Connue pour son franc-parler, Antoinette Konan fait partie des rares artistes à avoir vécu la crise ivoirienne en direct, parce que restée au pays. Ici, elle rappelle quelques faits, décortique l’actualité et forme ses vœux du nouvel an pour son pays.
Antoinette Konan, comment va le monde des artistes aujourd’hui à l’orée de l’année 2012 ?
Je ne suis pas perspicace, je ne suis pas devin non plus mais je sais que le monde artistique va comme il peut. On attend toujours certaines décisions pour faire bouger ce monde, que les choses bougent effectivement pour les artistes. Et que dans un souci d’équité, nous puissions tous bénéficier de ce changement en question. Mais je pense qu’à part les décès que nous avons à déplorer, ce monde bouge positivement.
En 2011, il y a eu des remous dans le monde artistique, surtout au niveau du Burida. Apparemment, les choses semblent être rentrées dans l’ordre. Est-ce cela que vous, artistes, aviez-vous souhaité ?
Ce n’est qu’une impression, et comme vous parlez de 2011, c’est-à-dire jusqu’au départ du président Gbagbo. Il faut dire que dans cette période, nous avions eu à gérer un autre monde culturel. Et il y a eu beaucoup de frustrations, il y a eu même beaucoup de bévues. Depuis ce temps-là, je dirai qu’on a vécu beaucoup de problèmes. Moi, je n’ai cessé de taper du poing sur la table, de me plaindre, de me déverser dans les journaux pour dire que le monde des artistes va mal, nous n’avons plus nos droits, c’était pénible pour nous tous. En plus de cela, à un moment donné, le pouvoir déchu a essayé de se rattraper en prenant un certain nombre d’artistes. Mais avec d’autres, on a joué au chat et à la souris; pendant qu’on te mord, on souffre là-dessus. Enfin je pense que comme nous sommes tous des Ivoiriens et que nous appartenons tous à une même nation, il ne serait pas bien qu’on fasse deux poids, deux mesures. Actuellement certains Ivoiriens bénéficient d’un traitement particulier au détriment des autres. Il y a eu des grincements de dents. Tout ça j’ai eu à en parler. Nos autorités qui sont-là, je veux parler du ministère de la Culture essaient de faire ce qu’elles peuvent. Quand le nouveau pouvoir est arrivé, je suis allée voir monsieur le ministre. Je lui ai expliqué le problème. Il m’a encouragée et il m’a dit de remettre le dossier et de joindre le numéro c’est ce que j’ai fait. Pour la première fois dans ma vie d’artiste musicienne, on a pu me soutenir quand j’ai organisé la journée afférente aux femmes martyres.
Cela a été possible parce que c’est votre pouvoir qui est en place, le pouvoir que vous avez soutenu ?
Je ne sais pas si c’est mon pouvoir. Et pourtant je n’ai jamais caché mon appartenance au Pdci. Je l’ai foncièrement en moi, je l’ai dans l’âme. Et quand je sais qu’il y a de l’injustice, je pense qu’il est de mon devoir non pas en tant qu’artiste mais en tant que citoyenne libre de sortir et dire que ça ne va pas. Ce n’est pas artistiquement seulement que je joue mon rôle de femme. Je joue pleinement mon rôle de femme ivoirienne. Ou on est ivoirien ou on ne l’est pas. Moi je suis née ivoirienne, je demeure ivoirienne et je n’ai pas changé de nationalité. J’aurais pu m’expatrier comme les autres l’ont fait. Je suis restée là parce que je me suis dit que mon avis est important. Je suis restée là pas parce que j’étais moindre que d’autres.
Vous parlez de murmures, les gens auraient murmuré sur vos actes posés au cours de la campagne électorale. Qu’en est-il exactement ?
J’appartiens à une entité qui s’appelle le Pdci-Rda. Dans son organisation, dans sa discipline, dans son ordre. En tant qu’individu, en tant que maillon de cette entité, je dois m’exécuter et c’est ce que j’ai fait. Le président Bédié m’a rencontrée à titre personnel. Il m’a dit de faire une chanson et c’est ce que j’ai fait. Il m’a dit un certain nombre de choses que j’ai respecté. Je pense que si on doit tirer la leçon, ce n’est pas moi qu’il faut indexer. Mais c’est toute l’entité qu’il faut indexer. Maintenant, individuellement que les gens murmurent ou pas, cela ne peut pas empêcher de pleurer. Moi, ce qui m’intéresse, c’est que le président Bédié invite tous à une concertation et qu’il redonne du souffle nouveau à ce parti. Le Pdci est riche en intelligences et sagesse pour qu’on laisse les jeunes qui veulent leur indépendance se tirailler. Cela fait désordre. Que le président mette de l’ordre au sein du parti parce qu’il y a des gens qui sont frustrés. Surtout les jeunes.
