«Le patriotisme, ce n’est pas le fait de croire aveuglément aux choses que nos leaders nous disent et font. Cela n’est rien d’autre que la stupidité qui permet de remplacer le sens de quelques grands concepts par des mots vides aux accents abrutissants et mis à la disposition de lâches flagorneurs », Lawrence W. Reed
Voilà presqu’un an que le régime de la Refondation est tombé sous les feux d’une coalition internationale (...). La Côte d’Ivoire connaît depuis un climat politique délétère et chaque jour sa dégradation menace d’altérer le climat politique national de manière profonde, durable et générale. Le désarroi et l’inquiétude viennent de ce que la Côte d’Ivoire a depuis longtemps perdu des pratiques politiques qui l’avaient longtemps fait passer pour une exception dans un continent dont bien des régimes politiques ont eu du mal à se plier aux exigences de l’Etat de droit et à de saines et incontestables compétitions électorales. Alassane Ouattara se comporte comme un roi, décidant tout seul de tout.
La situation est délicate à gérer par les citoyens et les politiciens. Pour saisir les enjeux de cette falsification du politique, nous avançons l’hypothèse que la démocratie, d’un côté violée chaque jour par Ouattara sous le signe d’un exhibitionnisme politique qui privilégie la forme au détriment du contenu, est menacée de l’autre par des soi-disant résistants qui eux, frappés d'une sorte de cécité politique les privant de regarder la réalité en face, vont droit au mur traînant avec eux tout un peuple qui ne mérite pas un tel destin.
Les doctrines en conflit
D’un côté, il y a les opposants, ceux qui savent qu’ils ne peuvent pas faire autrement que de sélectionner une position idéologique, de la défendre et de la faire triompher sur toutes les autres. Ils y sont contraints par la compétition politique, qui les oblige à se démarquer des autres, et par les exigences de l’action, qui leur impose de dénoncer puis d’énoncer ce qu’ils ont l’intention de faire du pouvoir qu’ils revendiquent. Pour eux, ce choix est vital, car ne pas choisir, c’est n’avoir rien à proposer aux citoyens et se condamner à l’inaction et à l’échec. De l’autre, il y a les résistants, ceux qui ont choisi la voie de l’immobilisme soit par orgueil, soit pa peur, soit par manque de vision. Quoi qu’il en soit la conséquence est la même : elle est trahison vis-à-vis de la marche du pays et des souffrances endurées depuis des siècles. Ils prétendent être des « résistants », résistant contre le pouvoir du « préfet Ouattara ».
Ceux-là essayent de nous convaincre d’entrer dans leur logique de « résistance ». Leur thèse en réalité devrait être qualifiée d’exhibitionniste et de victimaire car privilégiant la forme aux dépens du contenu, se méfiant de la souveraineté du peuple et redoutant autant l’altérité que le pouvoir de l’opinion. Tous veulent avoir l’honneur de porter la parole qu’ils mettent eux-mêmes à la bouche de chef ! On se souvient des sorties tonitruantes du sieur Katinan affirmant que le chef a dit telle ou telle autre chose, qu’il va bien et qu’il est « debout !». Pourtant le chef lui-même démontrera le contraire lors de sa première comparution devant la Cour pénale internationale. On a ainsi vu un homme fatigué et amaigri et qui, de ses propres termes, ne voyait même pas la lumière du soleil, à plus forte raison donner des mots d’ordre à Katinan. Or donc, Katinan imaginait les mots d’ordre du chef dans son salon feutré d’Accra. Gervais Coulibaly avait donc raison quand déjà en juin 2010 il affirmait qu’il y avait trop de menteurs autour de Gbagbo.
Pendant ce temps, on crie sur tous les toits qu’on résiste. Les exilés d’Accra s’expriment, les résistants de Paris et d’Abidjan, les patriotes électroniques et autres porte-parole guerroient. Finalement, un an après, Gbagbo n’a pas été libéré, pis il se trouve désormais à La Haye. Pourquoi ? Peut-être parce que la plus marquante action des « résistants » pour contribuer à sa libération n’aura été une manifestation « kodjo rouge » organisée à Paris où des femmes exhibaient sans vergogne leurs postérieurs. Maudit soit alors Sarkozy, car tous les postérieurs si patriotiquement exposés ne seront pas sans conséquences pour lui !
