Une divergence de vue oppose, depuis les premiers contacts avec le pouvoir actuel, les membres du Congrès national de la résistance pour la démocratie (Cnrd, coalition de partis pro-Gbagbo). La participation aux législatives a encore accentué la discorde quand une partie de cette coalition, en raison de la liberté d’action de chaque parti-membre, a voulu tenter sa chance à l’élection des députés. Le premier vice-président de l’Union pour la République et la démocratie (Urd) fondée par Danièle Boni Claverie, livre ici son point de vue sur ce qui oppose son groupe aux autres dont le Fpi. Guihounou Djolo Philomin était le colistier de Gervais Coulibaly de Cap-Udd à Yopougon.
Le Cnrd est aujourd’hui divisé. Le groupe de Gervais Coulibaly est taxé de pro-Ouattara. Lui-même est visiblement en rupture de ban avec ses alliés. Quelle est la réalité des faits ?
Pour retrouver la confiance et l’optimisme des citoyens de notre pays, la volonté populaire doit tendre vers la consolidation du tissu national en vue d’éviter toute velléité de fracture sociale. Voici le défi des élites politiques et étatiques. Mais au lieu de relever tout crédit perdu auprès des masses populaires, et donner une image rassurante et pacifique, ce sont des intrigues et des turpitudes qui font place à la digne lutte de développement harmonieux et durable. La déclaration du Président Bernard Binlin Dadié du Cnrd est venue à point nommé pour repréciser la situation avec clarté et cohérence.
Vous étiez le colistier de Gervais Coulibaly dans la circonscription de Yopougon commune pour les législatives que vous avez perdues. Votre candidature a été vue par vos amis comme un acte de traîtrise et de collaboration avec le régime Ouattara. Que leur répondez-vous ?
Oui j’étais sur cette liste et nous avons perdu les élections. Mais je suis étonné que nos amis puissent afficher un tel comportement vis-à-vis de nous. Avec la franchise et la responsabilité qui devaient les caractériser, ils savent comment nous sommes allés à ces élections. Le Cnrd est une coalition de partis politiques et de mouvements de soutien. Ces différentes entités sont autonomes. Ce qui permet à chaque organe d’avoir une liberté de gestion. Nous n’avons rien entrepris sans au préalable nous être concertés avec les autres et précisément avec le Fpi dont le secrétaire général a exprimé son accord de principe. De cet accord, nous avons posé des actes qui ont permis la libération de vingt prisonniers autrefois incarcérés à Bouna et Boundiali principalement. L’inclinaison naturelle est humaine. Mais bien qu’heureux de retrouver leurs familles, le mot merci a manqué de leur part généralement. Cette action ayant été d’une grande portée, beaucoup de nos frères, opposés au départ de l’action, se passent pour les initiateurs. Comme si cela n’était pas suffisant, ils taxent les vrais acteurs de traîtres, d’achetés du pouvoir Ouattara. Nous sommes fiers d’avoir permis à vingt frères et sœurs d’être élargis et qui ont pu retrouver leurs familles, à des exilés de rentrer, et permis que des comptes bancaires soient dégelés. Tant que nous sommes à la table de discussion, nous pensons à ceux des incarcérés qui attendent de recouvrer la liberté. Cet acquis que nous avons est certainement prisé, si bien que nos amis ne font plus de différence entre une injonction et une demande pour reprendre la discussion qu’ils n’auraient jamais dû abandonner avec le pouvoir.
Vos amis vous accusent aussi de vouloir rentrer au prochain gouvernement en vous servant d’eux…
Que nos amis ne soient pas perturbés. Nous ne ferons rien qui puisse les discréditer. De commun accord, nous avons décidé de prendre des voies différentes pour arriver au même point d’impact qui est de regrouper notre famille politique et retrouver une cohésion et une sérénité nationales. Nous avons opté pour la table de discussion avec le pouvoir comme nous l’a conseillé le président Laurent Gbagbo. Si nos amis reconnaissent que leur choix n’a pas prospéré, ils doivent revenir sans fausse honte sur leurs pas. Il est bon que ce retour de l’enfant prodige se fasse sans faire d’injonction au pouvoir. Il est ridicule de demander au pouvoir de renouer la discussion sous quarante-huit heures avec eux. Cela montre que nos amis sont encore à terre et ne le savent pas. Le pouvoir discerne bien qui de nous ou de vous mérite de la nation.
