Une fête de Noël cauchemardesque. Ainsi peut se résumer la fête de la nativité 2011 pour les habitants de Sikensi. Au lendemain de cette fête, la joie a laissé la place à la tristesse. Le décor qui s’offre à tous ceux qui ont foulé le sol de cette ville hier, en est la preuve. Transport inexistant, boutiques fermées et marchés fermés, des pneus, des tables et des habitations en feu, plusieurs barricades sur la voie principale de la ville, bien évidemment aucun son de musique à ce lendemain de fête, le tout ponctué par une présence inhabituelle de gendarmes et de policiers lourdement armés. Un spectacle observé de l’entrée de la ville à la sortie. Sans oublier la présence des jeunes, le visage badigeonné de charbon, très existés, portant des armes blanches difficilement dissimilées sous des chemises ou dans les pantalons, répartis en groupes par appartenance ethnique, avec d’une part les autochtones et d’autre part, les allogènes, qui se regardent en chien de faïence et prêts à en découdre. Des jeunes qui menacent, malgré la présence des forces de sécurité, d’attaquer les autres. Des FRCI quittant précipitamment la ville. Un bilan lourd malheureusement : quatre morts, dont deux FRCI en poste à Becedi, un jeune autochtone, un malinké et une quinzaine de blessés dont beaucoup par balles. Tel est le spectacle qu’offrait Sikensi, hier. Mais comment en est on arrivé à ce drame ? Selon les témoignages recueillis sur place et confirmés par le Préfet Yeo Oumar, tout serait parti d’une altercation entre un élément FRCI et un jeune autochtone pour une affaire de femme. « Le vendredi, un jeune Abidji a surpris son ex-copine avec un élément des FRCI dans un maquis de la place. Le ton monte très vite et les deux jeunes en viennent aux mains», explique le jeune Kassi. Toujours selon notre interlocuteur, le lendemain, les deux prétendants se sont retrouvés au même lieu et c’est là, qu’aidé par un autre frère d’arme, le FRCI porte main à son rival. A la suite des coups reçus, le jeune qui se prénomme Michel tombe et perd connaissance. Conduit à l’hôpital, toujours selon notre interlocuteur, le médecin diagnostique un coma. Comme une trainée de poudre, la nouvelle de la mort de Michel fait le tour des quartiers Sikensi A et B où vivent essentiellement les autochtones. Ces derniers décident une fois la nuit tombée, de descendre sur le QG des FRCI situé à Sikensi C, appelé Dioulabougou. Devant leur incapacité d’avoir accès au QG des soldats, les jeunes Abidji, battent en retraite. Sur le chemin de retour, ils descendent au marché et font sortir les tables et dressent des barricades dans la rue principale, non sans mettre le feu à certaines tables et à des pneus. Toujours dans leur repli, certains d’entre eux décident de lancer des pierres dans le quartier où est situé le marché, c’st-à-dire : Sikensi C. Dès lors, les jeunes de ce quartier se révoltent et entrent en scène. La crise entre FRCI et autochtones tourne à une crise entre autochtones et allogènes. Les nerfs se chauffent. La nuit, heureusement, se passe bien. Au petit matin d’hier, les jeunes des quartiers A et B décident d’une marche pour demander le départ des FRCI. Une marche s’effectuant dans la fumée des pneus et des tables encore en feu. Brusquement tout se dégénère. Une bataille rangée s’engage entre autochtones et allogènes. Chacun marque son territoire. Malheureusement, cette bataille se solde par deux morts, un malinké et un Abidji. Très rapidement la nouvelle gagne toute la région. Becedi, ville située à une dizaine de kilomètres de Sikentsi, entre en jeu. Deux jeunes FRCI en fraction dans cette localité sont pris à partie et tués. La forte présence de la police et de la gendarmerie fait baisser la tension. Un calme précaire régnait au moment où, hier, nous quittions la ville autour de 19h.
Thiery Latt envoyé spécial
Thiery Latt envoyé spécial