Dans cet entretien, le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire, Alassane Salif N’Diaye, explique pourquoi le président de la République ne doit pas discuter avec le Front populaire ivoirien.
Est-ce que le Rhdp n’a pas mis la charrue avant les bœufs s’agissant des législatives puisque l’ouverture des candidatures s’est faite alors même que les critères du consensus qu’on recherche n’ont pas été définis ?
Non, je pense que la méthode qui a été suivie me semble être la bonne. Ce n’est pas mettre la charrue avant les bœufs ; c’est travailler de telle manière que lorsque le top-départ sera donné, que nous soyons, les uns comme les autres, prêts. Même si on dit que nous allons en Rhdp, par exemple cela voudrait dire que dans la région de Gagnoa dont je suis originaire, le Pdci (Parti démocratique de Côte d’Ivoire, ndlr) va vraisemblablement présenter deux candidats pour les deux postes de députation à la commune. Si mon parti l’Udpci (Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire, ndlr) également a deux candidats et que le Rdr (Rassemblement des républicains, ndlr) également en a deux, plus le Mfa (Mouvement des forces d’avenir, ndlr) qui en a deux, il faudrait que, quelque part, nous Udpci nous sachions quels sont nos deux candidats. Il faudrait que le Pdci également sache les deux candidats qui vont compétir pour son compte à Gagnoa. La même chose pour les Mfa et pour le Rdr. Donc au moment où on va désigner le candidat ou les deux candidats du Rhdp, il faudrait qu’au niveau de nos 4 partis, nous ayons déjà au moins 8 candidats …sur le plateau. Et en ce moment-là, au niveau du Rhdp, nous tirons parmi les 8 candidats, les deux qui ont vraiment le profil et les atouts nécessaires pour faire gagner le Rhdp. Donc, le travail que nous faisons actuellement au niveau de chaque parti, prépare cette rencontre-là au niveau du Rhdp. Ce n’est pas mettre la charrue avant les bœufs. Parce que si ce travail préparatoire n’avait été fait au niveau des partis, donc à la base, il aurait été extrêmement difficile le ¨jour J¨ d’annoncer que tel et tel sont candidats… Il y aura deux candidats, un du Mfa, un du Rdr par exemple pour les deux postes. Dès lors que nous aurions vraiment avec objectivité vu les profils et les atouts des uns et des autres. Donc la charrue n’est pas vraiment avant les bœufs.
Mais vous convenez avec moi qu’il serait difficile pour ceux qui ont commencé à faire valoir leurs ambitions de se désister au profit de quelqu’un d’autre ?
Il revient aux directions des partis, au démembrement de ces directions de chacun des partis de comprendre que in fine, il se pourrait que nous allions en Rhdp. D’ailleurs, je pense que la tâche sera facile au niveau de l’intérieur du pays où, je crois, l’esprit Rhdp prédomine, et, préside pratiquement à tous les rassemblements Rhdp qui se font, plus qu’à Abidjan.
Etes-vous en train de dire qu’Abidjan il risque d’avoir quelques problèmes?
À Abidjan, il peut y avoir des problèmes tant que le Rhdp ne se sera pas réuni sur la base de la candidature commune. Mais dès lors que nous nous serons rencontrés après le travail préparatoire fait au niveau des partis, Abidjan va devoir se ranger dans le cadre des partis politiques.
De source proche du Rdr, certains voudraient qu’on tienne compte des scores réalisés par les différents leaders au premier tour pour rechercher le consensus. Sur cette base, par exemple, à Treichville, le Rdr réclame et la mairie et le poste de député.
Oui !
Est-ce que ces critères du score réalisé ne vont pas également vous fragiliser ?
Oui, ceux qui le disent c’est tout à fait légitime. Et c’est tout à fait vrai que le président de la République aujourd’hui sort des rangs du Rdr, et il est tout à fait normal que les ambitions à ce niveau-là soient ce qui est affiché par les uns et les autres. Mais là où il ya une petite erreur dans l’analyse, c’est que l’élection présidentielle est totalement différente des élections locales. Le président de la République est élu sur des bases, j’allais dire tellement nationales, qu’il n’est pas certain, que dans telle région parce que tel a été président, c’est son candidat qui obligatoirement sera élu dans la localité. Ce sont les personnalités des régions, des localités, qui feront les élections législatives, les municipales, comme pratiquement les conseils généraux. Bien entendu, ils seront pour ceux dont le président est aujourd’hui président de la République le bonus lors de leur campagne en disant, nous sommes le parti du président de la République. Ce sera un bonus pour eux. Mais, il n’est pas certain que le fait d’être du parti du président de la République, partout sur le territoire national dès lors qu’on dit je suis du camp du président, on sera automatiquement élu. Non ! Les personnalités se sont forgé une place dans leur localité, dans leur village, dans leur région, mais qui comptera obligatoirement au moment de ces types d’élections. Après que les partis ont fait l’étiage, lorsqu’ils auront tamisé un peu toutes les candidatures et qu’au niveau du Rhdp on se sera assis pour dire qui est candidat, c’est là que va jouer la réalité de la présence des uns et des autres sur le terrain.