Depuis sa sortie de prison, on n’a jamais entendu publiquement la présidente statutaire de votre parti, Danièle Boni Claverie, sur les questions d’intérêt national. A quoi est dû ce silence ?
Je voudrais rappeler qu’en l’absence de la présidente du parti, j’ai géré le parti avec l’aide de bonnes volontés pour continuer la lutte. Cette lutte a donné la libération de vingt prisonniers y compris la présidente du parti. Dès sa sortie de prison, nous avons procédé à la passation des charges. J’ai enregistré une déclaration de sa part dans un journal où elle a exprimé qu’aucun membre de son parti n’était candidat à l’élection législative du 11 décembre. Après cette déclaration, j’ai été convié à une réunion de direction à laquelle l’ordre du jour principal était de remercier tous les militants et les membres de la direction du parti qui ont pu travailler pendant son absence. Elle avait à cette même réunion annoncé que dans quelques jours une recomposition du parti va se faire après un bilan. Nous attendons cela et ce que vous dites est juste. Mais nous devons comprendre qu’elle sort de prison et elle est sous liberté provisoire. Dans cet état, on ne se met pas à parler un peu partout. C’est ce que je constate.
Pensez-vous que votre démarche, telle que vous l’expliquiez plus haut rencontre son adhésion ?
Oui ! Mais dans le temps où elle était en prison, ma démarche avait une valeur. Et c’est la même démarche, puisque je n’ai pas changé. Je le faisais pour sa liberté et elle acceptait cela. Mais une fois dehors, une inclinaison naturelle et honnête peut lui permettre de s’éloigner de moi. Mais à la place où j’étais, j’ai mené une lutte que je continue de mener. Elle est dehors, mais nous avons des frères et des sœurs qui sont encore en prison et nous devons continuer la lutte. Là-dessus, je ne me reproche rien.
Comment expliquez-vous votre méthode de « un pied dedans, un pied dehors » au cours des législatives passées ? Votre liste s’est d’abord retirée après le transfèrement de Gbagbo avant de revenir quelques jours plus tard. Beaucoup ont trouvé cela incongru !
Notre démarche a été simple. Nous n’avions pas de velléité à être députés. Il s’agit de poser une action pour que nos préoccupations d’alors soient prises en compte, comme nous l’avait promis le gouvernement. A savoir la libération de Laurent Gbagbo, la libération des camarades incarcérés, le dégel des comptes, le retour des réfugiés…C’est ce que nous suivions quand nous avons posé cet acte d’aller aux élections.
La simple promesse était-elle suffisante pour aller aux législatives ?
Un parti politique, pour prendre le pouvoir d’Etat et l’exercer, passe par les élections ! Si vous êtes une élite politique et que vous ne considérez pas les élections comme un moyen d’accéder au pouvoir, c’est que vous avez quelque chose derrière la tête. Nous avions ce droit d’aller aux élections. Mais pour les préoccupations que je viens de citer, nous étions freinés. Alors si on nous dit qu’on peut les résoudre, nous n’avons plus d’autres raisons de ne pas y aller. (Il montre une déclaration signée des leaders du Cnrd). Les partis-membres du Cnrd ont tous déclaré que nous devions aller aux élections. Le premier à avoir signé, c’était le Fpi. Donc, nous nous étions mis d’accord pour aller aux élections si nos préoccupations étaient résolues. Il s’est trouvé que le pouvoir a répondu à nous autres que nos préoccupations allaient être prises en compte.
Comment vos préoccupations ont-elles été prises en compte quand à l’arrivée c’est seulement vingt personnes qui ont été libérées, quand la liste des concernés par le dégel n’a jamais été rendue publique et quand la grande partie des réfugiés n’est pas encore rentrée et la cerise sur le gâteau, quand votre leader est transféré à La Haye ?
Je ne sais pas si c’est à vous qu’on devait remettre la liste des concernés par le dégel ! Posez la question aux concernés eux-mêmes. Posez la question à Boni Claverie pour savoir si son compte n’est pas dégelé ! Sur les trente neuf civils qui avaient été arrêtés, si on en libère vingt, c’est déjà quelque chose d’acquis ! C’est pour cela quand le mot merci a manqué aux discours, j’en ai été écœuré. Si on regardait tous dans la même direction, je pense que notre démarche pouvait porter à l’égard du pouvoir. Mais à la sortie, on a plutôt estimé que c’est l’action des avocats qui a abouti à la libération des prisonniers et que le pouvoir n’y est pour rien. Alors quand on a vingt prisonniers libérés on ne peut pas dire que rien n’a été fait. C’est aujourd’hui vingt familles qui se réjouissent de la présence de leurs parents autrefois incarcérés.
