C’est le monde à la renverse. Le victimaire qui se prend pour la victime. Le bourreau qui entend arborer la tunique de martyr. Tous ceux qui ont suivi la conférence de presse d’avant-hier du secrétaire général du FPI ont sans doute manqué de s’évanouir. Sans sourciller, Laurent Akoun a qualifié le RDR de parti violent, qui traque dirigeants et militants de son parti. Pour les besoins de la cause, il s’est fendu dans une vision bien sélective de la vie nationale pour donner du coffre à un discours sans épaisseur ni consistance. L’homme était à la peine tant il n’est jamais aisé de défendre l’indéfendable et de refaire une histoire connue de tous ses compatriotes. Il vivait un véritable supplice à vouloir travestir la réalité. On l’aura compris. Laurent Akoun s’est engagé à inverser les rôles et à falsifier des faits consignés dans la trame de notre vie nationale. Les Ivoiriens ne sont point amnésiques et n’ont pas « la mémoire amputée » pour ignorer la fausseté de la sortie signée Akoun. S’il est une formation qui a subi les foudres de la refondation, c’est bien le parti du président Ouattara. Au commencement de son pouvoir usurpé en octobre 2000, le FPI a frappé au c?ur du parti républicain, avec le premier charnier de notre histoire, celui de Yopougon, gravé à jamais dans la conscience collective. En décembre de la même année, le FPI donnait l’ordre à ses cerbères et gardes chiourmes de « châtier »les républicains. Des dizaines de personnes ont été massacrés, sans coup férir. On n’oublie pas les complots de 2001 où le FPI a ouvert la traque des partisans de Ouattara, tués par centaines. En mars 2004, d’une voix audible et sans retenue, Gbagbo demandait à l’armée de « faire son travail » sur les militants du RDR qui voulaient marcher pour exiger l’application des accords de paix. On a dénombré plus de 120 morts, à la grande joie des procureurs d’aujourd’hui. On passera des mois entiers à vouloir déchiffrer le nombre d’inconditionnels du RDR assassinés de 2002 à 2010, par les escadrons de la mort et les milices ethniques et tribales entretenues par la refondation. Avec la crise postélectorale, la culture de la répression a atteint son paroxysme avec plus de 3000 victimes, connus et inconnus, causées par l’armée à la solde de l’ancien régime, les mercenaires et autres miliciens. Sans doute, le secrétaire général du FPI, à cette période, dormait du sommeil du juste ou était dans un profond coma, pour ne pas entendre les cris des populations et les gémissements des personnes triées sur le volet tribal pour être massacrées par les obus et canons frontistes. Où était-il, Laurent Akoun, quand Gbagbo jouissait devant les mille morts de gauche et les mille morts de droite ? Etait-il absent du pays quand à Divo, l’actuel pensionnaire de la prison de La Haye demandait aux soldats de « mater sans réfléchir » ? Il faut être sacrément doué pour espérer effacer la décennie Gbagbo, synonyme de terreur, de grand malheur et de descente crépusculaire pour les anciens opposants, principalement ceux du RDR. Si, après la crise postélectorale, les victimes d’hier s’étaient inscrites dans la même logique de répression, Laurent Gbagbo et les siens se seraient pas là en train d’ergoter et de pinailler. C’est la grande victime d’hier, Alassane Ouattara, qui a protégé la vie de l’ancien président et de ses proches, parce que pour lui, la vie humaine est sacrée et nul n’a le droit de donner la mort à autrui. C’est parce que le RDR et son patron sont attachés à la paix, au pardon et à la réconciliation que les Laurent Akoun et autres activistes du FPI peuvent parader pour entretenir la haine et la discorde entre les Ivoiriens. Il est vraiment malsain et inacceptable de voir le tortionnaire d’hier se vêtir maladroitement du manteau de torturé. Tout de même, les Ivoiriens ont de la mémoire !
Bakary Nimaga
Bakary Nimaga