Il est l’un des cadres de l’ex-rébellion et fait partie du dernier carré de l ‘entourage du Secrétaire général ? Guillaume Soro. A l’occasion de l’an 9 de la rébellion qui a éclaté dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, Konaté Sidiki se dévoile. Dans cette interview, celui qui a été longtemps porte-parole des ex-rebelles fait le bilan de près d’une décennie de lutte. Il ne manque pas de livrer quelques petites anecdotes.
Le Patriote: Monsieur Sidiki Konaté, vous revenez de Paris où vous avez assisté à la cérémonie de remise du prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la Paix. Comment avez-vous vécu ces moments et quelles sont les leçons que vous en tirez pour votre pays qui sort d’une grave crise politique et militaire?
Konaté Sidiki: Avec la présence du président de la République de Côte d’Ivoire, de plusieurs chefs d’état d’anciens chefs d’état et de milliers de personnalités issues d’institutions ou de la société civile, ce prix a connu une renaissance et un nouveau prestige.
LP: Quels commentaires vous inspire le choix comme lauréat de l’ONG «les grands-mères de la place de Mai».
K S: La qualité du lauréat a donné un éclat particulier à la cérémonie. A travers le combat de ces femmes d’Argentine, j’ai vu défiler dans ma tête les images du combat des femmes d’Abobo et de toute la Côte d’Ivoire pour le triomphe de la révolution contre l’imposture de M. Laurent Gbagbo et des siens. Gloire et Hommage de toute l’humanité à ces femmes d’Argentine et à toutes les femmes qui ont combattu pour la justice, la liberté et aussi contre l’oubli.
LP: Les 10 et 11 septembre derniers, les Forces Nouvelles étaient en conclave à Bouaké, pour ouvrir des réflexions du mouvement. Pouvez-vous revenir dans les grandes lignes sur les grandes décisions qui ont sanctionné ce conclave?
K S : Ce conclave était la première rencontre de toutes les instances civiles des Forces Nouvelles depuis la chute du régime de M. Gbagbo. Nous avons fait le bilan du parcours des Forces Nouvelles depuis le 19 septembre 2002 jusqu’ à ce jour. Nous avons retenu que les promesses faites aux Ivoiriens pour une nouvelle Côte d’Ivoire et un nouvel ordre politique ( NOP) ont porté grâce à Dieu et grâce à notre constance et notre détermination sans faille. Même si par moments, certains des nôtres confondaient la tactique et la stratégie, nous retenons que le combat a porté. Nous avons aussi pris la décision de faire disparaître toutes les structures financières dont l’existence ne se justifie plus depuis les mesures importantes prises par le président de la République concernant l’Armée. Nous avons rendu un vibrant hommage au secrétaire général des forces nouvelles pour sa grande visibilité et sa gestion des Forces Nouvelles pendant ces 9 ans de lutte; nous avons aussi rendu hommage au président du Faso, SEM Blaise Compaoré, pour son soutien permanent et sa disponibilité; nous avons rendu hommage aux leaders du RHDP, les présidents Bédié, Alassane Ouattara et MM. Mabri, Gnamien et Anaky, aux cadres Forces nouvelles et aux populations pour leur engagement pour le triomphe de la démocratie dans la crise post-électorale. Nous avons décidé de ne pas nous transformer en parti politique car cela est contraire à nos objectifs initiaux. Nous sommes aujourd’hui membres de la grande coalition au pouvoir. Nous devons intégrer cette coalition définitivement parce que c’est là notre raison d’être et notre avenir commun. Afin que nous consolidions tous les acquis du combat du peuple de Côte d’Ivoire, qui place beaucoup d’espoir dans cette coalition et dans sa pérennité. Il faut que cette coalition au pouvoir y reste le plus longtemps possible pour l’émergence d’une nouvelle Côte d’Ivoire solide, démocratique et prospère. Ce serait une catastrophe si par nos turpitudes, nos divisions et nos ambitions démesurées, nous faisions revenir au pouvoir le FPI. Ce parti (FPI) est un parti fasciste, violent qui a cassé les fondements de la cohésion, de la démocratie dans nôtre pays. Comme le parti nazi, il ne doit plus revenir au pouvoir en Côte d’Ivoire. Au nom donc de la sauvegarde de la démocratie, de la paix et du développement, les forces coalisées du G8, qui ont combattu le régime de M. Gbagbo doivent renforcer leur statut et peaufiner la stratégie pour rester longtemps au pouvoir. Pour le grand bonheur du peuple de Côte d’Ivoire.
