Le président de l’ULptci , s’est engagé depuis des mois à la tête de 47 mouvements d’autodéfense au dialogue avec les responsables Frci. Eugène Djué fait le point de son initiative. Il en profite pour commenter l’actualité sociopolitique. Le membre de la direction du Fpi ne manque pas de répondre à ses détracteurs et de donner des coups et des conseils. Entretien.
Voilà plusieurs mois que la Côte d’Ivoire a connu un changement de régime. Votre réaction ?
La Côte d’Ivoire a connu une crise politico militaire depuis plus de 10 ans. Le dénouement a été ce que tout le monde sait. Personnellement cela a été tristement en ma faveur. Puis, il faut comprendre qu’au soir du 11 avril, l’état dans lequel était notre pays, il fallait sauver l’essentiel. C`est-à-dire, faire en sorte que la Côte d’Ivoire retrouve une situation normale. De sorte que les questions civiles se règlent par le dialogue, que toutes les formes belligérantes cessent, comme le Président Gbagbo nous l’avait demandé, le jour de son arrestation.
L’issue de la crise vous-a-t-elle surpris ?
Pour le moment, cela n’est plus important. Mais chaque Ivoirien pense et croit qu’on aurait pu faire mieux, c’est-à-dire éviter les violences, les affrontements. Car je le redis encore une fois : le dénouement comporte des aspects imprévisibles, incontrôlables, difficiles à maîtriser, qui mettaient en péril l’équilibre de la nation, de la cohésion sociale. Cela est démontré, ce qui importe c’est de faire en sorte que cela n’arrive plus c’est à cela que nous travaillons. J’invite tous les Ivoiriens à s’y engager. Sachons raison garder, faire en sorte que nous puissions tout régler de façon démocratique, pacifique.
Vous avez pris la tête des négociations avec les responsables des FRCI pour le désarmement des miliciens, surtout à Yopougon. Avec le temps, pensez-vous avoir pris une bonne décision?
Evidemment ! Si je devais le refaire, je ne tarderais même pas, car cela nous a permis de limiter les dégâts en Côte d’Ivoire, de sauver des vies humaines, surtout à Yopougon. Quand on observe d’autres crises ailleurs, avec des régimes détruits, des millions de morts, quand on voit les effets immédiats, collatéraux, on doit s’estimer heureux. Car on était sur la voie d’une vraie et totale guerre civile. C’est une bonne inspiration pour nous. Nous avons signé un pacte avec nos frères d’en face : ramener absolument la paix au pays. Je voudrais saluer tous ceux qui ont contribué à ramener la paix à Yopougon. Je salue le Commandant Chérif Ousmane. Cela n’a pas été facile ! Nous avons-nous-même subi des attaques verbales et physiques. Mais, nous avons tenu. Aujourd’hui, Yopougon qui était la commune morte, fantôme ,vit. Nous revenons de très loin. Certes il y a eu des exactions, mais, cela était dans des proportions réduites. Si nous n’avions pas engagé le dialogue, il y aurait eu encore plus de morts. 4 mois après le début du dialogue entre les jeunes combattants patriotes et les Frci, la joie de vivre se lit sur les visages. Et nous recevons des appels téléphoniques tant en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur du pays qui nous expriment des remerciements. Dans la rue, les gens nous abordent pour nous féliciter et nous encourager. Je ne souhaiterais plus qu’on appelle les jeunes combattants miliciens, au nom de la paix.
Pourquoi ?
Ce sont des jeunes combattants. Ils ont combattu pour une cause et ils pensaient qu’elle était juste. Si l’on appelle les autres forces nouvelles, Frci, commando invisible il n’est pas bienséant qu’on considère les jeunes combattants comme des « miliciens ». L’époque de la guerre est finie. En tout cas pour les 47 mouvements de jeunes combattants avec qui nous avons discuté à Yopougon, ont consenti à déposer les armes, difficilement. Avec nos frères d’en face, nous nous sommes compris. Car il s’agit de sauver la vie des Ivoiriens.
Mais certains patriotes vous accusent d’avoir vendu la lutte. Une réaction ?
Quelle lutte ? Il y a des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent. Quand je suis rentré à Yopougon c’était pour sauver des vies humaines. Des milliers de personnes m’envoient des messages par internet ou téléphone pour me dire que c’était une bonne et belle initiative. Je dirai à tous ceux qui n’ont pas compris que la vie n’a pas de prix.
Etes vous sur la même longueur d’onde qu’Allou Eugène qui demande aux patriotes d’être moins vindicatifs ?
