Dans une ironie (…si Gbagbo et ses amis doivent demander pardon…) dont il a seul le secret, le juriste-consultant Alain Bouikalo tourne en dérision le pouvoir en place et explique comment le pardon a perdu son sens en Côte d’Ivoire, du fait des comploteurs qui ont déstabilisé le pays.
En Côte d’Ivoire, le pardon est devenu un acte banal ne représentant plus rien aux yeux de ceux qui, soit l’exigent pour une détente nationale, soit en font une priorité pour bénéficier d’un brin de légitimité. L’utilisation exagérée de ce terme a pris de la graisse depuis le coup d’Etat opéré par «les jeunes gens» de feu le Général Guéi Robert». De pardon en pardon ou de banalité en banalité, l’on a fini par se retrouver, avec le Président Laurent Gbagbo en 2001, au Forum de la réconciliation nationale. Pendant deux mois (Octobre-Décembre), les personnalités politiques et celles de la société civile se sont succédé au pupitre pour dire leur part de vérité et demander pardon à ceux qu’ils ont offensé. Ce fut, à cette occasion, un pardon solennel qui ne pouvait convaincre l’ivoirien lambda d’une action militaire contre le pays, neuf mois seulement après la remise des conclusions du Directoire du Forum au Président de la République. Certainement que certains acteurs avaient cru que ce forum était une conférence nationale ou une assemblée constituante souveraine. Sans attendre la mise en œuvre des conclusions dudit forum, des déserteurs de l’armée ivoirienne, logés au Burkina Faso du beau Blaise, portèrent le glaive dans le sein de la mère patrie le 19 Septembre 2002. Tout le travail effectué pendant des mois et des mois, venait ainsi de voler en éclats. Vains efforts, des millions de francs injectés dans l’organisation du forum pour rien. Le cycle du pardon est encore relancé. Les hommes du Mpci sont priés de demander pardon à la nation. C’est logique d’autant que c’est ce mouvement qui attaqua ses propres frères. En lieu et place du pardon de ce mouvement, la nation leur offrit sur un plateau d’or, son pardon à travers une loi d’amnistie. Pour ce mouvement et ses soutiens, leur pardon viendrait, sans doute, de la mise en œuvre effective des reformes exigées par les accords de Linas Marcoussis. Or, Linas-Marcoussis n’avait pas pour finalité d’automatiser la représentation nationale, la rendant par cela seul, une institution subordonnée aux désidérata des vents extérieurs. Les élus, n’ayant pas de mandat impératif, l’on ne pouvait aucunement leur imposer des réformes. Et le pardon du Mpci ne vint jamais. Lorsque Soro Guillaume devint Premier ministre, le mouvement qu’il dirigeait ne songea plus à demander pardon à la nation. Souvent de petits pardons imbibés d’hypocrisie et d’ironie se faufilaient entre les lèvres de certains d’entre eux. Dans la foulée, le Président Laurent Gbagbo, fit de Messieurs Ouattara et Bédié, sur la base des accords de Pretoria, des candidats exceptionnels à l’élection présidentielle d’Octobre 2010. Lorsque forclos, M. Youssouf Bakayoko, alla en catimini au Quartier général (Qg) de campagne du candidat Ouattara pour donner ses propres résultats, le candidat Laurent Gbagbo eut la sagesse de saisir le Conseil Constitutionnel afin que celui-ci statue sur ces réclamations. Celles-ci ayant été étudiées et prises en compte, le Conseil Constitutionnel, seul organe à pouvoir donner les résultats définitifs de l’élection présidentielle, déclara le candidat Laurent Gbagbo vainqueur. Le candidat Ouattara et sa coalition politique, forts de leurs soutiens extérieurs refusèrent les résultats. Le Président de la République Laurent Gbagbo, proposa un recomptage des voix, le candidat Ouattara et sa coalition, forts de leurs soutiens extérieurs, refusèrent le recomptage au motif que cela serait «une injustice». La Côte d’Ivoire sombra ainsi dans une violence inimaginable. L’arrestation du Président Gbagbo après «le travail des forces françaises» de Nicolas Sarkozy, consacra la fin de la crise électorale. Et revoilà lancé le cycle du pardon. Cette fois ci, c’est le pouvoir de Ouattara qui exige des pro-Gbagbo, un pardon. Ce pardon est tellement exigé que les partis politiques signataires du communiqué final des assises de Grand Bassam, ont jugé bon de dire : «l’opposition a reconnu la nécessité d’une démarche de pardon». Ce passage du communiqué final suscite des interrogations. De quelle opposition s’agit-il ? Celle présente aux assises ou l’ensemble de l’opposition y compris celle qui n’a pas signé le communiqué final ? Le parti auquel le pouvoir fait allusion n’est pas signataire du communiqué alors qui demandera pardon, à partir de quelle date, à qui et pourquoi ? Soyons tout simplement sérieux et disons les choses telles que le pouvoir veut nous les faire dire. Selon celui-ci, la nation ne pardonnera aux pro-Gbagbo que lorsque ceux-ci se seront «repentis». C’est donc la «repentance» des Pro-Gbagbo qui scellera la réconciliation, bien entendu sans ceux qui sont menacés par les mandats d’arrêts lancés par le pouvoir. C’est dire que la démarche de pardon dont il est question, ne concerne en rien les candidats à la repentance d’autant qu’ils n’ont pas été signataires du communiqué. Toutefois, si le terme pardon doit être retenu et exigé des pro-Gbagbo, il va falloir que ceux-ci demandent sincèrement pardon à la nation sur trois points.