Par S. Débailly
Le Cnrd est aujourd’hui divisé. Le groupe de Gervais Coulibaly est taxé de pro-Ouattara. Lui-même est visiblement en rupture de ban avec ses alliés. Quelle est la réalité des faits ?
Pour retrouver la confiance et l’optimisme des citoyens de notre pays, la volonté populaire doit tendre vers la consolidation du tissu national en vue d’éviter toute velléité de fracture sociale. Voici le défi des élites politiques et étatiques. Mais au lieu de relever tout crédit perdu auprès des masses populaires, et donner une image rassurante et pacifique, ce sont des intrigues et des turpitudes qui font place à la digne lutte de développement harmonieux et durable. La déclaration du Président Bernard Binlin Dadié du Cnrd est venue à point nommé pour repréciser la situation avec clarté et cohérence.
Vous étiez le colistier de Gervais Coulibaly dans la circonscription de Yopougon commune pour les législatives que vous avez perdues. Votre candidature a été vue par vos amis comme un acte de traîtrise et de collaboration avec le régime Ouattara. Que leur répondez-vous ?
Oui j’étais sur cette liste et nous avons perdu les élections. Mais je suis étonné que nos amis puissent afficher un tel comportement vis-à-vis de nous. Avec la franchise et la responsabilité qui devaient les caractériser, ils savent comment nous sommes allés à ces élections. Le Cnrd est une coalition de partis politiques et de mouvements de soutien. Ces différentes entités sont autonomes. Ce qui permet à chaque organe d’avoir une liberté de gestion. Nous n’avons rien entrepris sans au préalable nous être concertés avec les autres et précisément avec le Fpi dont le secrétaire général a exprimé son accord de principe. De cet accord, nous avons posé des actes qui ont permis la libération de vingt prisonniers autrefois incarcérés à Bouna et Boundiali principalement. L’inclinaison naturelle est humaine. Mais bien qu’heureux de retrouver leurs familles, le mot merci a manqué de leur part généralement. Cette action ayant été d’une grande portée, beaucoup de nos frères, opposés au départ de l’action, se passent pour les initiateurs. Comme si cela n’était pas suffisant, ils taxent les vrais acteurs de traîtres, d’achetés du pouvoir Ouattara. Nous sommes fiers d’avoir permis à vingt frères et sœurs d’être élargis et qui ont pu retrouver leurs familles, à des exilés de rentrer, et permis que des comptes bancaires soient dégelés. Tant que nous sommes à la table de discussion, nous pensons à ceux des incarcérés qui attendent de recouvrer la liberté. Cet acquis que nous avons est certainement prisé, si bien que nos amis ne font plus de différence entre une injonction et une demande pour reprendre la discussion qu’ils n’auraient jamais dû abandonner avec le pouvoir.
Vos amis vous accusent aussi de vouloir rentrer au prochain gouvernement en vous servant d’eux…
Que nos amis ne soient pas perturbés. Nous ne ferons rien qui puisse les discréditer. De commun accord, nous avons décidé de prendre des voies différentes pour arriver au même point d’impact qui est de regrouper notre famille politique et retrouver une cohésion et une sérénité nationales. Nous avons opté pour la table de discussion avec le pouvoir comme nous l’a conseillé le président Laurent Gbagbo. Si nos amis reconnaissent que leur choix n’a pas prospéré, ils doivent revenir sans fausse honte sur leurs pas. Il est bon que ce retour de l’enfant prodige se fasse sans faire d’injonction au pouvoir. Il est ridicule de demander au pouvoir de renouer la discussion sous quarante-huit heures avec eux. Cela montre que nos amis sont encore à terre et ne le savent pas. Le pouvoir discerne bien qui de nous ou de vous mérite de la nation.
Depuis sa sortie de prison, on n’a jamais entendu publiquement la présidente statutaire de votre parti, Danièle Boni Claverie, sur les questions d’intérêt national. A quoi est dû ce silence ?