Quelle résistance ?
Cela n’est pas la conception que nous avons de la résistance. C’est pour cela que nous, et de nombreux ivoiriens, ne nous reconnaissons pas en elle. Arrêtons-nous donc un moment sur la notion de résistance.
La logique de la résistance n’est pas une logique statique, mais tout simplement ferme. Et fermeté n’est pas synonyme de statique. Est statique ce qui n’évolue pas, alors que la fermeté désigne plutôt la qualité de ce qui ne se laisse pas distraire, de ce qui manifeste l’autorité sans brutalité, de ce qui évolue en demeurant fidèle à ses objectifs. Alors que le statique se présente comme un état de satisfaction équilibrée, la fermeté est l’état de ce qui est assuré et décidé 1.
La logique de nos résistants-patriotes (par patriote il faut entendre ici les pro-Gbagbo, pour eux seuls, ils sont patriotes donc aiment leur pays. Les autres c’est rien d’autre que des traîtes !) est-elle dynamique et fidèlement évolutive ?
Il faut répondre tout de suite non. Au risque de nous voir encore taxés de lider-ship, il faut se rappeler ce que disait déjà Mamadou Koulibaly alors qu’il tenait les rênes du FPI. Ce dernier avait préconisé l’organisation d’un congrès pour doter le parti de nouvelles instances et le remettre au travail. Proposition rejetée ! On ne fait rien tant que Gbagbo n’est pas libre disait-on. Et Brigitte Kuyo d’ajouter, sur sa page facebook, «Koulibaly est de quel village bété pour que Gbagbo lui laisse le FPI ?». Position statique n’est-ce pas ? Quelle résistance, résistance à l’action, au changement.
Un an après lorsque les rumeurs sur le transfèrement de Gbagbo Laurent se répandait, qu’ont fait les résistants ? Le discours était : « qu’ils touchent à un seul cheveu de Gbagbo et ils verront ce qu’ils n’ont jamais vu ». Le Woody a finalement été transféré et nulle part on a vu l’apocalypse promise par les résistants-patriotes. Comme l’avait si bien dit Mamadou Koulibaly, notre loyauté ne doit pas se mesurer à l’aune de notre attachement à un chef, mais aux principes et aux valeurs qui fondent notre projet de société. Le temps lui a donné raison car ce sont ces mêmes résistants qui hier promettaient de mourir pour leur pays et qui ont fui la queue entre les jambes dès le premier coup de fusil à Cocody, abandonnant le pauvre Gbagbo à son sort. En fait, de résistance, il n’en est rien. Car un an après, les lignes n’ont pas bougés. Les marches de cent ou deux cents personnes à Paris n’y ont rien changé. A ce jeu-là c’est à celui qui insulte le plus fort Ouattara que revient la palme du plus grand patriote. Les prophéties et autres malachismes continuent de nourrir la résistance tandis que de nouveaux champions tels que Marine Le Pen et Mélenchon sont acclamés, portés haut sur les étendards. Quelle honte ! Au final, quel crédit accorder aux manifestations épidermiques de ces gens qui ont menti et conduit des milliers de jeunes à la mort ? Sont-ils allés jusqu’au bout de leur engagement patriotique ?
Aller jusqu’au bout ?
Le slogan a vite fait le tour des milieux « patriotiques » autoproclamés. Mais s’il faut aller jusqu’au bout encore faudrait-il savoir où l’on va, pourquoi et comment ?
Mais pour garder un cap déjà invisible, ils doivent accepter les points de vue divergents et se garder de toute velléité d’interdire les voix et les positions qui ne vont pas dans le sens voulu. Cette réserve ne va pas de soi, car se battre pour une interprétation du bien commun et chercher à la faire triompher exige que l’on y croie et que l’on y adhère avec la plus grande force de conviction. Chez eux, la pente naturelle n’est pas la tolérance, mais l’intolérance, dès lors que les divergences d’opinion portent sur l’essentiel. Koulibaly ou même Blé Goudé en sait quelque chose lui qui a très vite été soupçonné de traîtrise pour avoir suggéré une «approche constructive de la normalisation de la situation en Côte d’Ivoire» et une « opposition plurielle » face au régime de Ouattara. Le pauvre fut très vite sommé de revenir à une position jugée plus « patriotique» selon leur conception du patriotisme.
