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Société Publié le mercredi 7 mars 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Education nationale / Recrutement de 3000 enseignants contractuels : Vers une nouvelle vague de professeurs raccrochés

© L’intelligent d’Abidjan Par Nicole
Le Ministre Kandia Kamara a échangé à huis clos avec les différents leaders syndicaux de l`enseignement secondaire et du primaire public de Côte d`Ivoire
Vendredi 02 2012, Abidjan,Plateau à la salle de conférence de ce département ministériel
Ouvertes le 22 février 2012, les inscriptions pour le recrutement de 3000 enseignants contractuels de lycées et collèges publics sur une période de 4 mois (avril à juillet) ont pris fin officiellement le samedi 03 mars 2012. Si la mesure vise à combler le déficit d’enseignants dans le secondaire général et se présente comme une véritable bouffée d’oxygène pour les milliers de jeunes de diplômés en quête d’un premier emploi, elle inquiète.

Le ministère de l’Education nationale peut être satisfait. Son appel aux jeunes diplômés pour le concours de recrutement de 3000 enseignants contractuels a été entendu. En témoigne la mobilisation autour des centres de dépôt des candidatures qui sont closes depuis le samedi dernier. Notamment au Centre national de matériels scientifiques (ex-Ens), à Cocody où, au premier jour déjà, 493 dossiers de candidats titulaires du deug 2, de la licence, de la maîtrise, du Dea et du doctorat, avaient été enregistrés. Sur ce site, le 22 février 2012, la ministre de tutelle Kandia Camara Kamissoko était revenue sur les motivations de cette décision gouvernementale. A l’en croire, c’est à la suite des différents rapports faits par des directions régionales de l’Education nationale et le rapport qu’elle a présenté au Premier ministre que la décision a été prise, en accord avec le Président de la République, Alassane Ouattara. Au titre du mode opératoire, elle a expliqué que lors de la sélection des candidats, les meilleurs seront retenus et formés avant d’être affectés sur le terrain. «Ce concours exceptionnel de recrutement s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du Programme présidentiel d’urgence 2012 et de l’exécution des mesures d’attente de la réouverture des universités publiques. Il va contribuer à améliorer les rendements scolaires et donner des chances à tous les élèves d’avoir la même progression dans les cours dispensés. De sorte qu’ils soient complets», avait-elle clarifié.

Bouffée d’oxygène pour les milliers de jeunes sans emploi mais…

Outre le fait que ce recrutement spécial se veut une réponse au déficit criant d’enseignants dans le secondaire général, il se présente également comme une véritable bouffée d’oxygène pour les nombreux jeunes diplômés. 608 diplômés en Lettres modernes, 517 en Mathématiques, 421 en Sciences physiques, 420 en Sciences de la vie et de la terre et 354 en Histoire et géographie vont bénéficier d’un emploi sous contrat et sortir ainsi de l’oisiveté. «Ce recrutement sera une bouffée d’oxygène tant pour le système éducatif que pour la jeunesse diplômée. Quand la commission de recrutement aura fini de siéger à la fin du dépôt des dossiers, les candidats retenus vont bénéficier de deux semaines de formation pédagogique dans un lieu à déterminer. Ces derniers seront sur le terrain, à partir d’avril jusqu’à fin juillet 2012. Sur le terrain, dans les trente (30) Dren d’affectation, ils bénéficieront également d’un encadrement et d’une prime d’installation ainsi que le versement d’une prime mensuelle de 100.000 F Cfa», a précisé M. Mamadou Barro, directeur des ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale.

