Il est de plus en plus difficile d'ignorer le drame du Front populaire ivoirien (Fpi). Le parti envisage de se mettre en marge du processus politique en cours. Mais en décidant de pratiquer la terre brûlée, a-t-il mesuré la crise qu'il déclencherait en son propre sein ? Aujourd’hui divisés, amoindris, ses cadres vivent mal leur nouveau statut d’opposants. Signe du désarroi, les yoyos en forme «je vais, je ne vais pas». Que cherchent-ils ? Les raisons qui ont présidé au refus de prendre part aux législatives à savoir les problèmes sécuritaires, le gel des comptes, étaient simples … et fausses. Ils boycottent les discussions avec le pouvoir parce qu’ils n’ont pas envie de se découvrir, de mettre à nu leur minorité. Ils ont peur que se dévoile l'image radicale voire grandiloquente qu'ils avaient réussi à imposer. Mais les leaders tiennent toujours un double discours. Désormais, plusieurs camps se toisent. Guéi Brissi, comme d’autres, multiplie certes les déclarations de principe outragées mais continue à pratiquer la «politique de l’équilibre». D’autres membres, comme Sylvain Miaka Oureto, refusent de soutenir la tempérance. Le bloc des extrémistes accuse Gervais Coulibaly de vouloir créer un bloc regroupant «les judas». Celui-ci dénonce une oligarchie qui cultive «l'isolement comme une vertu». Sur le terrain, la galère se poursuit. Au point de susciter la rogne. L’erreur est éclatante d’autant que le parti s’isole. Si éclatante que la direction intérimaire tente, en sourdine, de réajuster sa stratégie en conséquence. Un peu tard. L’espace qui sépare le Fpi de la démocratie est aujourd’hui le plus encombré du landerneau politique. Les tendances et sensibilités y prolifèrent : Lider, Cap-Udd et même les indépendants ont repris des couleurs, ne serait-ce qu’au plan du discours (mais en politique, les discours comptent). Au sein du Congrès national pour la résistance démocratique, le Fpi n’y est certainement plus hégémonique. Leçon à tirer : le chemin emprunté par le parti n’est pas le bon. A l’évidence, sa direction se trompe de période historique. Ce qui manque au Fpi depuis la chute de Laurent Gbagbo, c’est d’abord une bonne dose de modestie. S’imaginer que lui seul, si clairvoyants soient ses représentants, allait tout régenter, manque de sérieux. Partout où un parti au pouvoir passe à l’opposition, il le fait autour de plusieurs courants. Bien entendu, cela accroît considérablement la complexité de ces processus, et soulève des problèmes politiques innombrables. S’imaginer qu’on fera l’économie de cette complexité est toutefois une erreur majeure. Le Fpi en fait les frais, puisqu’il a perdu une partie importante de ses membres qu’il avait su rassembler.
Lanciné Bakayoko
Lanciné Bakayoko