Je ne suis pas dans la même position qu’Allou Eugène. Je suis avant lui. Moi, j’ai dit arrêtons toute forme de belligérance : physique ou verbale. Il faut cesser les invectives, car cela ne nous a rien donné. Je ne sais pas en quoi les attaques contre le nouveau pouvoir peuvent nous faire avancer. Evitons les actes qui peuvent nous créer des difficultés. Nous du Fpi, Lmp , nous devons savoir que nous avons perdu le pouvoir. Acceptons cette réalité au lieu de dire chaque jour par exemple : « Alassane Ouattara n’est pas notre président ». Cela ne nous avance pas. Nous gagnerons plus nous Fpi à revenir sur le terrain du dialogue car c’est notre terrain de prédilection. Mais, en même temps, dans la partie en face, adverse, les autorités doivent savoir que la sécurité c’est pour tous les Ivoiriens. C’est comme un disque : il y a le recto et le verso.
Mais les meetings et réunions publiques des patriotes sont frappés d’interdiction ce qui n’est pas le cas pour les partis et mouvements proches du pouvoir. N’est-ce pas une situation favorable à la violence?
Il y a eu un seul meeting interdit. C’est celui de la Jfpi à Yopougon. Le gouvernement s’est fondé sur un principe de droit .Les associations sont libres d’organiser des réunions publiques et les autorités ont le devoir d’assurer leur sécurité. Seulement, les autorités ont dit que les conditions de sécurité n’étaient pas réunies. C’est pourquoi, ils ont faire annuler le meeting. Je souhaite que l’exception ne soit pas la règle. Nous ne nous inscrivons pas dans une logique de défiance, mais les autorités ne doivent pas interdire d’autres meetings. Surtout que nous voyons des meetings du Rhdp se tenir au même moment dans pratiquement les mêmes endroits. Nous ne voulons pas polémiquer, car d’autres meetings arrivent. Je demanderais aux jeunes d’utiliser le bon ton, en gardant intacte leur détermination pour le combat démocratique, car certains propos peuvent être utilisés contre nous. Nous devons garder en esprit ce qui est essentiel. Revenir au pouvoir par les moyens démocratiques et légaux. C’est le Fpi qui a envoyé la démocratie en Côte d’Ivoire. Nous devons donc, partout donner l’exemple.
Les élections législatives arrivent bientôt. Quelle est votre position ? Serez vous candidat?
Ma position est celle de mon parti : le Fpi.
Vous allez donc boycotter les élections ?
Le Fpi officiellement, n’a pas dit qu’il ne participera pas aux législatives.
Pourtant, le ministre Michel Amani N’guessan et bien d’autres cadres du parti en exil parlent de boycott.
Aucune instance du Fpi n’a encore parlé de boycott. Au comité central, le tout dernier il a été arrêté la décision d’aller aux élections. Mais, la direction intérimaire a été mandatée pour engager des discussions avec le pouvoir pour créer les conditions sécuritaires, de la liste électorale et la composition du bureau central de la Cei et des conditions humanitaires. Nous ne pouvons pas aller aux élections avec des camarades détenus ou en exil et avec des avoirs gelés. Ce sont des candidats potentiels et des milliers d’électeurs qui seront privés de leurs droits. Les questions sont à l’étude sur la table du chef de l’Etat. La direction a demandé aux militants de rester à l’écoute. Car à l’issue des discussions, il y a un comité central qui va entériner des décisions. Ce sont ces décisions qui compteront pour moi. Les camarades sont libres de donner leurs positions et de faire des déclarations qui n’engagent nullement le parti. La direction du Fpi ne se trouve pas au Ghana, ni en Europe. Le président intérimaire, c’est Miaka Ouareto et le secrétaire général est Laurent Akoun. Nous sommes leurs collaborateurs. Amani a répondu à une question d’un journaliste. Il n’est pas les instances de décision du parti mais il est plutôt membre des ces instances.
Même avec Gbagbo en prison?
Nous, au niveau du Fpi, nous n’avons jamais dit que nous n’irons pas aux élections. Nous avons demandé la libération du président Gbagbo, ainsi que tous nos camarades détenus. Tout ce que nous demandons au pouvoir, c’est de réunir toutes les conditions pour l’expression démocratique pour des élections transparentes, justes et ouvertes à tous. La sécurité, ce n’est pas seulement pour les proGbagbo. Il y a une crise grave qui a créé des traumatismes et une violence. En principe, on aurait pu commencer par la réconciliation avant d’aller aux élections. Pour éviter d’autres débordements qui risquent de nous replonger dans une autre crise. Les autorités préfèrent organiser les élections. Mais, toutes ces armes qui circulent ne sont pas dirigées uniquement contre les militants du Fpi. (…) Que peut-on appeler sécurité par exemple à l’ouest ? Il faut faire en sorte que les législatives n’ouvrent pas les plaies.
