Invitée de la Radio des nations Unies en Côte d’Ivoire, Onuci Fm, la secrétaire
générale adjointe du Fpi, chargée de la mobilisation des femmes, des structures
spécialisées et d’activités, par ailleurs, secrétaire nationale de l’Offpi, le député
Marie-Odette Lorougnon n’a pas pris de gants pour dire ses vérités sur la conduite
de la Côte d’Ivoire après la guerre postélectorale. Pour elle, la vraie réconciliation
passe par la libération du Président Laurent Gbagbo et de toutes les personnalités
Lmp détenues par le régime Ouattara.
Onuci Fm : Cinq mois après la chute du président Laurent Gbagbo, que vaut encore le FPI dans le paysage politique en Côte d’Ivoire ?
Marie Odette Lorougnon : le Fpi se porte bien. Nous avons été affaibli, c’est vrai avec la terreur qui s’est abattue sur nous. Mais nous asseyons de nous remettre.
Nous sortons la tête de l’eau. La preuve, nous nous sommes organisés et aujourd’hui
toutes les structures se mettent au travail. Vous avez vu qu’il y a eu un meeting à
Koumassi qui a connu un franc succès. Ça veut dire que le Fpi tient. Le Fpi est un parti qui est né dans l’adversité et donc il est prêt à affronter l’adversité quelque soit les difficultés.
Onuci Fm : Vous dites que le Fpi vit. Mamadou Koulibaly, ex-3ème vice-président du Fpi a créé un parti politique dénommé Lider. Récemment, le porte-parole de Laurent Gbagbo, Gervais Koulibaly a lancé Cap-Udd. Tous ces départs ne signifient-ils pas l’instabilité du parti ?
MOL : Non, le Fpi est un parti de liberté auquel on adhère librement et duquel on peut partir aussi librement. Il demeure avec des hommes et des femmes engagés qui se mettent au travail.
Onuci fm : Est-ce que le départ de Mamadou Koulibaly vous a surpris ?
MOL : Je ne veux pas m’attarder sur cette question.
Onuci fm : Le Fpi a-t-il un poids véritable dans le paysage politique ivoirien ?
MOL : Mais tout le monde sait très bien que le Fpi compte sur l’échiquier politique ivoirien. Il représente au moins la moitié de la population ivoirienne. Donc c’est un parti qui compte et qu’on se saurait ignorer.
Onuci Fm : Est-ce que le meilleur moyen aujourd’hui d’évaluer votre positionnement n’est pas de prendre part aux élections législatives ?
MOL : Nous avons posé des conditions pour les législatives. Si nous avons connu une guerre postélectorale, c’est bien par la faute du président actuel de la Cei. Nous ne lui faisons plus confiance. Et la composition de la Cei ne nous convient pas parce que nous pensons qu’aujourd’hui il y a deux grands blocs qui sont le Cnrd et le Rhdp. La commission centrale de la Cei étant composée de 31 membres, il faut une représentation équitable. C'est-à-dire 15 membres pour le Cnrd et 15 pour le Rhdp. La 31 énième personne devant représenter le chef de l’Etat.
Onuci Fm : Vous faisiez partie d’une délégation qui a rendu visite au président du Pdci-rda, Henri Konan Bedié, à Daoukro. Est-ce à dire que l’atmosphère politique est à l’apaisement ?
MOL : Nous avons toujours souhaité l’apaisement. C’est nous, le Fpi, qui avons prôné la transition pacifique à la démocratie. C’est nous qui sommes les parrains de la démocratie en Côte d’Ivoire.
Onuci fm : Comment voyez-vous la suite avec la commission dialogue, vérité et réconciliation. A-t-elle, selon vous, les moyens de faire taire les rancœurs entre les
ivoiriens ?
MOL : Il y a eu beaucoup de problèmes en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas la guerre postélectorale seulement. Et si on veut guérir la Côte d’Ivoire, il faut enlever tout le pus qu’il y a dans la plaie. Il faut que la Cdvr aille en profondeur des problèmes.
Le Président Laurent Gbagbo est un élément de taille pour la réussite de la réconciliation nationale. On ne parlera pas de réconciliation véritable si tous nos camarades qui sont de hauts cadres de ce pays sont en prison ou en exil. Donc le gouvernement doit tout mettre en œuvre pour que le président Gbagbo soit libéré et qu’il dise sa part de vérité et avec lui tous nos camarades qui sont détenus. Il y a comme je l’ai dit deux grands blocs. D’un coté, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. De l’autre, Laurent Gbagbo. Nous sommes des orphelins et eux, ils sont des héritiers comme ils se plaisent à le dire. Si Ouattara et Bedié conduisent leurs troupes à cette réconciliation, il faut aussi que Laurent Gbagbo conduise les siennes.
