Une mémoire tournée vers l’avenir
La proclamation solennelle de la rupture avec les réflexes du passé signifie aussi bien pour les Ivoiriens que pour ceux qui vivent en Côte d’Ivoire qu’ils doivent progressivement se débarrasser des mauvaises habitudes qui les ont conduits là où on sait. L’aube nouvelle doit donc annoncer l’avènement d’une société sortie des entrailles de la violence où tous les citoyens retrouvent leur place.
Ainsi, en octroyant la parole pleine et entière aux citoyens, place doit être donnée au travail. Surtout que ce ne sont pas les compétences et les talents qui manquent. Bien au contraire ! Tout comme, du reste, la volonté politique qui se signale. Et qui a décidé de faire siennes les valeurs morales et sociales seules à même de reconstituer la grande famille que des sœurs et frères venus d’ailleurs viennent grossir. Défis difficiles à relever ? Certainement pas ! Surtout quand on sait que les grands défis sont faits pour les grands hommes. Qui ont pour eux, l’amour de la Patrie et du peuple. Du peuple qui les suivra dès qu’il se sentira vraiment concerné.
En l’espèce, cette approche surfe sur les valeurs incarnées par la pratique du civisme. Or, il est de notoriété que le civisme est inséparable de l’amour de la Patrie. L’un et l’autre devraient être enseignés aux enfants. Comme aux adultes aussi, du reste. Car, l’évanescence de ces valeurs ne peut que provoquer la déperdition des sociétés en mal de repères.
Il est donc temps d’emprunter le bon chemin. Celui qui conduit à la maîtrise de notre moi intérieur en vue d’apprivoiser l’ombre qui assure le contact avec les profondeurs cachées de notre âme. Et qui nous permet de mieux comprendre certains coups du sort1 qui nous frappent.
Tels tous ces drames que nous venons de vivre. Avant, pendant et après les dernières élections. Aussi, cher compatriote, il est temps d’accepter d’opter pour l’examen de tes peurs, de tes répugnances et de tes antipathies. Surtout que le chemin de la dynamique du pardon t’est largement ouvert.
Même si pardonner ne signifie pas oublier, le seul fait de l’accepter peut créer une dynamique de vie positive. Et ce, après les pires offenses subies. C’est ce que démontrent de multiples exemples, individuels ou collectifs, de pardon. Ainsi, « le pardon est plus un acte qui invente un avenir qu’un acte qui efface le passé «. Inversement, entretenir un sentiment de rancune, voire de vengeance, s’avère toujours néfaste. Parce que, comme le dit si bien un proverbe chinois : « Celui qui poursuit la vengeance devrait creuser deux tombes ”. Comme quoi, l’esprit de vengeance apparaît très vite comme une seconde cause de souffrance.
L’Afrique du Sud, qui a longtemps vécu sous le joug de l’apartheid2, nous donne l’exemple. Environ 15 000 victimes avaient répondu à l’appel de la Commission vérité et réconciliation pour parler des douleurs à elles infligées, des injustices et des tortures qu’elles avaient subies. Plus de 5 000 bourreaux étaient présents. Ils ont admis leurs crimes. Et ont été amnistiés. Pour la première fois dans l’Histoire, le pardon a été demandé à un niveau national. Il y avait là quelque chose d’extraordinaire, de difficile à concevoir.
Comme le souligne le rapport, pour cette Commission présidée par Monseigneur Desmond Tutu, « il ne s’agit pas de balayer les souvenirs du passé, mais de créer une forme de mémoire expurgée de souffrance, d’amertume, de revanche, de crainte ou de culpabilité «. Plus loin, le rapport insiste sur le lien entre mémoire et pardon : « L’amnistie conduit à l’enfer. Il n’y a pas d’avenir sans pardon, et pour pardonner, il faut savoir ce qui s’est déroulé. Pour ne pas que nous répétions ce qui est arrivé ”.
Comme acteur, les faits et gestes du président Nelson Mandela ont eu un impact symbolique majeur dans ce processus. Il a, par exemple, invité chez lui, pour le thé, le magistrat blanc qui l’avait condamné à perpétuité et jeté au bagne de Robben Island ; et il a reçu à déjeuner les veuves de plusieurs fondateurs de l’apartheid.
