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Politique Publié le lundi 19 mars 2012 | L’expression

Interview de Raphaël Lakpé( cadre du RDR) : « Je ne vois pas comment Gbagbo va s’en sortir »

Raphael Lakpé n’est plus à présenter. Cadre de la rue Lepic, il se singularise par son caractère discret et d’homme humble. Dans cette interview, il croque l’actualité et annonce la sortie imminente de son livre témoignage.


Comment expliquez-vous le fait que le régime Ouattara soit si attaqué de l’extérieur et que les proches de Ouattara ne réagissent pas ?
Nous sortons d’une longue lutte. Certains estiment qu’ils sont fatigués et qu’ils ont besoin de se reposer, de souffler un peu. Mon souhait serait, cependant, qu’ils ne se reposent pas continuellement, car il ne faut jamais dormir sur ses lauriers. Il faut donc reprendre le combat pour la défense du régime, pour la promotion de l’action gouvernementale. Nous sommes dans un système multipartite. En face du pouvoir, il y a l’opposition. Ce ne serait pas une bonne chose et pour le pouvoir et pour nous-mêmes de laisser nos adversaires occuper l’espace médiatique. Il faut pouvoir être présent à ce niveau.


Comment entrevoyez-vous les actions qui pourraient être menées ?

Il faut surtout redynamiser le Rhdp. Je constate que depuis un certain moment, le Rhdp ne se retrouve pas, il n’y a pas de réunions, pas de rencontres. Mais avec ce qui vient de se passer à Yamoussoukro, on a bon espoir que les choses vont reprendre. La réaction doit se faire d’abord au niveau du Rhdp. Mais comme chaque parti du Rhdp a une autonomie d’actions, il faut reprendre les rencontres pour la mise en place d’une stratégie de contre-attaque, au niveau du Rdr. Nous faisons confiance à notre secrétaire général par intérim, le ministre Amadou Soumahoro, pour remettre les turbos en marche.


Selon des observateurs, les pro-Ouattara ont perdu la bataille de l’opinion. Vous qui êtes un grand communicateur, avez-vous ce sentiment?

Je ne le crois pas. Actuellement, les pro-Gbagbo sont plus actifs, car ils ont leur leader en prison et s’ils ne réagissent pas, ils vont disparaître. Ils sont obligés d’être continuellement présents et de faire beaucoup de bruits. Leur avenir politique en dépend. S’ils se taisent, ils sont morts, politiquement. Mais, bavarder et convaincre sont deux choses différentes. Je ne pense pas que l’opinion ait admis, par exemple, que leur leader, présentement incarcéré à La Haye, est au-dessus de tout soupçon. Mais cela ne nous donne pas le droit de nous endormir.


Ils réussissent des mobilisations à l’extérieur du pays, cela ne vous inquiète pas ?

Les chiffres qui nous parviennent ne sont pas pharaoniques. Ils n’ont jamais atteint la barre de mille devant la prison de La Haye. Ils sont présents, certes, mais ce ne sont pas de grandes mobilisations. Et cela m’étonne. Je me demande où ils en seront dans quelques mois ou années, si déjà leur nombre aux manifestations se limite à ces chiffres ? Mais comme je le dis, nous ne devons pas leur abandonner le terrain, sinon l’on finira par croire que leur leader et ceux qui, aujourd’hui, sont entre les mains de la justice sont de pauvres innocents, victimes de la méchanceté du nouveau pouvoir.

Vous parlez du Rhdp alors que de nombreuses personnes estiment que cette alliance est morte avec ce qu’on a pu constater lors des batailles pour les législatives.

Ce qui s’est passé lors des élections législatives est regrettable. Mais c’est parce que le Rhdp ne s’était pas assis pour déterminer les règles devant présider au choix des candidats que l’on est arrivé à cette situation. Au risque de me répéter, je voudrais me réjouir de la lueur d’espoir née à Yamoussoukro. Cette flamme sera entretenue, ayons confiance en nos dirigeants !


Ce sont bientôt les municipales, est-ce que le Rhdp y ira en rang serré ?

