Au-delà du littoral ivoirien, ce sont les côtes Ouest africaines même qui sont menacées par l’effet de l’érosion côtière. Lombardo Cédric, spécialiste en Environnement lève un coin de voile sur cette réalité non sans proposer des pistes de solutions.
Il y a quelques mois de cela, les vagues ont fait des dégâts sur le littoral. Comment expliquez-vous cela?
Les dernières semaines du mois d’août 2011, une érosion exceptionnelle a été constatée sur les côtes du littoral Ouest africain. Il n’y a pas qu’Abidjan et Grand–Bassam qui ont été frappées. Plusieurs villes ont été touchées, à des degrés différents. Sur l’axe Abidjan Grand-Bassam, l’érosion s’est manifestée notamment au niveau de Gonzagueville par l’effondrement d’habitations, et Grand-Bassam a perdu 25 mètres de longueur de plage sur 2 mètres d’épaisseur. C’est ce que l’on appelle des phénomènes d’érosion exceptionnelle. Vous avez deux types d’érosion, tout d’abord l’érosion mécanique, permanente. Chaque année le long du littoral, la mer gratte et elle dépose un peu de sable. Comme elle a tendance à gratter beaucoup plus qu’elle ne dépose, on assiste à une érosion côtière. La mer fait reculer le sable et puisque le sable recule, c’est la mer qui avance. Dans la région de Grand-Bassam et d’Abidjan et même jusqu’à Assinie, vous avez chaque année, une érosion qui peut causer la disparition de 50 cm, 1m voire 1,50 m de plage. Ensuite vous avez des phénomènes exceptionnels assez rares. En Côte d’Ivoire, on en a eu en 1984, 1987, 2007 et en 2011. Ces dates ont marqué des érosions avec des dégâts aussi importants que ceux que nous évoquons.
Qu’adviendra-t-il, si on fait une projection dans le futur ?
La projection dans l’avenir, si on part sur 20 ans avec 1,5 mètre de plage qui disparaissent par année, cela fait 30 mètres de plage. Si nous subissons en plus deux ou trois érosions exceptionnelles comme celle de 2011, c’est le village d’Azuretti qui va disparaître.
Si vous allez plus loin, dans 50 ans, en conservant ces hypothèses d’érosion naturelle et exceptionnelle, c’est toute la plage de Grand-Bassam qui peut disparaître. Or, Abidjan à vocation de devenir une des grandes mégapoles d’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui on parle d’une population comprise entre 5 et 7 millions d’habitants. Dans 50 ans, la population de la capitale économique dépassera 10 à 15 millions d’habitants. En ce moment-là, Bingerville et Grand-Bassam seront des quartiers d’Abidjan. Si dans 50 ans nous n’avons pas la plage sur laquelle nous nous trouvons en ce moment, cela veut dire que les vagues iront frapper sur les bords de la lagune. C’est la plage de Gand-Bassam, aujourd’hui, qui empêche l’Océan d’arriver jusqu’à Bingerville. Donc à court terme, c’est gênant mais à long terme, c’est très inquiétant. C’est pour cela qu’à long terme, on doit planifier les choses.
Quand on parle de Grand-Bassam, de Gonzagueville, de Vridi, on parle de protection des infrastructures d’habitats et d’industries dont nous aurons besoin dans 50 ans. Si nous n’arrêtons pas l’érosion côtière que nous observons, ces habitats et ces industries seront inévitablement menacés.
C’est-à- dire qu’Abidjan est menacée?
Si vous regardez à court terme, la menace est légère. Mais si vous regardez dans le long terme, Abidjan est menacée. Si vous multipliez un mètre par an d’érosion naturelle pendant 60 ans, vous perdez 60 mètres de plage. Ajoutez les quatre érosions exceptionnelles de 1984 et de 2011 qui ont, chacune, retiré au moins 20 mètres de sable, vous perdez encore 80 mètres de plage. Observez le cordon de sable qui va de Vridi à Assinie, à certains endroits, il peut disparaître. C’est mécanique et mathématique. C’est ce qui est dangereux.