Aussi, dans un article intitulé « Pardonne, mais n’oublie pas », s’appesantit-il sur la nécessaire quête de la réconciliation qui a été l’objectif fondamental de son combat pour l’instauration d’un gouvernement respectueux des droits de l’homme. Pour lui, « les Sud-Africains doivent se souvenir du terrible passé de façon à pouvoir le gérer, pardonner, quand le pardon est nécessaire ; mais ne jamais oublier. En nous souvenant, nous nous assurons que plus jamais une telle barbarie ne nous meurtrira, et nous supprimons un héritage dangereux qui reste une menace pour notre démocratie. »
Que dire d’autre si ce n’est suivre cet exemple pouvant nous permettre de nous éloigner des voies sans issue qui ne peuvent que fragiliser davantage la cohésion sociale déjà érodée ?
Qui ne sait pas que la première réaction que tout individu peut avoir lorsque qu’il subit un préjudice, qu’il est insulté, trahit ou blessé… est de chercher à se venger ? On parle alors d’une vengeance active : faire mal à l’autre. Mais il y a aussi la vengeance passive dont on parle très peu. En quoi consiste-t-elle ? A toujours enquiquiner les autres. En leur rendant la vie impossible. Par tous les moyens. Elle est, entre autres, la cause de moult dépressions. Pouvons-nous, pour être heureux un instant, faire le choix de la vengeance ? « Si vous voulez être heureux un instant, vengez-vous ! Une petite vengeance, ça fait du bien sur le coup ! ”. Une autre maxime dit : “ Si vous voulez être heureux longtemps, au lieu de vous venger, pardonnez ! Soulevons le voile de l’oubli ”.
Que peut bien vouloir dire : « ne pas oublier ? » Ne pas pardonner ! Garder rancune ! Du coup, on oublie que si on ne pardonne pas et si on maintient en soi un ressentiment, on se condamne à vivre un stress continuel. Qui peut être à l’origine d’une hypertension, d’une arthrite ou même, peut-être, de certains cancers. C’est tellement vrai qu’aux Etats-Unis des médecins se sont aperçus que des traitements reposant sur la chimiothérapie n’avaient aucun effet parce que les malades avaient trop de la rancœur. Aussi, sont-ils obligés de demander à leurs patients, avant chaque chimiothérapie, de se défaire de tout esprit de vengeance qui pourrait les animer.
Une autre option, si on refuse de pardonner, est de vivre dans le passé. Parce qu’on n’a plus ni présent ni futur. Parce que tout est conditionné par la blessure reçue ; y compris la perception du monde.
Nombreuses sont les personnes qui éprouvent des difficultés à vivre normalement. Parce qu’elles ont perdu des êtres chers ou ont été “ massacrées par le destin ” Elles ne réalisent pas qu’elles n’ont pas le droit de s’emmurer dans le passé. Fort heureusement, il y a celles et ceux qui parviennent à se débarrasser de leurs ressentiments. Et qui empruntent allègrement les sentiers de la dynamique du pardon.
à l’analyse, les personnes blessées sont des personnes fragmentées. Qu’est-ce que cela signifie ? Eh bien, que lorsque quelqu’un vous fait très mal, vous avez très mal et très peur. Et il se produit alors un phénomène très curieux qu’on appelle l’identification à l’agresseur. Dans son souci de survivre, la victime s’identifie à son agresseur et est contaminée par ce dernier. Il s’ensuit une “ agression intérieure ” de la victime. Puis fatiguée de s’agresser, de souffrir et d’être traumatisée, la victime commencera par agresser, d’une manière ou d’une autre, ceux qui sont autour d’elle.
De tout ce qui précède, il ressort qu’il serait heureux que nous parvenions à pardonner afin que notre mémoire puisse laisser se cicatriser nos blessures et nous éloigne de nos rancœurs. Ainsi, malgré l’existence des cicatrices dans notre chair, elles ne feront plus mal. Ou si peu.
Comme on peut le constater, le pardon est souvent un acte héroïque. Il engage notre personnalité, nos facultés : notre sensibilité, notre cœur, notre intelligence, notre sagesse, tout y passe. C’est ce qui explique que le pardon est, avant tout, une belle démarche, un “ pèlerinage du cœur ”.
Mais pardonner ne veut pas forcément dire que vous excusez votre bourreau ou celui (ou celle) qui vous a offensé. Pardon et réconciliation ne peuvent aller de pair que s’ils sont sincères. Que s’ils sont dictés par le cœur - et l’âme ! - de celle (ou de celui) qui a été offensé. Chers compatriotes, “ à quoi bon parler de réconciliation si on ne parle pas - d’abord ! - de pardon ”. Parce que pour parler de pardon, il faut - d’abord - reconnaître que quelqu’un a été offensé. Pour parvenir donc à la réconciliation, il urge de passer par les étapes du pardon et de la reconnaissance des souffrances infligées. Il faut que la vérité soit dite. On ne peut pas la taire et prétendre vouloir se réconcilier.
