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Afrique Publié le mardi 14 février 2012 | L’Elephant Déchaîné

Assassinat de la démocratie en Afrique : Le cas Abdoulaye Wade

© L’Elephant Déchaîné Par DR
Sortie de crise : le Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade tente une médiation en Côte d`Ivoire
Photo d`archives
«Afrique, Afrique mon Afrique, Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales, Afrique que chante ma grand-mère… ». Je ne sais pas de quelle Afrique parlait David Diop lorsqu’il écrivait son célèbre poème, mais il semble aujourd’hui que ses compatriotes ne doivent pas trop s’y reconnaitre. Non, pas actuellement. Leur Président, Me Abdoulaye Wade aura ainsi décidé de rempiler. Et vu comme se profilent les choses, on est reparti pour 7 ans de « Waderie père », et fort surement, suivront au bas mot 14 longues années de « Waderie fils ». Après tout qu’est ce qui les en empêche?!
Abdoulaye Wade, un intellectuel, avocat, marié à une occidentale, ayant passé une grande partie de sa vie en France. Je me suis toujours posé la question de l’utilité et de l’apport du séjour en occident pour un intellectuel africain. Le voyage, en général, est pourtant censé ouvrir l’Homme sur le monde qui l’entoure par la confrontation avec de nouvelles cultures. L’étudiant noir s’enrichit en principe de l’expérience étrangère et rentre dans son pays pour faire mieux. L’étudiant noir devient tolérant, car il découvre vite ce qui s’appelle discrimination. L’occident lui apprend que l’alternance est indispensable à la vie et à l’évolution d’une nation. Et quand il rentre chez lui, il peut s’enorgueillir de dire « je ferai mieux pour mon pays, mon pays sera comme l’occident, mon pays sera meilleur que l’occident ». Or Wade père, fort de son expérience intellectuelle hors de son pays, n’entend pas les choses de cette oreille. Il semblerait que sa formation à l’étranger lui ait fait voir les choses de façon totalement opposée au fantasme de l’étudiant noir : Wade estime que personne d’autre que lui ne peut faire du bien au Sénégal. Il se croit une sorte de messie pour son peuple. Sans lui le Sénégal se perdrait, le Sénégal a besoin de lui, et plus tard de son fils…

La roi est mort, vive le roi.
Le camarade Abdoulaye aurait donc oublié comment il a accédé au pouvoir. Comment le Sénégal est sorti grandi de la maturité d’Abdou Diouf? Mais si le Président du Sénégal ne sait pas d’où il vient, alors son peuple doit lui apprendre où il doit aller. Le plus troublant, c’est l’impression qu’il donne d’être dans sa bulle. En une année, Kadhafi est mort, Ben Ali débarqué est en exil, Moubarak est en jugement, et plus près de lui, tellement plus près, Gbagbo a fini à la CPI. Que faut-il d’autre pour lui montrer que le monde change. Même la Birmanie s’ouvre!
« Alors gravement une voix me répondit, Fils impétueux…» qui brave la constitution que tu as toi-même rédigée pour t’empêcher de faire ce que tu fais aujourd’hui! Mais qui condamnera l’hérésie de l’ami Wade? Ceux qui, du côté de Ouaga, fêtent leur quart de siècle au pouvoir cette année? Sûrement pas! Ce ne sera pas non plus Goodluck qui n’en a pas fini avec la grandissante Boko Haram, l’insaisissable MEND et les récents remous sociaux. Il ne faudra pas non plus compter sur la Cote d’Ivoire pour faire entendre raison au grand frère de Dakar, nos dirigeants leur sont trop redevables de leur position actuelle. Non, les sénégalais sont seuls sur ce coup-là. Les exemples ghanéen et malien n’auront ainsi servi à rien. Le niveau de développement et la crédibilité que donne l’amorce de démocratie à ces petits pays n’inspire personne.
L’ami de Dakar utilise une technique assez simple somme toute. Il saisit le conseil constitutionnel (encore un conseil constitutionnel!!!), il lui souffle (ou lui impose, c’est selon où on se place) la réponse à donner, et après, plus rien à dire. Il passe en force, n’entend plus rien car le conseil constitutionnel a toujours raison, et le conseil constitutionnel a surtout toujours le dernier mot. Ce conseil constitutionnel qui lit sa constitution d’un œil et qui trouve que l’article 104 des dispositions transitoires (Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables) couplé à l’article 27 (La durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois) donnent le droit à un Président qui est à son deuxième mandat d’en faire un autre supplémentaire puisque la nouvelle constitution lui donne droit à un mandat renouvelable. Eh oui, au royaume des aveugles, le borgne est roi! Quelle gymnastique intellectuelle compliquée pour dire simplement « je suis un dictateur » ?
L’avocat Wade avait préparé son coup depuis bien longtemps. La méthode Wade ou comment faire un mandat supplémentaire sans changer le nombre de mandat autorisés par la constitution? Il faut simplement changer la durée du mandat et rajouter la phrase qui tue : Toutes les autres dispositions de la présente (et nouvelle!) Constitution lui sont applicables. Notamment celle sur le nombre de mandats. Et les Sénégalais n’y auront vu que du feu, c’est ça la « Waderie ». Et ça marche…

