Au plus fort de la crise postélectorale ivoirienne, au moment où s’enflait le débat sur la démocratie, les cafetifwe se retrouvaient autour d’un ouvrage du professeur Lanciné Sylla intitulé « Existe-t-il un modèle universel de démocratie ? » pour éclairer leur lanterne. C’était à l’occasion du trente-septième Café littéraire de l’association Point de lecture qui a eu lieu dans l’après-midi du mercredi 16 mars 2011, à l’amphithéâtre du Cerap (Centre d’Etude, de Recherche et d’Action pour la Paix), à Cocody.
Le livre du sociologue ivoirien qui faisait l’objet de cette rencontre des amoureux du livre et de la lecture est un essai de 108 pages sorti chez « Les Editions du Cerap » en juillet 2006, dans la collection Comprendre…. Et pour le présenter, ce sont les disciples de l’auteur, senti par Zadi Zaourou comme « un de nos meilleurs savants », qui ont été les premiers à prendre la parole. Rendant compte le premier de l’ouvrage, M. Yéo Souleymane, enseignant-chercheur, a affirmé que « Existe-t-il un modèle universel de démocratie ? » pose un débat en cours, qui ne s’achèvera qu’avec la mort du concept de la démocratie lui-même. Sur le livre proprement dit, il a estimé que le professeur a pris parti pour le modèle de démocratie américaine, après plusieurs définitions, avant de comparer ce modèle avec tous les autres modèles européens, asiatiques et africains. « Je regrette que vous n’ayez pas relu une publication de vous : « La Démocratie sous l’arbre à palabre », a-t-il dit à l’auteur avant d’interroger : « Est-ce que la démocratie est consubstantielle à la nation, aux Etats ? » Pour monsieur Adjé Mobio, étudiant en sociologie politique, le professeur Lanciné Sylla veut montrer que, depuis l’effondrement du mur de Berlin, le vent de la démocratie s’est abattu sur le monde.
Il faut dépasser la politique et les élections pour démocratiser toute la société
Après ces premières interventions qui ont donné un aperçu du livre et permis aux invités qui ne l’ont pas lu de s’en faire une idée et prendre part au débat, l’auteur a eu droit à la parole. Il a d’abord expliqué les circonstances dans lesquelles ce livre est né : « Ce livre, je l’ai écrit à un moment bien précis. C’est une conférence que j’ai faite ici, dans cette même maison, à l’occasion d’une rencontre sur les valeurs à enseigner à la jeunesse ». Puis réagissant aux interventions des participants, notament à M. Oquet sur la nécessité de promouvoir les conditions de la démocratie, l’auteur a ajouté: « Je suis d’accord avec M. Oquet qui dit qu’il faut dépasser la politique et les élections pour démocratiser toute la société : l’économie, les syndicats, la culture….
La démocratie africaine était une vraie démocratie
M. Henry N’Koumo a demandé à l’auteur de dire un mot sur : « La Démocratie sous l’arbre à palabre ». « C’est la démocratie directe, a expliqué l’auteur ; la démocratie athénienne, au départ, était une démocratie directe. Toutes les sociétés, à un moment donné, ont connu cette forme de démocratie. En Afrique, on parle d’arbre à palabre mais, en Grèce, on parle d’agora ». Puis, il a expliqué la différence qu’il a trouvée entre la démocratie africaine et les autres démocraties : « La démocratie africaine était une vraie démocratie parce que mêmes les esclaves avaient droit à la parole » ; à Athène, les femmes et les esclaves n’avaient pas droit à la parole ». Reprenant à son niveau la définition la plus répandue de la démocratie – le pouvoir du peuple par le peuple - M. Oblé, enseignant de philosophie et doctorant, a demandé à l’auteur s’il pense que le peuple a vraiment droit à la parole dans le système démocratique. « Le peuple, c’est quoi ? c’est qui ? on ne peut pas dire que c’est le peuple qui fait tout dans la démocratie. C’est un concept vide. Il y a une certaine exclusion dans cette démocratie. Tout le monde ne vote pas. C’est d’abord un groupe d’individus qui tire le reste de la société comme une locomotive ! La démocratie est une forme d’aristocratie qui a été rendue populaire. Parce que c’est un petit nombre qui gouverne », a-t-il expliqué. « Ça dépend du peuple qui gouverne, lui a répondu Lanciné Sylla. Si c’est tout le peuple qui gouverne, il s’agit de la démocratie directe. En revanche, si ce sont ses représentants qui gouvernent, c’est la démocratie représentative et c’est cette démocratie représentative qui gouverne dans le monde actuel ».