Vous affirmiez tantôt que c’est tout le littoral qui est touché. Comment ce phénomène s’est-il manifesté ?
L’érosion côtière n’est pas la même selon la nature du sol. Quand vous êtes à San-Pedro, vous avez un sol de roches. La bataille entre la mer et le rocher n’est pas la même qu’entre la mer et la sable. A Grand-Bassam, il n’y a que du sable autour de nous. L’érosion n’est pas la même selon le profil de votre plage. Le deuxième facteur qu’il faut regarder, c’est le point de rencontre entre les grands fleuves de Côte d’Ivoire et la mer. La Comoé, le Cavally ou le Bandama. A chaque fois que vous avez une rencontre entre le fleuve et l’Océan, vous avez des rapports de force qui sont plus mouvementés. Quand on est à l’embouchure d’un fleuve, un jour c’est le fleuve qui est gonflé par la saison des pluies qui rentre dans l’Océan, déposant les sédiments qu’il transporte sur la plage. Un jour le fleuve est sous l’influence de la saison sèche et là, c’est l’Océan qui rentre dans son territoire déposant les sédiments qu’il transporte lui aussi sur la plage. C’est comme ça que s’est créée la grande lagune d’Abidjan.
Chaque ville a sa spécificité, le type de danger qui la menace …
Vous avez vu le danger de Grand-Bassam, d’ailleurs là, l’embouchure n’existe plus, elle est fermée. Ensuite vous avez Grand-Lahou, c’est l’embouchure du Bandama dans l’Océan. Grand-Lahou est une ville qui a déjà perdu sa ville historique. A l’époque, il y avait un quartier colonial qui a disparu. L’érosion côtière de Grand-Lahou est beaucoup plus rapide que celle de Grand-Bassam. Grand-Lahou est une ville qu’on savait qu’on allait perdre à l’époque. La ville est construite, aujourd’hui en hauteur. Si vous vous y rendez, vous allez voir qu’il y a longtemps que les gens ont quitté le bord de la plage pour aller se réfugier ailleurs. C’est comme si la population de Grand-Bassam s’était déplacée à Bingerville.
A San-Pedro, la chance est d’avoir un port là-bas. Quand il y a un port, vous avez des ouvrages qui sont bâtis par les hommes. Ces ouvrages permettent de mieux résister aux érosions. Le port à une telle importance économique qu’on investit dans des ouvrages pour maintenir l’embouchure ouverte et réduire les phénomènes d’érosion. Chose qui n’a pas été faite à Grand- Lahou et c’est pourquoi la ville a disparu. San-Pedro à toutefois des points de faiblesses.
Lesquels ?
Vous avez une des jetées, la jetée Ouest du port de San-Pedro, qui a subi des dégâts lors de l’érosion de 2011. La jetée Est manifeste également des signes d’affaiblissement. Le maintien de ces ouvrages est indispensable, sinon le port de San-Pedro sera menacé.
Ce qu’il faut retenir, c’est que selon que votre profil de plage est rocheux ou sableux, est une embouchure ou non, les rencontres entre l’Océan et la plage ne se passent pas de la même manière. Si votre plage est sableuse, à proximité d’une embouchure, elle est faible, comme à Grand-Lahou. Si votre plage est rocheuse et que votre embouchure est aménagée par des ouvrages, votre plage est forte comme c’est le cas à San-Pedro.
Toutefois, les ouvrages bâtis par l’homme peuvent aussi engendrer une érosion. Quand vous êtes au canal de Vridi, regardez bien ce qui se passe. La jetée Ouest est une digue dont le rôle est d’arrêter le sable pour l’empêcher d’entrer dans le port. Le sable s’accumule sur cette digue et augmenta la taille de la plage. Mais de l’autre côté de la digue, à l’Est, des mouvements vont se former, qui augmenteront l’érosion de la plage. Si vous allez sur la plage Est de Vridi, vous vous rendez compte immédiatement de l’intensité de l’érosion de cette plage, alors qu’à l’Ouest on assiste à une croissance de la plage.