Mais des responsables du régime soutiennent qu’autant Gbagbo lui-même affirmait que la présidentielle allait ramener la paix autant les législatives vont la renforcer. Pour eux donc, il faut organiser ces élections
Nous avons vu malheureusement que la présidentielle a détruit la paix, elle en a ajouté à la crise existante. Le Fpi demande un minimum de consensus autour de la liste électorale, de la Cei, et de la sécurité. Ce sont les soucis de paix, de réconciliation. Ce n’est pas la mer à boire.
Quelless sont vos relations avec les cadres et leaders patriotiques en exil ?
J’ai des contacts suivis avec plusieurs d’entre eux. Il faut déplorer les conditions de vie difficiles à l’étranger. Nous devons créer les conditions pour leur retour. Ils ont des inquiétudes, mais nous demandons aux autorités d’arrêter l’émission des mandats d’arrêt. Nous avons vu que la diplomatie a fait revenir au pays même des militaires. Mais, nous demandons aux exilés d’éviter d’exposer les militants et les populations sur place, d’arrêter de faire du bruit. Leurs déclarations ne facilitent pas souvent le travail de la direction intérimaire. Personne n’aime ni la Côte d’Ivoire, ni Laurent Gbagbo plus que son camarade.
Plus ils menacent à l’extérieur, plus le pouvoir se rétracte et durcit le ton. Pour nous, il importe de signer un compromis pour aboutir à la libération de tous nos camarades.
Mais Ouattara veut traduire Laurent Gbagbo au Tpi…
Le Fpi a donné sa position. Personnellement la justice et la réconciliation sont incompatibles actuellement. Pour moi la meilleure façon est la discussion comme nous le conseillent nos anciens, sous l’arbre à palabre. En Afrique, traduire son frère en justice pour un problème interne est un acte, anormal qui fragilise la cohésion sociale. Ce sont des actions qui compliqueront le règlement de cette crise.
C’est un acte de trahison ?
C’est un acte anormal. Car après 10 ans de crise, il faut dominer les rancœurs. Chacun est victime quelque part. Si nous n’avons pas pu prévenir la crise nous avons su l’arrêter.
Comptez-vous allez rendre visite au président Gbagbo ?
Bien sûr. Très bientôt, je le ferai. Je pense que notre priorité n’est pas de rendre visite à tous nos camarades en prison ou de créer des conditions pour qu’ils durent là-bas mais de tout faire pour qu’ils sortent de là. Le processus de réconciliation sera accéléré si tous ces détenus sont libérés. C’est pourquoi je demande au président Ouattara des actes forts pour la réconciliation et la paix. Je demande au président de la commission vérité et réconciliation de rendre visite aux détenus et aux exilés
Comment avez-vous vécu la mort de Kadhafi ?
Je crois en l’exception ivoirienne. Dieu a la main sur notre pays et les Ivoiriens sont formidables, exceptionnels ! Quels que soient nos antagonismes et frustrations nous savons nous dépasser, nous arrêter. A voir ce qui se passe ailleurs, nous devons nous engager résolument dans la paix.
Mais des patriotes veulent rendre la monnaie à ce pouvoir car le Rhdp et les Forces nouvelles, ont empêché Gbagbo de gouverner
Pour moi, la vengeance appartient à Dieu. Chacun doit comprendre que la Côte d’Ivoire est en danger. Chacun doit se faire violence pour reconstruire notre pays. Réconcilions-nous pour laisser un beau pays à nos enfants. Sinon, ils ne nous le pardonneront pas. Que chaque militant du Fpi, partisan de Gbagbo, sache que toutes les humiliations qu’il a subies c’est pour la Côte d’Ivoire. Que tout le monde pardonne. Sinon, nous serons dans une situation du serpent qui se mord la queue.
Par Laurent Okoué
Inhumation des victimes de la crise post-électorale à Abobo
Des corps des pro-Gbagbo volés à la morgue d’Anyama
Le Premier ministre Guillaume Soro, les militants du Rassemblement des Républicains d’Abobo et d’Anyama et Alassane Ouattara, leur mentor, croient tromper les Ivoiriens, en leur faisant croire que les nombreuses victimes de la crise postélectorale de cette zone du District d’Abidjan, ont toutes été tuées par les Forces pro-Gbagbo. Mais c’est surtout de la communauté dite internationale, qu’ils se moquent.
