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Économie Publié le samedi 1 octobre 2011 | Le Patriote

Interview / Ouattara Daouda (Préfet de Korhogo): “Ici l’autorité étatique a repris ses droits”

En visite dans le Nord du pays pour s’enquérir de l’Etat de la normalisation de la vie
économique et administrative, notre reporter a rencontré le préfet de région. Entretien
Le Patriote: M. Préfet, la crise post-électorale s’est estompée. Aujourd’hui, pouvez-vous nous dire comment se passent les choses au plan administratif?

Ouattara Daouda: La crise poste-électorale aujourd’hui, est derrière nous. Depuis l’arrestation du président Laurent Gbagbo, certains de nos collègues étaient partis à Abidjan. Ils sont aujourd’hui, de retour. Les militants de LMP qui avaient peur et qui étaient partis, avec la sensibilisation que nous avons faite en collaboration avec les élus, les religieux, le comité
d’éveil pour la sauvegarde de la concorde que nous avons mis en place, sont revenus. Je pense qu’au niveau de l’administration, le travail se passe bien. Il a repris comme par le passé. En tout cas, en ce qui concerne Korhogo, le travail au plan administratif ne s’est jamais arrêté. Il a peut-être ralenti. Car beaucoup de chefs de service étaient repartis sur Abidjan. Mais, il n’y a jamais eu un arrêt. Nous avons continué à travailler normalement.

LP: Depuis l’intégration de l’aile militaire des Forces nouvelles dans la nouvelle armée et
le dernier conclave de la branche politique du mouvement à Bouaké, est-ce que le premier
représentant du chef de l’Etat que vous êtes ici à Korhogo a désormais les mains libres pour
travailler?

OD: Nous avons les mains libres et nous n’avons jamais eu les mains liées. Lorsque les
Forces nouvelles étaient encore là, elles s’occupaient de la branche défense et sécurité.
Lorsqu’on avait des besoins en matière de défense et de sécurité, nous nous adressions au
commandant Fofié pour nous donner les éléments qu’il faut pour faire le travail. Donc,
pour nous, il n’y a vraiment pas de changement. Aujourd’hui, il y a les forces régulières
qui reviennent. Elles vont prendre le relais et les Forces républicaines vont réintégrer les
camps de la compagnie territoriale de Korhogo sous les ordres du commandants Fofié. La
gendarmerie et la police qui sont des forces de maintien de l’ordre vont commencer à faire
leur travail au niveau de la ville et des sous-préfectures. Le préfet a donc la plénitude de ses
pouvoirs. Et à ce niveau, nous travaillons en parfaite collaboration, pour le moment, avec le
commandant Fofié. Si ailleurs, il y a eu des problèmes, à Korhogo, il n’y en a jamais eu.

LP: Quelle la situation au plan sécuritaire à Korhogo?
OD: Au plan sécuritaire, je peux dire que la situation est quand même assez bien maitrisée.
Aujourd’hui, le seul problème est qu’avec la police et la gendarmerie, nous avons le
point tous les jours au plan sécuritaire. Ce qui n’est pas toujours le cas avec les Forces
républicaines. Leur réaction est de rendre compte d’abord à leur commandant qui à son
tour m’informe. Mais ce n’est pas régulier. Lorsqu’il y a des braquages, nous avons des
informations comme tout le monde. Nous sommes obligé parfois d’appeler le commandant
pour lui dire sur tel axe il y a eu des braquages. Mais depuis une dizaine de jours, nous
n’avons rien entendu. Nous étions inquiets, parce que les FRCI avaient quitté les barrages.
Nous avions craint que le vide laissé soit profitable aux malfrats. Il semblerait qu’à Niakara
et sur l’axe Ferké-Ouangolo, il y ait eu des attaques lorsque les barrages ont été levés. Au
niveau de Korhogo, il n’y a pas eu ces attaques. Je crois qu’ici, la situation est globalement
satisfaisante.

LP: Qu’en est-il des rackets et des tracasseries routières?
OD: C’est un phénomène national. Je pense que les mesures du gouvernement de démanteler les barrages vont porter leurs fruits. Comme on le dit, lorsqu’il y a une volonté politique, il n’y a pas de raison que cela ne marche pas. Comme partout en Côte d’Ivoire, les transporteurs se plaignaient que les Forces républicaines leur prenaient de l’argent. Lorsqu’un camion quitte ici avec un chargement d’anacarde pour aller à Abidjan, c’est au bas mot 300 mille qu’il paye. Ce qui causait l’augmentation des prix. Avec la mesure de la levée des barrages, les choses ont commencé à s’améliorer. Certes, il y a eu quelques velléités de résistance. Il y a une semaine de cela, des transporteurs m’ont appelé pour dire qu’à l’entrée de la ville de Korhogo, il y avait des éléments qui leur prenaient 1000 FCFA en guise de laissez-passer.

