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Politique Publié le lundi 9 juillet 2012 | Boigny Express

PDCI-RDA : L’éthique de l’habitude

Il est des pensées qui, comme toute pensée profonde, perdent de leur grandeur et de leur luminosité lorsqu’elles sont reprises par les bouches mercenaires. Il en est ainsi de cette parole de Félix Houphouët-Boigny que nous citons tous au style indirect : ‘’la politique est la saine appréciation des réalités’’. Comprenons-nous cette pensée ? Savons-nous ce qu’elle veut réellement dire ?

Galvaudée, rendue triviale par des politiques et de politiciens alimentaires, la parole du sage, incomprise, est scannée à tout bout de champ par des politiciens sophistes pour justifier leurs hérésies, leurs impiétés, leurs noirceurs, leurs absurdités qui aboutissent à de lâches et honteuses flatteries malheureusement sanctionnées par des pardons bonifiants et gratifiants en référence à des arguments par l’exemple qui institueraient une certaine « tradition de pardon-récompense ».

L’argument par l’exemple va comme suit : Jean-Baptiste Mockey, Koffi Gadeau, opposés à Félix Houphouët-Boigny, avaient été pardonnés et promus, l’un Ministre, l’autre Grand Chancelier. En 1963 des cadres du Pdci-Rda, opposés au Président, avaient été emprisonnés, puis libérés, pardonnés et promus Ministres. Auparavant, en 1957, Usher Assouan, candidat indépendant contre Houphouët-Boigny, avait été pardonné et promu Ministre des Affaires Etrangères. En 1999, des cadres du parti qui ont renié le président Henri Konan Bédié ont été maintenus ou promus au secrétariat Général… Donc « celui qui pense qu’à un moment donné, pour des raisons qui lui sont propres, ou pour des raisons d’intérêt national, peut ne pas épouser les thèses du parti, peut prendre du recul. Et s’il lui plaît de revenir servir le parti, il revient servir le parti. » (Sic). Autrement dit, continue l’argument de l’habitude, puisque l’appréciation des réalités du moment est relative, personne n’en possédant le monopole, le nomadisme politique est autorisé. Vous partez du Pdci-Rda et y revenez quand bon vous semble, pourvu que vous demandiez pardon, que vous vous humiliez. « Vous demandez pardon et vous regagnez votre place. C’est la perpétuation d’une tradition du Pdci initiée par le Président Houphouët-Boigny. Nous sommes en phase avec les enseignements du président Houphouët. » (Sic). De là suit une conclusion tout aussi fallacieuse : Houphouët-Boigny a pardonné et promu ses opposants. Par conséquent, Henri Konan Bédié pardonne et promeut les cabales du parti. Par cela Bédié « a montré qu’il est le digne héritier du président Houphouët. » (Sic) Sacrilège ! Etrange héritage si Bédié en est réduit à cela !

L’incompréhension (prétendue compréhension) de la parole du sage ou sa relativisation ontologie alimente les amalgames, nourrit les confusions, autorise à universaliser les décisions contextuelles d’hier pour en faire, aujourd’hui, des alibis. Ainsi, au nom de la tradition, celle où l’humiliation donne droit à la promotion, les fils prodigues, après avoir vidé le sac rempli par le père reviennent au bercail pour le remplir à nouveau, d’autant plus qu’ »un sac vide ne peut pas se tenir debout. » (Sic). Tout est dit.

Parce que le soleil s’est levé hier à l’Est et qu’il s’est levé aujourd’hui à l’Est, il ne s’ensuit pas, contrairement à l’argument de l’habitude, qu’il se lèvera demain à l’Est. Le parti doit aller de l’avant et substituer l’habitude de la raison à la raison de l’habitude, si tant est que nous ayons vraiment compris Houphouët, ce dont je doute.

Loin de prétendre que nous pouvons véritablement comprendre un auteur, je suis d’avis que nous pouvons savoir ce qu’il n’a pas voulu dire par ce qu’il a dit. En la matière, il m’est difficile de concevoir qu’ Houphouët partagerait le caméléonisme sémantico-pragmatique que nos contemporains attachent à sa pensée : « la politique est la saine appréciation des réalités ». Un tel caméléonisme est, par l’absurde, une prime à l’impunité et, de façon insidieuse, un éloge à l’imposture, un encouragement à la récidive.

Que l’on ne se méprenne pas sur nos propos. Nous ne sommes pas contre le pardon ni la rémission. Il ne faut pas confondre « l’éthique du pardon ».. que je défends…avec « l’éthique de l’habitude à la Pdci »…que je récuse. La première n’implique pas nécessairement la seconde. Qu’est-ce que l’éthique du pardon ?

