Probablement, on s’achemine vers le dernier épisode d’un long feuilleton, plein de suspense, sur la gestion des ordures ménagères à Abidjan. La fermeture de la décharge d’Akouédo, prévue pour le 30 décembre, s’annonce avec quelques zones d’ombre.
Akouédo-village est à quelques centaines de mètres de la décharge d’ordures de 100 hectares. Il n’a pas plu depuis des jours, et la poussière qui s’élève de cet endroit rappelle qu’on peut aspirer n’importe quoi par les narines. Il est 15h, la plupart des chefs de familles sont encore au travail. Vers la petite gare de wôrô-wôrô (véhicules de transport commun), des enfants, gais, courent entre les habitations décentes. Au bord de l’asphalte qui fend le village en deux, des gérants de cabine et de box de commerce essayent tant bien que mal de donner un semblant d’entrain à ce bled sujet à discussions. Akouédo, la plus grosse poubelle du pays, Akouédo, la puanteur, Akouédo, la fin du calvaire… Après 40 ans passés à servir de réservoir d’ordures à la capitale économique, Djro Danho Paul, le chef du village, et sa population n’ont jamais été si proche de la délivrance. Comme l’ «élue » annoncée par la prophétie, la nouvelle ministre de la Salubrité urbaine leur a livré un message de soulagement en juillet dernier. Anne Ouloto leur a annoncé que le site doit être fermé à la fin de ce mois de décembre, et cette fois-ci, pour de bon. «C’est une femme de parole. Aussitôt arrivée, elle a payé les arriérés de loyer (Ndlr : le site est loué à 5.000.000 Fcfa par mois) que l’Etat devait au village », rappelle confiant, Michel Angoa, un étudiant qui habite le village.
« Nous avons longtemps respiré la merde ici. Quand les déchets toxiques ont été déversés à Abidjan, c’est la population d’Akouédo qui a été la première victime. A cause de la décharge, nous avons toutes sortes de problèmes. Sa fermeture sera un soulagement», ajoute, dans le même état d’esprit, Doumbia Soumaïla, un autre villageois que nous rencontrons à la gare de wôrô-wôrô. Faut-il se réjouir si vite ? Non. Car, à 570 heures, soit à quatre semaines du jour J, beaucoup reste à faire. Selon une source au ministère de la Salubrité urbaine, la recherche de centre de groupage est toujours en cours. Sur les 25 sites répertoriés, 18 ont depuis été trouvés. « Parmi ces sites, seuls 6 ou 8 sont fonctionnels. Les autres ne sont pas viables ou mal situés, parfois sous des lignes de haute tension», indique-t-elle. Ces sites en question sont censés servir pour la transformation des ordures. A côté, des centres d’enfouissement sont ciblés à Akéikoi (Abobo) et à Kossouin (sur l’autoroute du nord, à une quarantaine de kilomètres d’Abidjan. Des études ont été lancées pour déterminer leur viabilité. Il s’agit essentiellement de voir s’ils n’auront pas d’incidence sur la nappe phréatique. Pour ne pas prendre de risque, un autre site, dit-on, plus sûr, est en vue sur la route d’Agboville pour la création d’une technopole. Mais là aussi, on se pose des questions sur la distance qui avoisine les 42 kilomètres entre le site et le lieu de départ des ordures. C’est-à-dire, Abidjan. S’il est vrai qu’avec le nouveau système de traitement des ordures et d’enfouissement, Akouédo peut être fermé sans grande difficulté, cela passe forcément par la disponibilité et, au plus vite, de ces centres d’enfouissement. La question est très urgente. Et, notre interlocuteur, quoique sûr de la fermeture de la décharge, n’exclut pas un report de la date d’un ou deux mois. « Il existe toujours la possibilité d’étudier la convention qui nous lie à Akouédo pour reporter la date de la fermeture », prévient-il. Aveu de report de date ou simple précaution ?
En tout cas, à Akouédo, ces innocents enfants qui jouent entre les murs des habitations ignorent que le loyer de 5 millions de Fcfa que leur paye l’Etat pour y acheminer les ordures, permet la prise en charge de leur scolarité. Et, que tout ceci pourrait s’arrêter si on venait à mettre la clef sous la porte. Mais Doumbia Soumahila et Michel Angoa, eux, attendent avec impatience cet évènement et verraient en un report un manquement à une parole donnée.
Quand on sait que cette fermeture équivaut à un hôpital que le ministère de la Santé va construire avec la collaboration de celui de la Salubrité urbaine. Ainsi que la réhabilitation de la décharge et la création d’un grand jardin vert où Michel et Doumbia s’y rendront pour prendre du bon temps. De quoi faire rêver.