Je voudrais rappeler qu’en l’absence de la présidente du parti, j’ai géré le parti avec l’aide de bonnes volontés pour continuer la lutte. Cette lutte a donné la libération de vingt prisonniers y compris la présidente du parti. Dès sa sortie de prison, nous avons procédé à la passation des charges. J’ai enregistré une déclaration de sa part dans un journal où elle a exprimé qu’aucun membre de son parti n’était candidat à l’élection législative du 11 décembre. Après cette déclaration, j’ai été convié à une réunion de direction à laquelle l’ordre du jour principal était de remercier tous les militants et les membres de la direction du parti qui ont pu travailler pendant son absence. Elle avait à cette même réunion annoncé que dans quelques jours une recomposition du parti va se faire après un bilan. Nous attendons cela et ce que vous dites est juste. Mais nous devons comprendre qu’elle sort de prison et elle est sous liberté provisoire. Dans cet état, on ne se met pas à parler un peu partout. C’est ce que je constate.
Pensez-vous que votre démarche, telle que vous l’expliquiez plus haut rencontre son adhésion ?
Oui ! Mais dans le temps où elle était en prison, ma démarche avait une valeur. Et c’est la même démarche, puisque je n’ai pas changé. Je le faisais pour sa liberté et elle acceptait cela. Mais une fois dehors, une inclinaison naturelle et honnête peut lui permettre de s’éloigner de moi. Mais à la place où j’étais, j’ai mené une lutte que je continue de mener. Elle est dehors, mais nous avons des frères et des sœurs qui sont encore en prison et nous devons continuer la lutte. Là-dessus, je ne me reproche rien.
Comment expliquez-vous votre méthode de « un pied dedans, un pied dehors » au cours des législatives passées ? Votre liste s’est d’abord retirée après le transfèrement de Gbagbo avant de revenir quelques jours plus tard. Beaucoup ont trouvé cela incongru !
Notre démarche a été simple. Nous n’avions pas de velléité à être députés. Il s’agit de poser une action pour que nos préoccupations d’alors soient prises en compte, comme nous l’avait promis le gouvernement. A savoir la libération de Laurent Gbagbo, la libération des camarades incarcérés, le dégel des comptes, le retour des réfugiés…C’est ce que nous suivions quand nous avons posé cet acte d’aller aux élections.
La simple promesse était-elle suffisante pour aller aux législatives ?
Un parti politique, pour prendre le pouvoir d’Etat et l’exercer, passe par les élections ! Si vous êtes une élite politique et que vous ne considérez pas les élections comme un moyen d’accéder au pouvoir, c’est que vous avez quelque chose derrière la tête. Nous avions ce droit d’aller aux élections. Mais pour les préoccupations que je viens de citer, nous étions freinés. Alors si on nous dit qu’on peut les résoudre, nous n’avons plus d’autres raisons de ne pas y aller. (Il montre une déclaration signée des leaders du Cnrd). Les partis-membres du Cnrd ont tous déclaré que nous devions aller aux élections. Le premier à avoir signé, c’était le Fpi. Donc, nous nous étions mis d’accord pour aller aux élections si nos préoccupations étaient résolues. Il s’est trouvé que le pouvoir a répondu à nous autres que nos préoccupations allaient être prises en compte.
Comment vos préoccupations ont-elles été prises en compte quand à l’arrivée c’est seulement vingt personnes qui ont été libérées, quand la liste des concernés par le dégel n’a jamais été rendue publique et quand la grande partie des réfugiés n’est pas encore rentrée et la cerise sur le gâteau, quand votre leader est transféré à La Haye ?
Je ne sais pas si c’est à vous qu’on devait remettre la liste des concernés par le dégel ! Posez la question aux concernés eux-mêmes. Posez la question à Boni Claverie pour savoir si son compte n’est pas dégelé ! Sur les trente neuf civils qui avaient été arrêtés, si on en libère vingt, c’est déjà quelque chose d’acquis ! C’est pour cela quand le mot merci a manqué aux discours, j’en ai été écœuré. Si on regardait tous dans la même direction, je pense que notre démarche pouvait porter à l’égard du pouvoir. Mais à la sortie, on a plutôt estimé que c’est l’action des avocats qui a abouti à la libération des prisonniers et que le pouvoir n’y est pour rien. Alors quand on a vingt prisonniers libérés on ne peut pas dire que rien n’a été fait. C’est aujourd’hui vingt familles qui se réjouissent de la présence de leurs parents autrefois incarcérés.
Par S. Débailly