Un leader qui a des ambitions peut dire, «j’ai fait en sorte que le président Ouattara arrive en tête». Sur cette base-là, il peut vouloir se présenter en candidature indépendante…
On a entendu pendant la campagne présidentielle, beaucoup de gens dire dans pas mal de régions, « oui, pour l’élection présidentielle, voilà celui pour qui je vais voter. Mais lorsqu’on en arrivera aux élections législatives, je sais également pour qui je vais voter ». Ce n’est pas toujours pour le camp du président ou contre le camp du président. Et c’est ce qui va jouer, parce que ces élections locales-là portent sur la personnalité de ceux qu’on va leur présenter. Dès lors qu’on sera à l’assemblée nationale, nous nous retrouvons, nous nous regroupons et le président élu aura obligatoirement la majorité qui lui faut pour mener sa politique.
A quel moment allez-vous définitivement arrêter les critères du consensus?
Nous avons demandé depuis bientôt 4 semaines, à chaque parti de nous faire un document sur sa stratégie, et ensuite nous avons mis en place déjà une commission de synthèse pour essayer de voir à peu près les différentes possibilités qui s’offrent à nous. Ce comité de synthèse va travailler, le directoire se réunit pour arrêter définitivement notre stratégie, puis ce document sera transféré à nos chefs, c’est-à-dire à la conférence donc des chefs du rassemblement qui nous donneront des instructions. C’est sur cette base-là que nous allons travailler.
Dans le cadre du second tour de la présidentielle, le président de Ouattara a fait des alliances avec certains partis qui ne sont pas forcément membre du Rhdp. Est-ce que ces alliances-là engagent le Rhdp ?
Pour l’heure et après les élections présidentielles, nous travaillons au directoire avec l’Upci (Union pour la Côte d’Ivoire, ndlr), avec le Pit (Parti ivoirien des travailleurs, ndlr) et ils prendront part à toutes les négociations pour les élections législatives et plus tard, les élections municipales.
Donc, les combinaisons dont vous parlez sont également valables pour les Forces nouvelles ?
Les Forces nouvelles, nous attendons leur document tout comme je vous l’ai dit, nous attendons le document du Rdr, le document du Mfa. Nous aurons leur document et puis elles entreront dans le moule que nous sommes en train de forger.
Votre parti espère réaliser un très bon score lors de ces législatives. Est-ce que dans le contexte actuel vous pensez pouvoir avoir la quinzaine des députés que vous avez eue lors des législatives de 2000 ?
Oui ! Lorsqu’on fait de la politique, on va aux élections, disons on va pour être oint de la décision du peuple avec l’espoir qu’on fera toujours mieux qu’hier. Effectivement, je ne vous cacherai pas que nous avons l’intention de tripler au moins les députés d’il y a 10 ans. C’est sur cette base que nous allons travailler.
Mais la réalité est que le parti est quand-même fragilisé depuis lors. Il y a au moins une dizaine de députés qui ont quitté les rangs du parti.
En son temps j’avais parlé des ténias. Et lorsque le corps est débarrassé de ces ténias, il devient beaucoup plus fort.
Mais, il n’empêche que des personnalités comme Blon Blaise, pèsent dans leurs bastions...
Oui ! Elle est tellement présente qu’on a vu la valse qu’il nous a offerte ces derniers mois.
Vous n’êtes pas visiblement dans la disposition d’esprit qui vous ferait revenir les dissidents à la maison...
Pour l’instant, nous n’avons pas perdu notre énergie pour ceux-là. Pourquoi voulez-vous que je pardonne à quelqu’un qui ne m’a même pas demandé de lui pardonner ? Pourquoi courir après des gens, pour dire venez alors qu’ils ont choisi de partir ? Si ces gens-là viennent qu’ils nous disent on s’est trompés, on veut revenir à la maison, oui, la porte de la maison de l’Udpci est ouverte. Pour l’heure, en tant que secrétaire général, je n’ai pas reçu pareille requête.
Allez-vous vous présenter à Gagnoa ?
Le parti en décidera et le Rhdp ensuite acceptera ou non ma candidature.
N’est-ce pas à vous de faire connaître au parti votre intention de vous présenter ?
C’est la voix normale, c’est la voix habituelle. Mais le parti peut également, en fonction de vos atouts, en fonction de votre profil, vous mettre en mission dans une circonscription.
Qu’est-ce qui vous manque, puisque la base vous réclamerait ?
Cela est déjà une bonne chose et je pense que ma direction est informée de cet état des choses et qu’elle me mettra en mission.
Plus on avance vers les élections locales, plus on constate des divisions à l’Udpci à Gagnoa, à Grand-Bassam...Que se passe-t-il ?