Il ne faut jamais jurer de rien. Vu les expériences que nous avons vécues aux législatives, je pense que les choses vont évoluer dans le bon sens.


Nous avons appris dans les coulisses que vous vous préparez activement pour aller aux municipales. Ces rumeurs sont-elles fondées ?

Le gouvernement nous a dit qu’il y aura de nouveaux découpages, la date de ces élections n’est pas encore connue, il est difficile de se prononcer. Mais, je ne cache pas mes intentions d’y aller si mon parti m’investit de sa confiance et si je suis oint par le président du parti.


Est-ce que vous avez travaillé dans ce sens, avez-vous posé des actes pour lesquels la population pourrait vous faire confiance ?
Le manioc ne proclame pas sa blancheur, c’est une sagesse de chez nous. Interrogeons le terrain que je pratique depuis mes années universitaires, vous voyez que ce n’est pas d’hier, il nous répondra.


L’actualité en Côte d’Ivoire, c’est la lutte contre l’insécurité. Quelles solutions proposez-vous ?

Il n’y a jamais de sécurité à 100%. Les actions pour mener une bataille féroce contre l’insécurité nécessitent une volonté politique. Ce n’est pas ce qui manque au président de la République. Le gouvernement est en train de traquer les bandits. Une véritable politique sécuritaire se met en place. C’est vrai, les résultats ne sont pas encore totalement là. La police, la gendarmerie sont en train de se remettre en place progressivement, et nous constatons que le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur fait des efforts pour équiper la police. Je suis certain que les résultats vont suivre, il ne faut pas oublier que nous revenons d’une guerre.


Malgré tous ces efforts, l’on constate que les mouvements des droits de l’Homme ne vous lâchent pas. Pensez-vous qu’ils sont objectifs dans leurs analyses ?

Ce n’est pas nouveau, ces organisations font leur travail, le gouvernement fait le sien. Maintenant, il faut rester dans les limites de l’acceptable et ne pas gonfler, amplifier ce qui ne doit pas l’être. Il faut reconnaître les efforts du gouvernement et l’accompagner dans ce sens. Je crois que c’est ce que ces associations font pour qu’on ne tombe pas dans les dérapages.


Le 8 juin, Laurent Gbagbo sera jugé. Pensez-vous qu’il puisse être libéré ?

S’il a des arguments pour confondre la justice, pour démontrer son innocence, il sera libéré. Mais, je ne crois pas que ce soit à cette date, juste pour des raisons de procédure.


Si vous étiez le juge et connaissant ce qui lui est reproché, quelle sera votre délibéré ?

Je souhaite qu’il soit jugé. Et que ses partisans et lui aient la conviction que la cour a été juste, que le jugement, quelle que soit la sanction, a été transparent. Si j'étais juge, je l’aurais d’abord entendu, analysé ses arguments, les confronter avec les faits avant de décider. Pour nous qui avons vécu la crise, je ne vois pas quels arguments Laurent Gbagbo pourrait utiliser pour convaincre la cour de son innocence. Mais, sait-on jamais ? Attendons pour voir.


La Cour pénale internationale a décidé de prolonger ses enquêtes jusqu’en 2002. Ne craignez-vous pas que cela puisse éclabousser votre régime qui a soutenu la rébellion du 19 septembre ?

Je ne sais pas si notre parti a soutenu la rébellion, je n’ai pas cette information. Mais toujours est-il qu’au niveau du Rdr, nos revendications et celles de nos frères qui ont pris les armes, se sont rencontrées à un moment donné. Les gens oublient souvent que Laurent Gbagbo lui-même avait reconnu un certain nombre de choses au cours du forum de la réconciliation présidé par le Premier ministre Seydou Diarra. Les revendications des rebelles étaient exactement ce que le forum avait souhaité que le régime d’alors fasse et qu’il n’a pas fait. Avoir les mêmes préoccupations qu’une rébellion ne peut vouloir dire la soutenir. Si c’était cela, le rebelle serait Gbagbo lui-même. Il avait dit en son temps que la rébellion s’est installée là où les populations le voulaient. Or, la rébellion a occupé 60% du territoire ivoirien pendant neuf ans. Le rebelle était donc le minoritaire qui se maintenait au pouvoir contre la volonté de 60% de ses compatriotes. D’ailleurs, la présidentielle de 2010 a confirmé, pratiquement, ces proportions.


