Situation exceptionnelle, conseil de ministre exceptionnel. Hier, les membres du gouvernement autour du Président de la République ont passé toute la journée au palais présidentiel où se sont tenus deux conseils de ministres. Les attaques des derniers jours ont meublé les débats. Un conseil national de la sécurité a été créé et est présidé par le chef de l’Etat lui-même. Concernant les attaques meurtrières, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko qui était face à la presse après le conseil a fait les révélations concernant les premiers éléments de l’enquête diligentée par ses services avant de rassurer les Ivoiriens quant à la volonté du gouvernement à tout mettre en ?uvre pour ramener définitivement l’ordre sur toute l’étendue du territoire national de Côte d’Ivoire. Nous vous proposons l’intégralité de sa conférence.
Je viens vous donner quelques précisions au sujet de la situation sécuritaire. Comme vous savez notre pays a vécu des événements tragiques que nous condamnons. Le gouvernement s’incline avec respect devant la mémoire des soldats disparus. Et le ministre de la Défense et son porte parole ont déjà à l’occasion des communications à la télévision relaté les faits, les circonstances. Moi, je vais m’en tenir à vous donner quelques éléments sur l’évolution de l’enquête au vu de ce qui se raconte afin d’éclairer du mieux les esprits des Ivoiriens dans le cadre d’une enquête aussi délicate que sensible. Je voudrais d’abord donner le nom des victimes. Au niveau du commissariat du 17ème Arrondissement de Yopougon où 4 soldats FRCI ont été tués. Il s’agit des soldats Camara Mamadou, Coulibaly Adama, Koffi Jean Jacques et Dosso Adama. Le soldat FRCI Kambiré Sié a été blessé à la main gauche. Le bouclage de la zone Cité COMPRIM a permis la découverte de 3 caisses de munitions vides qui ont été trouvées au domicile de M. Lago Antoine, officier marin à la retraite. Au niveau de l’attaque du camp Akouédo, il y a eu des décès.
Il s’agit du Caporal Dago Koudou,
Caporal Ligué Albert,
Caporal Bakayoko Soualio,
Brigadier chef Koné Clochari qui était le chef de poste ce jour-là,
du caporal Sekongo Issoufou
et du caporal Koné Mamadou.
Au niveau des soldats blessés, il y a le caporal
Sangaré Mamadou atteint à l’avant bras droit,
le caporal Coulibaly atteint à l’avant bras gauche,
le caporal Soro Féridjounayari,
l’élève sous officier d’active Kouamé Koffi Raymond et
l’élève sous officier d’active Coulibaly Zoumana les deux atteint par balle à la poitrine.
Nos équipes ont procédé à un ratissage des environs du camp d’Akouédo et ce ratissage a permis de faire des arrestations.
Ont été arrêtés à ce jour :
le sergent chef Goucloué Jean, né le 20 août 1967 à Man, armurier au 1er bataillon d’Akouédo,
Caporal Gbessi Tapé, né le 1er novembre 1980 à Vavoua, armurier au 1er bataillon d’Akouédo.
Je dois indiquer que le magasin des armes n’a pas été fracturé et c’est ce caporal qui a remis les clés du magasin aux assaillants.
Plus loin danbs les forêts après Bingerville, nous avons arrêté M. Kadja Bagnon, né le 5 mai 1980 à Adzopé. Il se dit machiniste en zone industrielle de Yopogon,
Irié Bi Boti, né le 13 août 1973 à Attécoubé sans emploi,
M. Moa Didier Lionel, né le 02 juillet 1987 à Bingerville
M. Abo Abé Victor Wilfried, né en 1991 à Cocody, sans emploi
M. N’Cho Koutouan Bruno, né le 15 mai 1981 à Akandjé, sans emploi
M. Agoh N’Cho Emile, né le 4 avril 1994 à Akandjé
M. N’gochio N’Gochio Cyrille Marcellin, né le 05 mai 1988, sans emploi
AU cours des opérations, un assaillant a été tué. Les services d’identification ont pu faire la lumière sur son identité complète. Il s’agit de M. Guéi Joseph, né le 25 avril 1985 à Guiglo et notoirement connu de nos services comme étant un ancien milicien du front de libération du grand ouest de Maho Gloféhi.