Mais le fait est que l’intolérance abandonnée à elle-même induit des développements fatals à la résistance. Existe-t-il quelque part dans les arcanes de la résistance ivoirienne un projet pour ce pays ? Existe-t-il chez un dirigeant de la résistance une vision sur le devenir commun pour le peuple ivoirien ? Il est permis, aujourd'hui, d'en douter sérieusement. La résistance n’a rien à proposer et se contente de s’accrocher à un discours défraîchi dans lequel ils finissent par se perdre eux-mêmes. Mais ce n’est pas cela le patriotisme. Cela n’est rien d’autre que la stupidité qui permet de remplacer le sens de quelques grands concepts par des mots vides aux accents abrutissants et mis à la disposition de lâches flagorneurs. Cela fait plus de dix ans que le peuple ivoirien attend que ceux qui ont décidé de le libérer, disent-ils, sans le consulter aient au moins la décence de lui proposer un projet de société, d'œuvrer à sa réalisation et de lui préparer un avenir digne des énormes sacrifices qu'il a faits pour avoir la paix. En vain.
Voilà l’enjeu, c’est au bout de ce combat qu’il convient d’aller. Nous doutons fort que Gbagbo, en disant qu’il irait jusqu’au bout, pensait à ces ridicules et irrationnelles manifestations telles que cette opération, très très patriotique, qui consistait à stopper toute activité à une heure précise et fixer sa photo pendant deux minutes !
Gbagbo avait un projet pour la Côte d’Ivoire, celle de la liberté. Alassane Ouattara nous a fait faire un bond de 20 ans en arrière, les maigres acquis de la Refondation sont tombés à l’eau. Cette bataille n’est pas achevée, il faut la poursuivre jusqu’au bout. Il ne s’agit pas d’aller au bout de l’immobilisme et de l’auto-flagellation en espérant attendrir le peuple. Ces résistants-là en fait n’aiment pas leur pays, ils ne l’aimaient que parce qu’il était au pouvoir, en témoignent ces quelques manifestations de joie dans les milieux patriotiques autoproclamés ce Dimanche après la défaite de l’équipe nationale de football en finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Pour eux, défaite des Eléphants=défaite de Ouattara=victoire de leur résistance. Sommes-nous tombés sur la tête ?
Le peuple ivoirien mérite mieux que de subir un perpétuel martyr ! Car au milieu de ce jeu d’intérêts, des masses humaines, des Ivoiriens sont de plus en plus en proie à la malnutrition, aux maladies, au chômage et au sous-développement humain. Prisonniers et incapables de se libérer de cet étau.
En somme, la prétendue résistance menée au nom des Ivoiriens n’est que tromperie, corruption et perversion. Une certaine élite politique, accaparée par ses ambitions entravées par les pressions de toutes parts, enfermée dans son égo et son orgueil, se réfugient encore derrière la façade de ses certitudes. Notre position face à ce constat est que notre démarche en tant qu’opposant doit être guidée par la liberté et l’audace. Elle doit demeurer rationnelle et se contenter d’être plausible au regard des principes de la démocratie. Mais une démarche émotionnelle et incohérente perd à la fois sa légitimité démocratique et sa plausibilité cognitive. Elle devient en même temps politiquement criminelle et intellectuellement fausse.
Ces résistants virtuels devraient plutôt s’engager à soutenir les efforts de paix qui sont faits pour redécouvrir, comprendre et revaloriser le sens de la liberté, de la démocratie et des valeurs républicaines. Contrairement à cette vaine résistance, nous adopter une approche ayant une assise doctrinale fondée sur des idées pour une opposition avec des arguments non pragmatiques et non politiciens.
L’heure n’est plus à la résistance. C’est plutôt le moment de mener la bataille des libertés. Les libertés individuelles et les droits de propriété et en œuvrant à la construction d'une Nation ivoirienne libre, souveraine et capable de construire sa prospérité en toute responsabilité. Le chemin de ces libertés est long et difficile. Il n’est pas fonction du destin politique d’un homme. Qui qu’il soit. Cependant, nous irons jusqu’au bout, chercher ces libertés où qu’elles se trouvent. Ne pas démissionner devant une pareille tâche implique certes un grand effort tant individuel que collectif. Mais cet effort est tout simplement le prix du futur.
