Au moment où la France gèle sous le froid glacial venu de la Sibérie, entre Paris et Abidjan, l’on parle désormais de dégel des relations après une décennie de crise et d’incompréhensions entre les deux capitales à la faveur de la visite d’Etat en France effectuée par le président ivoirien Alassane Ouattara.
L’accueil réservé au président Ouattara à Paris par les autorités françaises a été surdimensionné, surmédiatisé et survolté. De mémoire sous la Vème République, c’est la première fois qu’un chef d’Etat africain est reçu avec autant d’honneurs. Et puis, les visites d’Etat, il n’y en a pas plus de trois par an en France. A titre de rappel, le dernier dirigeant à effectuer une visite d’Etat en France depuis le mois de mars 2011, était le président sud-africain, Jacob Zuma, venu expressément à Paris, signer un contrat dans le nucléaire civil, en pleine crise postélectorale ivoirienne dans laquelle son pays s’était investi pour trouver une issue pacifique.
Pendant quatre jours – du 25 au 28 janvier 2012 – l’actualité en France et en Côte d’ivoire était à la célébration de l’amitié retrouvée et de la normalisation des relations entre deux pays frères liés par l’histoire et par les hommes qui les ont dirigés. Ce fut un moment d’hommages croisés entre les deux hommes qui se connaissent depuis de nombreuses années. Entre Sarkozy et Ouattara, c’est une amitié qui transcende les rapports entre deux chefs d’Etat.
« Président Alassane Ouattara, c'est un grand honneur et c'est un grand moment d'émotion pour la France que de vous recevoir. Recevoir, enfin, après tant d'années, un Président démocratiquement élu de la Côte d'Ivoire. Un homme en qui la France a confiance, un homme qui a gagné les élections en Côte d'Ivoire, un homme qui représente le choix libre des Ivoiriens. C'était une grande souffrance que de ne pas pouvoir entretenir avec la Côte d'Ivoire, pendant toutes ces années, ces liens historiques, culturels, économiques que nous avions depuis tant d'années avec la patrie du Président Houphouët-Boigny» Telle est l’adresse très familière de Sarkozy à son « ami » Ouattara. Le dernier, à son tour, trouvera les mots qui conviennent pour la circonstance pour encenser son hôte.
« Monsieur le Président, à mon tour, je voudrais vous saluer, vous remercier et vous dire que la démocratie, c'est le choix du peuple. Et le peuple ivoirien a choisi, dans sa grande majorité, de me porter à la tête de la Côte d'Ivoire, le 28 novembre 2010…La crise post-électorale a été particulièrement pénible pour mes concitoyens. Nombreux ont été assassinés (plus de 3 000), mais nous avons tenu bon et nous avons été comblés par tous les efforts qui ont été faits par la communauté internationale, en particulier par la France, qui a su mobiliser la communauté internationale pour soutenir le choix du peuple ivoirien…Je voudrais donc, au nom du gouvernement, au nom de tous les Ivoiriens, vous dire un grand merci et dire que nous admirons votre courage » avait-il clamé.
Autre épineuse question abordée par les deux hommes, la révision de l’accord de défense de 1961. Avant que la nouvelle mouture de cet accord ne soit rendue publique, il devra faire l’objet d’un examen profond par les parlementaires français et ivoiriens, a annoncé Nicolas Sarkozy lors du toast à l’Elysée le 27 janvier dernier.
Selon toute vraisemblance, la révision de la coopération militaire avec les ex-colonies, est une promesse faite par Nicolas Sarkozy à Pretoria devant les députés sud-africains, le 28 février 2008. Pour le président français « la France n’a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique et à continuer de jouer les gendarmes.»
Quatre ans après cette déclaration qui en a fait jaser plus d’un, il a réitéré cette promesse devant le président Ouattara dans des termes invariables. « L'armée française n'a pas vocation à s'ingérer ni de près, ni de loin, dans les affaires de la Côte d'Ivoire. Cette période, qui était la période du lendemain de la fin de la colonisation, est définitivement révolue » avait-il déclaré.
