Henri Amouzou, le prévenu le plus côté de la filière café-cacao et sans doute le plus attendu au procès parmi la trentaine qu’ils sont, a comparu, hier, à la barre. Mercredi dernier déjà, il avait commencé par faire l’historique de la filière pour prouver au tribunal l’authenticité de son patrimoine financier et déclaré, hier, face au juge : "J’avais 200 millions F Cfa en devises avant même d’être au Fdpcc". A son audition de ce lundi 25 juin 2012, il a donné dans la même veine de "transparence" quand le juge Ahmed Coulibaly lui a poliment dit : "Monsieur Amouzou, venez à la barre, s’il vous plaît". C’est donc un homme parfaitement à l’aise ayant, par moments, les mains enfoncées dans les poches, qui s’expliquait sur l’origine de son patrimoine financier avant de prendre, en 2001, la direction du Fdpcc. "J’étais d’abord consultant et planteur de palmier à huile et j’étais aussi transporteur, puisque j’avais 11 camions de transport à mon actif. Je disposais de 100 millions F Cfa en 1990, avant la dévaluation et 100 autres millions, après. J’ai financé à 75 millions ma coopérative. Si on reconstitue mon patrimoine, j’étais rémunéré dans les filières coton, anacarde et cacao. Je faisais aussi un peu de poisson. Tous les documents sont là". C’est ce qu’il a commencé par déclarer au juge et au procureur qui lui demandaient s’il reconnaissait que le Fdpcc gérait un "fonds de souveraineté" inscrit au budget de sa structure. Ainsi, à la question posée par eux de savoir ce qu’était vraiment ce fonds, le prévenu s’est voulu clair : "Monsieur le président, cette nomenclature provient du conseil des ministres. Mais pour nous, il s’agit d’un fonds de solidarité. Il a été décidé d’instaurer un fonds de solidarité parce que j’étais le seul à payer, à titre personnel, ce fonds. Le procès-verbal du Fdpcc n’a jamais parlé de fonds de souveraineté. "Pourtant, des témoins ont affirmé, ici à la barre, que des chèques Fdpcc ont été libellés fonds de souveraineté", a réagi le juge. Et Amouzou de répondre aussi promptement : "Je ne suis pas impliqué dans la gestion au quotidien du Fdpcc". Une réponse lapidaire qui a aussi fait réagir le procureur Oulaye : "Est-ce que ce soi-disant fonds de solidarité était logé dans un compte spécial ou dans un compte qui vous était personnel, monsieur Amouzou ?" Réponse immédiate du prévenu : "Le fonds dont vous parlez ne peut avoir été logé dans mon compte personnel. La solidarité, c’est toujours quelqu’un qui en a un peu plus qui en donne aux autres. Nous faisions ces paiements pour soutenir socialement les producteurs, quand il y avait des obsèques. Même étant en prison, je continuais de payer le budget de solidarité. Il y a des décharges qui l’attestent. Chaque fois qu’il y avait un décès, c’est collectivement que nous décidions de ce qu’il y avait lieu de faire. Je faisais même personnellement des pré-financements aux producteurs et le Fdpcc me remboursait". Question précise du juge à ce dernier point : "Si le Fdpcc vous remboursait, y avait-il une convention à cela?" "On devait même m’en féliciter", avait abruptement répondu Amouzou, au milieu des rires collectifs poussés dans la salle. Un fait qui a fait dire au procureur qu’il avait adressé, le 4 juin 2012, un courrier aux banques où le prévenu avait déclaré loger ses comptes personnels avant le 31 décembre 2001, et que ces banques auraient dit n’avoir jamais abrité ces comptes. La réaction d’Amouzou ne s’est pas fait attendre, affirmant par dépit : "Je réclame la comparution de ces banques et je soutiens que je préfinançais personnellement le fonds de solidarité. Il faut, monsieur le président, qu’on fasse des confrontations, parce que ce que les journalistes écrivent sur moi font de moi une personne politiquement marquée dans le monde de la finance internationale. Et à cause de cela, je ne peux aller me soigner nulle part". Ce chapitre étant clos par ces propos, le juge et le procureur ont abordé le volet concernant le présumé financement de l’Anaproci par le Fdpcc, deux structures dirigées par Amouzou. "Tous ces financements ont-ils fait l’objet de délibération en conseil de gestion", ont-ils demandé au prévenu. Qui a répondu : "Nous sommes 12 membres au conseil de gestion. L’Anaproci n’est pas une coopérative mais une structure de services. Elle ne pouvait, à ce titre, être subventionnée mais financée. Dans l’esprit des producteurs, l’Anaproci était leur assemblée nationale et le Fdpcc leur banque privée. Et au Fdpcc où siégeaient trois représentants de l’Etat qui n’avaient rien à voir avec les producteurs, si l’Etat n’est pas d’accord, aucune décision ne passe". "Nous étions à l’Anaproci quand nous avons créé le Fdpcc pour matérialiser notre comportement d’épargne. Tous les 225 délégués élus, qui étaient à la fois à l’Anaproci et au Fdpcc, avaient leur part du budget de solidarité. L’épargne des producteurs gérée par les producteurs, voilà ce que c’est que le Fdpcc", a continué à dire Amouzou, dans cette audition qui se faisait comme des réponses du berger à la bergère. Audition au cours de laquelle d’autres prévenus du Fdpcc ont été entendus. A savoir, deux anciens Daf (Digbeu Toh et Mme Obodji). Tout comme le secrétaire exécutif Théophile Kouassi qui est revenu à la barre après sa comparution du mercredi dernier. Le temps imparti s’étant épuisé, la comparution du groupe Fdpcc continue ce matin.
SYLVAIN TAKOUE
SYLVAIN TAKOUE