Onuci Fm : Le Fpi ne serait pas capable de survivre à Laurent Gbagbo ?
MOL : Le Fpi survit à Laurent Gbagbo. Mais le Fpi a pour guide Laurent Gbagbo, comme le Rdr a pour guide, Alassane Dramane Ouattara et le Pdci a pour guide, Henri Konan Bédié.
Onuci Fm : Le prix Félix Houphouet Boigny pour la recherche de la paix a été attribué aux Grands mères de la place de Mai en Argentine. Que pensez-vous de cette cérémonie qui s’est déroulée au siège de l’Unesco en présence de plusieurs hautes personnalités dont le chef de l’Etat, Alassane Ouattara ?
MOL : Le prix porte le nom d’un illustre fils de ce pays, feu le président Houphouët- Boigny qui fut le premier à diriger ce pays. A ce titre, c’est une bonne chose. Cela dit, ceux qui doivent être fiers, ce sont les argentins qui reçoivent le prix. Les Grands mères de la place de mai, ce sont des femmes argentines qui ont sauvé des enfants et à qui on rend hommage.
Onuci fm : Durant plusieurs années, le prix était plongé dans une certaine léthargie. Etait-ce une volonté de boycott de la part du pouvoir précédent ?
MOL : Je ne crois pas que Laurent Gbagbo ait boycotté un prix portant le nom de Félix Houphouët-Boigny. Le Président Gbagbo avait un profond respect pour le président Houphouët-Boigny. Mais je pourrais vous poser une question. Dans quelle condition se trouve aujourd’hui la Côte d’Ivoire quand nous allons célébrer la paix en France ? Les dirigeants doivent faire en sorte que la Côte d’Ivoire elle-même retrouve la paix et la sécurité avant que nous n’allions célébrer la paix dans un autre pays.
Onuci Fm : Les forces nouvelles veulent désormais travailler avec les partis
politiques du Rhdp. Ils proclament l’unicité des caisses de l’Etat. Ce sont les
conclusions de leur dernier conclave. En réaction, le Fpi a estimé que c’était un non-
événement. Mais la réalité est là, la coalition des Houphouëtistes se renforce…
MOL : Mais ce n’est pas nouveau. Cela fait quelques années qu’ils ont créé le G7.
Nous voulons les voir à l’acte. Nous voulons du concret. Si la branche armée est
dissoute et que la branche politique veut faire de la politique, c’est à eux d’apprécier.
Nous disons que rien n’est nouveau et pour nous effectivement, c’est un non-
événement. Il y a longtemps que nous demandons l’unicité des caisses. S’ils
pensent que le temps est venu de le faire, tant mieux. Ce qui nous parait important
aujourd’hui, c’est la sécurisation des populations à travers le pays. Est-ce qu’on
peut désarmer ceux qui détiennent illégalement des armes ? C’est ça qui est notre
problème.
Onuci Fm : Pour la convention de la société civile ivoirienne, le retour des refugiés
est la condition sine qua non de la réussite du processus de réconciliation nationale.
Selon vous, que font encore les ivoiriens à l’étranger alors que le président Ouattara
les a invités à rentrer et à prendre part à la vie sociopolitique et économique ?
MOL : Le chef de l’Etat invite, c’est une chose. Et le fait que les exilés rentrent est
une autre chose. Quelles sont les garanties qu’on leur donne pour qu’ils rentrent.
Dites-vous que tous ceux qui sont en exil, et même ceux qui sont détenus sont des
fils de ce pays. Est-ce que d’habitude, les ivoiriens se lèvent comme ça pour aller en
exil ? Quand on parle des gens qui aiment leur pays, c’est bien les ivoiriens. Donc, si
des ivoiriens sont en exil, posons-nous des questions.
Onuci Fm : Mais comment les rassurer ?
MOL : S’ils rentrent, il ne faut pas qu’ils soient inquiétés. C’est tout cela que nous
craignons et c’est pourquoi nous demandons qu’il y ait le désarmement de tous ceux
qui portent illégalement des armes. Le climat sécuritaire n’est pas propice. Ceux
qui sont partis ont fui la terreur qui s’est abattue sur nous. Ils n’ont plus de maisons.
Leurs biens ont été pillés. Moi qui suis devant vous, je n’ai plus de maison, je n’ai
plus de véhicules. Tous mes véhicules se trouvent actuellement dans le parc auto
d’un chef de guerre. Donc, nous voulons des garanties.
Onuci Fm : Parmi ces exilés, il y en a qui ont commis des actes répréhensibles. Est-
ce qu’au nom de la réconciliation nationale, on doit faire fi de la justice ?