Sur regroupement, nous avons également mis la main sur M. Bekouno Franck Serges, 29 originaire de Sikensi qui nous a révélé un certain nombre de choses sur l’organisation de toutes ces actions de déstabilisation. Ce que je veux faire noter maintenant, c’est que les enquêtes se poursuivent et nos services vont communiquer à bonnes dates la synthèse de tous les interrogatoires. Par souci d’efficacité, les services ne peuvent pas délivrer toutes les informations afin de ne brouiller des pistes précises dans les investigations. Mais d’ores et déjà ce que je peux dire, l’une des personnes arrêtée a collaboré très franchement avec nos services. C’est cette personne qui a indiqué exactement l’emplacement des centaines d’armes, des kalachnikovs et six RPG 7 stockés dans la forêt de Bingerville et abandonnés par le groupe. Cette personne nous a permis de récupérer ces armes qui sont aujourd’hui gardés par nos forces. Egalement, nous avons récupéré des véhicules qui ont servi au transport de ces armes. A la question de savoir qui était leur chef, cette même personne qui a participé aux opérations, nous a dit que le chef s’appelait Gédéon qui était son nom de code. L’exploitation de tous les portables retrouvés sur le théâtre des opérations a permis de noter que ce Gédéon était une des pièces maîtresses de l’opération. Nous lui avons demandé s’il savait où le Gédéon en question habitait, il a dit qu’il habitait Yopougon. Nos forces dans la nuit d’hier ont fait une descente au domicile du Gédéon en question. La résidence avait désertée par lui et toute sa famille. Et nous avons retrouvé les indications qui nous ont permis de conclure que ce Gédéon est en fait le soldat Blé Hervé du 1er bataillon d’Akouédo. Les recoupements nous ont permis de retrouver sa photo et un avis de recherche a été émis. Il est le 17 juillet 1980 à Daloa et il est militaire depuis l’année 2011 au BASA. Les premiers éléments de l’audition des prévenus nous ont situés sur la participation de deux lieutenants qui sont les coordonnateurs de l’opération. Il s’agit du lieutenant de Bawa Anselme Marcellin et du Lieutenant Péhé Félicien Oridjou. A ce stade de l’enquête, nous avons pu établir que le soldat Blé Hervé est en contact avec beaucoup de pro Gbagbo et il est quotidiennement en contact avec M. Abel Naki qui est le coordonnateur des manifestations pour l’ancien président Laurent Gbagbo à la Haye. Nous avons également interpellé M. Madi Bouabré, beau frère de l’ex Première Dame Simone Gbagbo au poste frontalier de Noé. Car très tôt le matin, avant cette opération il est sorti avec sa femme, Ehivet Victoire avec trois grosses valises. Nous l’avons interpellé pour faire des vérifications afin de voir si ces mouvements avaient des liens avec les opérations. Je peux dire pour l’instant les premiers éléments montrent bien qu’il avait pleine connaissance de ce qui se passait et qu’il avait des contacts avec certains acteurs de cette opération. On a parlé également d’un avocat qui a été perquisitionné. Les indices très nets et très techniques nous ont indiqué que le coordonnateur le Lieutenant Péhé à un moment donné a été positionné à une adresse géographique qui correspondait à une villa près à la villa de cet Avocat. Nous avons fait les perquisitions et nos éléments sont en train de faire les recoupements pour voir s’il y a un lien entre cet avocat et les opérations.
Ce que je peux également noter, l’une des personnes a clairement indiqué qu’il avait déjà effectué en fin mars un voyagé à Takoradi où il a rencontré le colonel Gouanou Alphonse et le commandant Loba, ex commandant de la BAE, FDS pro Gbagbo qui sont en exil. Les éléments d’information nous montrent bien que toutes ces opérations d’attaque simultanées de points stratégiques sont bien liées. C’est une stratégie pour créer une psychose en Côte d’Ivoire à l’approche de la date de la fête de l’indépendance. Les enquêtes se poursuivent et au moment les résultats seront donnés au Procureur.