Le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, a cru bien faire en allant s’incliner sur les corps d’une centaine de victimes de la crise postélectorale, dans la Commune d’Abobo récemment. Les grandes oreilles de la République, qui ne sont pas toutes de leur bord, et qui ont assisté à cette cérémonie particulièrement émouvante, ont fini par lâcher le morceau. Elles expliquent que cette opération n’était destinée qu’aux Occidentaux, plus particulièrement à Luis Moreno Campos, le Procureur de la Cour Pénale Internationale dont l’arrivée était imminente sur les bords de la lagune Ebrié. Il fallait montrer ‘’l’ampleur des tueries de Gbagbo’’ à l’homme blanc qui arrive, bleu dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire, afin de mieux l’orienter. En réalité, en lieu et place de la centaine de cercueils présentés ce jour-là comme des victimes du camp Ouattara, il fallait plutôt faire un tour à la morgue d’Anyama pour comprendre que ce sont plusieurs centaines de corps des pro-Gbagbo, tués par le ‘’commando invisible’’ et les Frci, qui y étaient entreposés. Et que c’est à dessein que les nouvelles autorités sont allées y prendre quelques corps pour les exhiber aux fins de créer l’émotion. Sinon, cette morgue a enregistré plusieurs centaines de corps des ex-Forces de Défense et de Sécurité, ainsi que des civils soupçonnés d’avoir voté pour Laurent Gbagbo, ou d’avoir battu campagne pour lui, aux premières heures de l’entrée en action du fameux ‘’commando’’. Le camp militaire d’Anyama, on se rappelle, a été attaqué à l’arme lourde à plusieurs reprises, faisant plusieurs dizaines de morts et de blessés dans les rangs des soldats Ivoiriens. C’est au cours d’une de ces attaques que l’Adjudant Gogo N’Guessan Barnabé (voir photo) a été tué le 25 Mars 2011. Après plusieurs mois de recherche, sa famille a retrouvé son corps à la morgue d’Anyama, totalement méconnaissable, au milieu de plusieurs autres cadavres superposés. Les ‘’morguiers’’, dont les langues ont commencé à se délier, ont fait comprendre à la famille de la victime que si elle était arrivée seulement un jour plus tard, ce n’était pas évident qu’elle retrouve ce corps, puisque la veille de son arrivée pour la levée, le mercredi 5 Octobre, 300 corps auraient été enterrés dans une fosse commune, et qu’ils en feraient de même le lendemain, pour une centaine d’autres. Ils soutiennent agir de la sorte afin de libérer leur morgue débordée de corps sans propriétaires. Déjà 400 corps ‘’sans propriétaires’’ avaient été enterrés dans des fosses communes. Or, de nombreuses familles sont, justement, sans nouvelles de leurs frères, soldats ou civils, depuis cette époque, comme celle de Laubhouet Lohou Fernand, Sapeur pompier à la retraite et recruté au Palais présidentiel pour apporter son expérience au personnel.
Les Communes d’Abobo et d’Anyama, après la prise de toutes les contrées du pays étaient occupées essentiellement par les hommes armés de Soro et Ouattara. C’était ce qui expliquait la présence de Ibrahim Coulibaly dit ‘’IB’’, ‘’ennemi intime’’ de Soro, et ancien homme de main de Ouattara, et sa bande dans cette ces deux Communes jusqu’à la capture de Laurent Gbagbo, le 11 Avril 2011. Celui-là, il fallait l’éliminer par tous les moyens. C’est ce qu’ils ont réussi à faire quand, pendant la bataille de Yopougon, ‘’IB’’ a voulu faire cavalier seul. Durant tout le temps qu’a mis ‘’le Commando invisible’’ à Abobo, aucune autre force n’y avait accès, si ce n’étaient les hommes de Soro et Ouattara qui cherchaient à amadouer leur allier du début de la rébellion. Les Frci occupaient toutes les voies qui relient les villes de l’intérieur du pays, à Abidjan. D’où pouvaient, donc, venir des pro-Gbagbo pour tuer à Abobo, surtout que tout ce qui sentait FDS était systématiquement égorgé ou brûlé vif. Gendarmes, Policiers, Soldats des FDS, Douaniers, Agents des Eaux et Forêts, ils ont été tués par dizaines dans ces deux Communes. Des centaines de civils aussi, comme c’est le cas à Anonkoua-Kouté, qui a été largement médiatisé, contrairement aux autres crimes. Voulant tromper l’opinion avec une cérémonie qui pue la manipulation, Ouattara et Soro ont éveillé la curiosité des grandes oreilles. Luis Ocampo parti, avec Me Ahoussou Jeannot, le Ministre de la Justice du seul camp Ouattara, dans ses bagages, ils croyaient avoir réussi leur coup. Erreur !
