Le parti démocratique de Côte d’Ivoire, Pdci, section du Rassemblement démocratique africain, Rda, l’instrument politique utilisé par Félix Houphouët Boigny pour la conquête de l’indépendance politique de son pays, est devenu une banale association qui n’a d’intérêt que lorsque l’on veut s’en servir à ses propres fins. Le parti bâtisseur de la Côte d’Ivoire moderne vit les conditions d’un chien de chasse. Il n’a d’importance que pendant la traque du gibier. Mais, quand vient l’heure du repas, il devient indésirable et, au lieu d’une récompense, ce sont des coups de pieds qu’il reçoit. Triste destin pour ce parti, jadis considéré par nos pères comme le fétiche qui a rompu le fouet du colon. Le pacte sacré qui a restitué sa dignité au peuple ivoirien, dans toute sa composante. Le Nord, le Sud, l’Est, l’Ouest et le Centre s’étaient fondus en lui et faisaient corps avec son chef, Félix Houphouët Boigny. De 1960 à 1993, le Pdci est demeuré le moule de l’unité, une institution de formation politique, l’exemple de l’uniformité idéologique. Puis survint le décès de son fondateur et soudain tous les destins se redessinent, ainsi d’ailleurs que la cartographie sociopolitique de la Côte d’Ivoire. Les ambitions personnelles prennent du volume et tendent à prendre le pas sur le parti lui-même. Choses qui rendent plus ardue la tâche d’Henri Konan Bédié à qui échoit la succession du père fondateur. Mais, malgré les intrigues, des départs et un coup d’Etat injustifié perpétré contre lui le 25 décembre 1999, il réussit à maintenir l’essentiel. Mieux, bien qu’écarté de la présidentielle par des manœuvres politiciennes et un jeu succinct de passe-passe dialectique dont seuls ont le secret les abonnés des choses politiquement bizarres, le Pdci reprend du poil de la bête, aux législatives de 2000, en obtenant 96 députés sur 225, réaffirmant du coup son poids sociologique sur l’échiquier politique en Côte d’Ivoire. Grâce à cette force, il est logé aux places d’honneurs dans les débats portant sur la vie de la Nation et réussit à faire la promotion de ses cadres dans la dynamique de l’évolution du pays. Malheureusement, les bénéficiaires de cette politique ont rarement la reconnaissance du ventre. Car, aussitôt promus, ils regardent le parti par-dessus les lunettes et lui découvrent tous les péchés d’Israël. Mal organisé, amorphe, laid, indigne de leur nouvelle personnalité, de leur nouveau statut. La critique devient acerbe à son encontre et se diffuse, sans aucune discipline, dans les médias nationaux. Depuis l’ouverture du débat sur l’occupation de la Primature par le Pdci, conformément à la promesse électorale faite par le président de la République, les invectives contre le parti ont repris. Pendant que des cadres réaffirment leur confiance en la haute direction du Pdci et en son président pour la gestion du dossier, certains, se sentant sans doute hors-jeu, les vilipendent. Ils trouvent subitement que le parti qui a conçu leur stature actuelle de rois est indigne de leur nouveau rang et ils le traitent de …rabougri. Qu’à cela ne tienne. Libre à ces derniers de reprocher tout au président Bédié et au parti. Le fait est que la valeur d’une décision dépend du courage qu’il faut pour la prendre. Socrate fut courageux de boire la ciguë et mourir plutôt que de renier ses idées, mais son geste fit avancer le temps de mille ans et prépara la liberté de pensée et d’expression pour un peuple qui n’était pas encore né. Le respect du courage des décideurs du parti s’impose donc. Car ce dernier est plus grand que les militants, tout comme la nation est plus grande que les hommes qui la composent.
Ulrich Mouahet
Ulrich Mouahet