MOL : Est-ce que ceux dont vous parlez étaient armés ? Que dites-vous de ceux
qui avaient des armes et qui ont posé des actes répréhensibles ? Que fait-on de
ceux qui ont tué, saccagé et pillé nos maisons, qui détiennent nos biens et qui
refusent de nous les rendre ? Je trouve injuste qu’on lance des mandats d’arrêt
seulement contre les partisans de Laurent Gbagbo. Par ailleurs, notre constitution
demande qu’aucun enfant de ce pays ne soit contraint à l’exil. C’est au nom de
cette constitution que Laurent Gbagbo avait fait rentrer d’exil, Henri Konan Bedié
et Alassane Dramane Ouattara. En lançant des mandats d’arrêt, ça veut dire qu’on
veut maintenir ces personnes en exil. Parce que celui qui ne veut pas venir répondre
restera à l’extérieur. Donc, il faut mettre balle à terre pour que les gens puissent
rentrer dans leur pays.
Onuci Fm : Certaines personnes s’attendent à ce que le Fpi fasse son mea culpa…
MOL : Le Fpi a fait quoi ? C’est le Fpi qui a été attaqué. Souvenez-vous de
septembre 2002. C’est ce qui a commencé en 2002 qui s’est achevé lors des
élections présidentielles. Je n’ai pas envie de dire beaucoup de choses. Vous avez
voulu m’interroger sur l’actualité, je préfère m’en tenir à cela.
Onuci Fm : Les bailleurs de fonds avaient déserté la Côte d’Ivoire depuis plusieurs
années et aujourd’hui, on enregistre un retour en force. La Côte d’Ivoire est-elle
aujourd’hui plus crédible qu’hier ?
MOL : La Côte d’Ivoire a toujours été crédible. Sous Laurent Gbagbo, elle a été plus
que crédible. C’est le travail que Laurent Gbagbo a commencé qui est en train d’être
achevé. Gbagbo avait déjà obtenu le point de décision de l’initiative PPTE et on lui
avait même promis le point d’achèvement. C’est le même ministre de Gbagbo qui est
aujourd’hui ministre de l’économie et des finances. Il n’y a rien de nouveau. C’est le
travail du président Gbagbo qui va être couronné.
Onuci Fm : Donc, c’est une continuité ?
MOL : C’est pourquoi nous voulons rappeler aux gouvernants actuels que
l’administration étant une continuité, il y a des choses qu’on ne fait pas
systématiquement.
Onuci Fm : Le Fmi pose des préalables pour la concrétisation de son appui à la Côte
d’Ivoire. Il s’agit notamment de l’amélioration de l’environnement sécuritaire et de la
tenue des élections législatives avant la fin de l’année. Est-ce que, pour vous, ces
obstacles sont surmontables ?
MOL : C’est un souhait pour nous qu’il y ait la sécurité. Il faut que les élections
soient sécurisées. Cela veut dire qu’il faut que les électeurs et les candidats soient
sécurisés. Est-ce qu’aujourd’hui, le Fpi et la majorité présidentielle (Lmp) qui sont
pourchassés peuvent librement faire campagne, avoir des partisans pour les
représenter dans les bureaux de vote ? C’est pourquoi nous insistons sur la question
de la sécurité.
Onuci Fm : Vous avez fait un meeting à Koumassi et il n’y a pas eu de problème de
sécurité…
MOL : Mais vous avez vu qu’aussitôt après ce meeting, le secrétaire général du Rdr
a menacé en disant que celui qui fait un meeting et tient des propos arrogants sera
maté. Vous comprenez qu’il n’y a pas de liberté. Il est secrétaire général d’un parti
politique. A ce titre, il n’a pas le droit de faire des injonctions à d’autres partis. Il est
bon que chacun connaisse sa place.
Onuci Fm : Les chefs d’état major des pays de la Cedeao ont eu à Monrovia
(Liberia), une rencontre en vue de la sécurisation des élections en octobre dans ce
pays. Les mesures de sécurisation prennent en compte la frontière ivoiro-libérienne.
Apres ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire où plusieurs mercenaires et miliciens ont
passé la frontière, peut-on craindre le même schéma dans ce pays ?
MOL : Mais je ne suis pas du Libéria, donc je ne peux pas le savoir. Si les chefs
d’état major des armées des pays de la Cedeao avaient commencé ce travail depuis
longtemps, avant 2002, la côte d’Ivoire n’aurait pas connu une rébellion armée. On
ne doit pas parler seulement de la frontière Ouest. La Côte d’Ivoire a des frontières
au nord avec le Burkina faso et le Mali. L’expérience de la crise a montré que le
danger ne vient pas que de la frontière Ouest du pays. Des dozos continuent de
rentrer en Côte d’Ivoire par la frontière nord, pourquoi on n’en parle pas ?