Jennifer Coulibaly
Voilà plusieurs mois que la Côte d’Ivoire a connu un changement de régime. Votre réaction ?
La Côte d’Ivoire a connu une crise politico militaire depuis plus de 10 ans. Le dénouement a été ce que tout le monde sait. Personnellement cela a été tristement en ma faveur. Puis, il faut comprendre qu’au soir du 11 avril, l’état dans lequel était notre pays, il fallait sauver l’essentiel. C`est-à-dire, faire en sorte que la Côte d’Ivoire retrouve une situation normale. De sorte que les questions civiles se règlent par le dialogue, que toutes les formes belligérantes cessent, comme le Président Gbagbo nous l’avait demandé, le jour de son arrestation.
L’issue de la crise vous-a-t-elle surpris ?
Pour le moment, cela n’est plus important. Mais chaque Ivoirien pense et croit qu’on aurait pu faire mieux, c’est-à-dire éviter les violences, les affrontements. Car je le redis encore une fois : le dénouement comporte des aspects imprévisibles, incontrôlables, difficiles à maîtriser, qui mettaient en péril l’équilibre de la nation, de la cohésion sociale. Cela est démontré, ce qui importe c’est de faire en sorte que cela n’arrive plus c’est à cela que nous travaillons. J’invite tous les Ivoiriens à s’y engager. Sachons raison garder, faire en sorte que nous puissions tout régler de façon démocratique, pacifique.
Vous avez pris la tête des négociations avec les responsables des FRCI pour le désarmement des miliciens, surtout à Yopougon. Avec le temps, pensez-vous avoir pris une bonne décision?
Evidemment ! Si je devais le refaire, je ne tarderais même pas, car cela nous a permis de limiter les dégâts en Côte d’Ivoire, de sauver des vies humaines, surtout à Yopougon. Quand on observe d’autres crises ailleurs, avec des régimes détruits, des millions de morts, quand on voit les effets immédiats, collatéraux, on doit s’estimer heureux. Car on était sur la voie d’une vraie et totale guerre civile. C’est une bonne inspiration pour nous. Nous avons signé un pacte avec nos frères d’en face : ramener absolument la paix au pays. Je voudrais saluer tous ceux qui ont contribué à ramener la paix à Yopougon. Je salue le Commandant Chérif Ousmane. Cela n’a pas été facile ! Nous avons-nous-même subi des attaques verbales et physiques. Mais, nous avons tenu. Aujourd’hui, Yopougon qui était la commune morte, fantôme ,vit. Nous revenons de très loin. Certes il y a eu des exactions, mais, cela était dans des proportions réduites. Si nous n’avions pas engagé le dialogue, il y aurait eu encore plus de morts. 4 mois après le début du dialogue entre les jeunes combattants patriotes et les Frci, la joie de vivre se lit sur les visages. Et nous recevons des appels téléphoniques tant en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur du pays qui nous expriment des remerciements. Dans la rue, les gens nous abordent pour nous féliciter et nous encourager. Je ne souhaiterais plus qu’on appelle les jeunes combattants miliciens, au nom de la paix.
Pourquoi ?
Ce sont des jeunes combattants. Ils ont combattu pour une cause et ils pensaient qu’elle était juste. Si l’on appelle les autres forces nouvelles, Frci, commando invisible il n’est pas bienséant qu’on considère les jeunes combattants comme des « miliciens ». L’époque de la guerre est finie. En tout cas pour les 47 mouvements de jeunes combattants avec qui nous avons discuté à Yopougon, ont consenti à déposer les armes, difficilement. Avec nos frères d’en face, nous nous sommes compris. Car il s’agit de sauver la vie des Ivoiriens.
Mais certains patriotes vous accusent d’avoir vendu la lutte. Une réaction ?
Quelle lutte ? Il y a des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent. Quand je suis rentré à Yopougon c’était pour sauver des vies humaines. Des milliers de personnes m’envoient des messages par internet ou téléphone pour me dire que c’était une bonne et belle initiative. Je dirai à tous ceux qui n’ont pas compris que la vie n’a pas de prix.
Etes vous sur la même longueur d’onde qu’Allou Eugène qui demande aux patriotes d’être moins vindicatifs ?