En ce qui concerne Gagnoa, mon adjoint, Bernard Ouréga a reçu la tendance qui voulait créer une deuxième coordination. Vous savez, pour créer une deuxième coordination, il y a des critères. Il doit notamment avoir une trentaine de personnes dans le bureau d’une coordination. Si les gens viennent avec un document qui ne contient qu’une dizaine ou une quinzaine qui sont, de surcroît, déjà fichés dans la première coordination, il n’est plus utile de créer une deuxième coordination. La direction a donc décidé que cette deuxième coordination telle que prévue, ne peut pas voir le jour à Gagnoa. Concernant Grand-Bassam, c’est un problème qui s’appuie sur la manière dont la campagne pour la présidentielle de l’année dernière, ndlr) a été gérée dans cette ville. Je crois que les torts ne sont pas tellement à la base. Ce sont peut-être des insuffisances qui ont été constatées au niveau de la direction qui ont créé la zizanie. Pour le règlement de ce genre de problème, c’est aussi mon adjoint, Bernard Ouréga qui est compétent et il s’attelle à trouver solution à cela. Les choses sont en train de rentrer dans l’ordre.
Le président de la République ne va-t-il pas se sentir gêné d’avoir une assemblée nationale monocolore vu que le Fpi menace de ne pas aller aux législatives ?
L’esprit qui anime le président Alassane Ouattara concernant le renforcement de la démocratie, ne fait de doute dans l’esprit de personne. Par conséquent, il serait souhaitable que dans la vérité, dans l’honnêteté, dans la bonne foi, que tous ceux qui clament qu’ils veulent construire notre pays, à tous les niveaux, notamment à ce niveau-là, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale, qu’ils jouent le jeu. Dès lors qu’on n’est pas constant dans l’analyse, dès qu’on se pose des questions de savoir si ce qui est dit, aujourd’hui, sera ce qui sera retenu demain, on peut avoir quelques doutes. Parce que le Rhdp existe avec quatre partis significatifs, il fallait en faire 31 pour dire qu’on est plus nombreux. Mais, les 31, c’était, pour la plupart 28 individus plus trois groupuscules d’individus plus le Fpi qui en était le noyau. Il s’agit d’un problème du Fpi, abusivement dénommé la Majorité présidentielle avec des partis dont on n’entend plus parler et qui veulent que toutes les règles du jeu soient changées pour qu’ils puissent se présenter aux élections législatives. Souvenez-vous qu’il y a eu le boycott actif en 1995.
Pensez-vous qu’ils sont dans la même logique ?
Aujourd’hui, ils ne peuvent pas. Ils ont fait leur preuve, ils ont eu le pouvoir pendant dix ans, un pouvoir monocolore, monolithique, avec tout ce qu’ils ont eu. Nous sommes dans l’esprit de la réconciliation, ce n’est pas la peine de revenir là-dessus. Aujourd’hui, ce sont des récriminations. Il faut tout changer. Je prends l’exemple de la Cei (Commission électorale indépendante, ndlr). Lorsque cette structure a été mise en place, la première fois avec Mambé, contrairement à ce qui était raconté, en disant notamment que c’est le Rhdp qui est majoritaire, c’est bien le clan Gbagbo qui la dominait. Souvenez-vous que l’Udcy, le Pit, le Fpi étaient pratiquement ensemble. Sur les membres qui composaient la commission centrale, ils avaient 8 et le Rhdp avait 12. Et, là, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont exigé que le président de la République soit représenté. A l’époque, c’était Laurent Gbagbo. Ensuite, ils ont exigé que le président de l’Assemblée nationale soit représenté. A l’époque, c’était Mamadou Koulibaly. Non contents d’avoir obtenu que ces personnalités soient représentées, ils ont demandé que le président du Conseil économique et social, le ministre de l’Economie et des finances et le ministre de l’Intérieur soient représentés. Mais, en dépit de tout cela, ils ont continué à faire croire que c’est le Rhdp qui dominait la Cei. Ils sont allés jusqu’à faire nommer (parce que cela n’était pas prévu par l’Accord de Pretoria) un vice-président. Le Rhdp a accepté que tous ces réaménagements soient faits parce que son souci était que tous les enfants de ce pays se rassemblent pour le construire. Aujourd’hui qu’ils ne sont plus au pouvoir, ils trouvent que c’est normal que les postes soient partagés moitié, moitié. En plus, on a la prétention de poser les exigences en parlant de Lmp et de Rhdp. Mais, qu’est-ce que représente Lmp ? D’après ce qu’ils disent, dans Lmp, il y a la société civile, des syndicats tels que Solidarité…
Qu’est-ce qui empêche malgré tout Alassane Ouattara de les recevoir pour leur dire ces vérités-là?
Le président de la République ne peut pas débattre de manière partisane avec des gens. C’est la constitution qui le prescrit. Des mouvements ont cours en ce moment dans le parti d’origine du président de la République. Un secrétaire général intérimaire a été nommé et, sous peu, le président pourrait demander que soit organisé un congrès afin qu’un nouveau leader soit désigné à la tête du Rdr. Comment voulez-vous que le président de la République qui a, Dieu seul sait, tellement d’urgences, aille s’empêtrer dans des débats avec des gens. S’il commence avec le Fpi, cela voudra dire que demain, il doit être disposé à discuter avec Lider (Liberté et démocratie pour la République, ndlr) et ensuite, ce sera le Rppp, etc. Je pense que le président de la République doit discuter des problèmes majeurs de la nation. Pour ces problèmes politiques, ils peuvent, par exemple, demander à rencontrer le Rhdp pour discuter puisque nous sommes derrière le président de la République. S’ils sont Lmp, qu’ils viennent discuter avec nous.
