On connaît désormais les membres de la Commission dialogue, vérité et réconciliation. C'est à onze personnalités, dont quatre femmes, qu'il revient de panser les plaies laissées dans les cœurs par les violences politiques ayant balafré le pays depuis le décès d'Houphouët-Boigny et singulièrement à l'occasion de la crise post-électorale. Comment s'y prendront Banny, Drogba, Sery Bailly, Mme Odette Kouamé, Offoumou Kaudjhis, Kane Diallo, le roi Amon Tanoe, les religieux Cheick Boikary et Siméon Ahouana ? On attend de voir le mode opératoire qu'ils rendront certainement public dans les prochaines semaines. En attendant, dure, dure s'annonce la mission. En effet, il est long, le chapelet des événements politiques qui ont opposé les Ivoiriens les uns aux autres et fini par laisser dans les cœurs et les esprits des blessures profondes qu'il faudra réussir à cicatriser. Par où commencer ? Sur quels événements s'attarder plus que d'autres ? Par quels mécanismes panser pour de bon ces plaies qui semblent s'ouvrir dès que resurgit le moindre antagonisme politique ? La tragédie qui a suivi la crise post-électorale est là qui montre l'échec de tout ce qui a été entrepris ces neuf dernières années en vue de recoudre le tissu social en lambeaux. Comment ne pas retomber dans les mêmes travers après que la Commission réconciliation aura achevé ses travaux ? Que faire pour se donner la chance de saisir la seule possibilité sur trois de ne pas rechuter ? Pour être efficace, il faudra éviter de se disperser en voulant brasser de façon exhaustive tous les problèmes qui divisent les Ivoiriens. Il importe de cibler les sujets qui fâchent, par ordre de gravité. Banny et son équipe sont attendus sur les récents événements consécutifs au scrutin présidentiel de 2010. Ils devront faire la lumière sur le contentieux électoral et les exactions et crimes de sang qui en ont découlé. Non pas pour juger ou sanctionner, comme Banny l'a du reste rappelé, mais pour situer les responsabilités et amener ceux qui ont fauté à avouer leurs forfaits et s'en repentir. C'est à ce prix que seront exorcisées les horreurs qui ont émaillé ces quatre mois d'enfer. Par ailleurs, le Onze de Banny est attendu sur les étapes douloureuses de la récente histoire de notre pays comme la rébellion de septembre 2002, les élections de 2000 et le charnier de Yopougon, le coup d'Etat de 1999 ayant coûté le fauteuil présidentiel à Henri Konan Bédié. Sur tous ces faits qui ont partie liée avec la récente crise post-électorale, il faudra revenir. Pour rétablir la vérité des faits et situer les responsabilités pour, au finish, demander pardon à ceux qui ont été offensés voire les réhabiliter. Qu'ils soient vivants ou morts. Par dessus tout, l'équipe Banny ne devrait pas perdre de vue des questions comme l'ivoirité et son corollaire que sont la nationalité et la Constitution, mais aussi le foncier rural. La notion d'ivoirité, introduite dans le jeu politique sous le règne de Bédié, est perçue par bien d'habitants de ce pays et la communauté internationale comme étant à l'origine de tous les malheurs de la Côte d'Ivoire. Instrumentalisée par les politiques, l'ivoirité a en effet contribué grandement à diviser les Ivoiriens entre « Ivoiriens de souche » et « Ivoiriens de circonstance ». C'est à elle que l'on impute la cristallisation politique née de la guerre de la nationalité qui a rythmé le quotidien des Ivoiriens ces quinze dernières années. Il faut donc en débattre pour solder une fois pour toutes tous les contentieux qui s'y rattachent. Tout comme devra être mis sur la table l'épineux problème du foncier rural, en partie responsable de nos malheurs. On se souvient des litiges sanglants comme ceux de la région de Tabou, qu'a occasionnés la guerre autour des terres. Une fois pour toutes, il faudra vider ces contentieux.
Assane NIADA
Assane NIADA