Beaucoup de gens s’abstiennent, parce qu’on ne les écoute pas
Reprenant la parole sur ce chapitre, M. Oquet a expliqué que les sociétés actuelles sont confrontées à un problème d’organisation. Pour lui en effet, avant, il ne s’agissait que de réunir une dizaine de personnes alors qu’aujourd’hui, il faut gouverner des milliers voire des millions de personnes aux opinions divergentes et diverses . Dans ces conditions, a-t-il dit, il est impossible d’appliquer la démocratie directe, ce qui contraint à des réductions. Puis, il a cité la démocratie américaine en exemple : « En Amérique par exemple, on est choisit entre démocrates et républicains, mais c’est réducteur. En Europe, il y a un malaise. Beaucoup de gens s’abstiennent, parce qu’ils se disent que, finalement, on ne les écoute pas ». Après l’avoir remercié de son éclairage, l’auteur a expliqué à M. Oquet que les régimes actuels essaient de combiner démocratie directe et démocratie représentative, à travers les référendums, comme en Suisse. Pour lui, les référendums et les pétitions sont des formes de la démocratie directe qui tendent à être prises en compte. Il a aussi expliqué la mafia politique qui se sert de la presse comme évoqué par M. Oquet, avant d’annoncer : C’est l’impérialisme politique. Les impérialistes se basent sur les réseaux de communication pour dominer le monde ».
Il y a démocratie quand il y a légitimité du pouvoir
M. Sossiéhi Roche, étudiant en histoire, a relevé la mystification démocratique qui fait penser qu’il faut atteindre un certain niveau pour être à la démocratie, alors que dans la Grèce Antique, berceau de la démocratie, ce n’était pas tout le peuple qui gouvernait, mais bien la Demos, qui avait accès au savoir et à la science, et non le peuple entier, la Plèbos. Flora Hazoumé s’est demandé s’il n’y a pas lieu de parler de « dictature de la démocratie », en s’appuyant sur la situation d’Haïti sommé d’aller au vote, à peine sorti de la catastrophe naturelle du séisme. Enfin, Oblé s’est demandé à son tour si on peut toujours penser, après trois cents ans d’expérience, que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement. Dans cette perspective, Henry N’Koumo a donné l’exemple des Ebrié, une des nombreuses sociétés à classes d’âge du sud ivoirien : « Chez les Ebrié, a-t-il dit, le chef est choisi par les plus jeunes de la génération et le choix est validé par ceux qui viennent d’achever la gestion du pouvoir. Et le chef ne parle pas. Ce sont les porte-paroles de la génération qui parlent ».
En prenant la parole pour sa dernière intervention, le professeur Lanciné Sylla a dit que tout est une question de « mode de légitimation du pouvoir » : « Il y a démocratie quand il y a légitimité du pouvoir ». En somme, ce trente-septième Café littéraire a permis de cerner les contours du concept de la démocratie, d’en voir les limites, et d’entrevoir des solutions à travers les modèles de démocratie africaine.
Koffi koffi
Le livre du sociologue ivoirien qui faisait l’objet de cette rencontre des amoureux du livre et de la lecture est un essai de 108 pages sorti chez « Les Editions du Cerap » en juillet 2006, dans la collection Comprendre…. Et pour le présenter, ce sont les disciples de l’auteur, senti par Zadi Zaourou comme « un de nos meilleurs savants », qui ont été les premiers à prendre la parole. Rendant compte le premier de l’ouvrage, M. Yéo Souleymane, enseignant-chercheur, a affirmé que « Existe-t-il un modèle universel de démocratie ? » pose un débat en cours, qui ne s’achèvera qu’avec la mort du concept de la démocratie lui-même. Sur le livre proprement dit, il a estimé que le professeur a pris parti pour le modèle de démocratie américaine, après plusieurs définitions, avant de comparer ce modèle avec tous les autres modèles européens, asiatiques et africains. « Je regrette que vous n’ayez pas relu une publication de vous : « La Démocratie sous l’arbre à palabre », a-t-il dit à l’auteur avant d’interroger : « Est-ce que la démocratie est consubstantielle à la nation, aux Etats ? » Pour monsieur Adjé Mobio, étudiant en sociologie politique, le professeur Lanciné Sylla veut montrer que, depuis l’effondrement du mur de Berlin, le vent de la démocratie s’est abattu sur le monde.
Il faut dépasser la politique et les élections pour démocratiser toute la société
Après ces premières interventions qui ont donné un aperçu du livre et permis aux invités qui ne l’ont pas lu de s’en faire une idée et prendre part au débat, l’auteur a eu droit à la parole. Il a d’abord expliqué les circonstances dans lesquelles ce livre est né : « Ce livre, je l’ai écrit à un moment bien précis. C’est une conférence que j’ai faite ici, dans cette même maison, à l’occasion d’une rencontre sur les valeurs à enseigner à la jeunesse ». Puis réagissant aux interventions des participants, notament à M. Oquet sur la nécessité de promouvoir les conditions de la démocratie, l’auteur a ajouté: « Je suis d’accord avec M. Oquet qui dit qu’il faut dépasser la politique et les élections pour démocratiser toute la société : l’économie, les syndicats, la culture….