… Même travail, pas mêmes avantages

Mais, le hic est que les 3000 enseignants contractuels qui seront les heureux élus de ce concours de recrutement spécial, n’auront pas les mêmes avantages que leurs collègues déjà en fonction. Ainsi, le salaire de 100.000 F CFA qui leur sera versé est loin de ce que perçoivent les professeurs en Côte d’Ivoire. Bénéficiaires l’an dernier d’une grille indiciaire et indemnitaire transitoire, ainsi que d’un reclassement spécial et reversement dans le grade A3, les enseignants du secondaire général se frottent les mains avec près de 300.000 F CFA par mois. Ainsi le traitement des enseignants contractuels sera la moitié de ce que perçoivent leurs collègues en exercice avant eux. Ce qui fait à nouveau courir le spectre d’une nouvelle vague d’enseignants raccrochés qui ne percevront pas le même traitement pour le même travail. Une mesure qui avait été dénoncée depuis 1991 au moment où l’actuel Chef de l’Etat était à la tête de la Primature et qui avait même été au cœur de nombreuses paralysies de l’école suite aux grèves de protestation lancées à l’époque par le Synesci de Soro Mamadou. Avant la prise d’un acte administratif de correction en 1998. «C’est une aubaine pour sortir du chômage. C’est vrai que nous avons besoin de travail mais il est inadmissible que pour le même travail, nous percevons la moitié du salaire de nos collègues sortis de l’ENS et recrutés avant nous. Et pis, moins que les instituteurs adjoints de niveau BEPC qui eux sont à près de 200.000 FCFA», se plaignent déjà plusieurs candidats qui disent s’en contenter pour l’heure parce qu’il n’y aurait pas, selon eux, de bonnes perceptives à l’horizon du marché de l’emploi. Ce qui les contraint à faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Il convient dès lors pour l’Etat, au terme des quatre mois prévus dans le contrat, de réviser les clauses. Mieux, de mobiliser un financement conséquent pour permettre à l’ENS (Ecole normale supérieure) de recruter et former les enseignants Capcm comparativement aux besoins sur le terrain. «C’est bon de critiquer. Mais le devoir appelle la jeunesse diplômée ivoirienne pour permettre à l’Etat d’honorer en faveur des enfants son engagement relatif au droit à l’éducation», a réagi un chef d’établissement.
Des acteurs syndicaux se prononcent

Soro Mamadou, SG du Synesci : ‘’Nous avons conscience du danger de ce recrutement’’

«Le Synesci est pour le recrutement d’enseignants qualifiés. Mais face au déficit criant d’enseignants, on note qu’en 6ème et 5ème, dans certaines disciplines, des élèves n’ont pas d’enseignants pour leur dispenser le savoir. Ainsi, en 4ème et 3ème, ce déficit ne peut pas être comblé. Ce qui influence le rendement scolaire. A un second niveau, les enfants qui n’ont pas d’enseignants, voient bafouer leur droit à l’éducation qui exige qu’ils aient des enseignants pour leur donner le savoir. Entre avoir des enseignants qualifiés et honorer les engagements du droit à l’éducation, il y a un choix à faire. Il est dès lors impérieux de recruter des enseignants mais il va falloir trouver des solutions pérennes à l’avenir. Il faut que l’Etat mette en place des postes budgétaires conséquents proportionnels au besoin afin que l’ENS puisse faire le recrutement et la formation en quantité et en qualité. Pour l’heure, face au droit à l’éducation des enfants, nous ne pouvons qu’accepter mais souhaiter que la formation des nouvelles recrues contractuelles soit de qualité afin qu’ils soient à la hauteur des enjeux et défis. La loi internationale dit à travail égal, salaire égal. Mais ces recrues-là n’ont pas le Capcm. A ce titre, ils ne peuvent pas prétendre aux mêmes avantages que nous. Il s’agit d’un contrat limité dans le temps selon ce que le ministre Kandia Camara nous a dit. Sinon le Synesci a conscience du danger que cet état de fait avait créé en son temps avec un traitement à double vitesse des enseignants. Avec le protocole d’accord du 17 décembre 1998, ceux qui avaient été recrutés en 1991 pour venir combler le déficit avaient pu obtenir leur formation et leur reversement dans le corps des professeurs Capcm. Il nous appartient tous de veiller à ce que ce ne soit pas un recrutement permanent. C’est pourquoi le Synesci invite le gouvernement dès l’année prochaine à aller vers des solutions pérennes. C'est-à-dire offrir des postes budgétaires pour que l’ENS puisse former par rapport aux besoins».

