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Politique Publié le mercredi 11 avril 2012 | L’expression

Laurent Gbagbo, quelques jours avant sa capture dans le bunker : « On n’a pas besoin de mourir pour une élection »

© L’expression Par DR
Politique nationale - Laurent Koudou Gbagbo, président de la République de Côte d`Ivoire
Pendant qu’il était acculé de toute part et sous les feux des bombardements des hélicoptères de l’Onuci et de la Force Licorne, l’ancien président a trouvé le moyen d’appeler la télévision française LCI pour s’exprimer sur le drame qu’il vit. Cet entretien fut la dernière interview que Laurent Gbagbo a accordée à un média jusqu’aujourd’hui. C’était le mardi 5 avril à 19H30. Un an après sa chute, L’Expression dépoussière pour vous cette ultime interview de Laurent Gbagbo.

Bonsoir Monsieur le Président, je suis très ému de vous avoir au téléphone ce soir. Comment vous vous portez ?

Un peu fatigué, mais ça va.

Est-ce que les négociations avancent ?

Vous allez un peu trop vite en besogne. Je vais vous décrire ce qui s’est passé. La semaine dernière, les forces de Ouattara que nous appelons ici des rebelles, mais, vous n’êtes pas obligé de partager notre terminologie, ont pris beaucoup de villes en Côte d’Ivoire et sont rentrés à Abidjan. Alors, l’armée régulière a contre-attaqué. Et, au moment où l’armée, pensait les avoir suffisamment affaiblies sur Abidjan et donc s’apprêtait à lancer une grande contre-offensive pour aller à l’intérieur du pays, hier lundi, la France a opéré des frappes aériennes avec des avions de guerre et a bombardé des sites stratégiques d’Abidjan.

Est-ce que vous pensez que la France a outrepassé le mandat que lui donnait la résolution de l’Onu ?

Je ne connais pas de résolution de l’ONU où cette institution demande à la France de rentrer en guerre contre nous. Or, hier lundi (4 avril 2011, Ndlr), la France est rentrée directement en guerre contre nous. Avant cela, elle était en guerre contre nous. Elle transportait les troupes rebelles d’un point à un autre, elle les armait. Mais, hier, c’était vraiment la seule fois où la France est rentrée directement en guerre. Toutes les soutes à munitions de l’armée à Abidjan ont été bombardées. Le palais de la présidence a été bombardé ; la résidence du chef de l’Etat a été bombardée pendant que je m’y trouvais ; la Rti a été détruite.

Vous-mêmes, vous vous battiez ; vos troupes fidèles se battaient aussi !

Ah oui ! Mais, elles se battaient contre la rébellion et non pas contre la France.

Avez-vous aujourd’hui confiance dans la parole de M. Juppé ou du président Nicolas Sarkozy ? Est-ce que vous pouvez discuter avec eux ?

Excusez-moi, je n’ai pas envie de parler de ces messieurs-là. Quand le moment sera venu, nous parlerons certainement. Je n’ai pas compris et je ne comprends toujours pas comment un litige électoral en Côte d’Ivoire entraîne l’intervention directe de l’armée française dans ce conflit.

Il semble que Paris indique que vous réclamez des garanties pour votre sécurité.

Moi ? Je n’ai jamais dit ça. Ce que je souhaite, c’est que l’armée a demandé une cessation de belligérance, ce qu’on appelle communément un cessez-le feu. L’armée est en train de discuter des modalités de ce cessez-le-feu avec les autres forces en présence. Ça, nous le savons. Mais sur le plan politique, aucune discussion n’est engagée.

Vous n’êtes donc décidé, Monsieur le Président, à laisser la place à Alassane Ouattara ?

Mais, écoutez ! Le débat de fond demeure et ce débat de fond est simple. Qui a gagné l’élection présidentielle du 28 novembre et qui l’a perdue? Alors, avec ce débat, on est rentré progressivement dans une situation de guerre. Je dis que la France est rentrée dans cette guerre-là et a repris les postes de nos forces armées. On va voir comment on va faire et comment on peut discuter…

Monsieur le Président, est-ce que je vous ai bien compris ? Vous ne reconnaissez toujours pas la victoire d’Alassane Ouattara ?

