de la mise en œuvre du Dsrp. Dans ce processus, l’approche commune est importante car la réalité est telle que la plu- part des contributions ne peuvent pas être mobilisées par un seul bailleur.

Des efforts sont faits pour améliorer la situation sanitaire dans la région. Mais, de nombreux défis demeurent. Quelles sont les stratégies à mettre en œuvre pour mobiliser les financements ?

Au niveau de l’Afrique, on doit éviter de proposer une approche continentale. Chaque pays doit faire ses propres réflexions et prendre ses propres dispositions. Si vous voyez l’assurance nationale, cela existe au Ghana, au Rwanda et en Tanzanie. Et cette approche varie d’un pays à un autre. Dans les débats sur le financement, le Ghana a relevé que la première chose à surveiller, c’est la fraude. Il faut faire très attention à la fraude, à la mauvaise gouvernance dans le secteur de la santé. Cela est très important car la déperdition des fonds, la mauvaise gouvernance freine un meilleur financement de la santé. La mauvaise gestion et la gabegie sont également au cœur des réserves des ministres de l’Economie pour affecter 15% des budgets nationaux à la santé comme ils l’ont relevé lors du panel. En Afrique, nous avons beaucoup de fonds. Si nous nous appliquons au niveau de la gestion, nous ne serons plus contraints d’être assujettis à l’aide extérieure. Il faut développer la coopération Sud-Sud, tirer des enseignements des programmes existants, par exemple au Ghana, au Rwanda ou en Tanzanie. Cela permettra de relever ce que chaque pays a fait pour s’en inspirer.

On est surpris de vous entendre parler de programme local dans un contexte de globalisation...
Il ne faut pas être surpris. Il faut avoir une réflexion globale mais agir localement. Ce qui est possible en Côte d’Ivoire ne peut l’être forcément au Togo, au Bénin ou en Afrique du Sud et au Ghana. Même à l’intérieur de la Côte d’Ivoire, ce qui peut être efficace à Yamoussoukro peut ne pas l’être à Abidjan ou ailleurs. C’est pourquoi les réalités locales sont importantes.

La mise en place d’une assurance maladie est-elle possible en côte d’Ivoire ?
Avant que l’Unfpa n’en parle, le gouvernement Ivoirien, en rapport avec l’Oms, a organisé une réunion de réflexion sur l’assurance maladie en Côte d’Ivoire. Un groupe de travail de ce ministère a été mis en place sans aucun bailleur. L’assurance maladie est une décision du gouvernement. Les partenaires techniques et financiers ont été associés et un groupe de travail poursuit la réflexion. Cela indique clairement que c’est possible. Même s’il va falloir procéder à des réajustements liés au contexte post-crise.

Avez-vous un appel à lancer ?
Je profite de cet entretien pour inviter les africains à compter sur leurs propres ressources. Aucun pays africain proprement dit n’est pauvre. Si nous voyons les ressources locales dont nous disposons, nous sommes riches. Si nous les utilisons d’une façon rationnelle et avec un bon management, nous pouvons réaliser les besoins de nos populations. Si les autres partenaires dont les USA et autres viennent à nous compléter, c’est tant mieux. Ils doivent nous compléter et non remplacer nos gouvernements qui sont les institutions mandatées pour le développement de nos pays. On peut accélérer l’atteinte des Omd. Pour y arriver, il faut de la volonté de chaque pays. Si nous arrivons à augmenter les ressources disponibles pour la santé, ce sera très important. Mais, il faudra améliorer la gestion des fonds pour une question d’efficacité. Si cela est fait, nous allons faire de grands pas verts l’atteinte de l’Omd 5 qui est l’Omd où l’Afrique traîne beaucoup de retards.

Réalisé à Yamoussoukro par M Tié Traoré
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