De plus, pardonner ne signifie pas forcément renoncer à ses droits. Celui ou celle qui subit un préjudice matériel, moral, esthétique, d’agrément ou de jouissance peut exiger réparation. Même après avoir pardonné. Lorsqu’on a tiré sur le Pape, le Vatican ne s’est pas opposé à l’action de la justice. Le délinquant a été jugé et condamné. Ce n’est qu’après que le Pape est allé le voir en prison. Et lui a pardonné. Dans son dernier film, « Invictus », Clint Eastwood fait dire à Morgan Freeman, incarnant Nelson Mandela, ces phrases d’une profonde vérité :
« Le pardon libère l’âme !
Il fait disparaître la peur !
C’est pourquoi le pardon est une arme puissante».
Au total, une nouvelle chance nous est donnée de faire œuvre utile par la (re) construction de la Nation ivoirienne. L’action suivant l’intention, focalisons notre attention sur tout ce qui est positif en nous. Et mettons-le au service de notre nouvelle démarche : vivre ensemble pour bâtir une société ivoirienne plus harmonieuse. Chemin faisant, nous inscrirons nos bons souvenirs sur la pierre de l’édifice en construction et nos blessures sur le sable. Pour qu’elles disparaissent dès que soufflera le vent du pardon.
La vie est souvent généreuse, les épreuves peuvent le devenir aussi. Sachons tirer profit des longues bifurcations qui ont émaillé notre route ces dernières années en mettant en pratique les leçons qui en découlent. Consolidons notre vie ensemble par une amélioration de nos conditions d’existence et une perpétuelle remise en cause des failles de notre organisation administrative, sociale et judiciaire. C’est à ce titre - et à ce titre seulement - que notre pays, la Côte d’Ivoire, terre d’hospitalité ouverte sur le monde, pourra tirer profit de toutes ses intelligences, diverses et créatrices de progrès, pour se réconcilier avec elle-même. Demain est un autre jour.
1 - Voir Jeu de miroir Acte 42, page 51 le Trésorier, Revue du Trésor public ivoirien
2 - Apartheid : Ségrégation des populations basée sur le critère de la couleur de la peau, en Afrique du Sud où elle a été pratiquée officiellement jusqu’en 1990.
Par NorbertKOBENAN
nkoben1@yzhoo.fr
La proclamation solennelle de la rupture avec les réflexes du passé signifie aussi bien pour les Ivoiriens que pour ceux qui vivent en Côte d’Ivoire qu’ils doivent progressivement se débarrasser des mauvaises habitudes qui les ont conduits là où on sait. L’aube nouvelle doit donc annoncer l’avènement d’une société sortie des entrailles de la violence où tous les citoyens retrouvent leur place.
Ainsi, en octroyant la parole pleine et entière aux citoyens, place doit être donnée au travail. Surtout que ce ne sont pas les compétences et les talents qui manquent. Bien au contraire ! Tout comme, du reste, la volonté politique qui se signale. Et qui a décidé de faire siennes les valeurs morales et sociales seules à même de reconstituer la grande famille que des sœurs et frères venus d’ailleurs viennent grossir. Défis difficiles à relever ? Certainement pas ! Surtout quand on sait que les grands défis sont faits pour les grands hommes. Qui ont pour eux, l’amour de la Patrie et du peuple. Du peuple qui les suivra dès qu’il se sentira vraiment concerné.
En l’espèce, cette approche surfe sur les valeurs incarnées par la pratique du civisme. Or, il est de notoriété que le civisme est inséparable de l’amour de la Patrie. L’un et l’autre devraient être enseignés aux enfants. Comme aux adultes aussi, du reste. Car, l’évanescence de ces valeurs ne peut que provoquer la déperdition des sociétés en mal de repères.
Il est donc temps d’emprunter le bon chemin. Celui qui conduit à la maîtrise de notre moi intérieur en vue d’apprivoiser l’ombre qui assure le contact avec les profondeurs cachées de notre âme. Et qui nous permet de mieux comprendre certains coups du sort1 qui nous frappent.
Tels tous ces drames que nous venons de vivre. Avant, pendant et après les dernières élections. Aussi, cher compatriote, il est temps d’accepter d’opter pour l’examen de tes peurs, de tes répugnances et de tes antipathies. Surtout que le chemin de la dynamique du pardon t’est largement ouvert.