Premièrement, les pro-Gbagbo devront demander pardon aux Ivoiriens pour s’être laissés vaincre par les pressions de la communauté internationale en acceptant d’organiser des élections alors que le territoire n’était pas unifié, par la faute des occupants militaires du Nord.
Deuxièmement, Gbagbo et ses amis devront demander pardon aux Ivoiriens pour avoir appliqué les accords de Pretoria en faisant de M. Alassane Dramane Ouattara un candidat exceptionnel. L’ayant accepté, ils ont permis à Nicolas Sarkozy de s’ingérer outrageusement dans le processus électoral de la Côte d’Ivoire en utilisant tous les moyens pour (faire chuter) Gbagbo et ensuite le conduire à La Haye.
Troisièmement, ils devront demander pardon à la Nation pour avoir commis le crime de respecter la décision de la plus haute juridiction, la seule habilité à donner les résultats définitifs des élections présidentielles en Cote d’Ivoire c’est-à-dire, le Conseil Constitutionnel. Un conseil dont les décisions sont pourtant réputées sans recours.
Pour n’avoir donc pas été vigilants, les pro-Gbagbo ont ainsi ouvert la voie à l’aventure c’est en cela qu’ils devront demander pardon. Au demeurant, ils demeurent, à preuve du contraire, avec le reste du peuple, des victimes parce qu’ils ont été attaqués depuis 2002 et continuent encore de subir des menaces bien qu’ils aient été contraints à l’exil ou au silence. Il s’ensuit que seuls les auteurs des attaques doivent avant tout épouser « la nécessité d’une démarche de pardon ». En dehors d’une telle démarche, toute la rhétorique du pardon sera vaine parce qu’au final, elle devient puérile et manque de sens.
Alain Bouikalo
Bouikhalaud10@gmail.com
En Côte d’Ivoire, le pardon est devenu un acte banal ne représentant plus rien aux yeux de ceux qui, soit l’exigent pour une détente nationale, soit en font une priorité pour bénéficier d’un brin de légitimité. L’utilisation exagérée de ce terme a pris de la graisse depuis le coup d’Etat opéré par «les jeunes gens» de feu le Général Guéi Robert». De pardon en pardon ou de banalité en banalité, l’on a fini par se retrouver, avec le Président Laurent Gbagbo en 2001, au Forum de la réconciliation nationale. Pendant deux mois (Octobre-Décembre), les personnalités politiques et celles de la société civile se sont succédé au pupitre pour dire leur part de vérité et demander pardon à ceux qu’ils ont offensé. Ce fut, à cette occasion, un pardon solennel qui ne pouvait convaincre l’ivoirien lambda d’une action militaire contre le pays, neuf mois seulement après la remise des conclusions du Directoire du Forum au Président de la République. Certainement que certains acteurs avaient cru que ce forum était une conférence nationale ou une assemblée constituante souveraine. Sans attendre la mise en œuvre des conclusions dudit forum, des déserteurs de l’armée ivoirienne, logés au Burkina Faso du beau Blaise, portèrent le glaive dans le sein de la mère patrie le 19 Septembre 2002. Tout le travail effectué pendant des mois et des mois, venait ainsi de voler en éclats. Vains efforts, des millions de francs injectés dans l’organisation du forum pour rien. Le cycle du pardon est encore relancé. Les hommes du Mpci sont priés de demander pardon à la nation. C’est logique d’autant que c’est ce mouvement qui attaqua ses propres frères. En lieu et place du pardon de ce mouvement, la nation leur offrit sur un plateau d’or, son pardon à travers une loi d’amnistie. Pour ce mouvement et ses soutiens, leur pardon viendrait, sans doute, de la mise en œuvre effective des reformes exigées par les accords de Linas Marcoussis. Or, Linas-Marcoussis n’avait pas pour finalité d’automatiser la représentation nationale, la rendant par cela seul, une institution subordonnée aux désidérata des vents extérieurs. Les élus, n’ayant pas de mandat impératif, l’on ne pouvait aucunement leur imposer des réformes. Et le pardon du Mpci ne vint jamais. Lorsque Soro Guillaume devint Premier ministre, le mouvement qu’il dirigeait ne songea plus à demander pardon à la nation. Souvent de petits pardons imbibés d’hypocrisie et d’ironie se faufilaient entre les lèvres de certains d’entre eux. Dans la foulée, le Président Laurent