Finalement, il est désormais établi que la réconciliation en Côte d’Ivoire ne sera pas celle voulue par tous, mais par un camp. Celui qui tributaire des bombes françaises de la Licorne en Avril 2011, veut diriger le processus de réconciliation selon ses humeurs et ses pulsions. Jouissif lorsqu’il s’agit de tancer les autres protagonistes de la crise ivoirienne, le RDR, parti au pouvoir est subitement hérissé quand il entend un autre son de cloche dans ce processus, dans lequel tous devraient faire preuve d’un minimum d’humilité. Cette humilité que le RDR réclame à cor et à cri aux partisans de Gbagbo (les incessantes sorties d’Amadou Soumahoro sur ‘’l’arrogance’’ du FPI) semble ne pas faire parti de son code de vertus. Et pourtant, nul n’ignore le rôle fondamental du RDR et de ses premiers responsables dans le délitement du tissu social ivoirien. Car tous ont fauté que ce soit le FPI, le PDCI et particulièrement le RDR. Qui tire à boulets rouges sur la Commission chargée de créer les conditions d’une vraie réconciliation. Parce que selon les caciques du RDR, Charles Konan Banny serait tendre avec les partisans de Gbagbo. Ceux-ci, à en croire les violentes récriminations des partisans de Ouattara, seraient choyés tandis. D’autres ont franchi le rubicond en faisant un parallèle entre de présumés déstabilisateurs et lui. Pourquoi un tel tir groupé sur Banny aujourd’hui ? Simplement parce que ses hommes ont attiré l’attention du pouvoir exécutif, son mandataire, sur la propension paranoïaque de ses sécurocrates à arrêter les partisans de Laurent Gbagbo. Ces arrestations qui se font dans des conditions extrajudiciaires ne pouvaient plus être passées sous silence par la CDVR. En fait, la coupe est remplie pour de nombreux Ivoiriens qui ne comprennent toujours pas cette frilosité du pouvoir, incapable de tendre une main sincère à des opposants effrayés, auxquels il donne trop d’importance en leur attribuant la paternité d’hypothétiques coups d’Etat. La goutte d’eau qui a certainement rempli le vase de la CDVR est l’arrestation pour ne pas dire le kidnapping du jeune Martial Yavo, responsable du Cojep, qui est illégalement détenu par Koné Zakaria, au mépris de la moindre procédure judiciaire. Non ! Ça ne peut plus continuer et le fait que la CDVR le souligne ne signifie en rien une collusion avec LMP dont nul n’ignore les rapports conflictuels. Qui ne se souvient pas de la rencontre houleuse entre Yavo et Banny ? On peut ne pas aimer Banny mais il faut tout de même lui reconnaître une qualité, qui est celle de ménager toutes les parties en conflit, tout en les emmenant à faire des concessions. Sinon aux promoteurs de la Justice des Vainqueurs, il n’a jamais caché sa stratégie qui consiste à mettre tout le monde sur un pied d’égalité et tracer les sillons de la paix véritable. Pourquoi s’en offusque-t-on au RDR maintenant ? Vers la fin, de quelle réconciliation parle le RDR, car autant il se veut le procureur sans concessions des partisans de Gbagbo autant ces derniers estiment qu’il (le RDR) est le seul et unique responsable de la crise qui secoue la Côte d’Ivoire depuis 1993. Et puis s’agissant de déstabilisateurs qui seraient choyés, le RDR oublie-t-il sa propre histoire ? Les opposants sont toujours courtisés. C’est ainsi que Gbagbo a engagé, pendant deux ans, des discussions avec le RDR afin qu’il entre dans son gouvernement en Août 2002. La Côte d’Ivoire était suspendue à ces discussions qui n’en finissaient pas et qui à l’époque donnaient de l’urticaire à certains partisans de Gbagbo. Aujourd’hui donc, le sentiment ne devrait en aucun cas se substituer à l’intelligence encore moins la passion à l’honnêteté. C’est pour ne pas remuer le couteau dans la plaie que Banny et la CDVR s’abstiennent de dire des vérités crues au RDR qui ne saurait arborer le pelage de l’agneau dans le contexte acutel. Le RDR dont les premiers responsables ont mené la vie dure à tous les pouvoirs après Houphouët-Boigny, annonçant qui la chute imminente de l’un, qui la prise du pouvoir avant 2005, un pouvoir, qu’ils ont toujours considéré comme étant ‘’dans la rue’’. Tout cela est tu au nom de la paix. Aussi appartient-il au RDR de ne pas exagérer. Ce parti traîne aussi assez de casseroles pour prétendre donner des leçons de paix ici et là. L’humilité tant réclamée à l’opposition devrait habiter également le RDR dont les responsables sabotent la réconciliation par des propos inutilement belliqueux. Mais qui sait ? Peut-être qu’à la rue Lepic, la réconciliation n’est viable qu’à l’aune des arrestations spectaculaires et autres déportations dans le Nord.
Editorial Publié le lundi 25 juin 2012 | Trait d’Union