Même si pardonner ne signifie pas oublier, le seul fait de l’accepter peut créer une dynamique de vie positive. Et ce, après les pires offenses subies. C’est ce que démontrent de multiples exemples, individuels ou collectifs, de pardon. Ainsi, « le pardon est plus un acte qui invente un avenir qu’un acte qui efface le passé «. Inversement, entretenir un sentiment de rancune, voire de vengeance, s’avère toujours néfaste. Parce que, comme le dit si bien un proverbe chinois : « Celui qui poursuit la vengeance devrait creuser deux tombes ”. Comme quoi, l’esprit de vengeance apparaît très vite comme une seconde cause de souffrance.
L’Afrique du Sud, qui a longtemps vécu sous le joug de l’apartheid2, nous donne l’exemple. Environ 15 000 victimes avaient répondu à l’appel de la Commission vérité et réconciliation pour parler des douleurs à elles infligées, des injustices et des tortures qu’elles avaient subies. Plus de 5 000 bourreaux étaient présents. Ils ont admis leurs crimes. Et ont été amnistiés. Pour la première fois dans l’Histoire, le pardon a été demandé à un niveau national. Il y avait là quelque chose d’extraordinaire, de difficile à concevoir.
Comme le souligne le rapport, pour cette Commission présidée par Monseigneur Desmond Tutu, « il ne s’agit pas de balayer les souvenirs du passé, mais de créer une forme de mémoire expurgée de souffrance, d’amertume, de revanche, de crainte ou de culpabilité «. Plus loin, le rapport insiste sur le lien entre mémoire et pardon : « L’amnistie conduit à l’enfer. Il n’y a pas d’avenir sans pardon, et pour pardonner, il faut savoir ce qui s’est déroulé. Pour ne pas que nous répétions ce qui est arrivé ”.
Comme acteur, les faits et gestes du président Nelson Mandela ont eu un impact symbolique majeur dans ce processus. Il a, par exemple, invité chez lui, pour le thé, le magistrat blanc qui l’avait condamné à perpétuité et jeté au bagne de Robben Island ; et il a reçu à déjeuner les veuves de plusieurs fondateurs de l’apartheid.
Aussi, dans un article intitulé « Pardonne, mais n’oublie pas », s’appesantit-il sur la nécessaire quête de la réconciliation qui a été l’objectif fondamental de son combat pour l’instauration d’un gouvernement respectueux des droits de l’homme. Pour lui, « les Sud-Africains doivent se souvenir du terrible passé de façon à pouvoir le gérer, pardonner, quand le pardon est nécessaire ; mais ne jamais oublier. En nous souvenant, nous nous assurons que plus jamais une telle barbarie ne nous meurtrira, et nous supprimons un héritage dangereux qui reste une menace pour notre démocratie. »
Que dire d’autre si ce n’est suivre cet exemple pouvant nous permettre de nous éloigner des voies sans issue qui ne peuvent que fragiliser davantage la cohésion sociale déjà érodée ?
Qui ne sait pas que la première réaction que tout individu peut avoir lorsque qu’il subit un préjudice, qu’il est insulté, trahit ou blessé… est de chercher à se venger ? On parle alors d’une vengeance active : faire mal à l’autre. Mais il y a aussi la vengeance passive dont on parle très peu. En quoi consiste-t-elle ? A toujours enquiquiner les autres. En leur rendant la vie impossible. Par tous les moyens. Elle est, entre autres, la cause de moult dépressions. Pouvons-nous, pour être heureux un instant, faire le choix de la vengeance ? « Si vous voulez être heureux un instant, vengez-vous ! Une petite vengeance, ça fait du bien sur le coup ! ”. Une autre maxime dit : “ Si vous voulez être heureux longtemps, au lieu de vous venger, pardonnez ! Soulevons le voile de l’oubli ”.
Que peut bien vouloir dire : « ne pas oublier ? » Ne pas pardonner ! Garder rancune ! Du coup, on oublie que si on ne pardonne pas et si on maintient en soi un ressentiment, on se condamne à vivre un stress continuel. Qui peut être à l’origine d’une hypertension, d’une arthrite ou même, peut-être, de certains cancers. C’est tellement vrai qu’aux Etats-Unis des médecins se sont aperçus que des traitements reposant sur la chimiothérapie n’avaient aucun effet parce que les malades avaient trop de la rancœur. Aussi, sont-ils obligés de demander à leurs patients, avant chaque chimiothérapie, de se défaire de tout esprit de vengeance qui pourrait les animer.
Une autre option, si on refuse de pardonner, est de vivre dans le passé. Parce qu’on n’a plus ni présent ni futur. Parce que tout est conditionné par la blessure reçue ; y compris la perception du monde.