Conformément aux termes de la révision de ces mêmes accords de défense avec le Cameroun, le Togo, le Gabon, la Centrafrique, Djibouti, le Sénégal, les Comores, la Côte d’Ivoire ne fera pas exception. Il est fort probable que ce nouvel accord militaire ne prévoit plus, à l’inverse de l’ancien, d’intervention automatique de Paris en cas de menace extérieure comme intérieure.
Au plan économique, cette visite d’Etat en France du président Ouattara aura été aussi un succès. Invité au Medef, l’ensemble du patronat français a promis d’accompagner la Côte d’Ivoire dans sa relance économique. En dépit de la décennie de crise, près de 140 filiales de PME et PMI françaises opèrent en Côte d’Ivoire. Elles pèsent, à elles seules, plus de 30 % du Pib ivoirien et représentent 50 % des recettes fiscales du pays.
En clair, l’opération de séduction menée par le président Ouattara au Medef avait pour but d’encourager les filiales françaises présentes à élargir leurs champs d’affaires d’une part et d’attirer davantage d’entreprises françaises en Côte d’Ivoire d’autres part grâce à des appels d’offres consécutifs aux opportunités d’affaires très porteuses.
Devant la frilosité des entreprises françaises encore sous le choc du traumatisme des événements de novembre et décembre 2004 et de la crise postélectorale de 2010, le gouvernement ivoirien a donné des garanties de sécurité, stabilité et de retour définitif de la paix.
S’agissant des préoccupations liées à la bonne gouvernance, les nouvelles autorités ivoiriennes opposent aux dérives et aux abus administratifs du passé, la transparence dans l’attribution des marchés, l’assainissement de l’environnement des affaires, la mise en place d’une brigade anti-corruption, une justice indépendante, l’apurement de la dette intérieure, la création de banque privées plus compétitives (etc.)
Au-delà des déclarations conjointes, il faut voir dans cette visite d’Etat exceptionnelle, un signal fort donné par la France aux dirigeants des pays Africains. A travers la Côte d’ivoire, la France veut solder en quelque sorte ses passifs notamment avec les dirigeants qui s’offusquent des rapports jugés difficiles avec Paris sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Clément Yao
L’accueil réservé au président Ouattara à Paris par les autorités françaises a été surdimensionné, surmédiatisé et survolté. De mémoire sous la Vème République, c’est la première fois qu’un chef d’Etat africain est reçu avec autant d’honneurs. Et puis, les visites d’Etat, il n’y en a pas plus de trois par an en France. A titre de rappel, le dernier dirigeant à effectuer une visite d’Etat en France depuis le mois de mars 2011, était le président sud-africain, Jacob Zuma, venu expressément à Paris, signer un contrat dans le nucléaire civil, en pleine crise postélectorale ivoirienne dans laquelle son pays s’était investi pour trouver une issue pacifique.
Pendant quatre jours – du 25 au 28 janvier 2012 – l’actualité en France et en Côte d’ivoire était à la célébration de l’amitié retrouvée et de la normalisation des relations entre deux pays frères liés par l’histoire et par les hommes qui les ont dirigés. Ce fut un moment d’hommages croisés entre les deux hommes qui se connaissent depuis de nombreuses années. Entre Sarkozy et Ouattara, c’est une amitié qui transcende les rapports entre deux chefs d’Etat.
« Président Alassane Ouattara, c'est un grand honneur et c'est un grand moment d'émotion pour la France que de vous recevoir. Recevoir, enfin, après tant d'années, un Président démocratiquement élu de la Côte d'Ivoire. Un homme en qui la France a confiance, un homme qui a gagné les élections en Côte d'Ivoire, un homme qui représente le choix libre des Ivoiriens. C'était une grande souffrance que de ne pas pouvoir entretenir avec la Côte d'Ivoire, pendant toutes ces années, ces liens historiques, culturels, économiques que nous avions depuis tant d'années avec la patrie du Président Houphouët-Boigny» Telle est l’adresse très familière de Sarkozy à son « ami » Ouattara. Le dernier, à son tour, trouvera les mots qui conviennent pour la circonstance pour encenser son hôte.