1-Mamadou Koulibaly
in Sur la route de la liberté
Mohamed Radwan,
Mardi 14 févier 2012
Voilà presqu’un an que le régime de la Refondation est tombé sous les feux d’une coalition internationale (...). La Côte d’Ivoire connaît depuis un climat politique délétère et chaque jour sa dégradation menace d’altérer le climat politique national de manière profonde, durable et générale. Le désarroi et l’inquiétude viennent de ce que la Côte d’Ivoire a depuis longtemps perdu des pratiques politiques qui l’avaient longtemps fait passer pour une exception dans un continent dont bien des régimes politiques ont eu du mal à se plier aux exigences de l’Etat de droit et à de saines et incontestables compétitions électorales. Alassane Ouattara se comporte comme un roi, décidant tout seul de tout.
La situation est délicate à gérer par les citoyens et les politiciens. Pour saisir les enjeux de cette falsification du politique, nous avançons l’hypothèse que la démocratie, d’un côté violée chaque jour par Ouattara sous le signe d’un exhibitionnisme politique qui privilégie la forme au détriment du contenu, est menacée de l’autre par des soi-disant résistants qui eux, frappés d'une sorte de cécité politique les privant de regarder la réalité en face, vont droit au mur traînant avec eux tout un peuple qui ne mérite pas un tel destin.
Les doctrines en conflit
D’un côté, il y a les opposants, ceux qui savent qu’ils ne peuvent pas faire autrement que de sélectionner une position idéologique, de la défendre et de la faire triompher sur toutes les autres. Ils y sont contraints par la compétition politique, qui les oblige à se démarquer des autres, et par les exigences de l’action, qui leur impose de dénoncer puis d’énoncer ce qu’ils ont l’intention de faire du pouvoir qu’ils revendiquent. Pour eux, ce choix est vital, car ne pas choisir, c’est n’avoir rien à proposer aux citoyens et se condamner à l’inaction et à l’échec. De l’autre, il y a les résistants, ceux qui ont choisi la voie de l’immobilisme soit par orgueil, soit pa peur, soit par manque de vision. Quoi qu’il en soit la conséquence est la même : elle est trahison vis-à-vis de la marche du pays et des souffrances endurées depuis des siècles. Ils prétendent être des « résistants », résistant contre le pouvoir du « préfet Ouattara ».
Ceux-là essayent de nous convaincre d’entrer dans leur logique de « résistance ». Leur thèse en réalité devrait être qualifiée d’exhibitionniste et de victimaire car privilégiant la forme aux dépens du contenu, se méfiant de la souveraineté du peuple et redoutant autant l’altérité que le pouvoir de l’opinion. Tous veulent avoir l’honneur de porter la parole qu’ils mettent eux-mêmes à la bouche de chef ! On se souvient des sorties tonitruantes du sieur Katinan affirmant que le chef a dit telle ou telle autre chose, qu’il va bien et qu’il est « debout !». Pourtant le chef lui-même démontrera le contraire lors de sa première comparution devant la Cour pénale internationale. On a ainsi vu un homme fatigué et amaigri et qui, de ses propres termes, ne voyait même pas la lumière du soleil, à plus forte raison donner des mots d’ordre à Katinan. Or donc, Katinan imaginait les mots d’ordre du chef dans son salon feutré d’Accra. Gervais Coulibaly avait donc raison quand déjà en juin 2010 il affirmait qu’il y avait trop de menteurs autour de Gbagbo.
Pendant ce temps, on crie sur tous les toits qu’on résiste. Les exilés d’Accra s’expriment, les résistants de Paris et d’Abidjan, les patriotes électroniques et autres porte-parole guerroient. Finalement, un an après, Gbagbo n’a pas été libéré, pis il se trouve désormais à La Haye. Pourquoi ? Peut-être parce que la plus marquante action des « résistants » pour contribuer à sa libération n’aura été une manifestation « kodjo rouge » organisée à Paris où des femmes exhibaient sans vergogne leurs postérieurs. Maudit soit alors Sarkozy, car tous les postérieurs si patriotiquement exposés ne seront pas sans conséquences pour lui !
Quelle résistance ?
