«Là où il n’y a pas de sanctions, prospèrent la chienlit, le désordre, la pagaille…» dit-on. Des éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) ont donné du crédit à cette réflexion à travers des comportements déplorables dont ils continuent de se rendre coupables depuis leur descente à Abidjan qui s’est soldée par la chute de Laurent Gbagbo, le 11 avril 2011. Le Président de la République, Alassane Ouattara, qui en avait par-dessus la tête a dû lever le bâton, à son corps défendant, au terme d’une réunion de crise avec la hiérarchie militaire, le 19 décembre dernier contre tous les éléments indélicats. Objectif : mettre fin au ramdam et à la chienlit estampillés du sceau de ceux que la population avait pris au départ pour des sauveurs, mais qui se sont transformés en bourreaux, c’est-à-dire les soldats des Frci. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase et qui a fait piquer au Président de la République, une colère noire, c’est la tuerie gratuite des civils à Vavoua. A Vavoua, dans cette phase de refonte de l’armée pour donner naissance à un nouvel outil de défense, ces ex combattants des Forces nouvelles n’ont véritablement pas abandonné leur nature de rebelles, et ont fait des morts dans cette localité, comme un peu partout en Côte d’Ivoire où des actes de délinquance militaire sont posés par ces hommes au quotidien. Il était donc tout indiqué de la part du garant de la stabilité politique et sociale du pays de se faire entendre, ainsi que l’espéraient vivement beaucoup de ses compatriotes. Ces derniers l’accablaient d’ailleurs de critiques et de propos virulents. Car, on le jugeait un peu trop mou avec ses militaires, peut-être parce qu’ils ont joué un rôle décisif voire historique dans son accession à la magistrature suprême du pays. Est-ce sur cette base que ces bidasses, se croyant au-dessus des institutions républicaines y compris les hommes qui les incarnent, en font à leur tête ? Comment des hommes en tenue et en armes dans des véhicules frappés du logo Frci, peuvent-ils débarquer dans des domiciles, tenir tout le monde en respect, tuer sous les yeux de ses enfants le chef de famille, violer la mère et les filles avant d’emporter, argent, bijoux, téléphones, appareils électroménagers… ? Des actes d’une extrême barbarie, doublés de crimes en tout genre, signés en lettres de sang par des éléments «incontrôlés» des Forces républicaines de Côte d’Ivoire qui non seulement écornent l’image de l’armée ivoirienne, mais influent négativement sur la normalisation économique, en augmentant «le risque pays». Car, si l’argent a peur du bruit, ceux qui apportent la richesse, c'est-à-dire les partenaires au développement et les investisseurs étrangers ont peur des coups de feu. A ce jour, le nom Frci renvoie aux crimes, vols, viols, braquages, à l'indiscipline caractérisée et à l'insécurité. Cet état de fait ne pouvait donc pas perdurer. Et le Chef de l’Etat semble l’avoir bien compris. D’abord parce qu’il a fait le serment de protéger tous les habitants de ce pays et leurs biens. Ensuite parce que convaincu qu’il ne peut pas ériger la Côte d’Ivoire au rang des pays émergents avec une armée gangrénée. Enfin parce que les organisations de défense des Droits de l’Homme pourraient se saisir des agissements de ces Frci voyous et lui attribuer de mauvaises notes. Le fait qu’il soit obligé lui-même de monter au créneau est un désaveu pour la hiérarchie militaire qui s’est montrée incapable de mettre au pas les brebis galeuses présentes dans les rangs des Frci. Face aux critiques de plus en plus persistantes, l’idée d’un atelier a germé dans les esprits et a fini par se tenir à Grand Bassam, du 1er et 2 septembre 2011, mais dont les conclusions sont restées dans les tiroirs. L’objectif était, ente autres, l’abandon de l’appellation Frci, au profit des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci). Le chef de l’Etat, Alassane Ouattara et le Premier ministre, Guillaume Soro, ministre de la Défense, qui en dernier ressort, devaient entériner les propositions de cet atelier, ont eu le nez creux en ne s’aventurant pas sur la voie du changement de nom. Car, à la vérité, il n’aurait servi à rien. Parce que les vraies plaies qui rongent l’armée ivoirienne sont d’ordre éthique, moral et disciplinaire. Combien parmi les militaires ivoiriens savent que les armes qu’ils prennent pour sévir, les treillis qu’ils portent pour abuser des autres ont été acquis grâce à l’argent des contribuables ? Le ras-le-bol du Chef de l’Etat rejoint celui des populations qui, depuis plusieurs mois, souffrent en silence devant les Kalachnikovs des Frci. Au départ, quand ils ne tuaient pas d’honnêtes citoyens généralement dans des zones comptant de nombreux partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo, ils opéraient des perquisitions de domiciles qui se soldaient par le vol de tous les meubles. Pour n’avoir pas sanctionné à temps ces inconduites de certains chefs de guerre et leurs éléments, la situation s’est généralisée et a pris l’allure d’un cancer. Aujourd’hui, l’on se retrouve à mettre sur pied une police militaire, pour traquer ceux des Frci qui n’ont pas compris que ce dont la Côte d’Ivoire a besoin, c’est d'une armée disciplinée et respectueuse des droits de l’Homme. La police militaire sera-t-elle opérante comme le souhaite les Ivoiriens, encore traumatisés par les 3000 morts de la crise postélectorale ? Qu’adviendra-t-il si elle venait à échouer ? Voici des questions que ne cessent de se poser les Ivoiriens depuis le 19 décembre 2011 que le Chef de l’Etat a décidé qu’une traque soit organisée pour mettre hors d’état de nuire tous les éléments incontrôlés qui sèment la mort partout en Côte d’Ivoire. Ici, c’est l’efficacité de cette police qui inquiète les Ivoiriens d’autant que ce n’est pas la première fois que le Chef de l’Etat tape du poing sur la table. A plusieurs reprises, il a appelé les Frci à rejoindre les casernes, à ne pas s’attaquer aux populations, à quitter les routes, à lever les barrages sauvages, à mettre fin au racket... A plusieurs reprises, il a interpellé la hiérarchie militaire en menaçant de la tenir pour responsable des agissements des éléments incontrôlés. Mais à quoi assistons-nous ? A des braquages de camions de cacao en pleine ville et en pleine journée, à des attaques de supermarchés, d’entreprises…Que pourra la police militaire face à des individus bien entraînés au maniement des armes qui ont choisi de se payer au moyen des outils de guerre qui sont à leur disposition ? S’il n’est jamais trop tard pour bien faire, il faut tout de même reconnaître que concernant les Frci, le pouvoir a un peu joué le médecin après la mort. Espérons, malgré tout, que cette police militaire soit à la hauteur de la tâche et n’entraîne la création d’une autre structure qu’on appellera cette fois, peut-être… la gendarmerie militaire ou... la douane militaire…ou la police de la police militaire…
COULIBALY Vamara
COULIBALY Vamara