Des centaines de milliards générés par les prélèvements sur chaque kilogramme de café et de cacao exporté entre 2001 et 2008, censés revenir aux producteurs de ces produits agricoles, ont été détournés. En 2008, excédés par les rumeurs liés à ces détournements, l’ancien président ivoirien avait ordonné à l’ancien procureur de la République, Raymond Tchimou (aujourd’hui en exil on ne sait trop pourquoi), d’ouvrir une enquête pour situer les responsabilités. Cette enquête conduira à l’emprisonnement de la quasi-totalité des ex-dirigeants des nombreuses structures de gestion de cette filière. On les croyait seuls responsables des détournements allégués, on découvrira plus tard que les différents ministres de l’Agriculture et de l’Economie qui ont assuré la tutelle technique et financière de cette filière, sont impliqués jusqu’au cou dans lesdits détournements. On découvrira aussi que le Président Gbagbo qui prétendait avoir remis la filière aux producteurs, a contribué et participé de façon active au détournement de l’argent des paysans qui n’ont jamais été aussi pauvres que depuis la soi-disant libéralisation de la filière café-cacao. On découvrira encore que la plupart des hommes politiques qui ont sévi pendant dix ans au sommet de l’Etat et la plupart de ceux qui y sévissent encore en ce moment, ont les poches par l’argent du café-cacao. Les trois grands partis que sont le Rdr, le Pdci et le Fpi en particulier, ont bénéficié de l’argent des paysans pour mener leurs activités. Le scandale de la filière café-cacao est donc un scandale d’Etat, une affaire d’Etat. Mais à l’heure de la vérité, la justice ivoirienne, poussée dans le dos par les mêmes hommes politiques, a décidé de ne demander des comptes qu’aux seuls ex-dirigeants de la filière, les lampistes. Depuis l’ouverture du procès dans le fond, le parquet et le tribunal se sont battus, avec une détermination surprenante, pour que les différents ministres de l’Agriculture et de l’Economie qui ont co-géré l’argent des paysans, ne disent pas leur part de vérité. Avant-hier mercredi, les auditions des témoins ont pris fin, selon le calendrier établi par le président du tribunal. Lundi prochain, commenceront celles des prévenus. Le ministère public (le parquet) qui dit ne pas savoir ce que c’est que la notion de « co-gestion », n’a pas jugé nécessaire de faire des diligences pour que les ministres soient entendus, même à titre de simples témoins. Le président du tribunal, malgré l’indignation des avocats des prévenus qui crient au scandale devant ce qu’ils appellent « un procès inéquitable», dit que son «intime conviction», au regard de ce qu’il a déjà entendu, est «faite» et qu’il n’a pas besoin d’entendre les ministres. Lesquels, on l’aura compris, sont au-dessus de nos lois. Tous les Ivoiriens, y compris les enfants de deux ans, sont unanimes à dire que sans le témoignage des ministres, la vérité sur ce qui s’est passé dans la filière ne sera jamais sue. Mais, apparemment, la justice estime que le but du procès n’est pas la manifestation de la vérité mais plutôt la démonstration que tous les Ivoiriens ne sont pas égaux dans ce pays, devant la loi. Elle a ses «auteurs»; les « co-auteurs directs» ne l’intéressent pas. Devant cette situation, certains prévenus ont décidé de ne plus se présenter au tribunal pour cautionner une «véritable mascarade». «Le président du tribunal et le procureur ont décidé de nous condamner sans chercher à faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé. Ils ne veulent pas entendre parler des ministres qui ont géré l’argent des paysans avec nous. Eh bien, ils peuvent faire de nous ce qu’ils veulent. Nous n’irons plus au tribunal… ». « L’Eléphant Déchaîné » qui, depuis le début, ne cesse d’attirer l’attention des Ivoiriens sur le caractère curieux de ce procès en raison de la façon dont il se déroule, va (puisque la justice ne veut pas entendre parler de ce qui s’est réellement passé), poser les questions que les magistrats, terrorisés par on ne sait qui, refusent de poser. Afin que ses lecteurs découvrent la vérité, celle qu’on veut cacher, celle qu’on veut étouffer, celle qu’on veut étrangler. Nous l’avons déjà écrit, nous le répétons encore aujourd’hui. Par ce procès, l’Etat de Côte d’Ivoire avait l’occasion d’envoyer un message fort au monde entier et surtout aux bailleurs de fonds et autres investisseurs. L’Etat de Côte d’Ivoire avait l’occasion de faire comprendre à tous les citoyens en général et aux « serviteurs » de l’Etat en particulier, que