Raphaël Tanoh
Akouédo-village est à quelques centaines de mètres de la décharge d’ordures de 100 hectares. Il n’a pas plu depuis des jours, et la poussière qui s’élève de cet endroit rappelle qu’on peut aspirer n’importe quoi par les narines. Il est 15h, la plupart des chefs de familles sont encore au travail. Vers la petite gare de wôrô-wôrô (véhicules de transport commun), des enfants, gais, courent entre les habitations décentes. Au bord de l’asphalte qui fend le village en deux, des gérants de cabine et de box de commerce essayent tant bien que mal de donner un semblant d’entrain à ce bled sujet à discussions. Akouédo, la plus grosse poubelle du pays, Akouédo, la puanteur, Akouédo, la fin du calvaire… Après 40 ans passés à servir de réservoir d’ordures à la capitale économique, Djro Danho Paul, le chef du village, et sa population n’ont jamais été si proche de la délivrance. Comme l’ «élue » annoncée par la prophétie, la nouvelle ministre de la Salubrité urbaine leur a livré un message de soulagement en juillet dernier. Anne Ouloto leur a annoncé que le site doit être fermé à la fin de ce mois de décembre, et cette fois-ci, pour de bon. «C’est une femme de parole. Aussitôt arrivée, elle a payé les arriérés de loyer (Ndlr : le site est loué à 5.000.000 Fcfa par mois) que l’Etat devait au village », rappelle confiant, Michel Angoa, un étudiant qui habite le village.
« Nous avons longtemps respiré la merde ici. Quand les déchets toxiques ont été déversés à Abidjan, c’est la population d’Akouédo qui a été la première victime. A cause de la décharge, nous avons toutes sortes de problèmes. Sa fermeture sera un soulagement», ajoute, dans le même état d’esprit, Doumbia Soumaïla, un autre villageois que nous rencontrons à la gare de wôrô-wôrô. Faut-il se réjouir si vite ? Non. Car, à 570 heures, soit à quatre semaines du jour J, beaucoup reste à faire. Selon une source au ministère de la Salubrité urbaine, la recherche de centre de groupage est toujours en cours. Sur les 25 sites répertoriés, 18 ont depuis été trouvés. « Parmi ces sites, seuls 6 ou 8 sont fonctionnels. Les autres ne sont pas viables ou mal situés, parfois sous des lignes de haute tension», indique-t-elle. Ces sites en question sont censés servir pour la transformation des ordures. A côté, des centres d’enfouissement sont ciblés à Akéikoi (Abobo) et à Kossouin (sur l’autoroute du nord, à une quarantaine de kilomètres d’Abidjan. Des études ont été lancées pour déterminer leur viabilité. Il s’agit essentiellement de voir s’ils n’auront pas d’incidence sur la nappe phréatique. Pour ne pas prendre de risque, un autre site, dit-on, plus sûr, est en vue sur la route d’Agboville pour la création d’une technopole. Mais là aussi, on se pose des questions sur la distance qui avoisine les 42 kilomètres entre le site et le lieu de départ des ordures. C’est-à-dire, Abidjan. S’il est vrai qu’avec le nouveau système de traitement des ordures et d’enfouissement, Akouédo peut être fermé sans grande difficulté, cela passe forcément par la disponibilité et, au plus vite, de ces centres d’enfouissement. La question est très urgente. Et, notre interlocuteur, quoique sûr de la fermeture de la décharge, n’exclut pas un report de la date d’un ou deux mois. « Il existe toujours la possibilité d’étudier la convention qui nous lie à Akouédo pour reporter la date de la fermeture », prévient-il. Aveu de report de date ou simple précaution ?
En tout cas, à Akouédo, ces innocents enfants qui jouent entre les murs des habitations ignorent que le loyer de 5 millions de Fcfa que leur paye l’Etat pour y acheminer les ordures, permet la prise en charge de leur scolarité. Et, que tout ceci pourrait s’arrêter si on venait à mettre la clef sous la porte. Mais Doumbia Soumahila et Michel Angoa, eux, attendent avec impatience cet évènement et verraient en un report un manquement à une parole donnée.
Quand on sait que cette fermeture équivaut à un hôpital que le ministère de la Santé va construire avec la collaboration de celui de la Salubrité urbaine. Ainsi que la réhabilitation de la décharge et la création d’un grand jardin vert où Michel et Doumbia s’y rendront pour prendre du bon temps. De quoi faire rêver.
Raphaël Tanoh