Onuci Fm : Les conflits intercommunautaires à l’Ouest ont favorisé le départ des
populations vers le Libéria…
MOL : Pensez-vous que ce sont les conflits intercommunautaires qui ont fait partir
les gens au Libéria ? Non, ceux qui sont allés au Libéria ont fui la rébellion armée de
2002 et la guerre postélectorale de 2011.
Onuci Fm : Le ministre de l’agriculture annonce des reformes dans le secteur. L’une
de ces reformes consiste à faire disparaitre toutes les structures de gestion de la
filière café-cacao. Une seule structure aura désormais la charge de gérer la filière.
Selon vous, qu’est ce qui n’a pas marché avec les anciennes structures ? Est-ce que
cette reforme peut être efficace ?
MOL : Je ne suis pas ici pour juger les uns et les autres. En tant que femme, je peux
m’interroger sur la place de la femme dans ces reformes. Je souhaite que les intérêts
des producteurs agricoles et de tous ceux qui travaillent la terre soient au centre de
ces reformes.
Onuci Fm : Doit-on retourner à la caisse de stabilisation ?
Mol : Ce que vous devez savoir, c’est que chaque gouvernement qui vient est libre
de faire ses reformes. C’est pourquoi, il aurait fallu laisser le Président Laurent
Gbagbo appliquer son programme de gouvernement et non lui imposer une guerre.
Dans notre rôle d’opposants que nous voulons assumer en toute responsabilité, il
nous appartiendra de formuler nos observations et critiques.
Onuci Fm : En votre qualité de secrétaire nationale de l’Offpi, vous avez fait une
déclaration pour dénoncer l’opération « Pays propre » menée par le ministère de
la salubrité urbaine. Pourtant, beaucoup de gens disent qu’aujourd’hui, Abidjan est
propre. Alors qu’est ce qui vous dérange dans cette opération ?
MOL : Une opération de salubrité ne pose pas de problème. C’est la méthode et les
conséquences dramatiques de cette opération qui nous inquiètent. On ne peut pas
démolir systématiquement les investissements de pauvres femmes et de jeunes
gens. Vous savez que le chômage a pris des proportions alarmantes. Et un bon
gouvernement est obligé de prendre en compte le secteur informel. Nous avons
assisté à un déguerpissement et une démolition systématiques de tous les petits
commerces. Apres cette guerre de 10 ans, il y a des femmes veuves avec des
enfants, des femmes abandonnées, des femmes dont les maris ont perdu leurs
emplois. C’est avec ces petits commerces qu’elles arrivent à subvenir aux besoins de
leurs enfants et de leur famille. C’est contre cela que nous nous sommes levées.
Onuci Fm : Est-ce à dire qu’il faut laisser chacun s’installer où il veut ?
MOL : Non, pas du tout. Nous disons qu’il faut dédommager et recaser toutes les
victimes. Parce qu’on ne peut pas détruire impunément le fruit du labeur de ces
milliers de personnes. En le faisant, on augmente la pauvreté et le chômage. En
politique, il faut un minimum d’humanisme et de solidarité, surtout que nous voulons
aller à la paix et à la réconciliation.
Onuci Fm : Avant de vous laisser partir, nous allons vous soumettre à notre
questionnaire de personnalités pour permettre à nos auditeurs de mieux vous
connaitre. Qui est votre modèle d’homme ou de femme politique ?
MOL : En Côte d’Ivoire, mon modèle c’est Simone Ehivet Gbagbo.
Onuci Fm : Qu’est-ce qui vous a marqué en cette femme ?
MOL : C’est une femme combattante et engagée. Elle combat pour les libertés, la
justice et la démocratie aux côtés de son époux. La deuxième femme à laquelle je
m’identifie est Winnie Mandela. Elle s’est battue pendant 27 ans avec détermination
contre l’apartheid et pour la libération de son mari.
Onuci Fm : Donc, vous êtes une femme de combat ?
MOL : Je suis une femme de combat et je m’identifie aux femmes qui se battent pour
les causes nobles.
Onuci Fm : Si vous étiez un livre ?
MOL : C’est la Bible qui comporte beaucoup d’enseignements.
Onuci Fm : Vous êtes croyante ?
MOL : Je suis croyante, pratiquante.
Onuci Fm : Et si vous étiez un film ?
MOL : C’est le film de Jésus qui nous enseigne beaucoup de valeurs.
Onuci Fm : Et si vous étiez une discipline sportive ?
MOL : C’est le football qui rassemble les peuples. Je voulais conclure en disant
que les autorités actuelles doivent créer les conditions d’une vraie réconciliation
nationale. Cela passe par la libération du Président Laurent Gbagbo et toutes les
personnalités détenues ainsi que le retour de tous les exilés.