Parlant de Mamadou Koulibaly, vous avez dit tout à l’heure qu’il était le président de l’Assemblée nationale. Est-ce à dire que pour vous, il n’est plus le chef de cette institution ou que celle-ci n’existe plus ?
Ma conception n’est pas que l’Assemblée nationale n’existe plus. Je constate ce qui s’est passé depuis des années. L’Assemblée nationale était-là, comme beaucoup de gens le voyaient, je ne sais pas si les sessions se tenaient ou si elle votait les budgets. Mais, je pense qu’il était le président de l’Assemblée nationale sur la base de son appartenance au Fpi. Aujourd’hui, il est le président d’un autre parti. Est-ce que c’est l’individu, le président d’un parti ou l’ancien président d’un parti, tout ça est tellement compliqué que je préfère, avec la clarté dire l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Vous dites cela parce qu’il n’est plus au Fpi ou parce que l’Assemblée nationale doit être considérée comme dissoute depuis 2005 ?
J’ai dit que je constate que le budget n’était plus voté par cette institution. Par ailleurs, je constate un certain nombre de choses. Je constate par exemple, que sur la base de la résolution 1633 et sur les travaux du Groupe de travail international, notre Assemblée nationale s’était vu assigner d’autres missions que celle régalienne traditionnellement assignée à une Assemblée nationale. Cette mission devait consister à sillonner le pays, pour prêcher la paix et la réconciliation nationale. Cette mission était l’embryon de la commission de réconciliation.
A l’époque, Gbagbo avait dit pas question et vos députés continuaient à suivre ceux du Fpi à l’hémicycle…
Tout ça, c’est possible dès lors qu’il n’y a plus de règles. Nos députés ont certainement suivi…Quoique quand vous dites vos députés, il faudrait savoir qui c’est précisément. Est-ce que ce sont ceux qui se sont ralliés aux députés Fpi ?
Il y avait des députés du Pdci-Rda, de l’Udpci, du groupe Solidarité…
Il est possible qu’ils l’aient fait. Je ne les ai pas vu aller voter le budget. Je ne les ai pas non plus vus ensemble sillonner le pays pour aller semer les graines de la paix. Que faisaient-ils au juste ?
Après que Charles Konan Banny a formé son équipe, êtes-vous optimiste pour la mission de réconciliation qui lui a été confiée ?
D’abord, le président de cette commission est un homme de valeur, de conviction…
Vous dites cela parce qu’il est du Rhdp ?
Pas tellement cela. Avant qu’il ne soit même Premier ministre, c’est quelqu’un qui était reconnu pour ses valeurs intrinsèques. Il est né Pdci et il l’a toujours clamé. Il est gardien de la maison Pdci et il l’a dit. Il a servi tout le monde, il était à équidistance de toutes les positions politiques. Il a coopéré tant avec le Fpi qu’avec le chef de l’Etat, à l’époque qu’avec le Rhdp. C’est donc un homme de valeur qui a la lourde mission de réconcilier les Ivoiriens. Et, comme il le dit tout le temps, ce n’est pas la commission seule qui va réconcilier les Ivoiriens ; c’est chacun de nous. Cette réconciliation-là est d’abord individuelle avant d’être collective. Il va essayer avec l’équipe qu’il a formée, de faire avancer un peu les choses, avec l’esprit suivant, le dialogue, la vérité et la justice pour le pardon et l’oubli. J’ai l’habitude de dire que le pardon est fils de la vérité et la justice est mère de l’oubli.
Si Laurent Gbagbo venait à présenter ses excuses pour ce qui s’est passé, peut-il être pardonné et ne pas être conduit devant la Cpi ?
On se demande si ces gens sont honnêtes, francs, humbles dans leurs déclarations. Au moment où nous parlons de réconciliation, que disent-ils ? Selon eux, c’est aujourd’hui qu’on voit des tueries hors procès que l’insécurité est à un niveau indescriptible. Je pense qu’il faut d’abord avoir l’humilité de reconnaître ce qu’on a fait. Même dans nos traditions, lorsque vous demandez à quelqu’un de vous pardonner, vous admettez que vous avez fait des choses pas bien. Il y en a qui disent qu’il ne s’est rien passé et qu’ils n’ont rien fait. Les autres veulent qu’on oublie ce qui s’est passé, de ne pas en parler, de ne pas regarder dans le rétroviseur. On ne peut pas aller loin avec cela. L’impunité doit cesser dans ce pays, sinon, nous continuerons de tourner en rond.
Il est donc fort probable que Laurent Gbagbo ne soit pas absout
Je ne sais pas ce que les Ivoiriens en diront. Mais, la justice se prononcera sur le cas Laurent Gbagbo.