LP : Avec les résolutions du conclave, on peut dire que c’est la fin de la rébellion. Pensez-vous avoir accompli votre mission?
K S : Oui, c’est la fin de la longue crise ouverte en 2002 contre l’imposture pour le rétablissement de la démocratie, de la justice et la fin de l’exclusion contre une frange de la population ivoirienne que sont les nordistes. Donc pour nous, humblement, nous pensons avoir fait le mieux pour notre cause. C’est vrai que tout n’a pas été rose ou facile ; c’est vrai que nous avons perdu des frères et des sœurs dans ce combat ; mais nous disons merci à Dieu et à tous nos combattants civils ou militaires qui ont travaillé pour la réussite de ce combat difficile, unis derrière le secrétaire général des Forces Nouvelles, M. Soro Guillaume.
LP. Le fait que la rébellion dissolve sa branche politique et rejoigne le RHDP n’accrédite-t-il pas la thèse selon laquelle elle a été créée pour évincer Gbagbo du pouvoir?
K S : Non, nous avons pendant trois ans, travaillé avec M. Gbagbo dans le cadre de l’APO. Nous avons envers et contre tous, démontré notre neutralité dans la conduite de ce processus. Quand M. Gbagbo et ses partisans ont décidé l’imposture, nous avons décidé de défendre la démocratie en prenant cause pour la vérité. Il ne suffit pas seulement de se battre pour organiser des élections démocratiques, il était impérieux de se battre pour le respect et le triomphe de la démocratie contre l’imposture. Donc notre engagement est logique. Aujourd’hui, il s’agit pour tous les démocrates qui ont vu passer le pire de se mobiliser, de s’unir pour pérenniser la démocratie et les fruits de la liberté. Donc nous sommes constants et nous nous sentons bien aux côtés des partis du RHDP et de l’UPCI pour la construction de la nouvelle Côte d’Ivoire.
LP : Monsieur le ministre, vous êtes membre du gouvernement. Fondamentalement, qu’est ce qui a changé concernant les méthodes de travail en comparaison avec celles de l’ancien régime ?
K S : Le gouvernement est au travail. Il est plus engagé et proche des préoccupations du peuple. Même sans avoir la plénitude de ses moyens à cause de la sortie chaotique de la crise post-électorale, ce gouvernement se bat au quotidien pour apporter quelques solutions aux problèmes existant ou à venir. N’est-ce pas que gouverner, c’est servir le peuple, rien que le peuple ? C’est ce que nous nous évertuons à faire derrière un président de la République qui est un model et un Premier ministre aguerri.
LP : Il semble même qu’il n’est pas aisé de travailler avec le président Ouattara qui est très exigeant en matière de rendement ?
K S : C’est une chance pour nous tous de vivre au quotidien les qualités que le monde entier reconnait au président de la République. Pour nous jeunes, c’est une source d’inspiration et une base d’expérience directe dans la gestion des affaires de l’Etat. Quand on décide de prendre en charge la vie de millions de personnes, on ne rigole pas avec ça. On ne joue pas avec ça. C’est trop sérieux, trop important de travailler pour changer la vie de ces millions de personnes qui nous donnent mandat.
LP Objectivement, quels jugements portez-vous sur les 100 jours d’Alassane Ouattara au pouvoir ?
K S : Nous sommes au travail et c’est au peuple et aux observateurs de nous juger!
LP : La Côte d’Ivoire se remet lentement d’une crise post-électorale particulièrement meurtrière. Avec du recul, comment avez-vous vécu ces instants et quelle image gardez-vous de l’ancien président de la République ?
K S : Que Dieu fasse que nous ne vivions plus cette expérience avec un politicien en Côte d’Ivoire. C’était une grosse dérive inimaginable avec son cortège de méchancetés, de perversités, de meurtres communautaires et politiques programmés, de mépris pour la vie et la dignité humaine…Tout ça pour maintenir un individu à un pouvoir que le peuple ne lui a pas donné. M. Gbagbo a déçu partisans et adversaires pour avoir conduit ce pays dans un tel chaos et pour avoir vraiment mis en pratique sa thèse qui disait « après moi, c’est le chaos » ! Dieu merci après lui, la vie renaît en Côte d’Ivoire et partout dans la sous-région.
LP : Que répondez- vous à ses partisans qui réclament sa libération sans condition et en font même la condition d’une vraie réconciliation en Côte d’Ivoire ? N’y a-t-il pas à craindre une justice des vainqueurs sur les vaincus ?