Vous qui connaissez bien le Fpi, comment remettre ce parti dans le jeu politique aujourd’hui ?

Si je raisonne en tant que militant du Rdr, je dirai : pourquoi le faire revenir s’il ne le veut pas ? Mais en tant que démocrate, je soutiens l’appel que le président de la République lui a lancé, je souhaite qu’il saisisse la main qui lui a été tendue pour qu’il revienne dans le jeu politique. Ce parti a-t-il déjà oublié son discours sur l’alternance démocratique pacifique ? Comment peut-il respecter ou faire respecter cette valeur s’il ne participe pas au jeu démocratique, s’il refuse la réconciliation, s’il continue de poser des préalables difficiles à satisfaire ?


Et si on libérait les prisonniers qui sont détenus au pays, pour apaiser la situation ?

Et les victimes, qu’est-ce qu’on en fait ? Comment leurs parents vivraient-ils ces libérations? Je crois que ce sera commettre encore une autre injustice que de vouloir les libérer sans jugement. Il faut laisser faire les juges. Ces arbitres sociaux seuls, par leurs décisions impartiales peuvent réconcilier tout le monde.

Vous êtes en train d’écrire un livre-témoignage, peut-on en connaître la teneur ?

C’est vrai, je travaille actuellement à la finition de mon livre. Je suis au stade de la mise en forme. Si le rythme du travail se maintient, je pourrais être en librairie fin avril-début juin. Dans ce livre, je remonte le temps. Je parle des événements dont j’ai été témoin ou acteur.


Qu’apprendront les lecteurs dans ce livre ?

Ils apprendront par exemple que je suis dans le mouvement alassaniste depuis 1993, que j’ai été un des porteurs d’eau au moment où le Rdr naissait. Ils sauront ce que Houphouët et Gbagbo m’ont dit quand j’ai rencontré l’un pour la dernière fois et l’autre pour la première fois, comment la providence m’a aidé à l’aéroport de Washington quand j’allais rencontrer l’ancien Premier ministre, Alassane Ouattara, devenu Directeur général-adjoint du Fmi, comment j’ai suivi les événements du 18 février 1992, comment l’exécution d’un mot d’ordre de Guillaume Soro m’a valu des tortures au camp commando de Koumassi, en 2000. Ils sauront ce qui s’est passé véritablement sur le plateau de la télévision ce 1er octobre 1992 entre le Premier ministre et moi…

Ah, vous parlez de cette émission ?
Oui !

Vous-vous justifiez ?

De quoi ? Je ne me justifie pas. J’explique ce qui s’est passé.

Et que s’était-il passé ?
Ne soyez pas pressé, vous le saurez en lisant mon livre.


Pourquoi est-ce maintenant que vous allez publier ce livre-témoignage ?

Avec l’élection d’Alassane Ouattara à la présidence de la République, c’est un cycle qui se referme et un autre qui commence. Pour beaucoup d’entre nous, l’heure de la rétrospection a sonné. La preuve, des confrères m’ont déjà devancé sur ce chemin.


Que pensez-vous du nouveau gouvernement ?

Il n’y a pas de nouveau gouvernement. Le président de la République a juste procédé à un réaménagement technique après le départ de Guillaume Soro de la Primature et l’arrivée de Me Jeannot Ahoussou Kouadio. Les ministres continuent d’accomplir les missions qui leur ont été confiées. Ainsi en a décidé le président de la République, la seule autorité compétente en la matière. Comme c’est en notre nom qu’il agit, je n’ai pas de commentaire à faire sinon qu’à souhaiter plein succès aux ministres pour le bonheur des Ivoiriens.


Interview réalisée par Traoré M. Ahmed
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