Gbagbo, fit de Messieurs Ouattara et Bédié, sur la base des accords de Pretoria, des candidats exceptionnels à l’élection présidentielle d’Octobre 2010. Lorsque forclos, M. Youssouf Bakayoko, alla en catimini au Quartier général (Qg) de campagne du candidat Ouattara pour donner ses propres résultats, le candidat Laurent Gbagbo eut la sagesse de saisir le Conseil Constitutionnel afin que celui-ci statue sur ces réclamations. Celles-ci ayant été étudiées et prises en compte, le Conseil Constitutionnel, seul organe à pouvoir donner les résultats définitifs de l’élection présidentielle, déclara le candidat Laurent Gbagbo vainqueur. Le candidat Ouattara et sa coalition politique, forts de leurs soutiens extérieurs refusèrent les résultats. Le Président de la République Laurent Gbagbo, proposa un recomptage des voix, le candidat Ouattara et sa coalition, forts de leurs soutiens extérieurs, refusèrent le recomptage au motif que cela serait «une injustice». La Côte d’Ivoire sombra ainsi dans une violence inimaginable. L’arrestation du Président Gbagbo après «le travail des forces françaises» de Nicolas Sarkozy, consacra la fin de la crise électorale. Et revoilà lancé le cycle du pardon. Cette fois ci, c’est le pouvoir de Ouattara qui exige des pro-Gbagbo, un pardon. Ce pardon est tellement exigé que les partis politiques signataires du communiqué final des assises de Grand Bassam, ont jugé bon de dire : «l’opposition a reconnu la nécessité d’une démarche de pardon». Ce passage du communiqué final suscite des interrogations. De quelle opposition s’agit-il ? Celle présente aux assises ou l’ensemble de l’opposition y compris celle qui n’a pas signé le communiqué final ? Le parti auquel le pouvoir fait allusion n’est pas signataire du communiqué alors qui demandera pardon, à partir de quelle date, à qui et pourquoi ? Soyons tout simplement sérieux et disons les choses telles que le pouvoir veut nous les faire dire. Selon celui-ci, la nation ne pardonnera aux pro-Gbagbo que lorsque ceux-ci se seront «repentis». C’est donc la «repentance» des Pro-Gbagbo qui scellera la réconciliation, bien entendu sans ceux qui sont menacés par les mandats d’arrêts lancés par le pouvoir. C’est dire que la démarche de pardon dont il est question, ne concerne en rien les candidats à la repentance d’autant qu’ils n’ont pas été signataires du communiqué. Toutefois, si le terme pardon doit être retenu et exigé des pro-Gbagbo, il va falloir que ceux-ci demandent sincèrement pardon à la nation sur trois points.
Premièrement, les pro-Gbagbo devront demander pardon aux Ivoiriens pour s’être laissés vaincre par les pressions de la communauté internationale en acceptant d’organiser des élections alors que le territoire n’était pas unifié, par la faute des occupants militaires du Nord.
Deuxièmement, Gbagbo et ses amis devront demander pardon aux Ivoiriens pour avoir appliqué les accords de Pretoria en faisant de M. Alassane Dramane Ouattara un candidat exceptionnel. L’ayant accepté, ils ont permis à Nicolas Sarkozy de s’ingérer outrageusement dans le processus électoral de la Côte d’Ivoire en utilisant tous les moyens pour (faire chuter) Gbagbo et ensuite le conduire à La Haye.
Troisièmement, ils devront demander pardon à la Nation pour avoir commis le crime de respecter la décision de la plus haute juridiction, la seule habilité à donner les résultats définitifs des élections présidentielles en Cote d’Ivoire c’est-à-dire, le Conseil Constitutionnel. Un conseil dont les décisions sont pourtant réputées sans recours.
Pour n’avoir donc pas été vigilants, les pro-Gbagbo ont ainsi ouvert la voie à l’aventure c’est en cela qu’ils devront demander pardon. Au demeurant, ils demeurent, à preuve du contraire, avec le reste du peuple, des victimes parce qu’ils ont été attaqués depuis 2002 et continuent encore de subir des menaces bien qu’ils aient été contraints à l’exil ou au silence. Il s’ensuit que seuls les auteurs des attaques doivent avant tout épouser « la nécessité d’une démarche de pardon ». En dehors d’une telle démarche, toute la rhétorique du pardon sera vaine parce qu’au final, elle devient puérile et manque de sens.
Alain Bouikalo
Bouikhalaud10@gmail.com