Entretien retranscrit par Jean Khalil Sella
générale adjointe du Fpi, chargée de la mobilisation des femmes, des structures
spécialisées et d’activités, par ailleurs, secrétaire nationale de l’Offpi, le député
Marie-Odette Lorougnon n’a pas pris de gants pour dire ses vérités sur la conduite
de la Côte d’Ivoire après la guerre postélectorale. Pour elle, la vraie réconciliation
passe par la libération du Président Laurent Gbagbo et de toutes les personnalités
Lmp détenues par le régime Ouattara.
Onuci Fm : Cinq mois après la chute du président Laurent Gbagbo, que vaut encore le FPI dans le paysage politique en Côte d’Ivoire ?
Marie Odette Lorougnon : le Fpi se porte bien. Nous avons été affaibli, c’est vrai avec la terreur qui s’est abattue sur nous. Mais nous asseyons de nous remettre.
Nous sortons la tête de l’eau. La preuve, nous nous sommes organisés et aujourd’hui
toutes les structures se mettent au travail. Vous avez vu qu’il y a eu un meeting à
Koumassi qui a connu un franc succès. Ça veut dire que le Fpi tient. Le Fpi est un parti qui est né dans l’adversité et donc il est prêt à affronter l’adversité quelque soit les difficultés.
Onuci Fm : Vous dites que le Fpi vit. Mamadou Koulibaly, ex-3ème vice-président du Fpi a créé un parti politique dénommé Lider. Récemment, le porte-parole de Laurent Gbagbo, Gervais Koulibaly a lancé Cap-Udd. Tous ces départs ne signifient-ils pas l’instabilité du parti ?
MOL : Non, le Fpi est un parti de liberté auquel on adhère librement et duquel on peut partir aussi librement. Il demeure avec des hommes et des femmes engagés qui se mettent au travail.
Onuci fm : Est-ce que le départ de Mamadou Koulibaly vous a surpris ?
MOL : Je ne veux pas m’attarder sur cette question.
Onuci fm : Le Fpi a-t-il un poids véritable dans le paysage politique ivoirien ?
MOL : Mais tout le monde sait très bien que le Fpi compte sur l’échiquier politique ivoirien. Il représente au moins la moitié de la population ivoirienne. Donc c’est un parti qui compte et qu’on se saurait ignorer.
Onuci Fm : Est-ce que le meilleur moyen aujourd’hui d’évaluer votre positionnement n’est pas de prendre part aux élections législatives ?
MOL : Nous avons posé des conditions pour les législatives. Si nous avons connu une guerre postélectorale, c’est bien par la faute du président actuel de la Cei. Nous ne lui faisons plus confiance. Et la composition de la Cei ne nous convient pas parce que nous pensons qu’aujourd’hui il y a deux grands blocs qui sont le Cnrd et le Rhdp. La commission centrale de la Cei étant composée de 31 membres, il faut une représentation équitable. C'est-à-dire 15 membres pour le Cnrd et 15 pour le Rhdp. La 31 énième personne devant représenter le chef de l’Etat.
Onuci Fm : Vous faisiez partie d’une délégation qui a rendu visite au président du Pdci-rda, Henri Konan Bedié, à Daoukro. Est-ce à dire que l’atmosphère politique est à l’apaisement ?
MOL : Nous avons toujours souhaité l’apaisement. C’est nous, le Fpi, qui avons prôné la transition pacifique à la démocratie. C’est nous qui sommes les parrains de la démocratie en Côte d’Ivoire.
Onuci fm : Comment voyez-vous la suite avec la commission dialogue, vérité et réconciliation. A-t-elle, selon vous, les moyens de faire taire les rancœurs entre les
ivoiriens ?
MOL : Il y a eu beaucoup de problèmes en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas la guerre postélectorale seulement. Et si on veut guérir la Côte d’Ivoire, il faut enlever tout le pus qu’il y a dans la plaie. Il faut que la Cdvr aille en profondeur des problèmes.
Le Président Laurent Gbagbo est un élément de taille pour la réussite de la réconciliation nationale. On ne parlera pas de réconciliation véritable si tous nos camarades qui sont de hauts cadres de ce pays sont en prison ou en exil. Donc le gouvernement doit tout mettre en œuvre pour que le président Gbagbo soit libéré et qu’il dise sa part de vérité et avec lui tous nos camarades qui sont détenus. Il y a comme je l’ai dit deux grands blocs. D’un coté, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. De l’autre, Laurent Gbagbo. Nous sommes des orphelins et eux, ils sont des héritiers comme ils se plaisent à le dire. Si Ouattara et Bedié conduisent leurs troupes à cette réconciliation, il faut aussi que Laurent Gbagbo conduise les siennes.