Je ne suis pas dans la même position qu’Allou Eugène. Je suis avant lui. Moi, j’ai dit arrêtons toute forme de belligérance : physique ou verbale. Il faut cesser les invectives, car cela ne nous a rien donné. Je ne sais pas en quoi les attaques contre le nouveau pouvoir peuvent nous faire avancer. Evitons les actes qui peuvent nous créer des difficultés. Nous du Fpi, Lmp , nous devons savoir que nous avons perdu le pouvoir. Acceptons cette réalité au lieu de dire chaque jour par exemple : « Alassane Ouattara n’est pas notre président ». Cela ne nous avance pas. Nous gagnerons plus nous Fpi à revenir sur le terrain du dialogue car c’est notre terrain de prédilection. Mais, en même temps, dans la partie en face, adverse, les autorités doivent savoir que la sécurité c’est pour tous les Ivoiriens. C’est comme un disque : il y a le recto et le verso.
Mais les meetings et réunions publiques des patriotes sont frappés d’interdiction ce qui n’est pas le cas pour les partis et mouvements proches du pouvoir. N’est-ce pas une situation favorable à la violence?
Il y a eu un seul meeting interdit. C’est celui de la Jfpi à Yopougon. Le gouvernement s’est fondé sur un principe de droit .Les associations sont libres d’organiser des réunions publiques et les autorités ont le devoir d’assurer leur sécurité. Seulement, les autorités ont dit que les conditions de sécurité n’étaient pas réunies. C’est pourquoi, ils ont faire annuler le meeting. Je souhaite que l’exception ne soit pas la règle. Nous ne nous inscrivons pas dans une logique de défiance, mais les autorités ne doivent pas interdire d’autres meetings. Surtout que nous voyons des meetings du Rhdp se tenir au même moment dans pratiquement les mêmes endroits. Nous ne voulons pas polémiquer, car d’autres meetings arrivent. Je demanderais aux jeunes d’utiliser le bon ton, en gardant intacte leur détermination pour le combat démocratique, car certains propos peuvent être utilisés contre nous. Nous devons garder en esprit ce qui est essentiel. Revenir au pouvoir par les moyens démocratiques et légaux. C’est le Fpi qui a envoyé la démocratie en Côte d’Ivoire. Nous devons donc, partout donner l’exemple.
Les élections législatives arrivent bientôt. Quelle est votre position ? Serez vous candidat?
Ma position est celle de mon parti : le Fpi.
Vous allez donc boycotter les élections ?
Le Fpi officiellement, n’a pas dit qu’il ne participera pas aux législatives.
Pourtant, le ministre Michel Amani N’guessan et bien d’autres cadres du parti en exil parlent de boycott.
Aucune instance du Fpi n’a encore parlé de boycott. Au comité central, le tout dernier il a été arrêté la décision d’aller aux élections. Mais, la direction intérimaire a été mandatée pour engager des discussions avec le pouvoir pour créer les conditions sécuritaires, de la liste électorale et la composition du bureau central de la Cei et des conditions humanitaires. Nous ne pouvons pas aller aux élections avec des camarades détenus ou en exil et avec des avoirs gelés. Ce sont des candidats potentiels et des milliers d’électeurs qui seront privés de leurs droits. Les questions sont à l’étude sur la table du chef de l’Etat. La direction a demandé aux militants de rester à l’écoute. Car à l’issue des discussions, il y a un comité central qui va entériner des décisions. Ce sont ces décisions qui compteront pour moi. Les camarades sont libres de donner leurs positions et de faire des déclarations qui n’engagent nullement le parti. La direction du Fpi ne se trouve pas au Ghana, ni en Europe. Le président intérimaire, c’est Miaka Ouareto et le secrétaire général est Laurent Akoun. Nous sommes leurs collaborateurs. Amani a répondu à une question d’un journaliste. Il n’est pas les instances de décision du parti mais il est plutôt membre des ces instances.
Même avec Gbagbo en prison?
Nous, au niveau du Fpi, nous n’avons jamais dit que nous n’irons pas aux élections. Nous avons demandé la libération du président Gbagbo, ainsi que tous nos camarades détenus. Tout ce que nous demandons au pouvoir, c’est de réunir toutes les conditions pour l’expression démocratique pour des élections transparentes, justes et ouvertes à tous. La sécurité, ce n’est pas seulement pour les proGbagbo. Il y a une crise grave qui a créé des traumatismes et une violence. En principe, on aurait pu commencer par la réconciliation avant d’aller aux élections. Pour éviter d’autres débordements qui risquent de nous replonger dans une autre crise. Les autorités préfèrent organiser les élections. Mais, toutes ces armes qui circulent ne sont pas dirigées uniquement contre les militants du Fpi. (…) Que peut-on appeler sécurité par exemple à l’ouest ? Il faut faire en sorte que les législatives n’ouvrent pas les plaies.