Interview réalisée par Marc Dossa
Est-ce que le Rhdp n’a pas mis la charrue avant les bœufs s’agissant des législatives puisque l’ouverture des candidatures s’est faite alors même que les critères du consensus qu’on recherche n’ont pas été définis ?
Non, je pense que la méthode qui a été suivie me semble être la bonne. Ce n’est pas mettre la charrue avant les bœufs ; c’est travailler de telle manière que lorsque le top-départ sera donné, que nous soyons, les uns comme les autres, prêts. Même si on dit que nous allons en Rhdp, par exemple cela voudrait dire que dans la région de Gagnoa dont je suis originaire, le Pdci (Parti démocratique de Côte d’Ivoire, ndlr) va vraisemblablement présenter deux candidats pour les deux postes de députation à la commune. Si mon parti l’Udpci (Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire, ndlr) également a deux candidats et que le Rdr (Rassemblement des républicains, ndlr) également en a deux, plus le Mfa (Mouvement des forces d’avenir, ndlr) qui en a deux, il faudrait que, quelque part, nous Udpci nous sachions quels sont nos deux candidats. Il faudrait que le Pdci également sache les deux candidats qui vont compétir pour son compte à Gagnoa. La même chose pour les Mfa et pour le Rdr. Donc au moment où on va désigner le candidat ou les deux candidats du Rhdp, il faudrait qu’au niveau de nos 4 partis, nous ayons déjà au moins 8 candidats …sur le plateau. Et en ce moment-là, au niveau du Rhdp, nous tirons parmi les 8 candidats, les deux qui ont vraiment le profil et les atouts nécessaires pour faire gagner le Rhdp. Donc, le travail que nous faisons actuellement au niveau de chaque parti, prépare cette rencontre-là au niveau du Rhdp. Ce n’est pas mettre la charrue avant les bœufs. Parce que si ce travail préparatoire n’avait été fait au niveau des partis, donc à la base, il aurait été extrêmement difficile le ¨jour J¨ d’annoncer que tel et tel sont candidats… Il y aura deux candidats, un du Mfa, un du Rdr par exemple pour les deux postes. Dès lors que nous aurions vraiment avec objectivité vu les profils et les atouts des uns et des autres. Donc la charrue n’est pas vraiment avant les bœufs.
Mais vous convenez avec moi qu’il serait difficile pour ceux qui ont commencé à faire valoir leurs ambitions de se désister au profit de quelqu’un d’autre ?
Il revient aux directions des partis, au démembrement de ces directions de chacun des partis de comprendre que in fine, il se pourrait que nous allions en Rhdp. D’ailleurs, je pense que la tâche sera facile au niveau de l’intérieur du pays où, je crois, l’esprit Rhdp prédomine, et, préside pratiquement à tous les rassemblements Rhdp qui se font, plus qu’à Abidjan.
Etes-vous en train de dire qu’Abidjan il risque d’avoir quelques problèmes?
À Abidjan, il peut y avoir des problèmes tant que le Rhdp ne se sera pas réuni sur la base de la candidature commune. Mais dès lors que nous nous serons rencontrés après le travail préparatoire fait au niveau des partis, Abidjan va devoir se ranger dans le cadre des partis politiques.
De source proche du Rdr, certains voudraient qu’on tienne compte des scores réalisés par les différents leaders au premier tour pour rechercher le consensus. Sur cette base, par exemple, à Treichville, le Rdr réclame et la mairie et le poste de député.
Oui !
Est-ce que ces critères du score réalisé ne vont pas également vous fragiliser ?
Oui, ceux qui le disent c’est tout à fait légitime. Et c’est tout à fait vrai que le président de la République aujourd’hui sort des rangs du Rdr, et il est tout à fait normal que les ambitions à ce niveau-là soient ce qui est affiché par les uns et les autres. Mais là où il ya une petite erreur dans l’analyse, c’est que l’élection présidentielle est totalement différente des élections locales. Le président de la République est élu sur des bases, j’allais dire tellement nationales, qu’il n’est pas certain, que dans telle région parce que tel a été président, c’est son candidat qui obligatoirement sera élu dans la localité. Ce sont les personnalités des régions, des localités, qui feront les élections législatives, les municipales, comme pratiquement les conseils généraux. Bien entendu, ils seront pour ceux dont le président est aujourd’hui président de la République le bonus lors de leur campagne en disant, nous sommes le parti du président de la République. Ce sera un bonus pour eux. Mais, il n’est pas certain que le fait d’être du parti du président de la République, partout sur le territoire national dès lors qu’on dit je suis du camp du président, on sera automatiquement élu. Non ! Les personnalités se sont forgé une place dans leur localité, dans leur village, dans leur région, mais qui comptera obligatoirement au moment de ces types d’élections. Après que les partis ont fait l’étiage, lorsqu’ils auront tamisé un peu toutes les candidatures et qu’au niveau du Rhdp on se sera assis pour dire qui est candidat, c’est là que va jouer la réalité de la présence des uns et des autres sur le terrain.