Onuci Fm : Le Fpi ne serait pas capable de survivre à Laurent Gbagbo ?
MOL : Le Fpi survit à Laurent Gbagbo. Mais le Fpi a pour guide Laurent Gbagbo, comme le Rdr a pour guide, Alassane Dramane Ouattara et le Pdci a pour guide, Henri Konan Bédié.
Onuci Fm : Le prix Félix Houphouet Boigny pour la recherche de la paix a été attribué aux Grands mères de la place de Mai en Argentine. Que pensez-vous de cette cérémonie qui s’est déroulée au siège de l’Unesco en présence de plusieurs hautes personnalités dont le chef de l’Etat, Alassane Ouattara ?
MOL : Le prix porte le nom d’un illustre fils de ce pays, feu le président Houphouët- Boigny qui fut le premier à diriger ce pays. A ce titre, c’est une bonne chose. Cela dit, ceux qui doivent être fiers, ce sont les argentins qui reçoivent le prix. Les Grands mères de la place de mai, ce sont des femmes argentines qui ont sauvé des enfants et à qui on rend hommage.
Onuci fm : Durant plusieurs années, le prix était plongé dans une certaine léthargie. Etait-ce une volonté de boycott de la part du pouvoir précédent ?
MOL : Je ne crois pas que Laurent Gbagbo ait boycotté un prix portant le nom de Félix Houphouët-Boigny. Le Président Gbagbo avait un profond respect pour le président Houphouët-Boigny. Mais je pourrais vous poser une question. Dans quelle condition se trouve aujourd’hui la Côte d’Ivoire quand nous allons célébrer la paix en France ? Les dirigeants doivent faire en sorte que la Côte d’Ivoire elle-même retrouve la paix et la sécurité avant que nous n’allions célébrer la paix dans un autre pays.
Onuci Fm : Les forces nouvelles veulent désormais travailler avec les partis
politiques du Rhdp. Ils proclament l’unicité des caisses de l’Etat. Ce sont les
conclusions de leur dernier conclave. En réaction, le Fpi a estimé que c’était un non-
événement. Mais la réalité est là, la coalition des Houphouëtistes se renforce…
MOL : Mais ce n’est pas nouveau. Cela fait quelques années qu’ils ont créé le G7.
Nous voulons les voir à l’acte. Nous voulons du concret. Si la branche armée est
dissoute et que la branche politique veut faire de la politique, c’est à eux d’apprécier.
Nous disons que rien n’est nouveau et pour nous effectivement, c’est un non-
événement. Il y a longtemps que nous demandons l’unicité des caisses. S’ils
pensent que le temps est venu de le faire, tant mieux. Ce qui nous parait important
aujourd’hui, c’est la sécurisation des populations à travers le pays. Est-ce qu’on
peut désarmer ceux qui détiennent illégalement des armes ? C’est ça qui est notre
problème.
Onuci Fm : Pour la convention de la société civile ivoirienne, le retour des refugiés
est la condition sine qua non de la réussite du processus de réconciliation nationale.
Selon vous, que font encore les ivoiriens à l’étranger alors que le président Ouattara
les a invités à rentrer et à prendre part à la vie sociopolitique et économique ?
MOL : Le chef de l’Etat invite, c’est une chose. Et le fait que les exilés rentrent est
une autre chose. Quelles sont les garanties qu’on leur donne pour qu’ils rentrent.
Dites-vous que tous ceux qui sont en exil, et même ceux qui sont détenus sont des
fils de ce pays. Est-ce que d’habitude, les ivoiriens se lèvent comme ça pour aller en
exil ? Quand on parle des gens qui aiment leur pays, c’est bien les ivoiriens. Donc, si
des ivoiriens sont en exil, posons-nous des questions.
Onuci Fm : Mais comment les rassurer ?
MOL : S’ils rentrent, il ne faut pas qu’ils soient inquiétés. C’est tout cela que nous
craignons et c’est pourquoi nous demandons qu’il y ait le désarmement de tous ceux
qui portent illégalement des armes. Le climat sécuritaire n’est pas propice. Ceux
qui sont partis ont fui la terreur qui s’est abattue sur nous. Ils n’ont plus de maisons.
Leurs biens ont été pillés. Moi qui suis devant vous, je n’ai plus de maison, je n’ai
plus de véhicules. Tous mes véhicules se trouvent actuellement dans le parc auto
d’un chef de guerre. Donc, nous voulons des garanties.
Onuci Fm : Parmi ces exilés, il y en a qui ont commis des actes répréhensibles. Est-
ce qu’au nom de la réconciliation nationale, on doit faire fi de la justice ?
