Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), mouvement politique hétéroclite soutenant Alassane Dramane Ouattara, est au bord de l’éclatement. Les récriminations du Pdci-Rda contre le pouvoir Ouattara constituent les signes visibles d’un malaise profond entre les deux « alliés ». S’achemine-t-on vers un divorce ?
Un divorce entre le Pdci d’Henri Konan Bédié et le Rdr d’Alassane Dramane Ouattara pointe-t-il à l’horizon ? Les signes avant-coureurs d’un tel scénario sont de plus en plus palpables. C’est le Bureau politique du parti créé par feu Houphouët-Boigny dont Henri Konan Bédié assure l’héritage qui a mis au grand jour le malaise existant entre le Pdci et le pouvoir Ouattara. Dans le communiqué final qui a sanctionné la réunion de son Bureau politique tenue le samedi 2 juin 2012 au siège du parti à Abidjan-Cocody, le Pdci-Rda a ouvertement brocardé le pouvoir Ouattara et le Rdr sur de nombreux sujets d’importance capitale. Il s’agit notamment du découpage électoral effectué presque clandestinement par le Rdr pour se donner des avantages certains en termes de nombre d’élus à la veille des élections législatives du 11 décembre 2011. Après avoir tacitement accompagné le Rdr dans un découpage électoral anti-démocratique que le Fpi, parti créé par Laurent Gbagbo, avait fermement dénoncé, le parti de Bédié reconnait, aujourd’hui, que ce découpage est « manifestement trop favorable aux régions du nord, en dépit de leur faible poids démographique dans la nation». Manière déguisée de dire que le Rdr qui est en territoire conquis au nord s’est réservé la part du lion. Le bureau politique du Pdci dénonce également, la politique de « rattrapage ethnique » sur laquelle reposent les nominations dans les hautes fonctions de l’Etat et dans l’administration sous Ouattara. A cet effet, le Pdci invite le Rdr à « une gestion participative et inclusive ». A cet effet, le bureau politique « demande au président Bédié d’entreprendre auprès du président Alassane Ouattara des démarches afin que ce principe de gestion participative et inclusive puisse s’appliquer aux services, aux directions et aux ministères».
Le Pdci va même plus loin en indiquant que « les cabinets des différents ministères devront arborer les couleurs du Rhdp et non celle d’un parti. Chaque structure administrative, chaque entreprise publique doit être le creuset de la diversité et de la richesse de l’unité nationale ». A cet égard, le bureau politique du Pdci estime qu’il est « nécessaire » de mettre en place une « cellule opérationnelle de « vivre ensemble » ou de « gouverner ensemble ». Cette structure devra, selon le Pdci, définir les règles du « gouvernement Rhdp ». Visiblement, le bureau politique du Pdci-Rda en est arrivé à la conclusion qu’il a été grugé par le Rdr dans le partage du « gibier ». En se sens qu’il ne se sent pas suffisamment associé à la gestion du pouvoir d’Etat. En d’autres termes, le Pdci estime qu’il est payé en monnaie de singe.
Le parti de Bédié dénonce la politique de d’immigration prônée par Ouattara qui, de son point de vue, ne tient pas compte du principe de réciprocité dans les obligations des Etats de la Cedeao. Dans le même élan, le bureau politique du PDCI suggère la gestion et l’exploitation rationnelle des terres agricoles et du domaine urbain. A cet égard, il exige « l’application effective de la loi de 1998 sur le foncier rural ». Une loi votée sous la présidence Bédié à l’unanimité des partis politiques qui composaient, à cette époque, l’Assemblée nationale (Pdci, Fpi, Rdr et Pit). Cela après une large consultation des populations sur toute l’étendue du territoire national. La loi de 1998 indique, entre autres points, que seuls les nationaux peuvent être propriétaires terriens.