Q. : Monsieur le ministre, est-ce que vous donnez un nombre exact de ceux qui ont été arrêtés?
H.B : Au point d’aujourd’hui, 11 personnes ont été arrêtées. Même si ça évolue tous les jours.
Q : Il nous est revenu que des éléments de l’escadron Blindé de la Gendarmerie qui ont travaillé sur les ordres de Abehi qui seraient tous affectés à l’intérieur du pays se sont subitement retrouvés le week-end à Abidjan. Confirmez-vous cette information ?
HB : Je ne la confirme pas. Mais ce que je peux dire, c’est que les informations en notre possession montrent bien qu’il y a un état major qui coordonne toutes ces attaques à partir du Ghana voisin. Il y a le Colonel Gouanou, le Commandant Loba, le colonel Dadi Ohoré qui était l’ancien patron du BASA et le commandant Abéhi.
Q : Monsieur le ministre, vous accusez les pro Gbagbo. Devons-nous comprendre qu’il s’agit de la direction reconnue du FPI ?
HB : Je ne sais pas pourquoi les amis du FPI sont pressés. Je dis des choses qui sont supportés par des éléments précis. Quand nous avons des gens qui appartiennent à la galaxie pro Gbagbo et qui reconnaissent qu’ils ont participé au combat. Je dis que c’est des pro Gbagbo. Les enquêtes évoluent et le FPI est un parti constitué en Côte d’Ivoire. Le jour où je parlerais du FPI, c’est que j’aurais des éléments qui lient le FPI ou des éminents membres du FPI aux opérations.
Q : Monsieur le ministre, il y a eu l’attaque du Corridor d’Agboville. Est-ce que vous savez les circonstances de cette autre attaque ?
HB : Je vais aller plus loin, il s’agit d’un plan bien organisé et qui a été conçu depuis un moment. Je peux vous assurer que la mort des Casques Bleus à Taï, les attaques de Duékoué, de Yopougon, du camp Akouédo sont liés. Ils ont peut être quelques problèmes de coordination, mais ce sont des actions planifiées. Je veux dire la vérité aux Ivoiriens. Nous sommes un pays qui sort d’une crise, il y a encore des armes en circulation, il y a encore des miliciens non convertis, les FDS nostalgiques de l’époque et mal intentionnées. Nous sommes informés qu’ils veulent tenter de déstabiliser la dynamique du Président de la République. Pour eux, il faut arrêter la marche de la Côte d’Ivoire sereine pour donner une image d’une Côte d’Ivoire du chaos. On peut entendre ça et là des attaques, des agressions, mais ce sur quoi je voudrais demander aux Ivoiriens, de ne pas douter, c’est qu’ils ne pourront jamais tenir une position de manière durable. C’est impossible. Ils vont certainement créer la désolation ça et là parce qu’ils ont intoxiqué tellement de jeunes, tellement de soldats pendant dix ans. Mais nous sommes déterminés à faire face à cela. Je pense que le plan de sécurisation de nos forces devrait les contenir. Ce n’est que de la provocation. C’est impossible que ces gens là puissent prospérer dans la violence. Notre organisation actuelle nous donne la capacité de réduire les déstabilisateurs à néant. Leur ambition, nous l’avons vue dans leur fiche, c’est d’occuper une ville ou un camp pour contraindre le président Ouattara à la négociation et à lui imposer leurs préalables. Leur premier préalable c’est la libération de l’ancien président Laurent Gbagbo. Nous regrettons ces événements qui sont très graves et notre réaction sera très ferme. Nous n’allons pas avoir d’état d’âmes dans les jours, dans les semaines qui viennent à rétablir l’ordre définitivement en Côte d’Ivoire.
Propos recueillis par Lacina Ouattara