Que se passe-t-il ailleurs?
Vous allez vous rendre compte que Cotonou (Ndlr : au Bénin) est une ville comme Abidjan, construite en bordure de mer. Il y a une lagune, un fleuve qui arrivent. Là-bas, depuis plusieurs années, ils ont commencé à bâtir des ouvrages de défense. Là-bas, les gens ont bâti les ouvrages nécessaires. Si vous allez à Dakar (Ndlr : Au Sénégal) vous avez le même problème de l’érosion côtière, si vous allez à Nouakchott en Mauritanie, c’est encore pire. Nouakchott est l’une des zones les plus fragiles. Une étude a même estimé que 80% de la ville de Nouakchott serait menacée par l’érosion côtière à court terme, l’eau de mer passe parfois en dessous du sable et rentre dans la ville. Le problème de l’érosion côtière est un problème qui concerne toute l’Afrique de l’Ouest.
Comment sauver la situation ?
Vous avez de nombreux pays qui se construisent ou qui se sont construits en avançant sur la mer. Si vous prenez la Hollande, c’est un pays qui avait un tout petit territoire. Mais il avait de nombreuses frontières océaniques. A la différence que là-bas, l’Océan n’est pas violent comme peut être le nôtre. La Hollande a repoussé le sable, elle est allée même prendre du sable dans la mer pour venir en faire des avancées de sable. C’est ainsi qu’a été construit une bonne partie de ce territoire. Si vous allez dans la péninsule arabique, vous avez Bahreïn par exemple ou les Emirats Unis qui construisent des îles. L’homme sait comment bâtir sur l’Océan. L’érosion côtière n’est pas une malédiction. Maintenant, la seule question, c’est de savoir si nous avons les moyens d’étudier des stratégies de défense du littoral et les moyens de les mettre en œuvre. Reprenons la ville d’Abidjan et son canal de Vridi. Abidjan est dans votre dos, l’Océan est devant vous. Vous verrez qu’à l’entrée du canal de Vridi, à votre droite on assiste à un phénomène d’engraissement du littoral. On y a mis un grand mur dans l’océan, une digue, perpendiculaire à la terre. Cette grande digue a vu du sable s’échouer, et petit à petit, la plage à votre droite a augmenté. C’est ce qu’on appelle une jetée d’arrêt de sable. C’est un mur dans l’Océan qu’on prend pour arrêter le sable. Le sable vient, il se dépose et la plage augmente. Mais à votre gauche, de l’autre côté de votre digue, vous voyez qu’il y a une érosion qui se manifeste. L’Océan va déposer du sable sur la digue Ouest, mais en rencontrant et en dépassant cet obstacle, l’océan va créer des remous qui gratteront la côte en provoquant une érosion.
Comment remédier à cela ?
La science a fait de grands progrès en termes de simulation du comportement des côtes selon les ouvrages bâties. Ces simulations permettent d’identifier le type d’ouvrage de défense et sa position pour réduire les remous. Des ouvrages peuvent être bâtis pour briser les vagues, pour capturer les sables, ou renforcer les plages. Selon les profils des plages et l’importance des lieux à protéger, des ouvrages peuvent être définis et construits. Et a chaque fois, il faut faire attention à ce que la solution apportée à un endroit n’apporte pas des dégâts à un autre endroit. Vous savez, avec l’environnement, quand vous jouez d’un côté, il y a autre chose qui va se passer de l’autre côté. Donc il faut faire de multiples simulations pour trouver le bon équilibre.
Ces érosions sont-elles liées au changement climatique ?
Vous avez une dérégulation climatique qui se met en place. L’érosion que nous avons, peut être normale. Nous ne pouvons pas, à chaque phénomène exceptionnel, dire que c’est le changement climatique. A chaque saison des phénomènes environnementaux exceptionnels peuvent se manifester. Maintenant, vous avez vu ce qui s’est passé pendant les trois derniers trimestres. Inondations exceptionnelles en juin 2011, érosion côtière exceptionnelle en août 2011, harmattan exceptionnel en janvier 2012. Là nous avons un cumul de phénomènes exceptionnels et là, nous pouvons penser que le changement climatique est en cause.