Mais il n’a pas gagné les élections monsieur ! Comment voulez-vous que je le dise ? Il n’a pas gagné les élections ! Lui dit que je n’ai pas gagné les élections, c’est ce qui est le débat.

Pour ramener la paix à Abidjan, êtes-vous prêt à quitter la présidence ?

Pour ramener la paix en Côte d’Ivoire, il faut que nous discutions tous les deux. C’est ce qui est le plus important. Que chacun présente ses arguments. Les choses sont simples.

Est-ce que cela veut dire que ce soir, vous réclamez un tête-à-tête avec Alassane Ouattara ?

Ça fait longtemps que nous sommes en Côte d’Ivoire et nous avons eu plusieurs tête-à-tête, nous nous sommes téléphoné. Mais depuis que nous sommes rentrés dans cette crise, chacun campe sur ses positions. Nous attendons.

On dit que vous êtes dans un bunker avec votre famille.

Ce n’est pas moi qui ai construit ce bunker et alors ! (Rires)

Vous pouvez rester dans ce bunker ?

Mon problème, ce n’est pas de rester dans ce bunker ou de rester dans un bâtiment ou pas. Mon problème est qu’on trouve une issue à cette crise qui n’aurait jamais dû être militaire. Elle l’est, il faut qu’on lui trouve une issue.

Comment imaginez-vous la sortie de cette crise ?

Oh ! vous savez…. Euh, (il hésite puis continue) Pourquoi vous posez d’ailleurs cette question ?

Parce que j’essaie d’imaginer comment les choses vont se passer dans les heures qui viennent et qu’est-ce que vous pouvez réclamer…

Ce que je peux réclamer ? La vérité des urnes, c’est tout et c’est ce que j’ai toujours réclamé.

Cela reste sous-entendre que pour rien au monde vous êtes prêt à laisser un autre qui, selon vous, n’a pas gagné les élections à prendre votre place ?

Oui, mais….votre mot jamais est trop, parce qu’il ne faut jamais dire jamais ! Vous me demandez ce que je réclame, je réclame la vérité des urnes.

Donc vous êtes prêt à mourir pour la vérité des urnes ?

A mou…, je n’ai pas bien entendu votre question !

Est-ce que vous êtes prêt à mourir pour votre pays et pour imposer cette vérité des urnes ?

On n’a pas besoin de mourir… J’avais proposé depuis quelque temps qu’on recompte les bulletins de vote. Est-ce qu’on a besoin de mourir pour ça ?

Ce n’est pas trop tard ?

On n’a pas besoin de mourir pour ça ! En plus de recompter les votes, qu’on respecte aussi la légalité constitutionnelle. Les institutions de la République de Côte d’Ivoire disent que j’ai gagné ! Pourquoi on s’en détache alors que dans toutes les élections qui ont lieu actuellement en Afrique, ce sont les Conseils constitutionnels qui proclament les résultats. Brusquement on arrive en Côte d’Ivoire, on estime que non. Ce n’est pas compliqué pourtant.

Mais ça fait quand même quatre mois que la crise dure.

Oui, ce n’est pas compliqué et ce n’est pas moi qui complique la situation ou qui allonge le délai. Ce sont ceux qui ne veulent pas qui ne veulent ni recompter les voix, ni appliquer les résultats proclamés par les institutions de la République. (Il est interrompu par le journaliste).

Monsieur le président ?

Oui !

… Vous menez un combat depuis une semaine très difficile…

Oui, très

…Et on vous sent fatigué ?

Oui, fatigué, je le suis ! Je suis très fatigué !

Vous n’avez pas envie de tout lâcher ?

Pourquoi aurais-je envie de tout lâcher ? Si j’avais voulu tout lâcher, on n’aurait pas eu le multipartisme en Côte d’Ivoire.

Propos retranscrits par Kra Bernard
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