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Politique Publié le vendredi 21 décembre 2012 | Boigny Express

Dossier historique : Les archives de Boigny Houphouët, le politicien qui tient parole - L’aventure des compagnons de l’aventure

© Boigny Express Par DR
Félix Houphouët-Boigny père fondateur de la nation ivoirienne
Dans notre édition précédente, nous avons relevé la profession de foi du candidat Houphouët au scrutin du 21 octobre 1945, qui promettait d’envoyer des enfants de la colonie Côte d’ivoire à aller étudier en France métropolitaine. Elu Député, 1 an jour pour jour après, soit le 22 octobre 1946, la promesse du député entre en réalisation avec l’embarquement le 22 octobre 1946 à 20 heures, de cent quarante-sept enfants de Côte d’Ivoire à bord de la frégate l’Aventure, en partance pour la métropole en transitant par Dakar. Un événement historique et pathétique qui révélait déjà le génie visionnaire de Félix Houphouët-Boigny, le dénominateur commun des 120 ans de l’histoire de notre territoire. Nous consacrons ce numéro à cette initiative du député, illustrée par les compagnons de l’aventure.
Les premières épreuves que le député a dû affronter.
Après sa profession de foi d’envoyer étudier en France un élève choisi par cercle administratif pendant la campagne électorale de 1945, le député, en tournée dans la ville de Daloa en mai 1946 déclara : « Mes enfants, travaillez bien, les meilleurs d’entre vous, vous continuerez vos études en France. J’ai décidé d’y envoyer pour la rentrée prochaine 300 boursiers ». De Paris, le député fait parvenir à Auguste Denise sa volonté d’envoyer trois cent (300) enfants étudier en métropole. La note précise qu’il faut des enfants de bas âge pour la plupart, au détriment des adolescents dont certains ont déjà une éducation africaine établie. Les plus jeunes étaient considérés plus aptes à assimiler plus rapidement et mieux la culture française. Ils pourraient ainsi maîtriser aisément le savoir et la technologie qui ont permis aux pays européens d’évoluer. Dans tous les cas, en cette année 1946, la Côte d’Ivoire ne comptait que les écoles primaires supérieures filles et garçons de Bingerville, l’école normale de Dabou qui formait des moniteurs et instituteurs de l’enseignement et l’école technique Glozel d’Abidjan. Il n’y avait donc que dans le primaire qu’on pouvais recruter assez d’enfants.
Dans le même temps, le Sénégal disposait depuis longtemps de deux (2) lycées à Dakar qui envoyaient régulièrement des bacheliers en France. Le Député veut donc aller vite en impliquant toute la surface du territoire des deux Côte d’Ivoire, la haute et la basse.
Ainsi, le critère de sélection a été de choisir huit élèves (8) par cercle administratif soit huit fois vingt cinq cercles et y ajouter quelques élèves de l’école Glozel d’Abidjan, de l’école normale de Dakar et de Dabou et des EPS filles et garçons de Bingerville. En tout, trois cent enfants ont été inscrits sur la liste.
Aussitôt la nouvelle connue, les colons du territoire, qui n’acceptent pas que les jeunes Ivoiriens viennent à les dépasser en instruction et les supplanter, mais surtout ne viennent pas revendiquer le contrôle des affaires dans la colonie, s’organisèrent pour faire échouer le projet. Ils se lancèrent dans des actions tout azimut dans ce sens en Côte d’Ivoire, à Dakar et en France. Les représentants locaux de la France ne venaient-ils pas de massacrer à 14 km de Dakar à Tiaroye des soldats de retour de la deuxième guerre mondiale pour avoir revendiqué le paiement de leur pécule de démobilisation dans les mêmes conditions que leurs frères d’armes de la métropole. Ces soldats sénégalais, ivoiriens, maliens, nigériens, burkinabé furent froidement tués pendant qu’ils fêtaient la promesse à eux faite de payer tous leurs droits le lendemain. C’était cela aussi l’ambiance de la colonisation. Bref, restons dans le ton de ne raconter que la photographie des faits de l’époque sans passion.
Sous la pression des colons locaux, le gouverneur André Latrille qui a transmis le dossier des premiers boursiers ivoiriens à ses supérieurs avec avis favorable, demande au collaborateur du député Houphouët, le docteur Auguste Denise d’aller suivre le dossier auprès du gouverneur général dans la capitale de l’AOF à Dakar. Lisons sous la plume du Dr Philippe K. Cowpli-Bony ce qui s’est passé à Dakar : « A Dakar, on fait savoir à l’envoyé de HOUPHOUET-BOIGNY que seul le ministère des Colonies à Paris peut prendre une décision à propos d’un tel dossier, car non seulement, la colonie de la Côte d’Ivoire ne dispose pas de ressources suffisantes pour faire face aux dépenses nécessitées par un tel projet, mais accorder une telle faveur à la Côte d’Ivoire entrainerait une chaîne de revendications du même genre de la part des autres colonies, alors qu’aucun budget de ces colonies ne peut supporter les frais financiers nécessaires à la réalisation de tels programmes.