Cela n’est pas la conception que nous avons de la résistance. C’est pour cela que nous, et de nombreux ivoiriens, ne nous reconnaissons pas en elle. Arrêtons-nous donc un moment sur la notion de résistance.
La logique de la résistance n’est pas une logique statique, mais tout simplement ferme. Et fermeté n’est pas synonyme de statique. Est statique ce qui n’évolue pas, alors que la fermeté désigne plutôt la qualité de ce qui ne se laisse pas distraire, de ce qui manifeste l’autorité sans brutalité, de ce qui évolue en demeurant fidèle à ses objectifs. Alors que le statique se présente comme un état de satisfaction équilibrée, la fermeté est l’état de ce qui est assuré et décidé 1.
La logique de nos résistants-patriotes (par patriote il faut entendre ici les pro-Gbagbo, pour eux seuls, ils sont patriotes donc aiment leur pays. Les autres c’est rien d’autre que des traîtes !) est-elle dynamique et fidèlement évolutive ?
Il faut répondre tout de suite non. Au risque de nous voir encore taxés de lider-ship, il faut se rappeler ce que disait déjà Mamadou Koulibaly alors qu’il tenait les rênes du FPI. Ce dernier avait préconisé l’organisation d’un congrès pour doter le parti de nouvelles instances et le remettre au travail. Proposition rejetée ! On ne fait rien tant que Gbagbo n’est pas libre disait-on. Et Brigitte Kuyo d’ajouter, sur sa page facebook, «Koulibaly est de quel village bété pour que Gbagbo lui laisse le FPI ?». Position statique n’est-ce pas ? Quelle résistance, résistance à l’action, au changement.
Un an après lorsque les rumeurs sur le transfèrement de Gbagbo Laurent se répandait, qu’ont fait les résistants ? Le discours était : « qu’ils touchent à un seul cheveu de Gbagbo et ils verront ce qu’ils n’ont jamais vu ». Le Woody a finalement été transféré et nulle part on a vu l’apocalypse promise par les résistants-patriotes. Comme l’avait si bien dit Mamadou Koulibaly, notre loyauté ne doit pas se mesurer à l’aune de notre attachement à un chef, mais aux principes et aux valeurs qui fondent notre projet de société. Le temps lui a donné raison car ce sont ces mêmes résistants qui hier promettaient de mourir pour leur pays et qui ont fui la queue entre les jambes dès le premier coup de fusil à Cocody, abandonnant le pauvre Gbagbo à son sort. En fait, de résistance, il n’en est rien. Car un an après, les lignes n’ont pas bougés. Les marches de cent ou deux cents personnes à Paris n’y ont rien changé. A ce jeu-là c’est à celui qui insulte le plus fort Ouattara que revient la palme du plus grand patriote. Les prophéties et autres malachismes continuent de nourrir la résistance tandis que de nouveaux champions tels que Marine Le Pen et Mélenchon sont acclamés, portés haut sur les étendards. Quelle honte ! Au final, quel crédit accorder aux manifestations épidermiques de ces gens qui ont menti et conduit des milliers de jeunes à la mort ? Sont-ils allés jusqu’au bout de leur engagement patriotique ?
Aller jusqu’au bout ?
Le slogan a vite fait le tour des milieux « patriotiques » autoproclamés. Mais s’il faut aller jusqu’au bout encore faudrait-il savoir où l’on va, pourquoi et comment ?
Mais pour garder un cap déjà invisible, ils doivent accepter les points de vue divergents et se garder de toute velléité d’interdire les voix et les positions qui ne vont pas dans le sens voulu. Cette réserve ne va pas de soi, car se battre pour une interprétation du bien commun et chercher à la faire triompher exige que l’on y croie et que l’on y adhère avec la plus grande force de conviction. Chez eux, la pente naturelle n’est pas la tolérance, mais l’intolérance, dès lors que les divergences d’opinion portent sur l’essentiel. Koulibaly ou même Blé Goudé en sait quelque chose lui qui a très vite été soupçonné de traîtrise pour avoir suggéré une «approche constructive de la normalisation de la situation en Côte d’Ivoire» et une « opposition plurielle » face au régime de Ouattara. Le pauvre fut très vite sommé de revenir à une position jugée plus « patriotique» selon leur conception du patriotisme.