K S : C’est un grand mépris pour toutes les victimes et pour toute la population qui a vécu tous ces drames, il faut que ces nostalgiques se ressaisissent en faisant leur mea culpa et leur repentir d’abord. Ce comportement de négationniste, qui consiste à faire croire que Gbagbo et les siens n’ont fait du mal à personne et qu’ils sont plutôt victimes de complot, ne va pas faciliter la réconciliation. Et pourtant le gouvernement fait beaucoup d’efforts pour calmer toute velléité de vengeance de la part des vraies victimes du régime Gbagbo, qui sont pourtant dans tous les coins de rue dans nos villes et campagnes. Certains farouches partisans de M. Gbagbo sont dans la provocation outrancière, alors qu’ils doivent faire profil bas pour toutes les atrocités et folies de leur régime dans la crise post -électorale. A trop tirer sur la corde, on finit par la casser. La justice pour châtier les dérives du régime de M. Gbagbo est un ciment fort pour la réconciliation vraie entre les Ivoiriens. Relâcher aujourd’hui M. Gbagbo et les siens sans jugement est une poudrière. Ce serait une grande injustice et le culte consacré de l’impunité pour des siècles et des siècles.
LP : La commission dialogue vérité et réconciliation a désormais tous ses membres au grand complet. Pensez-vous qu’elle soit assez représentative pour ramener la paix et la cohésion entre les Ivoiriens?
K S : Les membres de la commission sont crédibles. Si le président de la République a signé l’ordonnance, c’est parce qu’il est d’ accord sur la crédibilité des membres proposés. Il appartient maintenant à la commission de travailler à se faire respecter et accepter. Nous avons foi que ce sera le cas.
LP. Ne pensez-vous pas que les critiques qui fusent de partout à son endroit puissent la fragiliser?
K S : Il faut accepter la critique et travailler à démontrer que ceux qui critiquent ont eu tort. Ayons la culture de la critique qui est le ciment de la démocratie.
LP Depuis son lieu de détention, Laurent Gbagbo a porté plainte contre la France pour avoir détruit sa résidence. Que vous inspire cette accusation ?
K S : ça ne m’inspire rien. C’est plutôt vers le peuple de Côte d’Ivoire que M. Gbagbo doit tourner ces écrits pour lui dire pourquoi et comment il est arrivé à transformer la soif de démocratie du peuple ivoirien en cauchemar et drames de sang !
LP L’actualité est aussi marquée par la révélation de Robert Bourgi sur les 3 millions d’euros que Gbagbo aurait versés en 2002 au président Chirac. Quelle est votre réaction ?
K S : C’est un non événement pour nous qui avons la lourde tâche de sortir ce pays du chaos dans lequel M. Gbagbo et les siens l’ont plongé après les élections. Et puis je croyais que M. Gbagbo était contre la diplomatie des mallettes et la françafrique. Pourquoi prend-il des milliards de francs du contribuable ivoirien pour payer l’appui et le soutien du président Chirac, si cela est vrai ? Ça montre que la grosse idéologie de souveraineté, d’Ivoiriens de l’intérieur, de patriotes, prônée à longueur de journée sous l’ère Gbagbo…n’était que du bluff pour embrouiller l’esprit fragile des jeunes se disant patriotes.
LP L’actualité politique c’est aussi la sécurité. Il règne une atmosphère d’insécurité à Abidjan attribuée à tort ou à raison aux FRCI. Est-ce votre point de vue?
K S : Du travail se fait chaque jour par le gouvernement pour réduire les poches d’insécurité. Pour un pays qui sort à peine de guerre (3 mois déjà) c’est une prouesse qu’il faut saluer et encourager. D’ici janvier, refaisons le point et vous verrez que le pays aura géré cette question par l’engagement fort du gouvernement et du président de la République.
LP. Comment expliquez-vous le fait que certains éléments des FRCI soient aussi accusés d’arracher des voitures à leurs propriétaires.
K S : C’est un épiphénomène de quelques éléments qui n’ont encore rien compris. Mais la tendance se rétrécie. Il faut faire confiance à la grande majorité des FRCI qui travaille à proposer une nouvelle grille de sécurité et de défense à l’ensemble des populations vivant et travaillant en Côte d’Ivoire.
LP Monsieur Sidiki Konaté, cela fait exactement 9 ans, jour pour jour que la Côte d’Ivoire a connu sa première guerre ? Quels regards portez-vous sur cet évènement douloureux et pensez-vous, neuf ans plus tard, que vous avez bien fait de prendre les armes et que vos objectifs ont été atteints ?
