«L’Eléphant Déchaîné» est un journal indépendant et non un journal d’opposition». La nuance vaut une peau d’éléphant. En 2010, au cours d’une réunion avec l’ancien ministre de la Communication, Sy Savané, le directeur général du groupe «Le Réveil», Dénis Kah Zion, s’était plaint de ce que l’ancien chef de l’Etat, l’intrépide Laurent Gbagbo, ne voyageait pendant ses déplacements officiels qu’avec les journalistes travaillant pour les journaux qui faisaient gaiement briller ses bottes à longueur de pages et à longueur de journées. Le directeur de publication de «Notre Voie», César Etou, devant cette plainte, avait répliqué, sans rire : «Pour ce qui concerne les voyages du président et auxquels ne participent pas les journaux de l’opposition, ce n’est pas un fait nouveau. Quand Bédié était au pouvoir, il ne voyageait qu’avec les journaux proches de lui. Donc, ce n’est pas Gbagbo qui a commencé cette pratique». Bédié et Gbagbo, de grands démocrates, on vous dit ! Diplomate, le ministre Sy Savané, avec la modération qu’on lui connait, avait dit qu’il allait œuvrer pour que la présidence puisse voyager avec des journalistes travaillant pour des journaux proches du Rhdp. Il est vrai que cela n’a jamais été suivi d’effet, mais l’essentiel est que le ministre avait semblé déplorer cette réalité. Ce n’est pas comme le ministre de la Communication du dernier gouvernement de Gbagbo, un certain Ouattara Gnonzié qui, pendant la crise post-électorale, avait traité les journalistes travaillant dans les journaux d’opposition, de «terroristes». Comme le dirait Gbagbo, «la roue tourne». Aujourd’hui, le pouvoir a changé de camp depuis avril 2011 et le nouveau chef d’Etat, en moins de 10 mois, a voyagé plus que Bédié et Gbagbo réunis. Bien sûr, pour le bonheur des Ivoiriens, comme ne manque de le souligner chaque fois que cela est nécessaire, le ministre des affaires étrangères, l’inusable Daniel Kablan Duncan. Combien de fois le nouveau chef d’Etat dont on sait qu’il a une grande estime pour les journalistes, a-t-il voyagé avec des journalistes de l’opposition politique à son régime ? Jamais ! Une perpétuation des pratiques de Bédié et de Gbagbo ? Pour la visite officielle actuelle en France, les supports qui ont été choisis pour couvrir l’événement sont «Fraternité Matin» (normal), « AIP » (un peu normal), «L’Intelligent d’Abidjan », « Soir Info», « Le Nouveau Réveil », «Le Jour Plus», «Nord-Sud Quotidien», «L’Expression» et bien sûr la grande «Rti». Rien donc que du lourd et surtout des supports capables de dénoncer haut ce que «L’Eléphant Déchaîné» pense tout bas. Aucun journal donc d’opposition tels que «Notre Voie», «Le Temps», «Le Nouveau Courrier» et autres n’est de ce voyage historique. Et pourtant, nos heureux confères en France annoncent que toutes les rues de Paris sont parées aux couleurs de la Côte d’Ivoire. C’est injuste ! Et dire que les journalistes de la presse d’opposition actuelle n’ont pas beaucoup voyagé sous Gbagbo. Lequel était en guerre contre le monde entier (ou le monde entier était en guerre contre lui) pour son don inné à se faire des ennemis partout, et donc sortait rarement de son pays. Dommage ! Pourtant, tous ces journaux d’opposition ont été reçus le 18 janvier dernier au palais présidentiel lors de la cérémonie d’échanges de vœux entre le chef de l’Etat et la presse. C’est vrai qu’avec ce qu’ils ont écrit une fois sortis du palais, on n’allait quand même pas leur offrir en plus un séjour en France au compte de la présidence de la République et de confortables perdiems pour faire des emplettes à Paris. Il n’est donc pas encore élu, le président ivoirien qui osera voyager avec des journalistes de l’opposition. Bédié (pendant 7ans) et Gbagbo (pendant 10 ans), n’ont pas osé. Alassane Ouattara 1er (1er mandat) ne pourrait-il pas étonner le monde, sur ce plan aussi ?
Assalé Tiémoko
Assalé Tiémoko