CZ
Il y a quelques mois de cela, les vagues ont fait des dégâts sur le littoral. Comment expliquez-vous cela?
Les dernières semaines du mois d’août 2011, une érosion exceptionnelle a été constatée sur les côtes du littoral Ouest africain. Il n’y a pas qu’Abidjan et Grand–Bassam qui ont été frappées. Plusieurs villes ont été touchées, à des degrés différents. Sur l’axe Abidjan Grand-Bassam, l’érosion s’est manifestée notamment au niveau de Gonzagueville par l’effondrement d’habitations, et Grand-Bassam a perdu 25 mètres de longueur de plage sur 2 mètres d’épaisseur. C’est ce que l’on appelle des phénomènes d’érosion exceptionnelle. Vous avez deux types d’érosion, tout d’abord l’érosion mécanique, permanente. Chaque année le long du littoral, la mer gratte et elle dépose un peu de sable. Comme elle a tendance à gratter beaucoup plus qu’elle ne dépose, on assiste à une érosion côtière. La mer fait reculer le sable et puisque le sable recule, c’est la mer qui avance. Dans la région de Grand-Bassam et d’Abidjan et même jusqu’à Assinie, vous avez chaque année, une érosion qui peut causer la disparition de 50 cm, 1m voire 1,50 m de plage. Ensuite vous avez des phénomènes exceptionnels assez rares. En Côte d’Ivoire, on en a eu en 1984, 1987, 2007 et en 2011. Ces dates ont marqué des érosions avec des dégâts aussi importants que ceux que nous évoquons.
Qu’adviendra-t-il, si on fait une projection dans le futur ?
La projection dans l’avenir, si on part sur 20 ans avec 1,5 mètre de plage qui disparaissent par année, cela fait 30 mètres de plage. Si nous subissons en plus deux ou trois érosions exceptionnelles comme celle de 2011, c’est le village d’Azuretti qui va disparaître.
Si vous allez plus loin, dans 50 ans, en conservant ces hypothèses d’érosion naturelle et exceptionnelle, c’est toute la plage de Grand-Bassam qui peut disparaître. Or, Abidjan à vocation de devenir une des grandes mégapoles d’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui on parle d’une population comprise entre 5 et 7 millions d’habitants. Dans 50 ans, la population de la capitale économique dépassera 10 à 15 millions d’habitants. En ce moment-là, Bingerville et Grand-Bassam seront des quartiers d’Abidjan. Si dans 50 ans nous n’avons pas la plage sur laquelle nous nous trouvons en ce moment, cela veut dire que les vagues iront frapper sur les bords de la lagune. C’est la plage de Gand-Bassam, aujourd’hui, qui empêche l’Océan d’arriver jusqu’à Bingerville. Donc à court terme, c’est gênant mais à long terme, c’est très inquiétant. C’est pour cela qu’à long terme, on doit planifier les choses.
Quand on parle de Grand-Bassam, de Gonzagueville, de Vridi, on parle de protection des infrastructures d’habitats et d’industries dont nous aurons besoin dans 50 ans. Si nous n’arrêtons pas l’érosion côtière que nous observons, ces habitats et ces industries seront inévitablement menacés.
C’est-à- dire qu’Abidjan est menacée?
Si vous regardez à court terme, la menace est légère. Mais si vous regardez dans le long terme, Abidjan est menacée. Si vous multipliez un mètre par an d’érosion naturelle pendant 60 ans, vous perdez 60 mètres de plage. Ajoutez les quatre érosions exceptionnelles de 1984 et de 2011 qui ont, chacune, retiré au moins 20 mètres de sable, vous perdez encore 80 mètres de plage. Observez le cordon de sable qui va de Vridi à Assinie, à certains endroits, il peut disparaître. C’est mécanique et mathématique. C’est ce qui est dangereux.
Vous affirmiez tantôt que c’est tout le littoral qui est touché. Comment ce phénomène s’est-il manifesté ?