C’était là le premier argument de propagande des colons opposés à ce dossier et qui semblait avoir fait bon écho à Dakar.
Mais le docteur Auguste Denise insiste et Dakar le renvoie rue Oudinot à Paris. De Dakar, il informe immédiatement Houphouët-Boigny sur la position du Gouverneur général. Ce dernier lui dit de continuer sur Paris avec des instructions fermes.
A Paris, on lui oppose le même argument, mais le député Houphouët-Boigny, en homme politique déterminé, avait fourni à ces arguments une réponse que le docteur Auguste Denise emporte dans son sac en se rendant à Paris. Il fait savoir, rue Oudinot que le député Houphouët-Boigny est prêt à faire face aux frais nécessités par son projet, sans faire appel aux caisses de la colonie de Côte d’Ivoire. « En effet, explique-t-il, toutes les bourses seraient prises en compte par le Syndicat agricole africain et le docteur Auguste Denise, à l’appui de cette déclaration, présente un relevé de compte bancaire du Syndicat agricole africain affichant un solde créditeur de Sept Millions de francs CFA. Ce qui à l’époque, s’avère largement suffisant pour attester du sérieux de l’envoyé du député Houphouët-Boigny ». Paris ne pouvait qu’accéder à la requête du Député. Mais les adversaires ne démordaient pas.De nombreux obstacles initiés par les colons locaux vont constituer des épreuves infranchissables pour la plupart des enfants choisis depuis la haute Côte d’Ivoire et la basse Côte d’ivoire dans les cercles de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Khorogo, Bouaké, Gagnoa, Dimbokro, Daloa, Agboville, Abengourou, Sassandra, Grand-Lahou, Grand-Bassam, Aboisso, Bondoukou, Man …
Tous les enfants choisis n’ont pu arriver à Abidjan pour prendre donc part au voyage par la faute de certains administrateurs en dehors d’un faible cas d’empêchement par maladie.
Pendant que les cent quarante-huit enfants rassemblés à Abidjan attendaient le bateau pour embarquer, les colons usaient d’autres astuces. D’Abidjan, ils envoyaient des bons d’achat des places à bord de tous les bateaux à l’escale de Libreville, afin que ceux-ci ne disposent plus de places disponibles pour de nouveaux passagers en attente au port d’Abidjan. Une manœuvre qui a duré plus d’un mois et demi. Le député Houphouët, a dû intervenir personnellement auprès du Ministre de la défense à Paris pour obtenir l’accord de celui-ci, qui a dépêché à Abidjan, un bateau de guerre mouillant dans le port de Dakar, la frégate l’Aventure, pour venir chercher les boursiers ivoiriens et les conduire à Dakar.
Laissons encore l’un de ses enfants de l’école, le jeune Philippe K. Cowpli nous raconter le voyage : « Notre installation à bord ne fut pas aisée, car ce navire, trop petit pour le nombre de voyageurs que nous étions, n’était pas non plus équipé pour recevoir tant de passagers. Pendant les quatre jours que dura la traversée jusqu’à Dakar nous dormîmes sur des nattes étendues sur le pont étroit, serrés les uns contre les autres. Pendant tout le trajet, nous fûmes de temps à autre aspergés par des vagues qui venaient mourir contre la coque du navire et nous tiraient de notre sommeil devenu léger depuis notre installation précaire à bord.
Dès notre deuxième jour de voyage, le mal de mer s’empara de la plupart d’entre nous et l’ambiance devint plutôt morne et répugnante pour ceux-là qui mangeaient aux côtés de ceux qui vomissaient, et cet autre en proie à des vertiges qui tenait à peine debout, et cet autre encore qui, vidé de ses forces, se rendait en chancelant aux toilettes. La joie de partir s’était momentanément évanouie et cette atmosphère rendait infiniment longs les deux jours qui nous restaient à passer avant d’atteindre Dakar.
Au cours d’une nuit de tempête où les vagues balayaient le pont, nous descendîmes dans la cale pour dormir au milieu des bombes et des torpilles, (n’oublions pas que la frégate était un bateau de guerre) triste souvenir ! ».
