L’opposant guinéen, Sidya Touré, est actuellement à Abidjan. Le président de l‘Union des forces républicaines (Ufr) se prononce sur la situation socio-politique en Côte d’Ivoire et dans son pays.
Qu’est-ce qui explique votre présence à Abidjan ?
Il y a une double explication. La première, c’est que je suis venu un peu plus tôt pour assister aux obsèques de Cheick Gaoussou Ouattara. Les liens qui m’unissent à cette famille ne sont pas un secret. Je connais Gaoussou depuis près de cinquante ans et il est en même temps le frère aîné du président de la République dont j’ai été pendant longtemps un collaborateur. Donc je me devais de venir apporter mon soutien à la famille. La deuxième raison c’est que nous allons bientôt tenir à Abidjan (du 17 au 21 octobre, ndlr) le congrès de l’Internationale libérale auquel je dois participer. Ma présence me permet évidemment de rendre visite à mes petits-enfants.
Comment pourriez-vous qualifier aujourd’hui vos rapports avec le président Ouattara ?
Ils sont très bons. Ce sont des relations anciennes. Et elles demeurent un rapport d’un homme avec son ancien patron. Et surtout d’un jeune frère avec son aîné. De temps en temps, je lui téléphone pour prendre des conseils.
Prendre des conseils mais en donner également ?
Non, j’ai quitté la scène politique et administrative ivoirienne depuis 1996. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Le pays a énormément changé. De nouvelles générations sont aujourd’hui en place avec une autre mentalité. Il y a de nouvelles réalités auxquelles je n’ai pas été confronté pendant ces quinze ans. Donc je ne me sens pas en mesure de donner des conseils.
Comment jugez-vous la situation depuis l’arrivée du président Ouattara au pouvoir et les récentes attaques à même de perturber le travail du gouvernement ?
C’est vrai qu’il y a encore quelques problèmes au niveau de la sécurité. Mais je crois que dans l’ensemble, les choses ont beaucoup évolué dans le bon sens. Je m’attarderai sur le volet économique qui est très important. Quand on sort d’une situation de quasi guerre, de tension sociale et de dérives sécuritaires comme on l’a connu ici pendant des années, il en résulte une paupérisation généralisée. Et ça c’est extrêmement dangereux parce que ventre affamé n’a point d’oreilles. Le fait qu’on s’achemine vers une situation économique qui annonce la croissance, ce qui devrait débloquer un certain nombre de possibilités pour la population, est à mon sens un très gros facteur de stabilité. Maintenant, il reste le problème de la réconciliation. De nombreuses personnes sont attachées à cette question notamment le Premier ministre Charles Konan Banny qui est un fin connaisseur de la situation politique de ce pays. J’ai observé qu’il a pris contact avec plusieurs couches sociales, les anciens et également la ‘’galaxie patriotique’’. J’estime que tout cela ne peut qu’être couronné de succès dans la mesure où les Ivoiriens n’ont pas d’autres choix que de se réconcilier s’ils veulent encore vivre ensemble dans ce pays.
Que faire pour que ce soit un succès ?
Ce qui va favoriser cela, c’est la démocratie ambiante dans laquelle nous sommes en train de vivre. C’est-à-dire la liberté de parole, la liberté de choix mais surtout la transparence effective dans les élections qui donne la possibilité à tous de contrôler si le vote s’est déroulé dans les conditions souhaitées. Je crois que c’est aussi un élément qui contribue à la stabilité donc à la réconciliation. Il y a quelques problèmes de sécurité que nous avons constatés. Au sortir d’une situation aussi difficile que celle que le pays a connue ces dix dernières années, ces poches seront réduites au fur et à mesure.
La Côte d’Ivoire a-t-elle besoin d’avoir recours à l’extérieur pour faciliter le retour de la cohésion nationale ?
Je crois que les trois conditions que j’ai citées plus haut suffisent. La crise n’est pas aussi aiguë pour faire appel à un médiateur extérieur. Vous avez ici des doyens comme le président Bédié. Je crois qu’il y a une possibilité de discussion entre les Ivoiriens. L’assurance que nous devons avoir c’est que nous sommes maintenant dans un régime parfaitement démocratique où votre représentativité sera effectivement reconnue. Ça me paraît important.
Des responsables de l’opposition en exil au Ghana sont pourtant soupçonnés de préparer la déstabilisation du régime depuis ce pays. Dans ce type de situations, comment les deux pays devraient régler le problème ?