L’érosion côtière n’est pas la même selon la nature du sol. Quand vous êtes à San-Pedro, vous avez un sol de roches. La bataille entre la mer et le rocher n’est pas la même qu’entre la mer et la sable. A Grand-Bassam, il n’y a que du sable autour de nous. L’érosion n’est pas la même selon le profil de votre plage. Le deuxième facteur qu’il faut regarder, c’est le point de rencontre entre les grands fleuves de Côte d’Ivoire et la mer. La Comoé, le Cavally ou le Bandama. A chaque fois que vous avez une rencontre entre le fleuve et l’Océan, vous avez des rapports de force qui sont plus mouvementés. Quand on est à l’embouchure d’un fleuve, un jour c’est le fleuve qui est gonflé par la saison des pluies qui rentre dans l’Océan, déposant les sédiments qu’il transporte sur la plage. Un jour le fleuve est sous l’influence de la saison sèche et là, c’est l’Océan qui rentre dans son territoire déposant les sédiments qu’il transporte lui aussi sur la plage. C’est comme ça que s’est créée la grande lagune d’Abidjan.
Chaque ville a sa spécificité, le type de danger qui la menace …
Vous avez vu le danger de Grand-Bassam, d’ailleurs là, l’embouchure n’existe plus, elle est fermée. Ensuite vous avez Grand-Lahou, c’est l’embouchure du Bandama dans l’Océan. Grand-Lahou est une ville qui a déjà perdu sa ville historique. A l’époque, il y avait un quartier colonial qui a disparu. L’érosion côtière de Grand-Lahou est beaucoup plus rapide que celle de Grand-Bassam. Grand-Lahou est une ville qu’on savait qu’on allait perdre à l’époque. La ville est construite, aujourd’hui en hauteur. Si vous vous y rendez, vous allez voir qu’il y a longtemps que les gens ont quitté le bord de la plage pour aller se réfugier ailleurs. C’est comme si la population de Grand-Bassam s’était déplacée à Bingerville.
A San-Pedro, la chance est d’avoir un port là-bas. Quand il y a un port, vous avez des ouvrages qui sont bâtis par les hommes. Ces ouvrages permettent de mieux résister aux érosions. Le port à une telle importance économique qu’on investit dans des ouvrages pour maintenir l’embouchure ouverte et réduire les phénomènes d’érosion. Chose qui n’a pas été faite à Grand- Lahou et c’est pourquoi la ville a disparu. San-Pedro à toutefois des points de faiblesses.
Lesquels ?
Vous avez une des jetées, la jetée Ouest du port de San-Pedro, qui a subi des dégâts lors de l’érosion de 2011. La jetée Est manifeste également des signes d’affaiblissement. Le maintien de ces ouvrages est indispensable, sinon le port de San-Pedro sera menacé.
Ce qu’il faut retenir, c’est que selon que votre profil de plage est rocheux ou sableux, est une embouchure ou non, les rencontres entre l’Océan et la plage ne se passent pas de la même manière. Si votre plage est sableuse, à proximité d’une embouchure, elle est faible, comme à Grand-Lahou. Si votre plage est rocheuse et que votre embouchure est aménagée par des ouvrages, votre plage est forte comme c’est le cas à San-Pedro.
Toutefois, les ouvrages bâtis par l’homme peuvent aussi engendrer une érosion. Quand vous êtes au canal de Vridi, regardez bien ce qui se passe. La jetée Ouest est une digue dont le rôle est d’arrêter le sable pour l’empêcher d’entrer dans le port. Le sable s’accumule sur cette digue et augmenta la taille de la plage. Mais de l’autre côté de la digue, à l’Est, des mouvements vont se former, qui augmenteront l’érosion de la plage. Si vous allez sur la plage Est de Vridi, vous vous rendez compte immédiatement de l’intensité de l’érosion de cette plage, alors qu’à l’Ouest on assiste à une croissance de la plage.
Que se passe-t-il ailleurs?
