La famille des Houphouëtistes est un peu secouée ces dernières semaines par un vent d’incompréhensions. Un petit vent qui a pour mérite de dévoiler dans les rangs des deux poids lourds du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), les mécontentements qui couvent sous cendres. Des mécontentements qui sont sans doute dus à l’interprétation (bonne ou mauvaise) que chaque partie fait des clauses de l’alliance. Cela occasionne des échanges de fléchettes qualifiées ‘’de vérités pour nourrir l’amitié’’, qui en réclame pour se solidifier. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a saisi l’occasion de son bureau politique, tenu le 2 juin dernier, pour interpeller son allié, le Rassemblement des républicains (RDR), sur les dysfonctionnements constatés dans l’alliance. Les récriminations, énumérées dans le communiqué final du conclave du 2 juin, se résument en un souhait d’apporter ensemble des réglages dans le fonctionnement de la coalition. Sans chercher à revenir sur la réplique des locataires de la case verte à l’interpellation du PDCI, il serait quand même bon de l’examiner dans toute sa dimension, afin d’en saisir l’esprit. Et, en notre sens, elle exprime un agacement. Elle dénonce la gourmandise d’un allié qui en redemande trop, alors qu’il en a perçu suffisamment. C’est justement cela qui réaffirme qu’il y a bel et bien une interprétation différente, voire partisane de la gestion des acquis de la coalition dans chaque camp. Dans tous les cas, les dirigeants du RHDP peuvent se réjouir de ce que ces querelles soient intervenues maintenant, en début de mandat. Car, si petites soient-elles, elles auraient été déclenchées plus tard qu’elles compromettraient les chances d’un autre succès aux échéances de 2015, quel qu’en soit le mode choisi par le RHDP pour les aborder. Alors, essayons de trancher, comme au tribunal des équilibristes. Le RDR a raison, mais le PDCI n’a pas tort. Le parti du président Henri Konan Bédié émet le vœu de s’asseoir avec son allié pour revisiter quelques détails des clauses de l’alliance pour mieux s’y retrouver. Celui d’Alassane Ouattara lui rappelle que le pouvoir qu’ils ont acquis ensemble n’est pas l’exclusivité du RHDP, mais de tous les Ivoiriens. Il y a là un dialogue qui s’apparente à celui des sourds. L’un parle de réglages, l’autre lui rétorque qu’il n’est pas le seul qui compte. Le mieux, c’est que les deux alliés abandonnent les discours ‘’incompréhensibles’’ délivrés depuis les pupitres de leurs sièges pour s’asseoir et discuter, afin de mieux s’entendre. Les présidents Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara se sont certes rencontrés, dès l’ouverture des hostilités, pour calmer les ardeurs de part et d’autre. Mais, il serait souhaitable que les directions des deux partis les imitent, pour tuer dans l’œuf, l’esprit de division qui est en train de naître. Et le RHDP en sortirait grandi. Les intérêts sont, quoi qu’on dise, communs. Si à une certaine époque, le Front républicain a implosé, c’est justement parce que les acteurs de cette coalition n’avaient pas saisi pleinement le sens et les enjeux de leur union. Le décor n’est plus le même, diront certains, soucieux de marquer la nette différence entre la personnalité des acteurs de ce temps et ceux d’aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que la nécessité de s’asseoir et discuter n’en est que plus impérieuse, au vu de la situation délétère que le pays vit. Le pays se remet difficilement d’une crise qui a accentué les clivages entre ses filles et fils. Lesquels constituent la base au niveau de chacun de ces regroupements politiques qui forment le RHDP. Le moins qu’on puisse attendre des partis formant ce bloc, c’est qu’ils soient le socle de l’union de cette base. Et partant, de toute la Côte d’Ivoire.
Ulrich Mouahet
Ulrich Mouahet