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Editorial Publié le lundi 27 février 2012 | L’expression

L’Editorial : Coups entre alliés

« C’est pas la politique ? Il n’y a là bas ni amitié ni fraternité qui tienne ». La boutade entendue quelque part dans une rue dans le quartier grouillant d’Adjamé ne doit rien à l’humeur de son auteur. Bien au contraire. Ce qui a meublé la campagne des élections législatives partielles (elles se sont tenues hier) donne du grain à moudre à ceux pour qui la politique est un monde impitoyable. Entre les alliés du Rhdp, tous les moyens ou presque, ont été utilisés. Il faut gagner et la fin justifie les moyens. Des discours enflammés aux affrontements, rien n’a fait défaut. Principalement entre les deux poids lourds du camp au pouvoir : le Pdci et le Rdr. A Bonon, le président de la jeunesse de l’ancien parti au pouvoir, Konan Kouakou Bertin, en compagnie d’un de ses lieutenants, a subi le courroux des partisans du candidat du Rdr.

Motif, le jeune tribun aurait été pris en flagrant délit de tentative de corruption de la commission électorale indépendante locale. Des présomptions. Elles ont suffi au bonheur de ceux pour qui tout doit se régler ici et maintenant. Par la manière forte. Comme si les organes de régulation du jeu politique avaient disparu et qu’il fallait se faire justice soi-même. A Fresco, ce sont des cadres et non des moindres du Pdci, partis en renfort soutenir une jeune dame porteuse des couleurs de ce parti face à un indépendant issu des Forces nouvelles, mais soutenus par la base du Rdr, qui n’ont pas sourcillé à sortir les propos habituellement du cru des partisans de Laurent Gbagbo. « Les Forces nouvelles et le Rdr sont les auteurs du coup d’Etat contre Bédié ; ce sont eux qui ont amené la guerre au pays, cassé les agences de la Bceao ». Des propos acides aussi ravageurs dans les corps et les esprits que les violences physiques. Entre le Pdci et le Rdr, l’alliance politique scellée par la réconciliation entre les deux chefs, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, longtemps opposés, n’a pu jusque là atteindre une bonne part des cadres. Dans les états-majors, ce sont les petits calculs. Ceux-ci ont pris le dessus sur l’attente de l’écrasante partie des militants. Ils espéraient, dans la suite logique de la victoire des héritiers du premier président, Félix Houphouët-Boigny, contre le système inutilement oppressif de Laurent Gbagbo, la fusion des différents partis dans un vaste mouvement unificateur du camp. Les engagements avaient été pris par tous dans ce sens. Mais en politique, la vérité du jour n’est pas celle du lendemain. Et les militants se retrouvent dans un jeu partisan à se retourner les uns contre les autres. Eux qui, ensemble, ont fait bloc pour chasser par les urnes et par le sang, en offrant leur corps aux chars du dictateur aujourd’hui en détention à la Cour pénale internationale de La Haye. A Biankouma, à Agboville, à Fresco, à Bonon… ce sont les partisans du même grand bloc qui se conspuent, se boudent, s’épient… et finissent par en venir aux mains. Des barrières s’érigent à nouveau entre populations de même conviction et de même aspiration. Les élites le veulent ainsi et c’est ce qui se passe sur le terrain. En politique, ce qui compte donc, ce sont les intérêts. Quand ces intérêts commandent que la famille, les amis, voire le foyer soit déchirés, en avant la machine ! Le bien commun, les valeurs partagées, la vision commune pour le bien des populations… tout cela passe alors au second plan. En réalité, ce ne sont là pour beaucoup que des marches pour arriver au port de l’ascension personnelle. Que vaut l’intérêt général si l’intérêt personnel n’existe pas ?

La question se pose et semble prendre le dessus. Nul n’ignore que ce que l’individu gagne personnellement s’avère le levier de son action. Dans la vie de tous les jours, c’est comme ça. Au bureau, au champ, dans l’atelier, à l’école. Le moteur de la vie est l’intérêt. Il peut être financier, matériel, spirituel ou moral. Mais il existe toujours. Cependant, quand on veut se mettre au service de ses concitoyens, au service des hommes par l’exercice d’un mandat quelconque, il faut parvenir à conjuguer ses intérêts avec ceux des personnes qu’on veut servir. A défaut de hisser les leurs au premier plan, il faut éviter de faire de ceux qu’on prétend servir les otages d’ambitions malsaines et dangereuses. La bonne différence qui existe d’ailleurs entre politicien et homme politique digne de ce nom, c’est que le second est véritablement au service des populations. Dans les moments critiques, lors des choix délicats, il sait s’effacer si nécessaire, et prendre en compte l’intérêt des populations. Pour paraître à la face de tous, la première force politique du pays, les partis pris individuellement, et s’imposer aux autres, les alliés du Rhdp n’ont pu s’entendre pour aller aux législatives en rang serré. Le Fpi de Gbagbo en route pour sa belle mort, discrédité qu’il est par sa cruauté au pouvoir, et sans alternative à sa politique destructive et ses arrogances, laisse en rade une partie des Ivoiriens que chaque camp des Houphouétistes veut pour lui. Les législatives, les législatives partielles, la conquête de la primature, le perchoir à l’assemblée nationale et bientôt les municipales… Et après ? Il est temps pour les partis du Rhdp de descendre sur terre et penser aux attentes légitimes des populations. Là se trouve le vrai défi. C’est ensemble qu’ils pourraient le relever.

D. Al Seni
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