Vous allez vous rendre compte que Cotonou (Ndlr : au Bénin) est une ville comme Abidjan, construite en bordure de mer. Il y a une lagune, un fleuve qui arrivent. Là-bas, depuis plusieurs années, ils ont commencé à bâtir des ouvrages de défense. Là-bas, les gens ont bâti les ouvrages nécessaires. Si vous allez à Dakar (Ndlr : Au Sénégal) vous avez le même problème de l’érosion côtière, si vous allez à Nouakchott en Mauritanie, c’est encore pire. Nouakchott est l’une des zones les plus fragiles. Une étude a même estimé que 80% de la ville de Nouakchott serait menacée par l’érosion côtière à court terme, l’eau de mer passe parfois en dessous du sable et rentre dans la ville. Le problème de l’érosion côtière est un problème qui concerne toute l’Afrique de l’Ouest.
Comment sauver la situation ?
Vous avez de nombreux pays qui se construisent ou qui se sont construits en avançant sur la mer. Si vous prenez la Hollande, c’est un pays qui avait un tout petit territoire. Mais il avait de nombreuses frontières océaniques. A la différence que là-bas, l’Océan n’est pas violent comme peut être le nôtre. La Hollande a repoussé le sable, elle est allée même prendre du sable dans la mer pour venir en faire des avancées de sable. C’est ainsi qu’a été construit une bonne partie de ce territoire. Si vous allez dans la péninsule arabique, vous avez Bahreïn par exemple ou les Emirats Unis qui construisent des îles. L’homme sait comment bâtir sur l’Océan. L’érosion côtière n’est pas une malédiction. Maintenant, la seule question, c’est de savoir si nous avons les moyens d’étudier des stratégies de défense du littoral et les moyens de les mettre en œuvre. Reprenons la ville d’Abidjan et son canal de Vridi. Abidjan est dans votre dos, l’Océan est devant vous. Vous verrez qu’à l’entrée du canal de Vridi, à votre droite on assiste à un phénomène d’engraissement du littoral. On y a mis un grand mur dans l’océan, une digue, perpendiculaire à la terre. Cette grande digue a vu du sable s’échouer, et petit à petit, la plage à votre droite a augmenté. C’est ce qu’on appelle une jetée d’arrêt de sable. C’est un mur dans l’Océan qu’on prend pour arrêter le sable. Le sable vient, il se dépose et la plage augmente. Mais à votre gauche, de l’autre côté de votre digue, vous voyez qu’il y a une érosion qui se manifeste. L’Océan va déposer du sable sur la digue Ouest, mais en rencontrant et en dépassant cet obstacle, l’océan va créer des remous qui gratteront la côte en provoquant une érosion.
Comment remédier à cela ?
La science a fait de grands progrès en termes de simulation du comportement des côtes selon les ouvrages bâties. Ces simulations permettent d’identifier le type d’ouvrage de défense et sa position pour réduire les remous. Des ouvrages peuvent être bâtis pour briser les vagues, pour capturer les sables, ou renforcer les plages. Selon les profils des plages et l’importance des lieux à protéger, des ouvrages peuvent être définis et construits. Et a chaque fois, il faut faire attention à ce que la solution apportée à un endroit n’apporte pas des dégâts à un autre endroit. Vous savez, avec l’environnement, quand vous jouez d’un côté, il y a autre chose qui va se passer de l’autre côté. Donc il faut faire de multiples simulations pour trouver le bon équilibre.
Ces érosions sont-elles liées au changement climatique ?
Vous avez une dérégulation climatique qui se met en place. L’érosion que nous avons, peut être normale. Nous ne pouvons pas, à chaque phénomène exceptionnel, dire que c’est le changement climatique. A chaque saison des phénomènes environnementaux exceptionnels peuvent se manifester. Maintenant, vous avez vu ce qui s’est passé pendant les trois derniers trimestres. Inondations exceptionnelles en juin 2011, érosion côtière exceptionnelle en août 2011, harmattan exceptionnel en janvier 2012. Là nous avons un cumul de phénomènes exceptionnels et là, nous pouvons penser que le changement climatique est en cause.
CZ