Mais des responsables du régime soutiennent qu’autant Gbagbo lui-même affirmait que la présidentielle allait ramener la paix autant les législatives vont la renforcer. Pour eux donc, il faut organiser ces élections
Nous avons vu malheureusement que la présidentielle a détruit la paix, elle en a ajouté à la crise existante. Le Fpi demande un minimum de consensus autour de la liste électorale, de la Cei, et de la sécurité. Ce sont les soucis de paix, de réconciliation. Ce n’est pas la mer à boire.
Quelless sont vos relations avec les cadres et leaders patriotiques en exil ?
J’ai des contacts suivis avec plusieurs d’entre eux. Il faut déplorer les conditions de vie difficiles à l’étranger. Nous devons créer les conditions pour leur retour. Ils ont des inquiétudes, mais nous demandons aux autorités d’arrêter l’émission des mandats d’arrêt. Nous avons vu que la diplomatie a fait revenir au pays même des militaires. Mais, nous demandons aux exilés d’éviter d’exposer les militants et les populations sur place, d’arrêter de faire du bruit. Leurs déclarations ne facilitent pas souvent le travail de la direction intérimaire. Personne n’aime ni la Côte d’Ivoire, ni Laurent Gbagbo plus que son camarade.
Plus ils menacent à l’extérieur, plus le pouvoir se rétracte et durcit le ton. Pour nous, il importe de signer un compromis pour aboutir à la libération de tous nos camarades.
Mais Ouattara veut traduire Laurent Gbagbo au Tpi…
Le Fpi a donné sa position. Personnellement la justice et la réconciliation sont incompatibles actuellement. Pour moi la meilleure façon est la discussion comme nous le conseillent nos anciens, sous l’arbre à palabre. En Afrique, traduire son frère en justice pour un problème interne est un acte, anormal qui fragilise la cohésion sociale. Ce sont des actions qui compliqueront le règlement de cette crise.
C’est un acte de trahison ?
C’est un acte anormal. Car après 10 ans de crise, il faut dominer les rancœurs. Chacun est victime quelque part. Si nous n’avons pas pu prévenir la crise nous avons su l’arrêter.
Comptez-vous allez rendre visite au président Gbagbo ?
Bien sûr. Très bientôt, je le ferai. Je pense que notre priorité n’est pas de rendre visite à tous nos camarades en prison ou de créer des conditions pour qu’ils durent là-bas mais de tout faire pour qu’ils sortent de là. Le processus de réconciliation sera accéléré si tous ces détenus sont libérés. C’est pourquoi je demande au président Ouattara des actes forts pour la réconciliation et la paix. Je demande au président de la commission vérité et réconciliation de rendre visite aux détenus et aux exilés
Comment avez-vous vécu la mort de Kadhafi ?
Je crois en l’exception ivoirienne. Dieu a la main sur notre pays et les Ivoiriens sont formidables, exceptionnels ! Quels que soient nos antagonismes et frustrations nous savons nous dépasser, nous arrêter. A voir ce qui se passe ailleurs, nous devons nous engager résolument dans la paix.
Mais des patriotes veulent rendre la monnaie à ce pouvoir car le Rhdp et les Forces nouvelles, ont empêché Gbagbo de gouverner
Pour moi, la vengeance appartient à Dieu. Chacun doit comprendre que la Côte d’Ivoire est en danger. Chacun doit se faire violence pour reconstruire notre pays. Réconcilions-nous pour laisser un beau pays à nos enfants. Sinon, ils ne nous le pardonneront pas. Que chaque militant du Fpi, partisan de Gbagbo, sache que toutes les humiliations qu’il a subies c’est pour la Côte d’Ivoire. Que tout le monde pardonne. Sinon, nous serons dans une situation du serpent qui se mord la queue.
Par Laurent Okoué
Inhumation des victimes de la crise post-électorale à Abobo
Des corps des pro-Gbagbo volés à la morgue d’Anyama
Le Premier ministre Guillaume Soro, les militants du Rassemblement des Républicains d’Abobo et d’Anyama et Alassane Ouattara, leur mentor, croient tromper les Ivoiriens, en leur faisant croire que les nombreuses victimes de la crise postélectorale de cette zone du District d’Abidjan, ont toutes été tuées par les Forces pro-Gbagbo. Mais c’est surtout de la communauté dite internationale, qu’ils se moquent.