Mais contre toute attente, le Rdr a remis en cause cette loi lors de la table-ronde de Linas-Marcoussis en janvier 2003. Alassane Ouattara et ses hommes de la rébellion armée en avaient fait l’une des causes de la guerre contre la Côte d’Ivoire. Le Rdr avait même tenté de la modifier avec le soutien des députés Pdci d’alors mais s’était heurté au désaveu de la majorité des députés qui y voyaient une volonté manifeste d’exproprier les nationaux au profit des étrangers. Mais depuis que Ouattara s’est installé au pouvoir, le Rdr est assuré que cette loi sur le foncier rural sera modifiée pour que les terres agricoles de l’Ouest, zone à forte production cacaoyère, reviennent aux étrangers qui les exploitent. Cela au détriment des autochtones, propriétaires terriens. Le ministre et député Rdr de Man, Sidiki Konaté, a d’ailleurs fait une révélation de taille à ce propos. Lorsqu’il déclarait à l’occasion d’une tournée dite de sensibilisation en vue de la réconciliation dans le grand Ouest que si les étrangers occupent les terres des autochtones, ces derniers doivent s’en prendre à leurs chefs de village qui ont vendu ces terres. Il a exprimé également la ferme volonté du gouvernement Ouattara de modifier la loi de 1998 sur le foncier rural pour permettre à ces étrangers de devenir des propriétaires terriens.
Aujourd’hui, parce que Laurent Gbagbo que le Bureau politique du Pdci qualifie d’ « ennemi commun » aux deux « alliés » a été évincé du pouvoir, Bédié et les siens se rendent comptent du danger que représente la modification de la loi sur le foncier rural. La question que l’on se pose est de savoir, comment le Pdci, après avoir soutenu l’initiative du Rdr, arrivera-t-il à l’empêcher de modifier la loi sur le foncier rural, alors même que le parti de Ouattara détient, aujourd’hui, la majorité absolue au Parlement ? Wait and see, disent les anglais. Autre récrimination importante du bureau politique du Pdci contre Ouattara, l’existence d’une armée non-républicaine constituée d’ex-rebelles appelés Frci et de dozos. Pour ce faire, le Pdci demande la promotion d’une «véritable armée républicaine et nationale». On se croirait dans un rêve. En ce sens qu’il y a peu, le Pdci applaudissait quand Ouattara introduisait dans l’armée ivoirienne plus de 11.000 ex-rebelles originaires du nord du pays. Quand le Fpi dénonçait cet élan de transformer totalement l’armée ivoirienne en une milice au service d’un homme, le Pdci restait aphone. Enfin, le Pdci demande le désarmement des ex-combattants qui sèment la terreur dans le pays, en vue du «rétablissement de la sécurité sur toute l’étendue du territoire» et la «restitution des biens privés confisqués».
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Et comme il fallait s’y attendre, la réaction de la presse pro-Ouattara ne s’est pas fait attendre. Pour le quotidien L’Expression, les critiques du bureau politique du Pdci marquent la volonté de ce parti de «reconquérir le pouvoir d’Etat» et donc de prendre le «fauteuil de Ouattara». «Il y a les Houphouëtistes et ceux qui ne rêvent que d’un retour du Pdci au pouvoir. Le même calcul politique a prévalu à la veille des élections législatives, faisant échouer Bédié et son jeune frère Ouattara, tant certains au Pdci voulait prendre la présidence de l’Assemblée nationale», écrit le journal. Avant d’ajouter que «le Pdci a aujourd’hui la Primature. Des ministères dans le gouvernement. Des directions centrales dans certains ministères qui ne sont pas dans leur escarcelle». Ce qui provoque, indique notre confrère, «des grincements de dents au Rdr» dont certains militants qualifiés de « durs» et non favorables au parti unifié «estiment que le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, fait la part trop belle au Pdci». Le Patriote, le principal journal pro-Ouattara, ne dit pas le contraire. Pour lui, le Pdci fait un faux procès au Rdr. Même son de cloche pour le secrétaire général par intérim du Rdr, Amadou Soumahoro, qui affirme ne pas être «d’accord avec certaines récriminations» du Pdci. Il promet, d’ailleurs, «d’engager un débat de vérité avec le parti de Bédié». On le voit donc, la lune de miel semble tourner progressivement au vinaigre entre le Pdci et le Rdr depuis que la France les a aidés à renverser du pouvoir, leur «ennemi commun», le Président Gbagbo.
