Séry Bailly Zacharie, membre de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr) a donné, mercredi 6 février, à l’Institution Sacré Cœur d’Adjamé, ses recettes pour aller à la réconciliation nationale. Dans le cadre de la quinzaine des langues nationales organisée par les Editions livres sud de Mme Dréhi Mical Lorougnon, il a indiqué, au cours de la conférence inaugurale qu’il a dite, que les langues nationales sont un puissant moyen pour rapprocher les cœurs et les esprits en Côte d’Ivoire. Au dire de l’intellectuel émérite, «les langues sont des traces que les hommes inventent, et en évoluant, laissent en héritage à ceux qui viennent après eux». Dans les langues, poursuit--il, se trouve inscrites des valeurs, des faits historiques, des relations sociales, etc. Mais les traces dont il parle, ne sont pas passives car elles permettent à ceux qui savent les lire de se retrouver et d’arriver à destination, là où ils veulent arriver. Mises bout à bout, en agissant sur les consciences, elles peuvent, selon Séry Bailly, constituer un chemin, notamment celui de la réconciliation. Par ce caractère, les langues nationales constituent des instruments ou des facteurs de réconciliation «parce qu’elles contiennent des traces des rapports sociaux, des douleurs et des joies et de la sagesse ancienne conservée par la tradition orale». Pour expliciter ses dires sur le volet traces des rapports sociaux, le Pr Séry Bailly Zacharie affirme que les langues nationales contribuent à la réconciliation en assumant deux fonctions d’identification et de pacification. Fonction d’identification en ce sens que les langues «disent qu’on est les mêmes ou que nous sommes proches»; fonction de pacification, parce que les langues nationales contribuent à la pacification des rapports sociaux, en rassurant l’autre aussi bien sur sa singularité que sur les liens qui unissent, permettant ainsi de disposer favorablement son esprit. S’exprimant sur les traces de la douleur, le Pr Séry Bailly convoque la fonction émotive. Cette fonction, dit-il, sollicite la sensibilité en deux sens pour la mettre au service de la réconciliation. Ces deux sens sont l’expression de la douleur et la célébration de la solidarité. Car, qui dit douleurs, parle de solidarité et d’apaisement et à défaut de réparation, de la compassion et les personnes généreuses sont célébrées. Quant aux traces de la sagesse, le conférencier indique que les langues facilitent la réconciliation avec des références communes ou partagées. Elles disent le droit (devoirs et droits), ce qu’il faut faire ou ne pas faire. N’ayant pas d’écriture, poursuit-il, c’est la langue et la mémoire qui ont conservé cette sagesse, c’est-à-dire les valeurs et les normes.
Carine Coulibaly, Correspondance particulière
Carine Coulibaly, Correspondance particulière