Dans l’environnement délétère ivoirien de haine, d’intolérances politiques, d’iniquité, de soupçons, de méfiance, de méchancetés, d’horreurs, d’offenses récurrentes, de frustrations incessantes, de pessimisme quant à l’avenir, où le futur est la répétition du même, c’est-à-dire de ce passé toujours présent de crise perpétuelle, Henri Konan Bédié s’est posé la question angoissante suivante : A quelles conditions l’action politique pour le bonheur des Ivoiriens est-elle possible ? Question angoissante parce qu’elle doit articuler le passé irréversible de catastrophes physiques et morales avec l’avenir. Le passé est irréversible : le passé et son cortège de malheurs ne sauraient être effacés puisque le temps écoulé passe et est par nature impossible à modifier ou changer. Cette irréversibilité du passé le fige et confronte la volonté humaine à une impuissance irréductible puisque ce qui est fait est fait et personne ne peut y changer quoi que ce soit. Le passé est donc fermé à toute action rectificatrice humaine. Par contre, l’avenir, lui, est ouvert mais imprévisible. En tant que ce qui n’est pas encore advenu, l’avenir est imprévisible. Il est impossible à l’homme, fini, d’anticiper avec certitude les conséquences de ses actes. Il ne peut prédire ses propres changements, ni ceux des autres hommes, ni ceux du monde.

Que faire alors ?

Pour tout individu offensé, victime de meurtrissures physiques ou morales, la réaction naturelle n’est-elle pas dans la loi du talion sous la forme de vengeance, du refus de l’autre, de son emprisonnement ou de son meurtre, etc. ? Ce sont là des réponses naturelles du mal au mal qui, dans ces conditions, s’auto entretiennent et s’autoalimentent par une gradation de la violence physique ou morale et accroissent l’escalade et l’engrenage de la violence, perpétuant ainsi la haine de génération en génération. Ces postures de la loi du talion ne peuvent constituer pour Henri Konan Bédié des réponses radicales à sa question.

La question demeure donc : comment mettre en échec la fatalité de l’irréversibilité du passé afin que le présent et l’avenir ne soient plus cette répétition des calamités de la Pandore ivoirienne qui tirent en arrière la Côte d’Ivoire et en obstruent l’horizon éthique ?

La réponse est dans ceci : le-pardon-de –Bédié. Henri Konan Bédié a pardonné à tous ceux qui, de loin ou de près lui ont causé du tort : à ses adversaires politiques, à ses amis qui l’ont trahi ou injustement abandonné, au temple devenu subitement oublieux, aux jeunes jusqu’aux mendiants et autres désœuvrés de la rue, aux étudiants, instrumentalisés à la haine, à l’intolérance qui l’avaient hué, vilipendé. Il a même pardonné à ses militants chasseurs de primes. Pourquoi l’a-t-il fait ?

Le pardon est la rupture dans la chaîne affective de l’engrenage de la violence ; il est la faculté de dépassement de la logique naturelle de la loi du talion. Cette rupture ou dépassement consiste en une faculté de rémission qui ne tient plus rigueur de l’offense et de l’offenseur afin de surmonter l’imprévisibilité du futur par la promesse d’un avenir meilleur. Le pardon dénoue les liens qui tiennent offenseurs captifs du passé. Contre le remords qui emprisonne la coupable et contre la rancune qui enferme la victime dans l’irréversibilité, dans la fatalité, le pardon défait les liens du passé. Le mal n’est certes pas aboli mais par le pardon, la mémoire du mal ne paralyse plus ni la victime, ni le coupable. La promesse faite d’une alliance nouvelle et du respect de cette alliance favorisent l’éclosion d’espace de vie épanouie.
Par le pardon et la promesse, l’on surmonte l’écueil de l’irréversibilité du passé et l’imprévisibilité du futur et laisse l’avenir ouvert à des perspectives nouvelles parce qu’il est de la nature du pardon d’offrir des chances d’une nouvelles parousie à tous ceux qui se croyaient auparavant victime de la fatalité du passé et de l’incertitude du futur. Lié à la promesse, le pardon offre la possibilité d’une renaissance.
Nul doute, la Côte d’Ivoire est encore le théâtre d’abominations de tous genres. Des crimes crapuleux, des tueries continuent d’ensanglanter le sol ivoirien, d’endeuiller des familles. De profonds déchirements marquent à jamais victimes et parents ou amis ; des injustices continuent d’arracher des pleurs dans des offensés. Oui, il y a de l’impardonnable. L’on entend des Ivoiriens profondément meurtris s’écrier : « je ne pardonnerai jamais … je ne peux pas pardonner… Cela m’est impossible. » On ne comprend que trop ; mais c’est précisément ce qui donne au pardon toute sa dimension de rédemption et de transcendance. Le pardon authentique, le véritable pardon est, comme son nom l’indique, un don, mieux il est un par-don, c’est-à-dire au dessus du don. Il est don du don. Il est donc pardon de l’impardonnable. C’est ce que Bédié a fait, fait et ne cesse de faire.
Il y a cependant une différence entre pardon et récompense ou promotion immédiate… bravé leurs parents et donné 10% convaincus au Rhdp qu’il s’en va réintégrer ceux qui, hier nous narguaient et auraient certainement contribué à notre disparition si la providence ne nous avait pas sauvés….
Comme disait Jean-Jacques Rousseau, « le seul éloge digne d’un roy, est celui qui se fait entendre, non par la bouche mercenaire d’un orateur mais par la voix d’un peuple libre. »

Pr GBOCHO Akim
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