Je n’ai pas de réponse à donner sur cette question parce que ma connaissance du dossier n’est pas suffisante. Je pense cependant que les autorités ont pris les décisions qu’il fallait et les ont assouplies quand cela leur a paru nécessaire.
Vous êtes arrivé en troisième position à la dernière présidentielle dans votre pays. Depuis, que devenez-vous sur l’échiquier politique guinéen ?
Effectivement nous avons connu en 2010 un scrutin présidentiel qui a été extrêmement disputé. Des erreurs ont été commises notamment par nous-mêmes dans la mesure où nous n’avons pas très bien surveillé le processus électoral comme il se devait. Cela a abouti à des situations de fraudes massives. Nous nous efforcerons d’éviter cela dans le futur. Aujourd’hui, l’Union des forces républicaines qui n’a pas voulu s’associer à une démarche socialo-coloniste telle qu’on connaît actuellement en Guinée a repris le terrain en main. Nous avons préparé pendant tout ce temps les élections législatives qui malheureusement n’arrivent pas pour des raisons que tout le monde sait. Le parti a été réorganisé. Des structures nouvelles ont été mises en place parce que nous avons surtout mis l’accent sur la surveillance et la sécurisation des bureaux de vote pour ne pas que nous ayons à connaître ce que nous avons connu au premier tour de la présidentielle. Nous continuons à travailler pour préparer les législatives. Mais le parti se porte extrêmement bien et je crois que les deux années de gestion du régime actuel nous ont donné parfaitement raison. Tout le monde convient aujourd’hui qu’il fallait faire un choix différent.
Mathématiquement, tout portait à croire que la coalition formée contre le président Condé gagnerait la présidentielle. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Je préfère me limiter au premier tour de l’élection auquel j’étais. Déjà à ce niveau, les résultats ont été ce que nous savons. La Cour suprême a tranché. Je ne vais pas mettre de l’huile sur le feu. Ce que nous avons aujourd’hui, c’est une coalition de l’opposition qui représente près de 70% de l’électorat du premier tour de la présidentielle (il s’agit de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (Adp), ndlr). Nous avons en face un pouvoir dont les éléments se dissocient de plus en plus. Et qui est en train d’aller vers des élections qui seront des élections à mi-mandat. C’est-à-dire après deux ans et demi aux affaires. Nous sommes confiants. L’Adp pourra largement remporter la majorité pendant les élections législatives. C’est ce que nous préparons.
Vous le disiez, les législatives n’ont toujours pas encore eu lieu alors que la Côte d’Ivoire qui sort de crise a pu organiser les siennes. Qu’est-ce qui coince en Guinée ?
Le problème est très simple. Nous avons fini les élections dans les conditions qu’on connaît. Le président actuel a été installé en décembre. La Constitution guinéenne prévoyait qu’au mois de mai ou juin se tiennent les élections législatives. La Commission électorale nationale indépendante a organisé un séminaire dans ce sens avec le Pnud, l’Union européenne et les partis politiques. Nous sommes convenus d’y aller avec le fichier qu’on avait. Nous avions trois mois pour le réviser comme le stipule la Constitution guinéenne et délivrer les cartes additionnelles pour combler le gap concernant les cartes biométriques qui représentent 75% de l’électorat. Concernant les 25% restants, on pouvait en donner vu qu’on en avait le temps. Dès après ce séminaire, le président de la République a décrété qu’il voulait un nouveau fichier électoral différent de celui qui l’avait fait élire. Allez-y comprendre pourquoi. Enfin, nous le savons tous. A partir de là, une société sud-africaine est arrivée sans appel d’offres, sans accord des partis politiques et s’est mise à faire un nouveau recensement contraire à toutes les lois de la République. Nous nous sommes opposés à cela dans la mesure où nous avions constaté que cette société n’était ni fiable, ni sécurisée. Nous avons appris par la suite que partout où cette entreprise sud-africaine, Way mark, est intervenue, il y a eu des contestations parce qu’une personne pouvait se faire enregistrer dans un quartier et aller trouver sa carte à mille kilomètres de là. Depuis un an et demi, le débat en Guinée tourne autour de cette question. Le deuxième problème est la Commission électorale nationale indépendante. Là également, des membres ont été démis et changés par le pouvoir. Le président a été remplacé par quelqu’un qui n’avait pas la confiance de l’opposition. La commission n’était plus paritaire comme l’exigeait la loi à savoir dix membres représentants l’opposition, dix autres la mouvance présidentielle, trois de la société civile et deux de l’administration. Il y a, à peine, deux semaines qu’un accord a été trouvé sur cette question. Et il n’est pas encore appliqué. Parce que le problème en Guinée, c’est que vous pouvez vous mettre d’accord sur quelque chose et qu’en face, deux semaines après, une position totalement contraire soit prise. Donc nous n’en sommes pas encore sortis.