J’ai appelé le commandant Fofié. Il m’a répondu qu’il a donné des instructions pour que tous
les barrages soient levés. Donc il n’est pas sûr que ce soit ses éléments. Nous sommes allés sur le terrain avec le maire. Nous avons constaté que ce sont des éléments de la compagnie territoriale de Korhogo. Lorsque le commandant a eu le retour, il a automatiquement pris les mesures pour relever tous ces éléments incontrôlés qui étaient à ces barrages. Depuis, on ne m’a plus signalé un cas de racket.


LP: S’agissant de l’unicité des caisses de l’Etat., est-ce que les services des impôts et la
douane ont repris du service dans votre zone?

OD: La douane est revenue. Le directeur régional est là. Ses collaborateurs également.
Aujourd’hui, il y a une pile de dossiers qui les attend. Il y a près de 1000 véhicules qu’ils
doivent dédouaner. Nous avions déjà fait une réunion avant. Et lorsqu’ils sont arrivés,
nous avons eu une réunion avec les opérateurs économiques pour leur demander d’aider le
gouvernement à mettre en œuvre sa politique. Le président de la République a un programme ambitieux. Il ne peut pas le réaliser s’il n’y a pas de ressources. Il est vrai que les bailleurs de fonds vont nous venir en aide. Mais nous-mêmes, nous devons faire quelque chose. C’est ce que nous avons dit aux populations. Et elles sont vraiment réceptives à ce message. Il y a le problème des motos qui ont été acquises depuis des années qu’il faut dédouaner. Nous avons donné jusqu’à la fin du mois de décembre pour le faire. A partir de janvier, toutes les motos qui circuleront sans plaque d’immatriculation seront saisies. En qui concerne les marchandises qui sont déjà sur le marché, le directeur régional des douanes, dans un souci de parfaite collaboration avec la population, a rassuré que celles-ci ne feront pas l’objet de taxation. Mais quant aux nouvelles commandes, elles seront étudiées au cas par cas. Je crois que la population a été suffisamment sensibilisée.

LP: Au rang des mesures prises par le gouvernement figure la gratuité des soins. Est-elle une réalité ici à Korhogo?

OD: En son temps, nous avons été approchés par certains usagers du CHR qui se plaignaient du fait que les praticiens faisaient tout pour ne pas les recevoir en leur disant qu’il n’y avait pas de médicaments. Il n’y avait pas de poches de sang et les produits pour faire les examens.
Mais nous avons constaté que lorsque les médicaments étaient là, certains agents les
vendaient, selon des témoignages. Je n’ai pas les preuves de ces allégations. Mais j’ai attiré
l’attention du directeur du CHR sur ces comportements et menacé de sanctionner ceux qui
seront pris la main dans le sac. Je pense que depuis lors, la situation a changé. Toutefois, le
gros problème de cette mesure est que l’Etat n’a jusqu’à présent pas pu ravitailler l’hôpital en
médicaments et en produits de première nécessité. Récemment, on a reçu du gros matériel qui est arrivé. Mais c’est au niveau des médicaments qu’il y a problème. Parce que j’ai visité la pharmacie où j’ai constaté qu’il y a un manque de médicaments. Je pense qu’à ce niveau, le gouvernement s’attèle à avoir les médicaments; lorsqu’ ils seront là, la gratuité sera une
réalité ici à Korhogo. Mais en attendant, nous avons pris des mesures avec le directeur
régional de la santé. Nous avons des réunions que nous tenons avec les praticiens pour régler ce problème. Nous nous attelons à veiller à que la gratuité soit effective, que les médecins et les praticiens vendent les médicaments, qu’ils soignent les malades et qu’ils ne soient pas de mauvaise volonté. Parce qu’on nous a signalés un cas où un infirmier aurait dit aux gens: «Si le président dit c’est gratuit, il n’a qu’à venir vous soigner lui-même». Celui qui a été victime de ce mauvais comportement est venu se plaindre auprès de nous. Nous avons convoqué l’infirmier en question. Il a été sanctionné par sa hiérarchie. Je pense qu’il ne faut pas qu’il y ait la mauvaise volonté au niveau du corps médical. Nous faisons de la sensibilisation avec le directeur régional de la Santé auprès des praticiens. Et je crois que pour le moment, le message est passé. Le deuxième problème au niveau de Korhogo, ce sont les cliniques privées. Nous avons beaucoup d’infirmiers qui exercent sous le couvert d’ONG. Alors qu’elles n’ont pas d’autorisation d’exercer cette activité. Nous avons visité toutes les cliniques de Korhogo et fait le point. Celles qui ont l’autorisation d’exercer, mèneront tranquillement leurs activités. Mais celles qui n’en ont pas, nous allons les fermer tout simplement.

Réalisée par Jean-Claude Coulibaly à Korhogo
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