Boga Sivori
bogasivo@yahoo.fr
Un divorce entre le Pdci d’Henri Konan Bédié et le Rdr d’Alassane Dramane Ouattara pointe-t-il à l’horizon ? Les signes avant-coureurs d’un tel scénario sont de plus en plus palpables. C’est le Bureau politique du parti créé par feu Houphouët-Boigny dont Henri Konan Bédié assure l’héritage qui a mis au grand jour le malaise existant entre le Pdci et le pouvoir Ouattara. Dans le communiqué final qui a sanctionné la réunion de son Bureau politique tenue le samedi 2 juin 2012 au siège du parti à Abidjan-Cocody, le Pdci-Rda a ouvertement brocardé le pouvoir Ouattara et le Rdr sur de nombreux sujets d’importance capitale. Il s’agit notamment du découpage électoral effectué presque clandestinement par le Rdr pour se donner des avantages certains en termes de nombre d’élus à la veille des élections législatives du 11 décembre 2011. Après avoir tacitement accompagné le Rdr dans un découpage électoral anti-démocratique que le Fpi, parti créé par Laurent Gbagbo, avait fermement dénoncé, le parti de Bédié reconnait, aujourd’hui, que ce découpage est « manifestement trop favorable aux régions du nord, en dépit de leur faible poids démographique dans la nation». Manière déguisée de dire que le Rdr qui est en territoire conquis au nord s’est réservé la part du lion. Le bureau politique du Pdci dénonce également, la politique de « rattrapage ethnique » sur laquelle reposent les nominations dans les hautes fonctions de l’Etat et dans l’administration sous Ouattara. A cet effet, le Pdci invite le Rdr à « une gestion participative et inclusive ». A cet effet, le bureau politique « demande au président Bédié d’entreprendre auprès du président Alassane Ouattara des démarches afin que ce principe de gestion participative et inclusive puisse s’appliquer aux services, aux directions et aux ministères».
Le Pdci va même plus loin en indiquant que « les cabinets des différents ministères devront arborer les couleurs du Rhdp et non celle d’un parti. Chaque structure administrative, chaque entreprise publique doit être le creuset de la diversité et de la richesse de l’unité nationale ». A cet égard, le bureau politique du Pdci estime qu’il est « nécessaire » de mettre en place une « cellule opérationnelle de « vivre ensemble » ou de « gouverner ensemble ». Cette structure devra, selon le Pdci, définir les règles du « gouvernement Rhdp ». Visiblement, le bureau politique du Pdci-Rda en est arrivé à la conclusion qu’il a été grugé par le Rdr dans le partage du « gibier ». En se sens qu’il ne se sent pas suffisamment associé à la gestion du pouvoir d’Etat. En d’autres termes, le Pdci estime qu’il est payé en monnaie de singe.
Le parti de Bédié dénonce la politique de d’immigration prônée par Ouattara qui, de son point de vue, ne tient pas compte du principe de réciprocité dans les obligations des Etats de la Cedeao. Dans le même élan, le bureau politique du PDCI suggère la gestion et l’exploitation rationnelle des terres agricoles et du domaine urbain. A cet égard, il exige « l’application effective de la loi de 1998 sur le foncier rural ». Une loi votée sous la présidence Bédié à l’unanimité des partis politiques qui composaient, à cette époque, l’Assemblée nationale (Pdci, Fpi, Rdr et Pit). Cela après une large consultation des populations sur toute l’étendue du territoire national. La loi de 1998 indique, entre autres points, que seuls les nationaux peuvent être propriétaires terriens.