nul, fut-il ministre ou président de la République, n’a le droit de jouer avec l’argent public, l’argent des communautés. L’Etat de Côte d’Ivoire avait l’occasion de réconcilier enfin les Ivoiriens avec leur justice. Mais hélas ! En réalité, les ex-dirigeants de la filière café-cacao ont de nombreuses choses à se reprocher. Certains ont bel et bien joué avec l’argent des paysans et doivent de ce fait, rendre des comptes. Mais que fait-on lorsqu’ils disent que s’ils sont les auteurs des infractions qui leur sont reprochées, les ministres qui ont co-géré la filière avec eux, sont les co-auteurs ? Surtout que leurs affirmations sont corroborées par des audits dont ils ignorent eux-mêmes l’existence, puisqu’ils n’ont jamais été rendus public mais que «L’Eléphant » a pu se procurer ? En effet, l’Etat de Côte d’Ivoire que «L’Eléphant Déchaîné», dans ce scandale de la filière café-cacao, considère comme le « plus grand voleur », a caché, avec parfois la complicité des représentants de la Banque mondiale à Abidjan, les résultats de plusieurs audits qui révèlent sans ambages son implication directe dans le détournement de l’argent des paysans. Les seuls qui ont été rendus publics sur le site du ministère de l’Economie et des finances ont été expurgés des éléments qui situent les responsabilités des uns et des autres. Les Ivoiriens en général et les producteurs de café-cacao ne sauront donc jamais pourquoi les sondages réalisés pour Gbagbo à la veille de l’élection présidentielle ont été payés avec l’argent des producteurs. Le représentant à Abidjan de la Banque mondiale le sait. Les Ivoiriens en général et les paysans de Côte d’Ivoire ne sauront donc jamais pourquoi les frais de communication et de représentation de l’ambassade de Côte d’Ivoire en France ont été payés avec l’argent des producteurs. Le représentant à Abidjan de la Banque mondiale le sait. Les Ivoiriens en général et les producteurs en particulier ne sauront donc jamais pourquoi la participation de l’équipe nationale de football à la Coupe du monde en Allemagne a été fiancée avec l’argent des producteurs. Le représentant à Abidjan de la Banque mondiale le sait. Et il garde le silence et il parle de bonne gouvernance, de transparence ? Pourquoi ne demande-t-il pas à Diby Koffi Charles de rendre public les versions complètes des audits réalisés sur la filière café-cacao, à la demande de l’Etat ? Pourquoi ne demande-t-il pas au même Diby de donner copie des audits réalisés sur l’argent des producteurs à ces derniers pour qu’ils sachent ce qui s’est passé, pour qu’ils découvrent les conséquences de la double signature des ministres de l’Economie et de l’Agriculture sur les comptes dans lesquels était logé l’argent des paysans ? « L’Eléphant Déchaîné » à qui la justice ivoirienne aura beaucoup de mal à faire croire qu’il suffit d’interroger des lampistes pour que la vérité sur ce qui s’est passée se sache, met aujourd’hui à la disposition de ses lecteurs qu’il prie de passer le message, l’un de ces audits réalisés sur la filière café-cacao et qui n’ont jamais été rendus publics pour des raisons évidentes. Il situe clairement les responsabilités et permet de découvrir que la filière n’a jamais été rendue aux producteurs comme le prétendait Gbagbo, que les vols dans cette filière ont commencé depuis 2002 et se sont accélérés avec le déclenchement de la rébellion armée en septembre de la même année. Que Laurent Gbagbo le savait… que les ministres de l’Agriculture et de l’Economie le savaient, qu’ils y étaient impliqués, de 2002 jusqu’à l’éclatement du scandale en 2008. Que malgré l’emprisonnement des ex-dirigeants en 2008, l’Etat continuait de « piller » l’argent des paysans, comme le démontre ce virement dans les caisses du Trésor public de huit milliards pris dans les caisses du FIMR (fonds d’investissement en milieu rural) le 25 juin 2008, sous la signature de Diby Koffi et Amadou Gon, alors que le compte sur lequel se trouvait cet argent ne pouvait être mouvementé que par les signatures du secrétaire exécutif du Fdpcc et du directeur du Frc. Lesquels se trouvaient en prison le jour de ce virement… Et on dit que ces deux ministres n’ont rien à dire pour la manifestation de la vérité ? Ils peuvent donc dormir tranquille. De toutes les manières, Gbagbo n’a jamais voulu de la haute Cour de justice, seule habilitée à juger des ministres. C’est aussi le dernier des soucis de Ouattara. Et on dit que tous les citoyens sont égaux devant la loi, dans ce pays.
ASSALE TIEMOKO
ASSALE TIEMOKO