A Dakar, les enfants ivoiriens sont hébergés loin de la ville, précisément à Tiaroye dans le camp militaire conçu spécifiquement pour abriter les tirailleurs sénégalais dont nous avons fait état plus haut.
Après quelques jours dans ce « camp de fantômes », les jeunes enfants embarquent le 30 octobre, cette fois à bord d’un bateau de transport, le paquebot Médi II en qualité de passager de 4e classe. Après quelques jours en mer et une escale à Casablanca au Maroc, les jeunes entrent dans le port de Marseille le 10 novembre 1946 où ils sont accueillis par Daniel Ouezzin Coulibaly, député de la Côte d’ivoire et proche collaborateur de Félix Houphouët-Boigny qui l’a dépêché à Marseille pour les recevoir. Une fois à Paris, le Député confie la mission de suivi des enfants à un élu français qui a épousé la cause de la défense du sort des indigènes et le combat de Félix Houphouët-Boigny. Son nom, Léon Robert, conseiller de l’union française pour la Côte d’Ivoire. C’est lui qui va organiser le placement des enfants dans les écoles de France. Pendant l’année scolaire, il faisait le tour des établissements pour s’acquérir de leurs nouvelles. Il était leur tuteur, leur père.
De cette aventure d’où tous sont sortis hautement diplômés, on dénombrera, pour ceux dont nous avons eus des nouvelles en basse Côte d’Ivoire, 3 artistes, 7 pharmaciens, 12 professeurs d’université, 11 médecins, 6 magistrats, 10 ingénieurs, 4 avocats, 4 diplomates, 4 chirugiens, 4 dentistes, et de nombreux hauts administrateurs. Plusieurs d’entre ces jeunes de 1946 ont été chargés de portefeuilles ministériels et ont contribué ainsi aux côtés du président Houphouët à l’élaboration des textes et l’application des initiatives qui ont permis la mise en place des fondements de la Côte d’Ivoire moderne. Ce sont : Ernest Boka, Abdoulaye Sawadogo, Joachin Bony, Loua Diomandé, Jean Konan Banny, Lamine Diabaté, Emile Kei Boguinard, Bissouma Tapet Alphonse, soit huit personnalités. Le premier à rentrer au pays fut Loua Diomandé, diplômé redacteur administratif et qui occupa à Dakar le poste de chef de service chargé du personnel de l’Afrique Occidentale Française, puis adjoint au directeur de cabinet du gouverneur, chef du personnel de l’administration ivoirienne avant d’être le tout premier ministre de la fonction publique en 1957. Il contribuera activement à la confection du premier statut général de la fonction publique et à la création de l’école nationale d’administration, notre célèbre ENA. Est-il superflu de relever que parmi ces premiers étudiants se trouvait Mlle Brou Marie-Thérèse N’goran qui sera plus tard Madame Thérèse Houphouët-Boigny ?
En regardant dans le retroviseur de l’histoire, le docteur Philippe Cowpli s’arrête sur les événements de 199O et s’insurge : « En 199O, on a entendu scander par des jeunes élèves de 8 à 1O ans, qui ignorent les conditions difficiles dans lesquelles nos parents ont lutté aux côtés du Président HOUPHOUËT-BOIGNY pour restaurer à l’homme africain sa dignité, sa liberté, ces mots : HOUPHOUËT voleur, HOUPHOUËT voleur…
Quelles énormités envers cet homme, père fondateur de notre nation ! Ce mot de voleur, mis dans la bouche de jeunes innocents par ceux-là qui ont bénéficié de la politique de libération d’HOUPHOUËT-BOIGNY, axée sur l’éducation dont ils sont les heureux fruits, a sonné et sonne mal dans les oreilles de tout Ivoirien conscient de l’œuvre immense accomplie pour son pays par cet homme. Ceux-ci ont vite oublié les amers sacrifices que se sont imposés nos pères en payant de leur honneur, de leurs souffrances aux travaux forcés, de leur vie, la liberté dont nous jouissons aujourd’hui. La soif du pouvoir ne s’étanche pas de si mauvaise manière en utilisant le mensonge, la calomnie et la diffamation contre ceux qui nous ont précédé, construit le pays en affrontant des chemins rocailleux pour nous conduire à l’indépendance politique, source de notre épanouissement. Que ceux-là sachent que l’enfant qui n’est ni reconnaissant ni fier de ceux qui lui ont donné le jour, que celui qui paie d’ingratitude ceux qui l’ont nourri de leur sein et de la sueur de leur front, commet un grave sacrilège et ne rencontrera que malheur sur son chemin ».
Merci cher professeur.
Que puis-je encore écrire après ça ?

Mougo Beniwa
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