« Monsieur le Président, à mon tour, je voudrais vous saluer, vous remercier et vous dire que la démocratie, c'est le choix du peuple. Et le peuple ivoirien a choisi, dans sa grande majorité, de me porter à la tête de la Côte d'Ivoire, le 28 novembre 2010…La crise post-électorale a été particulièrement pénible pour mes concitoyens. Nombreux ont été assassinés (plus de 3 000), mais nous avons tenu bon et nous avons été comblés par tous les efforts qui ont été faits par la communauté internationale, en particulier par la France, qui a su mobiliser la communauté internationale pour soutenir le choix du peuple ivoirien…Je voudrais donc, au nom du gouvernement, au nom de tous les Ivoiriens, vous dire un grand merci et dire que nous admirons votre courage » avait-il clamé.
Autre épineuse question abordée par les deux hommes, la révision de l’accord de défense de 1961. Avant que la nouvelle mouture de cet accord ne soit rendue publique, il devra faire l’objet d’un examen profond par les parlementaires français et ivoiriens, a annoncé Nicolas Sarkozy lors du toast à l’Elysée le 27 janvier dernier.
Selon toute vraisemblance, la révision de la coopération militaire avec les ex-colonies, est une promesse faite par Nicolas Sarkozy à Pretoria devant les députés sud-africains, le 28 février 2008. Pour le président français « la France n’a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique et à continuer de jouer les gendarmes.»
Quatre ans après cette déclaration qui en a fait jaser plus d’un, il a réitéré cette promesse devant le président Ouattara dans des termes invariables. « L'armée française n'a pas vocation à s'ingérer ni de près, ni de loin, dans les affaires de la Côte d'Ivoire. Cette période, qui était la période du lendemain de la fin de la colonisation, est définitivement révolue » avait-il déclaré.
Conformément aux termes de la révision de ces mêmes accords de défense avec le Cameroun, le Togo, le Gabon, la Centrafrique, Djibouti, le Sénégal, les Comores, la Côte d’Ivoire ne fera pas exception. Il est fort probable que ce nouvel accord militaire ne prévoit plus, à l’inverse de l’ancien, d’intervention automatique de Paris en cas de menace extérieure comme intérieure.
Au plan économique, cette visite d’Etat en France du président Ouattara aura été aussi un succès. Invité au Medef, l’ensemble du patronat français a promis d’accompagner la Côte d’Ivoire dans sa relance économique. En dépit de la décennie de crise, près de 140 filiales de PME et PMI françaises opèrent en Côte d’Ivoire. Elles pèsent, à elles seules, plus de 30 % du Pib ivoirien et représentent 50 % des recettes fiscales du pays.
En clair, l’opération de séduction menée par le président Ouattara au Medef avait pour but d’encourager les filiales françaises présentes à élargir leurs champs d’affaires d’une part et d’attirer davantage d’entreprises françaises en Côte d’Ivoire d’autres part grâce à des appels d’offres consécutifs aux opportunités d’affaires très porteuses.
Devant la frilosité des entreprises françaises encore sous le choc du traumatisme des événements de novembre et décembre 2004 et de la crise postélectorale de 2010, le gouvernement ivoirien a donné des garanties de sécurité, stabilité et de retour définitif de la paix.
S’agissant des préoccupations liées à la bonne gouvernance, les nouvelles autorités ivoiriennes opposent aux dérives et aux abus administratifs du passé, la transparence dans l’attribution des marchés, l’assainissement de l’environnement des affaires, la mise en place d’une brigade anti-corruption, une justice indépendante, l’apurement de la dette intérieure, la création de banque privées plus compétitives (etc.)
Au-delà des déclarations conjointes, il faut voir dans cette visite d’Etat exceptionnelle, un signal fort donné par la France aux dirigeants des pays Africains. A travers la Côte d’ivoire, la France veut solder en quelque sorte ses passifs notamment avec les dirigeants qui s’offusquent des rapports jugés difficiles avec Paris sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Clément Yao