Le Rhdp au pouvoir, tu attends la récompense ?
Je ne sais pas si le Rhdp au pouvoir, il faille que j’attende ma récompense. En tant que femme, dans la société, j’ai mon mot à dire et c’est ce que je fais.
Antoinette, tu es très souvent seule. Rarement on t’aperçoit avec tes camarades femmes artistes, pourquoi ?
J’ai vécu ma vie jusque-là selon un certain nombre de réalités. Je n’aime pas mentir, je n’aime pas voiler la face. Et comme je ne suis pas née avec une cuillère en or à la bouche mais je vis quand même tranquillement. Ce n’est pas toujours facile mais je m’assume. Le milieu artistique est pervers. N’importe qui s’adonne à n’importe quoi pour pouvoir s’en sortir. Je ne veux pas tomber dans ce milieu-là. Donc j’ai ma façon de faire. Je ne veux pas aller tomber dans certains travers aujourd’hui... Et comme je n’aime pas déranger alors je préfère rester dans mon coin. Je suis toujours égale à moi-même.
Tu ne te sens pas artiste has-been ?
Pas du tout, tu as vu mon look (rires), tu vois le look que j’arbore ! J’ai toujours l’inspiration. Oh là là, plus que jamais. Parce qu’on a pu combattre la timidité, on a appris à se défendre scéniquement parlant, verbalement parlant.
Quelqu’un a dit que pendant une sortie au Palais de la culture, Mme Ouattara a remis 15 millions aux femmes que tu as détournés.
Je dis que c’est du n’importe quoi, mais c’est de l’ignorance. Et quand on est ignorant, on vient à la source pour avoir de l’information qu’il faut.
La presse a fait cas aussi du fait que tu demandais de l’aide. Pourquoi et à qui tu appelais à l’aide ?
C’est du n’importe quoi, pourquoi ne me demandait-on pas comment je faisais pour survivre avec mes enfants ? Ce n’est pas maintenant que ces genres de question vont prendre le pas sur mon nouveau rythme de vie. Et pourtant, il m’avait posé des questions précises qui ont bénéficié de réponses précises de ma part. Je suis fort surprise de lire autre chose dans le journal. Certainement pour des besoins commerciaux. Mais je n’ai pas manqué d’aller leur demander des comptes. Je n’ai pas trouvé normal voire responsable de faire parler des gens par ma voix pour dire ce qu’ils pensent.
A-t-elle remis de l’argent, oui ou non, aux femmes ?
Elle a remis de l’argent aux femmes effectivement mais c’est de l’argent réceptionné par la présidente des destinataires et non Antoinette. Mais je ne suis pas concernée par cette remise d’argent. Voici ce qui s’est passé. Vous savez à Bouaké, le pays baoulé est devenu un pays individualiste bizarrement. Les femmes ont décidé pour lutter et faire la leçon à nos hommes. Afin qu’elles se mettent ensemble pour créer leur banque. Et quand elles sont venues une solliciter pour aller animer, je n’ai pas refusé. Elles m’ont dit qu’elles n’avaient rien à me proposer. Comme il s’agit de lutter pour l’émancipation, je n’ai pas fait de difficultés. Je suis donc allée les soutenir en tant que telle. C’est ce qui s’est passé. Je suis allée les soutenir sans rien leur demander. Je sais qu’elles ont reçu de l’argent pour créer leur banque et aider celles qu’elles peuvent aider. Le reste je n’en sais rien. Elles ont même un projet immobilier et c’est une très bonne chose. Mais qu’on arrête d’inventer n’importe quoi sur ma personne. Ces femmes sont à Yopougon, que ceux qui veulent s’informer de façon professionnelle aillent s’informer auprès d’elles avant de parler ou d’écrire. Que les gens changent parce que la Côte d’Ivoire a grandi.
Tes vœux pour l’année nouvelle?
Mes vœux pour 2012 c’est quoi ? Que les choses prennent véritablement leur place. Et que nous qui voulons travailler, qu’on nous permette de travailler. Montrer qu’on a attendu dix ans, qu’on a rien fait. Mon souhait est que la Côte d’Ivoire redevienne un havre de paix. On ne ferme pas les yeux sur une certaine intégration, je suis désolée d’en parler. Je ne comprends pas car il ne faudrait pas que l’intégration en Côte d’Ivoire soit une intégration à sens unique. Ça rentre et ça rentre mais est-ce qu’on permet aux Ivoiriens de sortir comme ceux qui rentrent ? Moi j’aime bien parler d’équité et quand on est au pouvoir, il faut que les yeux soient largement ouverts sur ces questions-là qui mettent un citoyen à l’aise. Je reviens un peu sur ce que les gens racontent sur ma personne. Puisque ce n’est pas tout le monde qui me déteste.