Indépendance africaine
Le grotesque tour de passepasse constitutionnel de Wade pose la question plus large de la crédibilité des institutions ouest-africaines et africaines. Jusqu’ici, l’Union Africaine s’est juste dite « préoccupée par la situation au Sénégal ». « Préoccupée »! Bien timide réaction face à un président qui va manifestement se maintenir anticonstitutionnellement au pouvoir. Et ce genre de réactions mollassonnes est typique de ce qui est censé être la voix de l’Afrique. Dramatique. La CEDEAO reste inerte, tout va bien au Sénégal. Comment, en tant qu’Africains, prétendrions-nous lutter contre le néocolonialisme quand les seules condamnations de cette hérésie politique viennent d’Europe et d’Amérique? Ou sont-ils nos nombreux frères camerounais prompts à « défendre » l’Afrique et son indépendance quand Gbagbo tombait? Alors que la crise ivoirienne avait envahi la blogosphère et les medias panafricains (basés en occident!), le peuple sénégalais doit se débrouiller seul. Peut-être aurait-il eu plus de soutien si Nicolas Sarkozy avait affirmé publiquement soutenir la candidature de son ami dakarois! Tant de mobilisation pour soutenir un prisonnier aux Pays-Bas mais rien pour dénoncer la dictature prenant forme dans l’un des pays les plus stables de la région. Personne ne voit les effets dévastateurs d’une quelconque crise au Sénégal?
Car nous nous condamnons. Tandis que nos frères du Maghreb se libèrent de leurs chaines, nous, au sud du Sahara, nous enterrons toutes nos aspirations de démocratie, de développement et d’évolution en restant silencieux devant la « Waderie ». Par notre silence coupable, nous appelons Biya à s’ériger en Roi du Cameroun (s’il ne l’est pas déjà), nous ouvrons la voie à Compaoré pour sa probable présidence à vie (qui est bel et bien programmée), nous envoyons un signal de soutien fort à Mugabé et nous disons à tous nos chefs d’Etat : «faites seulement, ça ne nous dérange pas».
« Afrique mon Afrique ». Et toute l’Afrique intellectuelle a les yeux tournés vers l’extrémité ouest du continent. Après les révolutions arabes, peut-être la vague de ras-le-bol en Afrique noire partira-t-elle de Dakar, qui sait? Car dit-on « c`est L'Afrique ton Afrique qui repousse, Qui repousse patiemment obstinément, Et dont les fruits ont peu à peu, L’amère saveur de la liberté ».

Une correspondance particulière
d’Agnima Sika
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