K S : Nous avons fait ce que nous avions à faire pour permettre le retour de la démocratie, de l’égalité entre les Ivoiriens et de la justice. Cette option était la seule qui s’offrait à tous les combattants pour la démocratie. Travaillons tous maintenant à ce que personne ne se retrouve dans la situation une nécessité de prendre les armes pour réparer la grosse injustice faite à des millions de personnes. Déjà, cette assurance se trouve dans la marque politique et dans la gestion du pays faite par la coalition du G8 au pouvoir avec un président légal et légitime, SEM. Alassane Ouattara.
LP. Vous avez, pendant longtemps, été porte-parole des FN. Avez-vous eu, quand c’était très dur, des moments de doute au point de raccrocher?
K S : Un jour encore lointain, nous allons mettre tout cela sur papier. Nous sommes pour l’ heure à la tâche pour le président de la République et le Premier ministre Soro. Comme dans toute aventure de ce genre, il y a des hauts et des bas, des moments de haine et d’amour, des moments de doute et d’espoir. Mais nous avons gardé intact une constance en nous : « Quand c’est dur, ce sont les durs qui avancent ! ».
LP Durant toutes ces années, vous avez été au cœur de la rébellion, vous avez été de tous les accords et négociations. Avez-vous quelques anecdotes à livrer aux populations, maintenant que tout est fini?
K S : Nous avons beaucoup à relater et un jour nous le ferons dans un livre. Pour l’heure, nous voulons demeurer concentré et vigilant sur la phase actuelle de la sortie de crise qui nécessite beaucoup d’attention.
Une anecdote : Je garde pour moi l’image du président Bédié en janvier 2003 à Marcoussis, lorsqu’il a demandé à toute la salle de ne plus nous (Forces nouvelles) appeler ’’ les rebelles’’ mais plutôt ‘‘ Les Forces Nouvelles’’. Depuis cette date tout le monde nous appelle ‘’Forces Nouvelles !’’ Le président Bédié est le père de l’appellation Forces Nouvelles. Donc pour que le nom ‘’Forces Nouvelles’’ disparaisse, il faut qu’on obtienne l’autorisation du président Bédié!
LP : N’est-ce pas par crainte de vous faire rattraper par la CPI que les responsables des FN veulent se donner des immunités en étant Députés?
K S : C’est cynique et méchant de voir les choses sous cet angle ! C’est juste dans le prolongement de l’engagement politique de plusieurs années que certains souhaitent avoir une légitimité à travers le suffrage du peuple. Certains d’entre nous n’ont fait que de la politique depuis plus de 15 ans et même plus ; c’est logique et légitime qu’ils décident de faire de la politique, leur métier.
En ce qui concerne les supposés crimes, nous avons la conscience tranquille. Nous avons donné notre vie et notre jeunesse pour le triomphe d’une nouvelle Côte d’Ivoire fondée sur la démocratie, la justice, la dignité humaine, la cohésion sociale, etc.
Si nous devons terminer notre vie au tribunal pénal international pour ça, nous assumerons devant Dieu et devant l’histoire, avec une grande satisfaction morale. Nul n’échappe à son destin que Dieu lui a prescrit. Nous n’avons pas peur d’un procès et nous allons nous défendre courageusement comme nous l’avons toujours fait. La vie est un combat perpétuel entre le faux et le vrai, le mensonge et la vérité, l’injustice et la justice.
LP. Quels sont les secrets de l’arrestation de Gbagbo le 11 avril dernier?
K S : Dieu et la volonté humaine de ne pas laisser le mal et le mensonge l’emporter sur le bien et la vérité ! C’est cette force et cette conviction inébranlable qui nous ont fait sortir des zones CNO pour combattre jusqu’ au bunker de Gbagbo. Sans oublier aussi la volonté de toute la communauté internationale de ne plus laisser des petits tyrans menacer la démocratie et la vie de millions de personnes par l’ivresse de leur pouvoir.
LP Et de vos cinq mois passés en prison au Golf au moment du blocus de Gbagbo
K S : Une épreuve difficile et salutaire qui a permis de nous unir d’avantage, de clarifier et d’assainir beaucoup les relations entre nous Forces Nouvelles et les partis du RHDP. Le mensonge et la délation de quelques petits malins avaient grossi la suspicion entre nous. Le golf a clarifié les choses. C’est donc unis en cœur et en esprit que nous avons pu mener cette grande bataille à tous les niveaux jusqu’ à la remporter sur tous les plans, ce qui n’était pas évident.