Interview réalisée par Eddy Péhé et François Konan
Antoinette Konan, comment va le monde des artistes aujourd’hui à l’orée de l’année 2012 ?
Je ne suis pas perspicace, je ne suis pas devin non plus mais je sais que le monde artistique va comme il peut. On attend toujours certaines décisions pour faire bouger ce monde, que les choses bougent effectivement pour les artistes. Et que dans un souci d’équité, nous puissions tous bénéficier de ce changement en question. Mais je pense qu’à part les décès que nous avons à déplorer, ce monde bouge positivement.
En 2011, il y a eu des remous dans le monde artistique, surtout au niveau du Burida. Apparemment, les choses semblent être rentrées dans l’ordre. Est-ce cela que vous, artistes, aviez-vous souhaité ?
Ce n’est qu’une impression, et comme vous parlez de 2011, c’est-à-dire jusqu’au départ du président Gbagbo. Il faut dire que dans cette période, nous avions eu à gérer un autre monde culturel. Et il y a eu beaucoup de frustrations, il y a eu même beaucoup de bévues. Depuis ce temps-là, je dirai qu’on a vécu beaucoup de problèmes. Moi, je n’ai cessé de taper du poing sur la table, de me plaindre, de me déverser dans les journaux pour dire que le monde des artistes va mal, nous n’avons plus nos droits, c’était pénible pour nous tous. En plus de cela, à un moment donné, le pouvoir déchu a essayé de se rattraper en prenant un certain nombre d’artistes. Mais avec d’autres, on a joué au chat et à la souris; pendant qu’on te mord, on souffre là-dessus. Enfin je pense que comme nous sommes tous des Ivoiriens et que nous appartenons tous à une même nation, il ne serait pas bien qu’on fasse deux poids, deux mesures. Actuellement certains Ivoiriens bénéficient d’un traitement particulier au détriment des autres. Il y a eu des grincements de dents. Tout ça j’ai eu à en parler. Nos autorités qui sont-là, je veux parler du ministère de la Culture essaient de faire ce qu’elles peuvent. Quand le nouveau pouvoir est arrivé, je suis allée voir monsieur le ministre. Je lui ai expliqué le problème. Il m’a encouragée et il m’a dit de remettre le dossier et de joindre le numéro c’est ce que j’ai fait. Pour la première fois dans ma vie d’artiste musicienne, on a pu me soutenir quand j’ai organisé la journée afférente aux femmes martyres.
Cela a été possible parce que c’est votre pouvoir qui est en place, le pouvoir que vous avez soutenu ?
Je ne sais pas si c’est mon pouvoir. Et pourtant je n’ai jamais caché mon appartenance au Pdci. Je l’ai foncièrement en moi, je l’ai dans l’âme. Et quand je sais qu’il y a de l’injustice, je pense qu’il est de mon devoir non pas en tant qu’artiste mais en tant que citoyenne libre de sortir et dire que ça ne va pas. Ce n’est pas artistiquement seulement que je joue mon rôle de femme. Je joue pleinement mon rôle de femme ivoirienne. Ou on est ivoirien ou on ne l’est pas. Moi je suis née ivoirienne, je demeure ivoirienne et je n’ai pas changé de nationalité. J’aurais pu m’expatrier comme les autres l’ont fait. Je suis restée là parce que je me suis dit que mon avis est important. Je suis restée là pas parce que j’étais moindre que d’autres.
Vous parlez de murmures, les gens auraient murmuré sur vos actes posés au cours de la campagne électorale. Qu’en est-il exactement ?
J’appartiens à une entité qui s’appelle le Pdci-Rda. Dans son organisation, dans sa discipline, dans son ordre. En tant qu’individu, en tant que maillon de cette entité, je dois m’exécuter et c’est ce que j’ai fait. Le président Bédié m’a rencontrée à titre personnel. Il m’a dit de faire une chanson et c’est ce que j’ai fait. Il m’a dit un certain nombre de choses que j’ai respecté. Je pense que si on doit tirer la leçon, ce n’est pas moi qu’il faut indexer. Mais c’est toute l’entité qu’il faut indexer. Maintenant, individuellement que les gens murmurent ou pas, cela ne peut pas empêcher de pleurer. Moi, ce qui m’intéresse, c’est que le président Bédié invite tous à une concertation et qu’il redonne du souffle nouveau à ce parti. Le Pdci est riche en intelligences et sagesse pour qu’on laisse les jeunes qui veulent leur indépendance se tirailler. Cela fait désordre. Que le président mette de l’ordre au sein du parti parce qu’il y a des gens qui sont frustrés. Surtout les jeunes.
Le Rhdp au pouvoir, tu attends la récompense ?