Un leader qui a des ambitions peut dire, «j’ai fait en sorte que le président Ouattara arrive en tête». Sur cette base-là, il peut vouloir se présenter en candidature indépendante…
On a entendu pendant la campagne présidentielle, beaucoup de gens dire dans pas mal de régions, « oui, pour l’élection présidentielle, voilà celui pour qui je vais voter. Mais lorsqu’on en arrivera aux élections législatives, je sais également pour qui je vais voter ». Ce n’est pas toujours pour le camp du président ou contre le camp du président. Et c’est ce qui va jouer, parce que ces élections locales-là portent sur la personnalité de ceux qu’on va leur présenter. Dès lors qu’on sera à l’assemblée nationale, nous nous retrouvons, nous nous regroupons et le président élu aura obligatoirement la majorité qui lui faut pour mener sa politique.
A quel moment allez-vous définitivement arrêter les critères du consensus?
Nous avons demandé depuis bientôt 4 semaines, à chaque parti de nous faire un document sur sa stratégie, et ensuite nous avons mis en place déjà une commission de synthèse pour essayer de voir à peu près les différentes possibilités qui s’offrent à nous. Ce comité de synthèse va travailler, le directoire se réunit pour arrêter définitivement notre stratégie, puis ce document sera transféré à nos chefs, c’est-à-dire à la conférence donc des chefs du rassemblement qui nous donneront des instructions. C’est sur cette base-là que nous allons travailler.
Dans le cadre du second tour de la présidentielle, le président de Ouattara a fait des alliances avec certains partis qui ne sont pas forcément membre du Rhdp. Est-ce que ces alliances-là engagent le Rhdp ?
Pour l’heure et après les élections présidentielles, nous travaillons au directoire avec l’Upci (Union pour la Côte d’Ivoire, ndlr), avec le Pit (Parti ivoirien des travailleurs, ndlr) et ils prendront part à toutes les négociations pour les élections législatives et plus tard, les élections municipales.
Donc, les combinaisons dont vous parlez sont également valables pour les Forces nouvelles ?
Les Forces nouvelles, nous attendons leur document tout comme je vous l’ai dit, nous attendons le document du Rdr, le document du Mfa. Nous aurons leur document et puis elles entreront dans le moule que nous sommes en train de forger.
Votre parti espère réaliser un très bon score lors de ces législatives. Est-ce que dans le contexte actuel vous pensez pouvoir avoir la quinzaine des députés que vous avez eue lors des législatives de 2000 ?
Oui ! Lorsqu’on fait de la politique, on va aux élections, disons on va pour être oint de la décision du peuple avec l’espoir qu’on fera toujours mieux qu’hier. Effectivement, je ne vous cacherai pas que nous avons l’intention de tripler au moins les députés d’il y a 10 ans. C’est sur cette base que nous allons travailler.
Mais la réalité est que le parti est quand-même fragilisé depuis lors. Il y a au moins une dizaine de députés qui ont quitté les rangs du parti.
En son temps j’avais parlé des ténias. Et lorsque le corps est débarrassé de ces ténias, il devient beaucoup plus fort.
Mais, il n’empêche que des personnalités comme Blon Blaise, pèsent dans leurs bastions...
Oui ! Elle est tellement présente qu’on a vu la valse qu’il nous a offerte ces derniers mois.
Vous n’êtes pas visiblement dans la disposition d’esprit qui vous ferait revenir les dissidents à la maison...
Pour l’instant, nous n’avons pas perdu notre énergie pour ceux-là. Pourquoi voulez-vous que je pardonne à quelqu’un qui ne m’a même pas demandé de lui pardonner ? Pourquoi courir après des gens, pour dire venez alors qu’ils ont choisi de partir ? Si ces gens-là viennent qu’ils nous disent on s’est trompés, on veut revenir à la maison, oui, la porte de la maison de l’Udpci est ouverte. Pour l’heure, en tant que secrétaire général, je n’ai pas reçu pareille requête.
Allez-vous vous présenter à Gagnoa ?
Le parti en décidera et le Rhdp ensuite acceptera ou non ma candidature.
N’est-ce pas à vous de faire connaître au parti votre intention de vous présenter ?
C’est la voix normale, c’est la voix habituelle. Mais le parti peut également, en fonction de vos atouts, en fonction de votre profil, vous mettre en mission dans une circonscription.
Qu’est-ce qui vous manque, puisque la base vous réclamerait ?
Cela est déjà une bonne chose et je pense que ma direction est informée de cet état des choses et qu’elle me mettra en mission.
Plus on avance vers les élections locales, plus on constate des divisions à l’Udpci à Gagnoa, à Grand-Bassam...Que se passe-t-il ?