MOL : Est-ce que ceux dont vous parlez étaient armés ? Que dites-vous de ceux
qui avaient des armes et qui ont posé des actes répréhensibles ? Que fait-on de
ceux qui ont tué, saccagé et pillé nos maisons, qui détiennent nos biens et qui
refusent de nous les rendre ? Je trouve injuste qu’on lance des mandats d’arrêt
seulement contre les partisans de Laurent Gbagbo. Par ailleurs, notre constitution
demande qu’aucun enfant de ce pays ne soit contraint à l’exil. C’est au nom de
cette constitution que Laurent Gbagbo avait fait rentrer d’exil, Henri Konan Bedié
et Alassane Dramane Ouattara. En lançant des mandats d’arrêt, ça veut dire qu’on
veut maintenir ces personnes en exil. Parce que celui qui ne veut pas venir répondre
restera à l’extérieur. Donc, il faut mettre balle à terre pour que les gens puissent
rentrer dans leur pays.
Onuci Fm : Certaines personnes s’attendent à ce que le Fpi fasse son mea culpa…
MOL : Le Fpi a fait quoi ? C’est le Fpi qui a été attaqué. Souvenez-vous de
septembre 2002. C’est ce qui a commencé en 2002 qui s’est achevé lors des
élections présidentielles. Je n’ai pas envie de dire beaucoup de choses. Vous avez
voulu m’interroger sur l’actualité, je préfère m’en tenir à cela.
Onuci Fm : Les bailleurs de fonds avaient déserté la Côte d’Ivoire depuis plusieurs
années et aujourd’hui, on enregistre un retour en force. La Côte d’Ivoire est-elle
aujourd’hui plus crédible qu’hier ?
MOL : La Côte d’Ivoire a toujours été crédible. Sous Laurent Gbagbo, elle a été plus
que crédible. C’est le travail que Laurent Gbagbo a commencé qui est en train d’être
achevé. Gbagbo avait déjà obtenu le point de décision de l’initiative PPTE et on lui
avait même promis le point d’achèvement. C’est le même ministre de Gbagbo qui est
aujourd’hui ministre de l’économie et des finances. Il n’y a rien de nouveau. C’est le
travail du président Gbagbo qui va être couronné.
Onuci Fm : Donc, c’est une continuité ?
MOL : C’est pourquoi nous voulons rappeler aux gouvernants actuels que
l’administration étant une continuité, il y a des choses qu’on ne fait pas
systématiquement.
Onuci Fm : Le Fmi pose des préalables pour la concrétisation de son appui à la Côte
d’Ivoire. Il s’agit notamment de l’amélioration de l’environnement sécuritaire et de la
tenue des élections législatives avant la fin de l’année. Est-ce que, pour vous, ces
obstacles sont surmontables ?
MOL : C’est un souhait pour nous qu’il y ait la sécurité. Il faut que les élections
soient sécurisées. Cela veut dire qu’il faut que les électeurs et les candidats soient
sécurisés. Est-ce qu’aujourd’hui, le Fpi et la majorité présidentielle (Lmp) qui sont
pourchassés peuvent librement faire campagne, avoir des partisans pour les
représenter dans les bureaux de vote ? C’est pourquoi nous insistons sur la question
de la sécurité.
Onuci Fm : Vous avez fait un meeting à Koumassi et il n’y a pas eu de problème de
sécurité…
MOL : Mais vous avez vu qu’aussitôt après ce meeting, le secrétaire général du Rdr
a menacé en disant que celui qui fait un meeting et tient des propos arrogants sera
maté. Vous comprenez qu’il n’y a pas de liberté. Il est secrétaire général d’un parti
politique. A ce titre, il n’a pas le droit de faire des injonctions à d’autres partis. Il est
bon que chacun connaisse sa place.
Onuci Fm : Les chefs d’état major des pays de la Cedeao ont eu à Monrovia
(Liberia), une rencontre en vue de la sécurisation des élections en octobre dans ce
pays. Les mesures de sécurisation prennent en compte la frontière ivoiro-libérienne.
Apres ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire où plusieurs mercenaires et miliciens ont
passé la frontière, peut-on craindre le même schéma dans ce pays ?
MOL : Mais je ne suis pas du Libéria, donc je ne peux pas le savoir. Si les chefs
d’état major des armées des pays de la Cedeao avaient commencé ce travail depuis
longtemps, avant 2002, la côte d’Ivoire n’aurait pas connu une rébellion armée. On
ne doit pas parler seulement de la frontière Ouest. La Côte d’Ivoire a des frontières
au nord avec le Burkina faso et le Mali. L’expérience de la crise a montré que le
danger ne vient pas que de la frontière Ouest du pays. Des dozos continuent de
rentrer en Côte d’Ivoire par la frontière nord, pourquoi on n’en parle pas ?
