En Côte d’Ivoire, les alliances politiques ont toujours eu une très courte espérance de vie. En 1995, les Ivoiriens ont assisté à l’alliance RDR-FPI dans le cadre du Front républicain avec son fulgurant succès pendant le boycott actif des élections présidentielles. Cette alliance a tourné court. Ce duo de circonstance et de choc a été cassé à la faveur du partage du gibier issu du coup de feu des «jeunes gens» de Guéi Robert, aujourd’hui disparu dans des conditions non encore éclairées. Très gourmand, le Fpi voulait les postes « les plus viandées » et reprochait au Rdr d’Alassane Ouattara de s’être taillé la part du lion dans la répartition des portefeuilles ministériels. Comme si c’était son coup d’Etat. Le divorce entre les deux alliés se consommera quand le Fpi convaincra Robert Guéi de virer du gouvernement, tous les ministres du Rdr. Quand Laurent Gbagbo accède au pouvoir en 2000, c’est dans les pleurs du Rdr qu’il prête serment. A la suite de la rébellion en 2002 et après l’accord de Marcoussis, le Rdr et le Pdci, deux partis dont les leaders, Ouattara et Bédié, se détestaient cordialement, vont se rapprocher. Objectif ? Faire payer à Gbagbo sa roublardise légendaire qui lui a valu le surnom peu flatteur de « boulanger ». Grâce à Guéi Robert. De ce rapprochement, va naître le Rhdp (rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix). Ce mouvement est censé regrouper tous ceux qui épousent la vision politique du père fondateur. Sur la base des accords signés entre eux, en 2010, à la faveur du deuxième tour de la présidentielle, le candidat du RDR Alassane Ouattara bénéficiera du soutien déterminant du PDCI de Bédié ainsi que de celui des autres partis membres de ce mouvement politique. Il était entendu qu’après avoir bouté Laurent Gbagbo hors du fauteuil présidentiel, le partage du gibier (des postes) se ferait sans frustrations. Mais après bientôt deux ans d’exercice du pouvoir d’Etat, les choses ne semblent pas se passer au goût de tout le monde. C’est même presque la désillusion chez des hauts cadres du parti d’Henri Konan Bédié. Et pour cause : toutes les grandes régies financières du pays sont dirigées «quasiment par des cadres du RDR», à l’exception de la direction générale des Impôts qui a échu au PDCI par l’entremise de Pascal Abinan. Ainsi, les directions générales des Douanes, du Trésor public, des Mines et de l’Energie, celles des ports autonomes d’Abidjan et de San-Pedro sont tenues de mains de maître par les hommes de Sa Majesté. Ajouté à cette liste non exhaustive, la présidence du conseil d’administration d’Aeria qui a échu au général Abdoulaye Coulibaly, un fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat. Pour les militants PDCI «des secteurs clés de l’économie ivoirienne sont confiés aux camarades pour mieux appréhender toutes les transactions qui s’y font. En tout cas, on n’occupe pas le «tabouret royal du palais. Les bonnes parts du butin doivent revenir à la case», ironisent-ils. Les récents coups au ministre des Infrastructures Economiques, Patrick Achy, la perte de la tutelle technique des ports d’Abidjan et de San-pédro, des chemins de fer et de l’aéroport Félix Houphouët Boigny, ont été accueillis dans le camp du PDCI comme « une grande trahison ». Et c’est tout ébaubi que le ministre assistera très bientôt à la réforme des chemins de fer Abidjan-Ouagadougou dont le coup de l’opération est estimé à 1500 milliards francs CFA. Et ce n’est pas tout : la certification de l’aéroport Félix Houphouët Boigny qui donnera lieu à l’ouverture de la ligne directe Abidjan-Washington, l’extension du port d’Abidjan et la probable mise en circulation des bus électriques sont autant de projets dont la mise en exécution fera certainement déborder la cagnotte des républicains au grand dam des démocrates du PDCI larmoyants sur un piètre gousset. Avec tout ce qui précède, l’on est en droit de noter que la « charte »pré-électorale Ado-Bédié part indubitablement en lambeaux. Selon un dignitaire du PDCI ayant requis l’anonymat, on se demande bien pourquoi. Le prochain congrès du parti déterminera, oui ou non, la poursuite de cette alliance. «Pendant le congrès, nous exhorterons le président Bédié à rendre son tablier. S’il refuse d’accéder à notre demande, nous serons obligés de choisir un candidat dont l’unanimité autour de sa personne ne fait l’ombre d’aucun doute pour briguer la présidence du Pdci-Rda . Et rassurez-vous, ce candidat de notre choix aura bien sûr la faveur des électeurs. Nous choisirons ce candidat et membre influent de l’actuel direction du bureau politique de notre parti, qui ne se verrait pas obligé de maintenir les clauses du « pacte »circonstanciel entre les présidents Bédié et Ouattara. Nous nous insurgeons contre cette alliance de forme qui dans le fond ne nous offre que des strapontins », dixit notre interlocuteur qui ne manquera pas d’ajouter que «depuis le coup d’Etat de décembre 1999, le PDCI est en perte de valeurs». Comme si ce n’était déjà pas le cas avant le coup d’Etat. On le sait, des cadres du Pdci, assurés maintenant que Bédié est définitivement hors-jeu pour 2015, préparent dans les coulisses une prise du pouvoir à cette date. Le Rdr le savait. Djédjé Mady a vendu la mèche, on ne va pas dire sans le savoir. Et le Rdr prépare son « antidote. » Ce sera déjà un miracle si le Rhdp arrive encore en un seul morceau en 2015.
OMER BOTY KOFFI
OMER BOTY KOFFI