En ce qui concerne Gagnoa, mon adjoint, Bernard Ouréga a reçu la tendance qui voulait créer une deuxième coordination. Vous savez, pour créer une deuxième coordination, il y a des critères. Il doit notamment avoir une trentaine de personnes dans le bureau d’une coordination. Si les gens viennent avec un document qui ne contient qu’une dizaine ou une quinzaine qui sont, de surcroît, déjà fichés dans la première coordination, il n’est plus utile de créer une deuxième coordination. La direction a donc décidé que cette deuxième coordination telle que prévue, ne peut pas voir le jour à Gagnoa. Concernant Grand-Bassam, c’est un problème qui s’appuie sur la manière dont la campagne pour la présidentielle de l’année dernière, ndlr) a été gérée dans cette ville. Je crois que les torts ne sont pas tellement à la base. Ce sont peut-être des insuffisances qui ont été constatées au niveau de la direction qui ont créé la zizanie. Pour le règlement de ce genre de problème, c’est aussi mon adjoint, Bernard Ouréga qui est compétent et il s’attelle à trouver solution à cela. Les choses sont en train de rentrer dans l’ordre.
Le président de la République ne va-t-il pas se sentir gêné d’avoir une assemblée nationale monocolore vu que le Fpi menace de ne pas aller aux législatives ?
L’esprit qui anime le président Alassane Ouattara concernant le renforcement de la démocratie, ne fait de doute dans l’esprit de personne. Par conséquent, il serait souhaitable que dans la vérité, dans l’honnêteté, dans la bonne foi, que tous ceux qui clament qu’ils veulent construire notre pays, à tous les niveaux, notamment à ce niveau-là, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale, qu’ils jouent le jeu. Dès lors qu’on n’est pas constant dans l’analyse, dès qu’on se pose des questions de savoir si ce qui est dit, aujourd’hui, sera ce qui sera retenu demain, on peut avoir quelques doutes. Parce que le Rhdp existe avec quatre partis significatifs, il fallait en faire 31 pour dire qu’on est plus nombreux. Mais, les 31, c’était, pour la plupart 28 individus plus trois groupuscules d’individus plus le Fpi qui en était le noyau. Il s’agit d’un problème du Fpi, abusivement dénommé la Majorité présidentielle avec des partis dont on n’entend plus parler et qui veulent que toutes les règles du jeu soient changées pour qu’ils puissent se présenter aux élections législatives. Souvenez-vous qu’il y a eu le boycott actif en 1995.
Pensez-vous qu’ils sont dans la même logique ?
Aujourd’hui, ils ne peuvent pas. Ils ont fait leur preuve, ils ont eu le pouvoir pendant dix ans, un pouvoir monocolore, monolithique, avec tout ce qu’ils ont eu. Nous sommes dans l’esprit de la réconciliation, ce n’est pas la peine de revenir là-dessus. Aujourd’hui, ce sont des récriminations. Il faut tout changer. Je prends l’exemple de la Cei (Commission électorale indépendante, ndlr). Lorsque cette structure a été mise en place, la première fois avec Mambé, contrairement à ce qui était raconté, en disant notamment que c’est le Rhdp qui est majoritaire, c’est bien le clan Gbagbo qui la dominait. Souvenez-vous que l’Udcy, le Pit, le Fpi étaient pratiquement ensemble. Sur les membres qui composaient la commission centrale, ils avaient 8 et le Rhdp avait 12. Et, là, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont exigé que le président de la République soit représenté. A l’époque, c’était Laurent Gbagbo. Ensuite, ils ont exigé que le président de l’Assemblée nationale soit représenté. A l’époque, c’était Mamadou Koulibaly. Non contents d’avoir obtenu que ces personnalités soient représentées, ils ont demandé que le président du Conseil économique et social, le ministre de l’Economie et des finances et le ministre de l’Intérieur soient représentés. Mais, en dépit de tout cela, ils ont continué à faire croire que c’est le Rhdp qui dominait la Cei. Ils sont allés jusqu’à faire nommer (parce que cela n’était pas prévu par l’Accord de Pretoria) un vice-président. Le Rhdp a accepté que tous ces réaménagements soient faits parce que son souci était que tous les enfants de ce pays se rassemblent pour le construire. Aujourd’hui qu’ils ne sont plus au pouvoir, ils trouvent que c’est normal que les postes soient partagés moitié, moitié. En plus, on a la prétention de poser les exigences en parlant de Lmp et de Rhdp. Mais, qu’est-ce que représente Lmp ? D’après ce qu’ils disent, dans Lmp, il y a la société civile, des syndicats tels que Solidarité…
Qu’est-ce qui empêche malgré tout Alassane Ouattara de les recevoir pour leur dire ces vérités-là?
Le président de la République ne peut pas débattre de manière partisane avec des gens. C’est la constitution qui le prescrit. Des mouvements ont cours en ce moment dans le parti d’origine du président de la République. Un secrétaire général intérimaire a été nommé et, sous peu, le président pourrait demander que soit organisé un congrès afin qu’un nouveau leader soit désigné à la tête du Rdr. Comment voulez-vous que le président de la République qui a, Dieu seul sait, tellement d’urgences, aille s’empêtrer dans des débats avec des gens. S’il commence avec le Fpi, cela voudra dire que demain, il doit être disposé à discuter avec Lider (Liberté et démocratie pour la République, ndlr) et ensuite, ce sera le Rppp, etc. Je pense que le président de la République doit discuter des problèmes majeurs de la nation. Pour ces problèmes politiques, ils peuvent, par exemple, demander à rencontrer le Rhdp pour discuter puisque nous sommes derrière le président de la République. S’ils sont Lmp, qu’ils viennent discuter avec nous.