Si la situation perdure, qu’envisagez-vous pour sortir du statu quo ?
Cela ne nous arrange pas du tout dans la mesure où nous aurions voulu que tout le débat qui a lieu actuellement dans les rues et qui de temps en temps crée des problèmes même dans les casernes, soit transporté à l’Assemblée nationale. Mais pour cela, il faut bien qu’on s’accorde sur le processus électoral. Ce qu’on ne peut pas comprendre, c’est que quelqu’un qui a eu 18% au premier tour de l’élection présidentielle puisse imaginer qu’il aura les 2/3 des sièges au Parlement comme ils le disent eux-mêmes. Ce sera inacceptable. Et nous restons fermes sur ces deux points de nos revendications.
Le président Condé a remanié son gouvernement le 5 octobre dernier. Quel commentaire faites-vous sur la nouvelle équipe ?
Je pense que c’est un gouvernement qui n’apportera rien de nouveau à la Guinée. On a remplacé certaines personnes par d’autres. Mais l’administration et le gouvernement guinéen sont caractérisés par quelque chose d’extrêment grave. Le choix des fonctionnaires et des membres du gouvernement se fait sur une base d’allégeance non pas de compétence. Ce qui fait que le pays a énormément de problèmes, ne serait-ce que dans sa capacité d’absorption des moyens qui sont mis à sa disposition. L’année dernière par exemple, la totalité des fonds alloués à la Guinée n’ont pu être consommés qu’à 23%. Je vous signale qu’en Côte d’Ivoire, c’est 99%. C’est vous dire à quel point cela crée des difficultés dans le système d’investissement. Dans la mesure où quand les marchés ne sont pas passés, le suivi n’est pas fait. Conséquence, nous avons un retard à l’allumage au niveau de la croissance. La Guinée traîne aux alentours de 3,5 - 4% là où la Côte d’Ivoire affiche 8,5% en partant de moins 5. C’est vous dire exactement quel est le gap de réalisation et de création de richesses dans le pays alors que c’est vraiment un Etat qui en a énormément besoin. Puisqu’on part de rien du tout.
Interview réalisée par Bamba K. Inza
Qu’est-ce qui explique votre présence à Abidjan ?
Il y a une double explication. La première, c’est que je suis venu un peu plus tôt pour assister aux obsèques de Cheick Gaoussou Ouattara. Les liens qui m’unissent à cette famille ne sont pas un secret. Je connais Gaoussou depuis près de cinquante ans et il est en même temps le frère aîné du président de la République dont j’ai été pendant longtemps un collaborateur. Donc je me devais de venir apporter mon soutien à la famille. La deuxième raison c’est que nous allons bientôt tenir à Abidjan (du 17 au 21 octobre, ndlr) le congrès de l’Internationale libérale auquel je dois participer. Ma présence me permet évidemment de rendre visite à mes petits-enfants.
Comment pourriez-vous qualifier aujourd’hui vos rapports avec le président Ouattara ?
Ils sont très bons. Ce sont des relations anciennes. Et elles demeurent un rapport d’un homme avec son ancien patron. Et surtout d’un jeune frère avec son aîné. De temps en temps, je lui téléphone pour prendre des conseils.
Prendre des conseils mais en donner également ?
Non, j’ai quitté la scène politique et administrative ivoirienne depuis 1996. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Le pays a énormément changé. De nouvelles générations sont aujourd’hui en place avec une autre mentalité. Il y a de nouvelles réalités auxquelles je n’ai pas été confronté pendant ces quinze ans. Donc je ne me sens pas en mesure de donner des conseils.
Comment jugez-vous la situation depuis l’arrivée du président Ouattara au pouvoir et les récentes attaques à même de perturber le travail du gouvernement ?