INTERVIEW REALISEE PAR BAKARY NIMAGA ET YVES-M. ABIET
Le Patriote: Monsieur Sidiki Konaté, vous revenez de Paris où vous avez assisté à la cérémonie de remise du prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la Paix. Comment avez-vous vécu ces moments et quelles sont les leçons que vous en tirez pour votre pays qui sort d’une grave crise politique et militaire?
Konaté Sidiki: Avec la présence du président de la République de Côte d’Ivoire, de plusieurs chefs d’état d’anciens chefs d’état et de milliers de personnalités issues d’institutions ou de la société civile, ce prix a connu une renaissance et un nouveau prestige.
LP: Quels commentaires vous inspire le choix comme lauréat de l’ONG «les grands-mères de la place de Mai».
K S: La qualité du lauréat a donné un éclat particulier à la cérémonie. A travers le combat de ces femmes d’Argentine, j’ai vu défiler dans ma tête les images du combat des femmes d’Abobo et de toute la Côte d’Ivoire pour le triomphe de la révolution contre l’imposture de M. Laurent Gbagbo et des siens. Gloire et Hommage de toute l’humanité à ces femmes d’Argentine et à toutes les femmes qui ont combattu pour la justice, la liberté et aussi contre l’oubli.
LP: Les 10 et 11 septembre derniers, les Forces Nouvelles étaient en conclave à Bouaké, pour ouvrir des réflexions du mouvement. Pouvez-vous revenir dans les grandes lignes sur les grandes décisions qui ont sanctionné ce conclave?
K S : Ce conclave était la première rencontre de toutes les instances civiles des Forces Nouvelles depuis la chute du régime de M. Gbagbo. Nous avons fait le bilan du parcours des Forces Nouvelles depuis le 19 septembre 2002 jusqu’ à ce jour. Nous avons retenu que les promesses faites aux Ivoiriens pour une nouvelle Côte d’Ivoire et un nouvel ordre politique ( NOP) ont porté grâce à Dieu et grâce à notre constance et notre détermination sans faille. Même si par moments, certains des nôtres confondaient la tactique et la stratégie, nous retenons que le combat a porté. Nous avons aussi pris la décision de faire disparaître toutes les structures financières dont l’existence ne se justifie plus depuis les mesures importantes prises par le président de la République concernant l’Armée. Nous avons rendu un vibrant hommage au secrétaire général des forces nouvelles pour sa grande visibilité et sa gestion des Forces Nouvelles pendant ces 9 ans de lutte; nous avons aussi rendu hommage au président du Faso, SEM Blaise Compaoré, pour son soutien permanent et sa disponibilité; nous avons rendu hommage aux leaders du RHDP, les présidents Bédié, Alassane Ouattara et MM. Mabri, Gnamien et Anaky, aux cadres Forces nouvelles et aux populations pour leur engagement pour le triomphe de la démocratie dans la crise post-électorale. Nous avons décidé de ne pas nous transformer en parti politique car cela est contraire à nos objectifs initiaux. Nous sommes aujourd’hui membres de la grande coalition au pouvoir. Nous devons intégrer cette coalition définitivement parce que c’est là notre raison d’être et notre avenir commun. Afin que nous consolidions tous les acquis du combat du peuple de Côte d’Ivoire, qui place beaucoup d’espoir dans cette coalition et dans sa pérennité. Il faut que cette coalition au pouvoir y reste le plus longtemps possible pour l’émergence d’une nouvelle Côte d’Ivoire solide, démocratique et prospère. Ce serait une catastrophe si par nos turpitudes, nos divisions et nos ambitions démesurées, nous faisions revenir au pouvoir le FPI. Ce parti (FPI) est un parti fasciste, violent qui a cassé les fondements de la cohésion, de la démocratie dans nôtre pays. Comme le parti nazi, il ne doit plus revenir au pouvoir en Côte d’Ivoire. Au nom donc de la sauvegarde de la démocratie, de la paix et du développement, les forces coalisées du G8, qui ont combattu le régime de M. Gbagbo doivent renforcer leur statut et peaufiner la stratégie pour rester longtemps au pouvoir. Pour le grand bonheur du peuple de Côte d’Ivoire.
LP : Avec les résolutions du conclave, on peut dire que c’est la fin de la rébellion. Pensez-vous avoir accompli votre mission?
