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Politique Publié le lundi 20 février 2012 | L’expression

L’Editorial : Le Fpi et la démocratie

Samedi dernier, cela faisait vingt ans que le parti de Laurent Gbagbo a tenté de prendre d’assaut la ville d’Abidjan et partant, la Côte d’Ivoire par une marche aux allures insurrectionnelles mal contenues. Le 18 février 1992, au lendemain de la célébration fastueuse de la victoire historique des Eléphants, la première du genre du pays à une Coupe d’Afrique des nations de football, le Front populaire ivoirien (Fpi) prenait la rue. Malgré l’interdiction par les autorités, le parti des socialistes tropicaux voulait sa journée noire. Résultat des courses : des véhicules incendiés, des biens divers détruits, des blessés et des dizaines d’arrestations. Parmi les interpelés, le secrétaire général du Fpi, Gbagbo lui-même ; son épouse, la très extrémiste Simone et beaucoup de cadres. Ces événements malheureux provoqués à dessein ont donné naissance à la « Fête de la liberté ». Ainsi, le Front populaire ivoirien célèbre presque sans discontinuité cette date comme celle de la conquête des droits politiques. C’est l’occasion pour ce parti en quête de légitimité et de positionnement de se faire passer pour le chantre des libertés et des conquêtes démocratiques en Côte d’Ivoire. Bien entendu, les adversaires du camp dit socialiste, les héritiers du premier président de la République, deviennent les dépositaires de l’ancien système. Le monde des partis uniques, de la pensée unique, des actes liberticides et de la fossilisation du jeu politique. Mais comme l’histoire aime bien mettre à la lumière les prétentions d’hommes porteurs des générosités les plus osées, le Fpi s’est retrouvé à la tête de la Côte d’Ivoire. Gbagbo et ses amis ont pris les rênes du pays à la suite d’un triple coup d’Etat. Le premier fut celui des soldats mutins contre le pouvoir d’Henri Konan Bédié. Le second a été le coup de poignard contre la démocratie orchestré par les agents du Fpi prenant en otage le chef de la junte, le général Robert Guéï. Ensemble, Gbagbo et Guéï ont convenu de l’exclusion des candidats des formations les plus significatives du pays, le Pdci et le Rdr à l’élection présidentielle d’octobre 2000. Le duo s’est déchiré pour le fauteuil à la suite d’une élection calamiteuse. Les mots sont de Gbagbo en personne. Troisième phase de l’action, la sortie des chars et des manifestants au service du Fpi de Gbagbo. Le général débordé par le coup militaro civil de son allié avec qui il devait confisquer le pouvoir, prend la fuite. Et se réfugie dans les environs de Jacqueville chez le prophète Papa Nouveau.

Etat de non droit

Une fois le Fpi au pouvoir, les Ivoiriens pourront goutter les gâteaux et les perles des généreux opposants qui promettaient l’air pur à la population. Le temps de s’emparer des limousines d’Etat, de quitter les maisons en bande des quartiers populaires et s’installer dans les châteaux luxueux de Cocody, les camarades ont ôté le restant de masque. Pour le charnier de Yopougon, un massacre odieux de près d’une soixantaine de jeunes gens froidement abattus dans le camp de gendarmerie d’Abobo, il y aura un procès. Sous la poussée de la population et des organisations des droits de l’Homme, Gbagbo finit par faire comparaître le patron de l’escadron, le commandant Bê Kpan. Un simulacre de procès dans le plus grand camp de la gendarmerie nationale à Agban. Devant des soldats menaçant le président du tribunal et ses collaborateurs. Vociférant leur détermination à faire chuter le pouvoir si les prévenus, ils ont tous comparu libres, étaient condamnés. Le ton était ainsi donné que dans un système arrivé aux affaires par les fusils, seule la force fait loi. Et en dix ans de pouvoir, Gbagbo et son Fpi, ces grands amis de la liberté, ont imposé un Etat de non droit où la terreur a été le maître mot.
Sous le régime de la Refondation, pas de marche. La rue est interdite à toute manifestation hostile. Les femmes, qui veulent crier leur colère pour réclamer la baisse des prix des produits de première nécessité, sont bastonnées à Abobo, Yopougon, Treichville, Port Bouët et un peu partout. Les opposants ne savaient pas eux que le Fpi avait déjà marché pour tout le monde et pour toute l’histoire politique du pays. Chacune de leur sortie donnera lieu à des tueries et viols sans retenue. Le pic sera atteint en mars 2004. Les Ivoiriens, las des atermoiements du « boulanger », décident de marcher pour l’application effective des Accords de Marcoussis devant sortir le pays de la crise politico-militaire qui le ronge avec les affrontements entre les troupes de Gbagbo et celles de la rébellion des Forces nouvelles. Ils seront accueillis par les chars, les avions et les hélicoptères de l’armée. Dans les rues, c’est à qui fera le plus de victimes. Soldats, policiers, gendarmes, miliciens et mercenaires sont à la manœuvre. Les Ivoiriens vivront des journées cauchemardesques. L’Onu, après une mission d’enquête sur le terrain, relèvera aux moins trois cents morts, des centaines de blessés et de disparus, un nombre indéterminé de femmes violées. Le paradis démocratique promis par le Fpi dans l’opposition a été l’enfer tout court une fois ce parti au pouvoir. Rien d’autre. Les libertés, au fond, les Ivoiriens les ont acquises sans le Fpi, et malgré ce parti. Qui s’est rebellé contre le peuple souverain de Côte d’Ivoire au lendemain du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010 allant jusqu’à inviter miliciens et mercenaires dans une répression barbare (au moins 3.000 morts) contre la population ? Le Fpi bien sûr ! C’est indécent que le résidu de ce parti parle de liberté et de démocratie dans ce pays après tous ses crimes. Vraiment indécent !
D. Al Seni
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