Parlant de Mamadou Koulibaly, vous avez dit tout à l’heure qu’il était le président de l’Assemblée nationale. Est-ce à dire que pour vous, il n’est plus le chef de cette institution ou que celle-ci n’existe plus ?
Ma conception n’est pas que l’Assemblée nationale n’existe plus. Je constate ce qui s’est passé depuis des années. L’Assemblée nationale était-là, comme beaucoup de gens le voyaient, je ne sais pas si les sessions se tenaient ou si elle votait les budgets. Mais, je pense qu’il était le président de l’Assemblée nationale sur la base de son appartenance au Fpi. Aujourd’hui, il est le président d’un autre parti. Est-ce que c’est l’individu, le président d’un parti ou l’ancien président d’un parti, tout ça est tellement compliqué que je préfère, avec la clarté dire l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Vous dites cela parce qu’il n’est plus au Fpi ou parce que l’Assemblée nationale doit être considérée comme dissoute depuis 2005 ?
J’ai dit que je constate que le budget n’était plus voté par cette institution. Par ailleurs, je constate un certain nombre de choses. Je constate par exemple, que sur la base de la résolution 1633 et sur les travaux du Groupe de travail international, notre Assemblée nationale s’était vu assigner d’autres missions que celle régalienne traditionnellement assignée à une Assemblée nationale. Cette mission devait consister à sillonner le pays, pour prêcher la paix et la réconciliation nationale. Cette mission était l’embryon de la commission de réconciliation.
A l’époque, Gbagbo avait dit pas question et vos députés continuaient à suivre ceux du Fpi à l’hémicycle…
Tout ça, c’est possible dès lors qu’il n’y a plus de règles. Nos députés ont certainement suivi…Quoique quand vous dites vos députés, il faudrait savoir qui c’est précisément. Est-ce que ce sont ceux qui se sont ralliés aux députés Fpi ?
Il y avait des députés du Pdci-Rda, de l’Udpci, du groupe Solidarité…
Il est possible qu’ils l’aient fait. Je ne les ai pas vu aller voter le budget. Je ne les ai pas non plus vus ensemble sillonner le pays pour aller semer les graines de la paix. Que faisaient-ils au juste ?
Après que Charles Konan Banny a formé son équipe, êtes-vous optimiste pour la mission de réconciliation qui lui a été confiée ?
D’abord, le président de cette commission est un homme de valeur, de conviction…
Vous dites cela parce qu’il est du Rhdp ?
Pas tellement cela. Avant qu’il ne soit même Premier ministre, c’est quelqu’un qui était reconnu pour ses valeurs intrinsèques. Il est né Pdci et il l’a toujours clamé. Il est gardien de la maison Pdci et il l’a dit. Il a servi tout le monde, il était à équidistance de toutes les positions politiques. Il a coopéré tant avec le Fpi qu’avec le chef de l’Etat, à l’époque qu’avec le Rhdp. C’est donc un homme de valeur qui a la lourde mission de réconcilier les Ivoiriens. Et, comme il le dit tout le temps, ce n’est pas la commission seule qui va réconcilier les Ivoiriens ; c’est chacun de nous. Cette réconciliation-là est d’abord individuelle avant d’être collective. Il va essayer avec l’équipe qu’il a formée, de faire avancer un peu les choses, avec l’esprit suivant, le dialogue, la vérité et la justice pour le pardon et l’oubli. J’ai l’habitude de dire que le pardon est fils de la vérité et la justice est mère de l’oubli.
Si Laurent Gbagbo venait à présenter ses excuses pour ce qui s’est passé, peut-il être pardonné et ne pas être conduit devant la Cpi ?
On se demande si ces gens sont honnêtes, francs, humbles dans leurs déclarations. Au moment où nous parlons de réconciliation, que disent-ils ? Selon eux, c’est aujourd’hui qu’on voit des tueries hors procès que l’insécurité est à un niveau indescriptible. Je pense qu’il faut d’abord avoir l’humilité de reconnaître ce qu’on a fait. Même dans nos traditions, lorsque vous demandez à quelqu’un de vous pardonner, vous admettez que vous avez fait des choses pas bien. Il y en a qui disent qu’il ne s’est rien passé et qu’ils n’ont rien fait. Les autres veulent qu’on oublie ce qui s’est passé, de ne pas en parler, de ne pas regarder dans le rétroviseur. On ne peut pas aller loin avec cela. L’impunité doit cesser dans ce pays, sinon, nous continuerons de tourner en rond.
Il est donc fort probable que Laurent Gbagbo ne soit pas absout
Je ne sais pas ce que les Ivoiriens en diront. Mais, la justice se prononcera sur le cas Laurent Gbagbo.
Interview réalisée par Marc Dossa