La démocratie africaine était une vraie démocratie
M. Henry N’Koumo a demandé à l’auteur de dire un mot sur : « La Démocratie sous l’arbre à palabre ». « C’est la démocratie directe, a expliqué l’auteur ; la démocratie athénienne, au départ, était une démocratie directe. Toutes les sociétés, à un moment donné, ont connu cette forme de démocratie. En Afrique, on parle d’arbre à palabre mais, en Grèce, on parle d’agora ». Puis, il a expliqué la différence qu’il a trouvée entre la démocratie africaine et les autres démocraties : « La démocratie africaine était une vraie démocratie parce que mêmes les esclaves avaient droit à la parole » ; à Athène, les femmes et les esclaves n’avaient pas droit à la parole ». Reprenant à son niveau la définition la plus répandue de la démocratie – le pouvoir du peuple par le peuple - M. Oblé, enseignant de philosophie et doctorant, a demandé à l’auteur s’il pense que le peuple a vraiment droit à la parole dans le système démocratique. « Le peuple, c’est quoi ? c’est qui ? on ne peut pas dire que c’est le peuple qui fait tout dans la démocratie. C’est un concept vide. Il y a une certaine exclusion dans cette démocratie. Tout le monde ne vote pas. C’est d’abord un groupe d’individus qui tire le reste de la société comme une locomotive ! La démocratie est une forme d’aristocratie qui a été rendue populaire. Parce que c’est un petit nombre qui gouverne », a-t-il expliqué. « Ça dépend du peuple qui gouverne, lui a répondu Lanciné Sylla. Si c’est tout le peuple qui gouverne, il s’agit de la démocratie directe. En revanche, si ce sont ses représentants qui gouvernent, c’est la démocratie représentative et c’est cette démocratie représentative qui gouverne dans le monde actuel ».
Beaucoup de gens s’abstiennent, parce qu’on ne les écoute pas
Reprenant la parole sur ce chapitre, M. Oquet a expliqué que les sociétés actuelles sont confrontées à un problème d’organisation. Pour lui en effet, avant, il ne s’agissait que de réunir une dizaine de personnes alors qu’aujourd’hui, il faut gouverner des milliers voire des millions de personnes aux opinions divergentes et diverses . Dans ces conditions, a-t-il dit, il est impossible d’appliquer la démocratie directe, ce qui contraint à des réductions. Puis, il a cité la démocratie américaine en exemple : « En Amérique par exemple, on est choisit entre démocrates et républicains, mais c’est réducteur. En Europe, il y a un malaise. Beaucoup de gens s’abstiennent, parce qu’ils se disent que, finalement, on ne les écoute pas ». Après l’avoir remercié de son éclairage, l’auteur a expliqué à M. Oquet que les régimes actuels essaient de combiner démocratie directe et démocratie représentative, à travers les référendums, comme en Suisse. Pour lui, les référendums et les pétitions sont des formes de la démocratie directe qui tendent à être prises en compte. Il a aussi expliqué la mafia politique qui se sert de la presse comme évoqué par M. Oquet, avant d’annoncer : C’est l’impérialisme politique. Les impérialistes se basent sur les réseaux de communication pour dominer le monde ».
Il y a démocratie quand il y a légitimité du pouvoir
M. Sossiéhi Roche, étudiant en histoire, a relevé la mystification démocratique qui fait penser qu’il faut atteindre un certain niveau pour être à la démocratie, alors que dans la Grèce Antique, berceau de la démocratie, ce n’était pas tout le peuple qui gouvernait, mais bien la Demos, qui avait accès au savoir et à la science, et non le peuple entier, la Plèbos. Flora Hazoumé s’est demandé s’il n’y a pas lieu de parler de « dictature de la démocratie », en s’appuyant sur la situation d’Haïti sommé d’aller au vote, à peine sorti de la catastrophe naturelle du séisme. Enfin, Oblé s’est demandé à son tour si on peut toujours penser, après trois cents ans d’expérience, que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement. Dans cette perspective, Henry N’Koumo a donné l’exemple des Ebrié, une des nombreuses sociétés à classes d’âge du sud ivoirien : « Chez les Ebrié, a-t-il dit, le chef est choisi par les plus jeunes de la génération et le choix est validé par ceux qui viennent d’achever la gestion du pouvoir. Et le chef ne parle pas. Ce sont les porte-paroles de la génération qui parlent ».
En prenant la parole pour sa dernière intervention, le professeur Lanciné Sylla a dit que tout est une question de « mode de légitimation du pouvoir » : « Il y a démocratie quand il y a légitimité du pouvoir ». En somme, ce trente-septième Café littéraire a permis de cerner les contours du concept de la démocratie, d’en voir les limites, et d’entrevoir des solutions à travers les modèles de démocratie africaine.
Koffi koffi