C’est vrai qu’il y a encore quelques problèmes au niveau de la sécurité. Mais je crois que dans l’ensemble, les choses ont beaucoup évolué dans le bon sens. Je m’attarderai sur le volet économique qui est très important. Quand on sort d’une situation de quasi guerre, de tension sociale et de dérives sécuritaires comme on l’a connu ici pendant des années, il en résulte une paupérisation généralisée. Et ça c’est extrêmement dangereux parce que ventre affamé n’a point d’oreilles. Le fait qu’on s’achemine vers une situation économique qui annonce la croissance, ce qui devrait débloquer un certain nombre de possibilités pour la population, est à mon sens un très gros facteur de stabilité. Maintenant, il reste le problème de la réconciliation. De nombreuses personnes sont attachées à cette question notamment le Premier ministre Charles Konan Banny qui est un fin connaisseur de la situation politique de ce pays. J’ai observé qu’il a pris contact avec plusieurs couches sociales, les anciens et également la ‘’galaxie patriotique’’. J’estime que tout cela ne peut qu’être couronné de succès dans la mesure où les Ivoiriens n’ont pas d’autres choix que de se réconcilier s’ils veulent encore vivre ensemble dans ce pays.
Que faire pour que ce soit un succès ?
Ce qui va favoriser cela, c’est la démocratie ambiante dans laquelle nous sommes en train de vivre. C’est-à-dire la liberté de parole, la liberté de choix mais surtout la transparence effective dans les élections qui donne la possibilité à tous de contrôler si le vote s’est déroulé dans les conditions souhaitées. Je crois que c’est aussi un élément qui contribue à la stabilité donc à la réconciliation. Il y a quelques problèmes de sécurité que nous avons constatés. Au sortir d’une situation aussi difficile que celle que le pays a connue ces dix dernières années, ces poches seront réduites au fur et à mesure.
La Côte d’Ivoire a-t-elle besoin d’avoir recours à l’extérieur pour faciliter le retour de la cohésion nationale ?
Je crois que les trois conditions que j’ai citées plus haut suffisent. La crise n’est pas aussi aiguë pour faire appel à un médiateur extérieur. Vous avez ici des doyens comme le président Bédié. Je crois qu’il y a une possibilité de discussion entre les Ivoiriens. L’assurance que nous devons avoir c’est que nous sommes maintenant dans un régime parfaitement démocratique où votre représentativité sera effectivement reconnue. Ça me paraît important.
Des responsables de l’opposition en exil au Ghana sont pourtant soupçonnés de préparer la déstabilisation du régime depuis ce pays. Dans ce type de situations, comment les deux pays devraient régler le problème ?
Je n’ai pas de réponse à donner sur cette question parce que ma connaissance du dossier n’est pas suffisante. Je pense cependant que les autorités ont pris les décisions qu’il fallait et les ont assouplies quand cela leur a paru nécessaire.
Vous êtes arrivé en troisième position à la dernière présidentielle dans votre pays. Depuis, que devenez-vous sur l’échiquier politique guinéen ?
Effectivement nous avons connu en 2010 un scrutin présidentiel qui a été extrêmement disputé. Des erreurs ont été commises notamment par nous-mêmes dans la mesure où nous n’avons pas très bien surveillé le processus électoral comme il se devait. Cela a abouti à des situations de fraudes massives. Nous nous efforcerons d’éviter cela dans le futur. Aujourd’hui, l’Union des forces républicaines qui n’a pas voulu s’associer à une démarche socialo-coloniste telle qu’on connaît actuellement en Guinée a repris le terrain en main. Nous avons préparé pendant tout ce temps les élections législatives qui malheureusement n’arrivent pas pour des raisons que tout le monde sait. Le parti a été réorganisé. Des structures nouvelles ont été mises en place parce que nous avons surtout mis l’accent sur la surveillance et la sécurisation des bureaux de vote pour ne pas que nous ayons à connaître ce que nous avons connu au premier tour de la présidentielle. Nous continuons à travailler pour préparer les législatives. Mais le parti se porte extrêmement bien et je crois que les deux années de gestion du régime actuel nous ont donné parfaitement raison. Tout le monde convient aujourd’hui qu’il fallait faire un choix différent.
Mathématiquement, tout portait à croire que la coalition formée contre le président Condé gagnerait la présidentielle. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Je préfère me limiter au premier tour de l’élection auquel j’étais. Déjà à ce niveau, les résultats ont été ce que nous savons. La Cour suprême a tranché. Je ne vais pas mettre de l’huile sur le feu. Ce que nous avons aujourd’hui, c’est une coalition de l’opposition qui représente près de 70% de l’électorat du premier tour de la présidentielle (il s’agit de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (Adp), ndlr). Nous avons en face un pouvoir dont les éléments se dissocient de plus en plus. Et qui est en train d’aller vers des élections qui seront des élections à mi-mandat. C’est-à-dire après deux ans et demi aux affaires. Nous sommes confiants. L’Adp pourra largement remporter la majorité pendant les élections législatives. C’est ce que nous préparons.
