Sous la présidence du père-fondateur de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, dont il fut un des plus fidèles et dévoués serviteurs, Laurent Dona Fologo connut un long règne dans les gouvernements successifs de celui-ci. Ministre de l’Information d’abord, puis de ceux cumulés de la l’Information, de la Culture, de la Jeunesse et des sports. De 1975, l’enfant énigmatique de Sinématiali a siégé dans tous les cabinets gouvernementaux d’Houphouët au point d’en devenir un des caciques, avant de le quitter en 1990 pour le secrétariat général du Pdci. Comme on peut le remarquer, l’homme jouissait de l’oreille attentive du «Vieux», mais aussi et surtout de celle de sa sœur ainée Mamie Faitai qui, on s’en souvient, influençait les décisions de l’ancien président. L’image de cette grande complicité entre Fologo et Houphouët-Boigny qui restera à jamais gravée dans les esprits des Ivoiriens, est la mission que lui assigna le « Vieux » en 1976 de se rendre en Afrique du sud, au plus fort du règne ségrégationniste des Afrikaners : L’apartheid. Marié à une européenne et accompagné de celle-ci, Fologo débarqua à Johannesburg pour «démontrer que les Blancs et les Noirs peuvent vivre en parfaite intelligence». Après la mort du père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, Fologo, bien que secrétaire général de l’ancien parti au pouvoir, entama une traversée du désert sous le règne d’Henri Konan Bédié, le président de Côte d’Ivoire et du Pdci-Rda. Le bicéphalisme latent au sommet du parti eut pour conséquence de fragiliser la structure et donner naissance à deux nouvelles formations sorties de ses entrailles, le Rdr de Djény Kobena et l’Udcy de Mel Théodore, l’ancien maire de Cocody. Mais plus grave, le renversement de Bédié en Noël 1999 par la junte conduite par le général Gueï Robert, va aggraver la guerre de leadership au sein du Pdci entre les pro- Fologo et les pro- Bédié. Toutefois, la volte-face et le revirement politique qui vont surprendre plus d’un Ivoirien et d’un militant du Pdci-Rda, est son rapprochement doublé de son allégeance à Laurent Gbagbo, l’opposant historique d’Houphouët-Boigny. Justifiant ce que les militants du Vieux parti ont qualifié de « traitrise et reniement », Fologo brandit son amour et son service pour la mère patrie, pour la paix et pour les idéaux qu’incarnait celui qu’il a toujours présenté comme son père, Houphouët-Boigny. Sous la refondation, les deux Laurent (Gbagbo et Fologo), n’ont eu cesse d’afficher la bonne tenue de l’attelage bancal qu’ils formaient. Si Gbagbo le faisait pour narguer la famille du Pdci, Fologo quant à lui, se délectait de retrouver les plaisirs et privilèges du pouvoir. Pour exprimer davantage sa rupture de ban avec sa famille politique originelle, il créa dans la foulée, le Rassemblement pour la paix et le progrès, le fameux Rpp, dont l’ensemble des membres étaient recrutés dans sa région natale et soutenus par des militants Lmp, la majorité parlementaire des frontistes. Maintenant que Laurent Gbagbo est tombé, Laurent Dona Fologo a décidé de retourner casaque pour s’adapter à la nouvelle donne politique. Le « caméléon », comme l’ont baptisé ses adversaires politiques, vient de créer la semaine dernière, l’Apn (Agir pour la nation). Une structure politique née sur les ruines du Rpp. Objectif : contribuer à la réconciliation nationale aux côtés des nouveaux dirigeants. Pourra-t-il réussir cette transhumance politique ? Pas sûr qu’il serve le thé à Ado. Les républicains ont la rancune tenace et connaissent les entourloupes de l’homme.
T. Guy
T. Guy