Koffi N’Da, SG du Synevci : ‘’Kandia Camara a l’occasion de régler le problème des enseignants volontaires’’

«Le recrutement spécial sous contrat décidé par le gouvernement relance la question du déficit d’enseignants au secondaire. Pour y faire face, le Président de la République prévoyait dans son programme le recrutement de 30.000 enseignants sur cinq ans de mandat. Soit 6000 enseignants par an. Ce recrutement de 3000 enseignants contractuels est loin de cette attente. En outre, le déficit est loin d’être comblé. Pendant ce temps, le dossier des 4186 enseignants volontaires de la zone sud qui ont déjà enseigné et qui connaissent bien l’enseignement pour l’avoir pratiqué dans des écoles publiques pendant la crise, est toujours en souffrance. Alors que le Président de la République et le Premier ministre ont donné une suite favorable pour le traitement de notre dossier, les responsables du ministère de l’Education nationale refusent de s’exécuter au prétexte que nous ne figurons pas sur la liste des bénéficiaires du décret de 2010. Ce qui est faux et archi-faux. Le décret portant intégration des bénévoles à la Fonction publique prend en compte aussi bien les 4186 de la zone sud que nos camarades des zones CNO, de confiance et de l’Ouest. L’Etat à travers le ministère de l’Education nationale ne saurait se rendre coupable d’un traitement de deux poids, deux mesures. Il est hors de question de laisser ceux qui se sont initiés à la pédagogie pour aller recruter sur contrat ceux qui n’ont aucune notion de l’enseignement. Le ministre Kandia Camara a l’occasion de régler notre problème comme le Chef de l’Etat en bon père de la nation le lui a demandé. Nous avons été oubliés dans le processus d’intégration à la Fonction publique. Nous avons signifié cette injustice, par la négociation et le Président Alassane Ouattara que nous remercions au passage a donné des instructions pour notre prise en compte. D’où vient-il que des responsables de l’Education affirment haut et fort qu’il n’y a pas d’enseignants volontaires dans la partie sud de notre pays alors que ce ministère même nous a conviés à la cérémonie de présentation de vœux? Si l’Etat est une continuité, l’intégration des enseignants volontaires du sud doit être effective au grand bonheur de nos collègues qui attendent depuis plus de quatre ans, leur affectation après le dépôt des listes à la Fonction publique et au ministère de l’Education nationale ».

Mesmin Comoé, SG du MIDD : ‘’Il faut mettre fin à ces recrutements exceptionnels’’

«Pour le MIDD, il faut arrêter avec ces pratiques de recrutement spécial ou exceptionnel. Autant, on ne peut pas sous prétexte d’un déficit criant de chirurgiens ou de médecins, recruter et former des citoyens en deux semaines, avant de les affecter dans les CHU et autres hôpitaux, autant, on ne devrait pas en faire pour les enseignants. Et les balancer dans les classes après seulement moins d’un mois de formation. Il y a également l’aspect de salaires à deux vitesses pour le même travail qu’il faut craindre avec ce genre de recrutement. Il semblerait qu’ils auraient justes des pécules de 100.000 F Cfa. Je me demande bien quelle efficacité on pourrait avoir pour des jeunes diplômés d’un Dea par exemple à qui on viendrait donner 100.000 F par mois. Le problème peut ne pas se poser quand c’est une situation factuelle pour juste corriger un déficit mais à moyen terme, il y aura un problème de statut. A ce niveau, les syndicats risquent de prendre le dossier en main parce que pour un même travail, on ne peut pas accepter le paiement de deux salaires différents. Comme on le voit, il y a des problèmes à l’horizon. C’est pourquoi, il faut mettre fin à ces recrutements exceptionnels d’enseignants».

Propos recueillis par M.T.T
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