Onuci Fm : Les conflits intercommunautaires à l’Ouest ont favorisé le départ des
populations vers le Libéria…
MOL : Pensez-vous que ce sont les conflits intercommunautaires qui ont fait partir
les gens au Libéria ? Non, ceux qui sont allés au Libéria ont fui la rébellion armée de
2002 et la guerre postélectorale de 2011.
Onuci Fm : Le ministre de l’agriculture annonce des reformes dans le secteur. L’une
de ces reformes consiste à faire disparaitre toutes les structures de gestion de la
filière café-cacao. Une seule structure aura désormais la charge de gérer la filière.
Selon vous, qu’est ce qui n’a pas marché avec les anciennes structures ? Est-ce que
cette reforme peut être efficace ?
MOL : Je ne suis pas ici pour juger les uns et les autres. En tant que femme, je peux
m’interroger sur la place de la femme dans ces reformes. Je souhaite que les intérêts
des producteurs agricoles et de tous ceux qui travaillent la terre soient au centre de
ces reformes.
Onuci Fm : Doit-on retourner à la caisse de stabilisation ?
Mol : Ce que vous devez savoir, c’est que chaque gouvernement qui vient est libre
de faire ses reformes. C’est pourquoi, il aurait fallu laisser le Président Laurent
Gbagbo appliquer son programme de gouvernement et non lui imposer une guerre.
Dans notre rôle d’opposants que nous voulons assumer en toute responsabilité, il
nous appartiendra de formuler nos observations et critiques.
Onuci Fm : En votre qualité de secrétaire nationale de l’Offpi, vous avez fait une
déclaration pour dénoncer l’opération « Pays propre » menée par le ministère de
la salubrité urbaine. Pourtant, beaucoup de gens disent qu’aujourd’hui, Abidjan est
propre. Alors qu’est ce qui vous dérange dans cette opération ?
MOL : Une opération de salubrité ne pose pas de problème. C’est la méthode et les
conséquences dramatiques de cette opération qui nous inquiètent. On ne peut pas
démolir systématiquement les investissements de pauvres femmes et de jeunes
gens. Vous savez que le chômage a pris des proportions alarmantes. Et un bon
gouvernement est obligé de prendre en compte le secteur informel. Nous avons
assisté à un déguerpissement et une démolition systématiques de tous les petits
commerces. Apres cette guerre de 10 ans, il y a des femmes veuves avec des
enfants, des femmes abandonnées, des femmes dont les maris ont perdu leurs
emplois. C’est avec ces petits commerces qu’elles arrivent à subvenir aux besoins de
leurs enfants et de leur famille. C’est contre cela que nous nous sommes levées.
Onuci Fm : Est-ce à dire qu’il faut laisser chacun s’installer où il veut ?
MOL : Non, pas du tout. Nous disons qu’il faut dédommager et recaser toutes les
victimes. Parce qu’on ne peut pas détruire impunément le fruit du labeur de ces
milliers de personnes. En le faisant, on augmente la pauvreté et le chômage. En
politique, il faut un minimum d’humanisme et de solidarité, surtout que nous voulons
aller à la paix et à la réconciliation.
Onuci Fm : Avant de vous laisser partir, nous allons vous soumettre à notre
questionnaire de personnalités pour permettre à nos auditeurs de mieux vous
connaitre. Qui est votre modèle d’homme ou de femme politique ?
MOL : En Côte d’Ivoire, mon modèle c’est Simone Ehivet Gbagbo.
Onuci Fm : Qu’est-ce qui vous a marqué en cette femme ?
MOL : C’est une femme combattante et engagée. Elle combat pour les libertés, la
justice et la démocratie aux côtés de son époux. La deuxième femme à laquelle je
m’identifie est Winnie Mandela. Elle s’est battue pendant 27 ans avec détermination
contre l’apartheid et pour la libération de son mari.
Onuci Fm : Donc, vous êtes une femme de combat ?
MOL : Je suis une femme de combat et je m’identifie aux femmes qui se battent pour
les causes nobles.
Onuci Fm : Si vous étiez un livre ?
MOL : C’est la Bible qui comporte beaucoup d’enseignements.
Onuci Fm : Vous êtes croyante ?
MOL : Je suis croyante, pratiquante.
Onuci Fm : Et si vous étiez un film ?
MOL : C’est le film de Jésus qui nous enseigne beaucoup de valeurs.
Onuci Fm : Et si vous étiez une discipline sportive ?
MOL : C’est le football qui rassemble les peuples. Je voulais conclure en disant
que les autorités actuelles doivent créer les conditions d’une vraie réconciliation
nationale. Cela passe par la libération du Président Laurent Gbagbo et toutes les
personnalités détenues ainsi que le retour de tous les exilés.
Entretien retranscrit par Jean Khalil Sella