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Art et Culture Publié le samedi 23 mars 2013 |

24 mars, Journée internationale pour le Droit à la Vérité: Construire les démocraties sur les fondements de la vérité

© Par DR
Centre International pour la Justice Transitionnelle: Eduardo González, directeur du programme Vérité et Mémoire
Photo: Eduardo González, directeur du programme Vérité et Mémoire au Centre International pour la Justice Transitionnelle.
Le 24 mars, les Nations-Unies commémorent la Journée internationale pour le Droit à la Vérité, honorant la mémoire de l’archevêque Oscar Romero du Salvador, tué ce même jour en 1980, pour sa défense courageuse des opprimés de son pays.

Selon un ensemble croissant de jurisprudences et de pratiques internationales, le droit à la vérité reconnaît aux victimes de crimes internationaux et à la société le droit de connaître les faits, circonstances et responsabilités d’atrocités telles que la torture, les disparitions forcées ou les exécutions sommaires.

Un rapide regard sur certaines régions de notre monde révèle que des sociétés, riches ou pauvres, mettent en œuvre des commissions de vérité en vue de respecter les droits des victimes et de contribuer à la réconciliation et à l’instauration de l’État de droit.

La Tunisie, dont la révolution de 2010 a aidé à déclencher le « Printemps arabe », discute actuellement d’un projet de loi global qui établirait une Commission de Vérité et de Dignité pour enquêter sur les violations des droits humains commis par les différents gouvernements tunisiens depuis l’indépendance du pays en 1956, malgré un environnement politique difficile.
En Colombie, des négociateurs représentant le gouvernement et les factions rebelles des FARC auraient accompli des progrès vers un programme de paix qui comprendrait la recherche de la vérité et la garantie des droits des victimes en tant qu’éléments d’un accord de paix qui mettrait fin à presque 50 ans de conflit.

Au Brésil, une Commission Nationale de Vérité historique recueille les témoignages des survivants et fouille les archives officielles afin d’établir les faits concernant des meurtres et tortures commis durant la dictature militaire dans ce pays.

Et même au Canada, qui n’a pas subi de guerre ni de dictature dans son histoire récente, la Commission de Vérité et Réconciliation est sur le point d’achever un processus d’examen, qui a duré cinq ans, de l’un des plus sombres chapitres de l’histoire canadienne : la manière de traiter des milliers d’enfants indigènes qui ont été forcés de vivre dans des pensionnats pour Indiens instaurés en vue de leur assimilation culturelle.

Pourquoi des sociétés si différentes les unes des autres misent-elles sur le pouvoir de la vérité pour traiter de profonds traumatismes historiques et ouvrir la voie à un meilleur contrat social ? Et pourquoi d’autres pays estiment-ils que la meilleure façon de gérer un passé trouble est de le cacher ou de le nier ? Après tout, certaines transitions démocratiques, comme celle en Espagne, ont été bâties sur le silence imposé aux victimes, et la nation la plus puissante du monde, les Etats-Unis, est notoirement réticente à mener le moindre examen officiel sur les séquelles de ses politiques d’intervention en faveur de tyrans alliés partout dans le monde, ou sur les discriminations établies contre des minorités sur son propre sol.
Peut-on bâtir une démocratie solide et légitime sur les sables du silence, ou la vérité fournit-elle des fondations plus dignes de confiance ?

Ce que croient la Tunisie, la Colombie, le Brésil et le Canada, c’est que défricher le passé aura un effet valorisant pour des victimes accoutumées aux abus et à l’invisibilité, les encouragera à faire de nouveau confiance à leurs compatriotes et à leur gouvernement ; que la vérité et la condamnation morale des méfaits rendront les institutions plus responsables et de futurs abus moins probables ; que l’enseignement des faits fournira aux nouvelles générations les instruments pour rejeter la violence et la discrimination.

Dans des pays comme l’Espagne et les Etats-Unis, il semblerait que le gouvernement, malgré ses principes démocratiques, croit devoir se comporter comme le parent sévère d’une société qui ne pourrait supporter la vérité, ou agit simplement pour protéger certains intérêts aux dépens d’une révélation pleine et entière.

Mais ensuite, ces gouvernements réagissent d’une manière confuse quand les blessures du passé se révèlent encore grandes ouvertes, comme en Espagne, quand des drapeaux républicains se dressent au milieu de manifestations de masse contre les politiciens ; ou comme aux Etats-Unis, quand des fuites d’informations classifiées soulèvent le voile du silence sur des abus commis durant la guerre contre le terrorisme.

C’est la question clé de notre époque. Il y a cinquante ans, le secret d’État était la norme, et les victimes étaient poussées hors de l’arène publique en tant que rappels gênants – et souvent discrédités – des abus du pouvoir. Aujourd’hui, même au sein de brutalités autoritaires ou d’une oppression structurelle, il y a des appels pour que la transparence et la connaissance forment une part essentielle d’une conception puissante de la citoyenneté.
Les États qui refusent expressément de reconnaître le droit à la vérité, non seulement rejettent l’impératif moral qui sous-tend les droits des victimes et des sociétés, mais sont également – et de plus en plus – sur la mauvaise pente de l’histoire.

Par Eduardo González


*Eduardo González est le directeur du programme Vérité et Mémoire au Centre International pour la Justice Transitionnelle.
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