Je ne sais pas si le Rhdp au pouvoir, il faille que j’attende ma récompense. En tant que femme, dans la société, j’ai mon mot à dire et c’est ce que je fais.
Antoinette, tu es très souvent seule. Rarement on t’aperçoit avec tes camarades femmes artistes, pourquoi ?
J’ai vécu ma vie jusque-là selon un certain nombre de réalités. Je n’aime pas mentir, je n’aime pas voiler la face. Et comme je ne suis pas née avec une cuillère en or à la bouche mais je vis quand même tranquillement. Ce n’est pas toujours facile mais je m’assume. Le milieu artistique est pervers. N’importe qui s’adonne à n’importe quoi pour pouvoir s’en sortir. Je ne veux pas tomber dans ce milieu-là. Donc j’ai ma façon de faire. Je ne veux pas aller tomber dans certains travers aujourd’hui... Et comme je n’aime pas déranger alors je préfère rester dans mon coin. Je suis toujours égale à moi-même.
Tu ne te sens pas artiste has-been ?
Pas du tout, tu as vu mon look (rires), tu vois le look que j’arbore ! J’ai toujours l’inspiration. Oh là là, plus que jamais. Parce qu’on a pu combattre la timidité, on a appris à se défendre scéniquement parlant, verbalement parlant.
Quelqu’un a dit que pendant une sortie au Palais de la culture, Mme Ouattara a remis 15 millions aux femmes que tu as détournés.
Je dis que c’est du n’importe quoi, mais c’est de l’ignorance. Et quand on est ignorant, on vient à la source pour avoir de l’information qu’il faut.
La presse a fait cas aussi du fait que tu demandais de l’aide. Pourquoi et à qui tu appelais à l’aide ?
C’est du n’importe quoi, pourquoi ne me demandait-on pas comment je faisais pour survivre avec mes enfants ? Ce n’est pas maintenant que ces genres de question vont prendre le pas sur mon nouveau rythme de vie. Et pourtant, il m’avait posé des questions précises qui ont bénéficié de réponses précises de ma part. Je suis fort surprise de lire autre chose dans le journal. Certainement pour des besoins commerciaux. Mais je n’ai pas manqué d’aller leur demander des comptes. Je n’ai pas trouvé normal voire responsable de faire parler des gens par ma voix pour dire ce qu’ils pensent.
A-t-elle remis de l’argent, oui ou non, aux femmes ?
Elle a remis de l’argent aux femmes effectivement mais c’est de l’argent réceptionné par la présidente des destinataires et non Antoinette. Mais je ne suis pas concernée par cette remise d’argent. Voici ce qui s’est passé. Vous savez à Bouaké, le pays baoulé est devenu un pays individualiste bizarrement. Les femmes ont décidé pour lutter et faire la leçon à nos hommes. Afin qu’elles se mettent ensemble pour créer leur banque. Et quand elles sont venues une solliciter pour aller animer, je n’ai pas refusé. Elles m’ont dit qu’elles n’avaient rien à me proposer. Comme il s’agit de lutter pour l’émancipation, je n’ai pas fait de difficultés. Je suis donc allée les soutenir en tant que telle. C’est ce qui s’est passé. Je suis allée les soutenir sans rien leur demander. Je sais qu’elles ont reçu de l’argent pour créer leur banque et aider celles qu’elles peuvent aider. Le reste je n’en sais rien. Elles ont même un projet immobilier et c’est une très bonne chose. Mais qu’on arrête d’inventer n’importe quoi sur ma personne. Ces femmes sont à Yopougon, que ceux qui veulent s’informer de façon professionnelle aillent s’informer auprès d’elles avant de parler ou d’écrire. Que les gens changent parce que la Côte d’Ivoire a grandi.
Tes vœux pour l’année nouvelle?
Mes vœux pour 2012 c’est quoi ? Que les choses prennent véritablement leur place. Et que nous qui voulons travailler, qu’on nous permette de travailler. Montrer qu’on a attendu dix ans, qu’on a rien fait. Mon souhait est que la Côte d’Ivoire redevienne un havre de paix. On ne ferme pas les yeux sur une certaine intégration, je suis désolée d’en parler. Je ne comprends pas car il ne faudrait pas que l’intégration en Côte d’Ivoire soit une intégration à sens unique. Ça rentre et ça rentre mais est-ce qu’on permet aux Ivoiriens de sortir comme ceux qui rentrent ? Moi j’aime bien parler d’équité et quand on est au pouvoir, il faut que les yeux soient largement ouverts sur ces questions-là qui mettent un citoyen à l’aise. Je reviens un peu sur ce que les gens racontent sur ma personne. Puisque ce n’est pas tout le monde qui me déteste.
Interview réalisée par Eddy Péhé et François Konan