Vous le disiez, les législatives n’ont toujours pas encore eu lieu alors que la Côte d’Ivoire qui sort de crise a pu organiser les siennes. Qu’est-ce qui coince en Guinée ?
Le problème est très simple. Nous avons fini les élections dans les conditions qu’on connaît. Le président actuel a été installé en décembre. La Constitution guinéenne prévoyait qu’au mois de mai ou juin se tiennent les élections législatives. La Commission électorale nationale indépendante a organisé un séminaire dans ce sens avec le Pnud, l’Union européenne et les partis politiques. Nous sommes convenus d’y aller avec le fichier qu’on avait. Nous avions trois mois pour le réviser comme le stipule la Constitution guinéenne et délivrer les cartes additionnelles pour combler le gap concernant les cartes biométriques qui représentent 75% de l’électorat. Concernant les 25% restants, on pouvait en donner vu qu’on en avait le temps. Dès après ce séminaire, le président de la République a décrété qu’il voulait un nouveau fichier électoral différent de celui qui l’avait fait élire. Allez-y comprendre pourquoi. Enfin, nous le savons tous. A partir de là, une société sud-africaine est arrivée sans appel d’offres, sans accord des partis politiques et s’est mise à faire un nouveau recensement contraire à toutes les lois de la République. Nous nous sommes opposés à cela dans la mesure où nous avions constaté que cette société n’était ni fiable, ni sécurisée. Nous avons appris par la suite que partout où cette entreprise sud-africaine, Way mark, est intervenue, il y a eu des contestations parce qu’une personne pouvait se faire enregistrer dans un quartier et aller trouver sa carte à mille kilomètres de là. Depuis un an et demi, le débat en Guinée tourne autour de cette question. Le deuxième problème est la Commission électorale nationale indépendante. Là également, des membres ont été démis et changés par le pouvoir. Le président a été remplacé par quelqu’un qui n’avait pas la confiance de l’opposition. La commission n’était plus paritaire comme l’exigeait la loi à savoir dix membres représentants l’opposition, dix autres la mouvance présidentielle, trois de la société civile et deux de l’administration. Il y a, à peine, deux semaines qu’un accord a été trouvé sur cette question. Et il n’est pas encore appliqué. Parce que le problème en Guinée, c’est que vous pouvez vous mettre d’accord sur quelque chose et qu’en face, deux semaines après, une position totalement contraire soit prise. Donc nous n’en sommes pas encore sortis.
Si la situation perdure, qu’envisagez-vous pour sortir du statu quo ?
Cela ne nous arrange pas du tout dans la mesure où nous aurions voulu que tout le débat qui a lieu actuellement dans les rues et qui de temps en temps crée des problèmes même dans les casernes, soit transporté à l’Assemblée nationale. Mais pour cela, il faut bien qu’on s’accorde sur le processus électoral. Ce qu’on ne peut pas comprendre, c’est que quelqu’un qui a eu 18% au premier tour de l’élection présidentielle puisse imaginer qu’il aura les 2/3 des sièges au Parlement comme ils le disent eux-mêmes. Ce sera inacceptable. Et nous restons fermes sur ces deux points de nos revendications.
Le président Condé a remanié son gouvernement le 5 octobre dernier. Quel commentaire faites-vous sur la nouvelle équipe ?
Je pense que c’est un gouvernement qui n’apportera rien de nouveau à la Guinée. On a remplacé certaines personnes par d’autres. Mais l’administration et le gouvernement guinéen sont caractérisés par quelque chose d’extrêment grave. Le choix des fonctionnaires et des membres du gouvernement se fait sur une base d’allégeance non pas de compétence. Ce qui fait que le pays a énormément de problèmes, ne serait-ce que dans sa capacité d’absorption des moyens qui sont mis à sa disposition. L’année dernière par exemple, la totalité des fonds alloués à la Guinée n’ont pu être consommés qu’à 23%. Je vous signale qu’en Côte d’Ivoire, c’est 99%. C’est vous dire à quel point cela crée des difficultés dans le système d’investissement. Dans la mesure où quand les marchés ne sont pas passés, le suivi n’est pas fait. Conséquence, nous avons un retard à l’allumage au niveau de la croissance. La Guinée traîne aux alentours de 3,5 - 4% là où la Côte d’Ivoire affiche 8,5% en partant de moins 5. C’est vous dire exactement quel est le gap de réalisation et de création de richesses dans le pays alors que c’est vraiment un Etat qui en a énormément besoin. Puisqu’on part de rien du tout.
Interview réalisée par Bamba K. Inza