Mais le fait est que l’intolérance abandonnée à elle-même induit des développements fatals à la résistance. Existe-t-il quelque part dans les arcanes de la résistance ivoirienne un projet pour ce pays ? Existe-t-il chez un dirigeant de la résistance une vision sur le devenir commun pour le peuple ivoirien ? Il est permis, aujourd'hui, d'en douter sérieusement. La résistance n’a rien à proposer et se contente de s’accrocher à un discours défraîchi dans lequel ils finissent par se perdre eux-mêmes. Mais ce n’est pas cela le patriotisme. Cela n’est rien d’autre que la stupidité qui permet de remplacer le sens de quelques grands concepts par des mots vides aux accents abrutissants et mis à la disposition de lâches flagorneurs. Cela fait plus de dix ans que le peuple ivoirien attend que ceux qui ont décidé de le libérer, disent-ils, sans le consulter aient au moins la décence de lui proposer un projet de société, d'œuvrer à sa réalisation et de lui préparer un avenir digne des énormes sacrifices qu'il a faits pour avoir la paix. En vain.
Voilà l’enjeu, c’est au bout de ce combat qu’il convient d’aller. Nous doutons fort que Gbagbo, en disant qu’il irait jusqu’au bout, pensait à ces ridicules et irrationnelles manifestations telles que cette opération, très très patriotique, qui consistait à stopper toute activité à une heure précise et fixer sa photo pendant deux minutes !
Gbagbo avait un projet pour la Côte d’Ivoire, celle de la liberté. Alassane Ouattara nous a fait faire un bond de 20 ans en arrière, les maigres acquis de la Refondation sont tombés à l’eau. Cette bataille n’est pas achevée, il faut la poursuivre jusqu’au bout. Il ne s’agit pas d’aller au bout de l’immobilisme et de l’auto-flagellation en espérant attendrir le peuple. Ces résistants-là en fait n’aiment pas leur pays, ils ne l’aimaient que parce qu’il était au pouvoir, en témoignent ces quelques manifestations de joie dans les milieux patriotiques autoproclamés ce Dimanche après la défaite de l’équipe nationale de football en finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Pour eux, défaite des Eléphants=défaite de Ouattara=victoire de leur résistance. Sommes-nous tombés sur la tête ?
Le peuple ivoirien mérite mieux que de subir un perpétuel martyr ! Car au milieu de ce jeu d’intérêts, des masses humaines, des Ivoiriens sont de plus en plus en proie à la malnutrition, aux maladies, au chômage et au sous-développement humain. Prisonniers et incapables de se libérer de cet étau.
En somme, la prétendue résistance menée au nom des Ivoiriens n’est que tromperie, corruption et perversion. Une certaine élite politique, accaparée par ses ambitions entravées par les pressions de toutes parts, enfermée dans son égo et son orgueil, se réfugient encore derrière la façade de ses certitudes. Notre position face à ce constat est que notre démarche en tant qu’opposant doit être guidée par la liberté et l’audace. Elle doit demeurer rationnelle et se contenter d’être plausible au regard des principes de la démocratie. Mais une démarche émotionnelle et incohérente perd à la fois sa légitimité démocratique et sa plausibilité cognitive. Elle devient en même temps politiquement criminelle et intellectuellement fausse.
Ces résistants virtuels devraient plutôt s’engager à soutenir les efforts de paix qui sont faits pour redécouvrir, comprendre et revaloriser le sens de la liberté, de la démocratie et des valeurs républicaines. Contrairement à cette vaine résistance, nous adopter une approche ayant une assise doctrinale fondée sur des idées pour une opposition avec des arguments non pragmatiques et non politiciens.
L’heure n’est plus à la résistance. C’est plutôt le moment de mener la bataille des libertés. Les libertés individuelles et les droits de propriété et en œuvrant à la construction d'une Nation ivoirienne libre, souveraine et capable de construire sa prospérité en toute responsabilité. Le chemin de ces libertés est long et difficile. Il n’est pas fonction du destin politique d’un homme. Qui qu’il soit. Cependant, nous irons jusqu’au bout, chercher ces libertés où qu’elles se trouvent. Ne pas démissionner devant une pareille tâche implique certes un grand effort tant individuel que collectif. Mais cet effort est tout simplement le prix du futur.
1-Mamadou Koulibaly
in Sur la route de la liberté
Mohamed Radwan,
Mardi 14 févier 2012