K S : Oui, c’est la fin de la longue crise ouverte en 2002 contre l’imposture pour le rétablissement de la démocratie, de la justice et la fin de l’exclusion contre une frange de la population ivoirienne que sont les nordistes. Donc pour nous, humblement, nous pensons avoir fait le mieux pour notre cause. C’est vrai que tout n’a pas été rose ou facile ; c’est vrai que nous avons perdu des frères et des sœurs dans ce combat ; mais nous disons merci à Dieu et à tous nos combattants civils ou militaires qui ont travaillé pour la réussite de ce combat difficile, unis derrière le secrétaire général des Forces Nouvelles, M. Soro Guillaume.
LP. Le fait que la rébellion dissolve sa branche politique et rejoigne le RHDP n’accrédite-t-il pas la thèse selon laquelle elle a été créée pour évincer Gbagbo du pouvoir?
K S : Non, nous avons pendant trois ans, travaillé avec M. Gbagbo dans le cadre de l’APO. Nous avons envers et contre tous, démontré notre neutralité dans la conduite de ce processus. Quand M. Gbagbo et ses partisans ont décidé l’imposture, nous avons décidé de défendre la démocratie en prenant cause pour la vérité. Il ne suffit pas seulement de se battre pour organiser des élections démocratiques, il était impérieux de se battre pour le respect et le triomphe de la démocratie contre l’imposture. Donc notre engagement est logique. Aujourd’hui, il s’agit pour tous les démocrates qui ont vu passer le pire de se mobiliser, de s’unir pour pérenniser la démocratie et les fruits de la liberté. Donc nous sommes constants et nous nous sentons bien aux côtés des partis du RHDP et de l’UPCI pour la construction de la nouvelle Côte d’Ivoire.
LP : Monsieur le ministre, vous êtes membre du gouvernement. Fondamentalement, qu’est ce qui a changé concernant les méthodes de travail en comparaison avec celles de l’ancien régime ?
K S : Le gouvernement est au travail. Il est plus engagé et proche des préoccupations du peuple. Même sans avoir la plénitude de ses moyens à cause de la sortie chaotique de la crise post-électorale, ce gouvernement se bat au quotidien pour apporter quelques solutions aux problèmes existant ou à venir. N’est-ce pas que gouverner, c’est servir le peuple, rien que le peuple ? C’est ce que nous nous évertuons à faire derrière un président de la République qui est un model et un Premier ministre aguerri.
LP : Il semble même qu’il n’est pas aisé de travailler avec le président Ouattara qui est très exigeant en matière de rendement ?
K S : C’est une chance pour nous tous de vivre au quotidien les qualités que le monde entier reconnait au président de la République. Pour nous jeunes, c’est une source d’inspiration et une base d’expérience directe dans la gestion des affaires de l’Etat. Quand on décide de prendre en charge la vie de millions de personnes, on ne rigole pas avec ça. On ne joue pas avec ça. C’est trop sérieux, trop important de travailler pour changer la vie de ces millions de personnes qui nous donnent mandat.
LP Objectivement, quels jugements portez-vous sur les 100 jours d’Alassane Ouattara au pouvoir ?
K S : Nous sommes au travail et c’est au peuple et aux observateurs de nous juger!
LP : La Côte d’Ivoire se remet lentement d’une crise post-électorale particulièrement meurtrière. Avec du recul, comment avez-vous vécu ces instants et quelle image gardez-vous de l’ancien président de la République ?
K S : Que Dieu fasse que nous ne vivions plus cette expérience avec un politicien en Côte d’Ivoire. C’était une grosse dérive inimaginable avec son cortège de méchancetés, de perversités, de meurtres communautaires et politiques programmés, de mépris pour la vie et la dignité humaine…Tout ça pour maintenir un individu à un pouvoir que le peuple ne lui a pas donné. M. Gbagbo a déçu partisans et adversaires pour avoir conduit ce pays dans un tel chaos et pour avoir vraiment mis en pratique sa thèse qui disait « après moi, c’est le chaos » ! Dieu merci après lui, la vie renaît en Côte d’Ivoire et partout dans la sous-région.
LP : Que répondez- vous à ses partisans qui réclament sa libération sans condition et en font même la condition d’une vraie réconciliation en Côte d’Ivoire ? N’y a-t-il pas à craindre une justice des vainqueurs sur les vaincus ?