Le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, a cru bien faire en allant s’incliner sur les corps d’une centaine de victimes de la crise postélectorale, dans la Commune d’Abobo récemment. Les grandes oreilles de la République, qui ne sont pas toutes de leur bord, et qui ont assisté à cette cérémonie particulièrement émouvante, ont fini par lâcher le morceau. Elles expliquent que cette opération n’était destinée qu’aux Occidentaux, plus particulièrement à Luis Moreno Campos, le Procureur de la Cour Pénale Internationale dont l’arrivée était imminente sur les bords de la lagune Ebrié. Il fallait montrer ‘’l’ampleur des tueries de Gbagbo’’ à l’homme blanc qui arrive, bleu dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire, afin de mieux l’orienter. En réalité, en lieu et place de la centaine de cercueils présentés ce jour-là comme des victimes du camp Ouattara, il fallait plutôt faire un tour à la morgue d’Anyama pour comprendre que ce sont plusieurs centaines de corps des pro-Gbagbo, tués par le ‘’commando invisible’’ et les Frci, qui y étaient entreposés. Et que c’est à dessein que les nouvelles autorités sont allées y prendre quelques corps pour les exhiber aux fins de créer l’émotion. Sinon, cette morgue a enregistré plusieurs centaines de corps des ex-Forces de Défense et de Sécurité, ainsi que des civils soupçonnés d’avoir voté pour Laurent Gbagbo, ou d’avoir battu campagne pour lui, aux premières heures de l’entrée en action du fameux ‘’commando’’. Le camp militaire d’Anyama, on se rappelle, a été attaqué à l’arme lourde à plusieurs reprises, faisant plusieurs dizaines de morts et de blessés dans les rangs des soldats Ivoiriens. C’est au cours d’une de ces attaques que l’Adjudant Gogo N’Guessan Barnabé (voir photo) a été tué le 25 Mars 2011. Après plusieurs mois de recherche, sa famille a retrouvé son corps à la morgue d’Anyama, totalement méconnaissable, au milieu de plusieurs autres cadavres superposés. Les ‘’morguiers’’, dont les langues ont commencé à se délier, ont fait comprendre à la famille de la victime que si elle était arrivée seulement un jour plus tard, ce n’était pas évident qu’elle retrouve ce corps, puisque la veille de son arrivée pour la levée, le mercredi 5 Octobre, 300 corps auraient été enterrés dans une fosse commune, et qu’ils en feraient de même le lendemain, pour une centaine d’autres. Ils soutiennent agir de la sorte afin de libérer leur morgue débordée de corps sans propriétaires. Déjà 400 corps ‘’sans propriétaires’’ avaient été enterrés dans des fosses communes. Or, de nombreuses familles sont, justement, sans nouvelles de leurs frères, soldats ou civils, depuis cette époque, comme celle de Laubhouet Lohou Fernand, Sapeur pompier à la retraite et recruté au Palais présidentiel pour apporter son expérience au personnel.
Les Communes d’Abobo et d’Anyama, après la prise de toutes les contrées du pays étaient occupées essentiellement par les hommes armés de Soro et Ouattara. C’était ce qui expliquait la présence de Ibrahim Coulibaly dit ‘’IB’’, ‘’ennemi intime’’ de Soro, et ancien homme de main de Ouattara, et sa bande dans cette ces deux Communes jusqu’à la capture de Laurent Gbagbo, le 11 Avril 2011. Celui-là, il fallait l’éliminer par tous les moyens. C’est ce qu’ils ont réussi à faire quand, pendant la bataille de Yopougon, ‘’IB’’ a voulu faire cavalier seul. Durant tout le temps qu’a mis ‘’le Commando invisible’’ à Abobo, aucune autre force n’y avait accès, si ce n’étaient les hommes de Soro et Ouattara qui cherchaient à amadouer leur allier du début de la rébellion. Les Frci occupaient toutes les voies qui relient les villes de l’intérieur du pays, à Abidjan. D’où pouvaient, donc, venir des pro-Gbagbo pour tuer à Abobo, surtout que tout ce qui sentait FDS était systématiquement égorgé ou brûlé vif. Gendarmes, Policiers, Soldats des FDS, Douaniers, Agents des Eaux et Forêts, ils ont été tués par dizaines dans ces deux Communes. Des centaines de civils aussi, comme c’est le cas à Anonkoua-Kouté, qui a été largement médiatisé, contrairement aux autres crimes. Voulant tromper l’opinion avec une cérémonie qui pue la manipulation, Ouattara et Soro ont éveillé la curiosité des grandes oreilles. Luis Ocampo parti, avec Me Ahoussou Jeannot, le Ministre de la Justice du seul camp Ouattara, dans ses bagages, ils croyaient avoir réussi leur coup. Erreur !
Jennifer Coulibaly