Nombreuses sont les personnes qui éprouvent des difficultés à vivre normalement. Parce qu’elles ont perdu des êtres chers ou ont été “ massacrées par le destin ” Elles ne réalisent pas qu’elles n’ont pas le droit de s’emmurer dans le passé. Fort heureusement, il y a celles et ceux qui parviennent à se débarrasser de leurs ressentiments. Et qui empruntent allègrement les sentiers de la dynamique du pardon.
à l’analyse, les personnes blessées sont des personnes fragmentées. Qu’est-ce que cela signifie ? Eh bien, que lorsque quelqu’un vous fait très mal, vous avez très mal et très peur. Et il se produit alors un phénomène très curieux qu’on appelle l’identification à l’agresseur. Dans son souci de survivre, la victime s’identifie à son agresseur et est contaminée par ce dernier. Il s’ensuit une “ agression intérieure ” de la victime. Puis fatiguée de s’agresser, de souffrir et d’être traumatisée, la victime commencera par agresser, d’une manière ou d’une autre, ceux qui sont autour d’elle.
De tout ce qui précède, il ressort qu’il serait heureux que nous parvenions à pardonner afin que notre mémoire puisse laisser se cicatriser nos blessures et nous éloigne de nos rancœurs. Ainsi, malgré l’existence des cicatrices dans notre chair, elles ne feront plus mal. Ou si peu.
Comme on peut le constater, le pardon est souvent un acte héroïque. Il engage notre personnalité, nos facultés : notre sensibilité, notre cœur, notre intelligence, notre sagesse, tout y passe. C’est ce qui explique que le pardon est, avant tout, une belle démarche, un “ pèlerinage du cœur ”.
Mais pardonner ne veut pas forcément dire que vous excusez votre bourreau ou celui (ou celle) qui vous a offensé. Pardon et réconciliation ne peuvent aller de pair que s’ils sont sincères. Que s’ils sont dictés par le cœur - et l’âme ! - de celle (ou de celui) qui a été offensé. Chers compatriotes, “ à quoi bon parler de réconciliation si on ne parle pas - d’abord ! - de pardon ”. Parce que pour parler de pardon, il faut - d’abord - reconnaître que quelqu’un a été offensé. Pour parvenir donc à la réconciliation, il urge de passer par les étapes du pardon et de la reconnaissance des souffrances infligées. Il faut que la vérité soit dite. On ne peut pas la taire et prétendre vouloir se réconcilier.
De plus, pardonner ne signifie pas forcément renoncer à ses droits. Celui ou celle qui subit un préjudice matériel, moral, esthétique, d’agrément ou de jouissance peut exiger réparation. Même après avoir pardonné. Lorsqu’on a tiré sur le Pape, le Vatican ne s’est pas opposé à l’action de la justice. Le délinquant a été jugé et condamné. Ce n’est qu’après que le Pape est allé le voir en prison. Et lui a pardonné. Dans son dernier film, « Invictus », Clint Eastwood fait dire à Morgan Freeman, incarnant Nelson Mandela, ces phrases d’une profonde vérité :
« Le pardon libère l’âme !
Il fait disparaître la peur !
C’est pourquoi le pardon est une arme puissante».
Au total, une nouvelle chance nous est donnée de faire œuvre utile par la (re) construction de la Nation ivoirienne. L’action suivant l’intention, focalisons notre attention sur tout ce qui est positif en nous. Et mettons-le au service de notre nouvelle démarche : vivre ensemble pour bâtir une société ivoirienne plus harmonieuse. Chemin faisant, nous inscrirons nos bons souvenirs sur la pierre de l’édifice en construction et nos blessures sur le sable. Pour qu’elles disparaissent dès que soufflera le vent du pardon.
La vie est souvent généreuse, les épreuves peuvent le devenir aussi. Sachons tirer profit des longues bifurcations qui ont émaillé notre route ces dernières années en mettant en pratique les leçons qui en découlent. Consolidons notre vie ensemble par une amélioration de nos conditions d’existence et une perpétuelle remise en cause des failles de notre organisation administrative, sociale et judiciaire. C’est à ce titre - et à ce titre seulement - que notre pays, la Côte d’Ivoire, terre d’hospitalité ouverte sur le monde, pourra tirer profit de toutes ses intelligences, diverses et créatrices de progrès, pour se réconcilier avec elle-même. Demain est un autre jour.
1 - Voir Jeu de miroir Acte 42, page 51 le Trésorier, Revue du Trésor public ivoirien
2 - Apartheid : Ségrégation des populations basée sur le critère de la couleur de la peau, en Afrique du Sud où elle a été pratiquée officiellement jusqu’en 1990.
Par NorbertKOBENAN
nkoben1@yzhoo.fr