K S : C’est un grand mépris pour toutes les victimes et pour toute la population qui a vécu tous ces drames, il faut que ces nostalgiques se ressaisissent en faisant leur mea culpa et leur repentir d’abord. Ce comportement de négationniste, qui consiste à faire croire que Gbagbo et les siens n’ont fait du mal à personne et qu’ils sont plutôt victimes de complot, ne va pas faciliter la réconciliation. Et pourtant le gouvernement fait beaucoup d’efforts pour calmer toute velléité de vengeance de la part des vraies victimes du régime Gbagbo, qui sont pourtant dans tous les coins de rue dans nos villes et campagnes. Certains farouches partisans de M. Gbagbo sont dans la provocation outrancière, alors qu’ils doivent faire profil bas pour toutes les atrocités et folies de leur régime dans la crise post -électorale. A trop tirer sur la corde, on finit par la casser. La justice pour châtier les dérives du régime de M. Gbagbo est un ciment fort pour la réconciliation vraie entre les Ivoiriens. Relâcher aujourd’hui M. Gbagbo et les siens sans jugement est une poudrière. Ce serait une grande injustice et le culte consacré de l’impunité pour des siècles et des siècles.
LP : La commission dialogue vérité et réconciliation a désormais tous ses membres au grand complet. Pensez-vous qu’elle soit assez représentative pour ramener la paix et la cohésion entre les Ivoiriens?
K S : Les membres de la commission sont crédibles. Si le président de la République a signé l’ordonnance, c’est parce qu’il est d’ accord sur la crédibilité des membres proposés. Il appartient maintenant à la commission de travailler à se faire respecter et accepter. Nous avons foi que ce sera le cas.
LP. Ne pensez-vous pas que les critiques qui fusent de partout à son endroit puissent la fragiliser?
K S : Il faut accepter la critique et travailler à démontrer que ceux qui critiquent ont eu tort. Ayons la culture de la critique qui est le ciment de la démocratie.
LP Depuis son lieu de détention, Laurent Gbagbo a porté plainte contre la France pour avoir détruit sa résidence. Que vous inspire cette accusation ?
K S : ça ne m’inspire rien. C’est plutôt vers le peuple de Côte d’Ivoire que M. Gbagbo doit tourner ces écrits pour lui dire pourquoi et comment il est arrivé à transformer la soif de démocratie du peuple ivoirien en cauchemar et drames de sang !
LP L’actualité est aussi marquée par la révélation de Robert Bourgi sur les 3 millions d’euros que Gbagbo aurait versés en 2002 au président Chirac. Quelle est votre réaction ?
K S : C’est un non événement pour nous qui avons la lourde tâche de sortir ce pays du chaos dans lequel M. Gbagbo et les siens l’ont plongé après les élections. Et puis je croyais que M. Gbagbo était contre la diplomatie des mallettes et la françafrique. Pourquoi prend-il des milliards de francs du contribuable ivoirien pour payer l’appui et le soutien du président Chirac, si cela est vrai ? Ça montre que la grosse idéologie de souveraineté, d’Ivoiriens de l’intérieur, de patriotes, prônée à longueur de journée sous l’ère Gbagbo…n’était que du bluff pour embrouiller l’esprit fragile des jeunes se disant patriotes.
LP L’actualité politique c’est aussi la sécurité. Il règne une atmosphère d’insécurité à Abidjan attribuée à tort ou à raison aux FRCI. Est-ce votre point de vue?
K S : Du travail se fait chaque jour par le gouvernement pour réduire les poches d’insécurité. Pour un pays qui sort à peine de guerre (3 mois déjà) c’est une prouesse qu’il faut saluer et encourager. D’ici janvier, refaisons le point et vous verrez que le pays aura géré cette question par l’engagement fort du gouvernement et du président de la République.
LP. Comment expliquez-vous le fait que certains éléments des FRCI soient aussi accusés d’arracher des voitures à leurs propriétaires.
K S : C’est un épiphénomène de quelques éléments qui n’ont encore rien compris. Mais la tendance se rétrécie. Il faut faire confiance à la grande majorité des FRCI qui travaille à proposer une nouvelle grille de sécurité et de défense à l’ensemble des populations vivant et travaillant en Côte d’Ivoire.
LP Monsieur Sidiki Konaté, cela fait exactement 9 ans, jour pour jour que la Côte d’Ivoire a connu sa première guerre ? Quels regards portez-vous sur cet évènement douloureux et pensez-vous, neuf ans plus tard, que vous avez bien fait de prendre les armes et que vos objectifs ont été atteints ?
