A vouloir trop tirer sur la corde, elle finit par se casser. C’est ce qui risque d’arriver au Front populaire ivoirien, s’il s’entête dans sa politique de la chaise vide. Comme aux législatives, le parti de Laurent Gbagbo ne compte, ni entrer au gouvernement, ni participer aux prochaines échéances électorales. « Le gouvernement Ouattara et les municipales ne sont pas nos priorités du moment ». Cette décision s’inscrit, à n’en point douter, dans sa logique de se mettre en marge du processus de réconciliation et de reconstruction du pays. Ce faisant, l’ancien parti au pouvoir court ainsi à sa perte. Parce qu’à la vérité, qu’a-t-il à perdre en s’impliquant dans la vie politique et publique de la nation ? Au contraire, le Fpi a tout à y gagner. D’abord parce que la gestion d’un parti politique, ça coûte cher. La majorité de ses cadres étant à l’extérieur, comment feront les militants restés sur place pour animer la vie du parti ? Ils répondront sûrement que jusqu’à présent, ils n’ont eu besoin de l’aide de personne. Après avoir boycotté le scrutin législatif et annoncé son intention de ne pas prendre part aux autres élections locales, les ‘’frontistes’’ courent le risque de perdre le soutien financier de l’Etat. Car, le critère qui permet jusque-là aux partis politiques de bénéficier de l’argent public pour assurer leur fonctionnement, est d’avoir des élus soit au parlement soit au sein des conseils municipaux. La capacité du Fpi de se prendre en charge sera d’autant plus nulle qu’il ne comptera pas dans ses rangs des élus ou des cadres haut placés dans l’administration ou dans le gouvernement. Ce sera donc une vraie galère. C’est visiblement en prévision de cette période difficile qu’ils auront à vivre que la direction du parti de la rose prépare déjà l’esprit de ses militants à une lutte sans concession comme ce fut le cas au début du multipartisme. Les marches de protestation et autres meetings à caractères insurrectionnels devraient donc se succéder, pour faire pression sur le régime en place. Pourtant, cette stratégie qui vise à maintenir les idéaux du parti dans la mémoire collective des Ivoiriens, pourrait très vite montrer ses limites. Les actes de violences qui sous-tendent ces actions de mobilisation, pourraient, en effet, très vite rebuter plus d’un Ivoirien, y compris dans les rangs des sympathisants de l’ancien parti au pouvoir. Les Ivoiriens qui ont vécu toutes sortes de violences durant ces 15 dernières années, avec généralement le Fpi à la manœuvre, accepteraient-ils que ce parti vienne à nouveau troubler leur quiétude ? Pas sûr. Et, dans cette optique, ce sont les modérés parmi les partisans de Laurent Gbagbo qui prendront le-dessus sur le camp des intransigeants. C’est parce qu’ils l’ont compris que les Gervais Coulibaly, Henriette Lagou et autres Kabran Appiah ont décidé de créer la Ligue des mouvements pour le progrès (Lmp). Une organisation qui s’est vite affiliée au Congrès national de la résistance pour la démocratie (Cnrd) et qui entend jouer les premiers rôles pour apparaître aux yeux de l’opinion, comme l’alternative crédible face à un Fpi trop exigeant.
Anne-Marie Eba
Anne-Marie Eba