Mais contre toute attente, le Rdr a remis en cause cette loi lors de la table-ronde de Linas-Marcoussis en janvier 2003. Alassane Ouattara et ses hommes de la rébellion armée en avaient fait l’une des causes de la guerre contre la Côte d’Ivoire. Le Rdr avait même tenté de la modifier avec le soutien des députés Pdci d’alors mais s’était heurté au désaveu de la majorité des députés qui y voyaient une volonté manifeste d’exproprier les nationaux au profit des étrangers. Mais depuis que Ouattara s’est installé au pouvoir, le Rdr est assuré que cette loi sur le foncier rural sera modifiée pour que les terres agricoles de l’Ouest, zone à forte production cacaoyère, reviennent aux étrangers qui les exploitent. Cela au détriment des autochtones, propriétaires terriens. Le ministre et député Rdr de Man, Sidiki Konaté, a d’ailleurs fait une révélation de taille à ce propos. Lorsqu’il déclarait à l’occasion d’une tournée dite de sensibilisation en vue de la réconciliation dans le grand Ouest que si les étrangers occupent les terres des autochtones, ces derniers doivent s’en prendre à leurs chefs de village qui ont vendu ces terres. Il a exprimé également la ferme volonté du gouvernement Ouattara de modifier la loi de 1998 sur le foncier rural pour permettre à ces étrangers de devenir des propriétaires terriens.
Aujourd’hui, parce que Laurent Gbagbo que le Bureau politique du Pdci qualifie d’ « ennemi commun » aux deux « alliés » a été évincé du pouvoir, Bédié et les siens se rendent comptent du danger que représente la modification de la loi sur le foncier rural. La question que l’on se pose est de savoir, comment le Pdci, après avoir soutenu l’initiative du Rdr, arrivera-t-il à l’empêcher de modifier la loi sur le foncier rural, alors même que le parti de Ouattara détient, aujourd’hui, la majorité absolue au Parlement ? Wait and see, disent les anglais. Autre récrimination importante du bureau politique du Pdci contre Ouattara, l’existence d’une armée non-républicaine constituée d’ex-rebelles appelés Frci et de dozos. Pour ce faire, le Pdci demande la promotion d’une «véritable armée républicaine et nationale». On se croirait dans un rêve. En ce sens qu’il y a peu, le Pdci applaudissait quand Ouattara introduisait dans l’armée ivoirienne plus de 11.000 ex-rebelles originaires du nord du pays. Quand le Fpi dénonçait cet élan de transformer totalement l’armée ivoirienne en une milice au service d’un homme, le Pdci restait aphone. Enfin, le Pdci demande le désarmement des ex-combattants qui sèment la terreur dans le pays, en vue du «rétablissement de la sécurité sur toute l’étendue du territoire» et la «restitution des biens privés confisqués».
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Et comme il fallait s’y attendre, la réaction de la presse pro-Ouattara ne s’est pas fait attendre. Pour le quotidien L’Expression, les critiques du bureau politique du Pdci marquent la volonté de ce parti de «reconquérir le pouvoir d’Etat» et donc de prendre le «fauteuil de Ouattara». «Il y a les Houphouëtistes et ceux qui ne rêvent que d’un retour du Pdci au pouvoir. Le même calcul politique a prévalu à la veille des élections législatives, faisant échouer Bédié et son jeune frère Ouattara, tant certains au Pdci voulait prendre la présidence de l’Assemblée nationale», écrit le journal. Avant d’ajouter que «le Pdci a aujourd’hui la Primature. Des ministères dans le gouvernement. Des directions centrales dans certains ministères qui ne sont pas dans leur escarcelle». Ce qui provoque, indique notre confrère, «des grincements de dents au Rdr» dont certains militants qualifiés de « durs» et non favorables au parti unifié «estiment que le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, fait la part trop belle au Pdci». Le Patriote, le principal journal pro-Ouattara, ne dit pas le contraire. Pour lui, le Pdci fait un faux procès au Rdr. Même son de cloche pour le secrétaire général par intérim du Rdr, Amadou Soumahoro, qui affirme ne pas être «d’accord avec certaines récriminations» du Pdci. Il promet, d’ailleurs, «d’engager un débat de vérité avec le parti de Bédié». On le voit donc, la lune de miel semble tourner progressivement au vinaigre entre le Pdci et le Rdr depuis que la France les a aidés à renverser du pouvoir, leur «ennemi commun», le Président Gbagbo.
Boga Sivori
bogasivo@yahoo.fr