K S : Nous avons fait ce que nous avions à faire pour permettre le retour de la démocratie, de l’égalité entre les Ivoiriens et de la justice. Cette option était la seule qui s’offrait à tous les combattants pour la démocratie. Travaillons tous maintenant à ce que personne ne se retrouve dans la situation une nécessité de prendre les armes pour réparer la grosse injustice faite à des millions de personnes. Déjà, cette assurance se trouve dans la marque politique et dans la gestion du pays faite par la coalition du G8 au pouvoir avec un président légal et légitime, SEM. Alassane Ouattara.
LP. Vous avez, pendant longtemps, été porte-parole des FN. Avez-vous eu, quand c’était très dur, des moments de doute au point de raccrocher?
K S : Un jour encore lointain, nous allons mettre tout cela sur papier. Nous sommes pour l’ heure à la tâche pour le président de la République et le Premier ministre Soro. Comme dans toute aventure de ce genre, il y a des hauts et des bas, des moments de haine et d’amour, des moments de doute et d’espoir. Mais nous avons gardé intact une constance en nous : « Quand c’est dur, ce sont les durs qui avancent ! ».
LP Durant toutes ces années, vous avez été au cœur de la rébellion, vous avez été de tous les accords et négociations. Avez-vous quelques anecdotes à livrer aux populations, maintenant que tout est fini?
K S : Nous avons beaucoup à relater et un jour nous le ferons dans un livre. Pour l’heure, nous voulons demeurer concentré et vigilant sur la phase actuelle de la sortie de crise qui nécessite beaucoup d’attention.
Une anecdote : Je garde pour moi l’image du président Bédié en janvier 2003 à Marcoussis, lorsqu’il a demandé à toute la salle de ne plus nous (Forces nouvelles) appeler ’’ les rebelles’’ mais plutôt ‘‘ Les Forces Nouvelles’’. Depuis cette date tout le monde nous appelle ‘’Forces Nouvelles !’’ Le président Bédié est le père de l’appellation Forces Nouvelles. Donc pour que le nom ‘’Forces Nouvelles’’ disparaisse, il faut qu’on obtienne l’autorisation du président Bédié!
LP : N’est-ce pas par crainte de vous faire rattraper par la CPI que les responsables des FN veulent se donner des immunités en étant Députés?
K S : C’est cynique et méchant de voir les choses sous cet angle ! C’est juste dans le prolongement de l’engagement politique de plusieurs années que certains souhaitent avoir une légitimité à travers le suffrage du peuple. Certains d’entre nous n’ont fait que de la politique depuis plus de 15 ans et même plus ; c’est logique et légitime qu’ils décident de faire de la politique, leur métier.
En ce qui concerne les supposés crimes, nous avons la conscience tranquille. Nous avons donné notre vie et notre jeunesse pour le triomphe d’une nouvelle Côte d’Ivoire fondée sur la démocratie, la justice, la dignité humaine, la cohésion sociale, etc.
Si nous devons terminer notre vie au tribunal pénal international pour ça, nous assumerons devant Dieu et devant l’histoire, avec une grande satisfaction morale. Nul n’échappe à son destin que Dieu lui a prescrit. Nous n’avons pas peur d’un procès et nous allons nous défendre courageusement comme nous l’avons toujours fait. La vie est un combat perpétuel entre le faux et le vrai, le mensonge et la vérité, l’injustice et la justice.
LP. Quels sont les secrets de l’arrestation de Gbagbo le 11 avril dernier?
K S : Dieu et la volonté humaine de ne pas laisser le mal et le mensonge l’emporter sur le bien et la vérité ! C’est cette force et cette conviction inébranlable qui nous ont fait sortir des zones CNO pour combattre jusqu’ au bunker de Gbagbo. Sans oublier aussi la volonté de toute la communauté internationale de ne plus laisser des petits tyrans menacer la démocratie et la vie de millions de personnes par l’ivresse de leur pouvoir.
LP Et de vos cinq mois passés en prison au Golf au moment du blocus de Gbagbo
K S : Une épreuve difficile et salutaire qui a permis de nous unir d’avantage, de clarifier et d’assainir beaucoup les relations entre nous Forces Nouvelles et les partis du RHDP. Le mensonge et la délation de quelques petits malins avaient grossi la suspicion entre nous. Le golf a clarifié les choses. C’est donc unis en cœur et en esprit que nous avons pu mener cette grande bataille à tous les niveaux jusqu’ à la remporter sur tous les plans, ce qui n’était pas évident.
INTERVIEW REALISEE PAR BAKARY NIMAGA ET YVES-M. ABIET