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Politique Publié le jeudi 4 avril 2013 | Le Temps

Course au pouvoir : Banny prépare déjà l’après Ouattara

© Le Temps Par Prisca
Réconciliation nationale: la Commission Dialogue,Vérité et réconciliation (CDVR) en séminaire
Mardi 26 mars 2013. Abidjan. Cocody, hôtel Belle-Côte. La Commission Dialogue,Vérité et réconciliation (CDVR) organise les 26 et 27 mars un séminaire pour réflechir sur les causes profondes de la crise ivoirienne. Photo : Charles Konan Banny
L’ancien Gouverneur de la Banque centrale des états de l’Afrique de l’ouest (Bceao), ancien Premier ministre du Président Laurent Gbagbo, est un homme plein d’intrigues. Bien vrai, certaines incongruités lui sont par moment tolérées, comme cette bourde à Yopougon Bel-Air, lors de son appel aux exilés de rentrer aux pays : «même l’ex-Président Laurent Gbagbo est partie prenante dans le processus de réconciliation bien que privé de liberté». Il sait souffler le chaud et le froid. En 2011, lorsqu’il reçoit une délégation du Cojep conduite par Martial Yavo qui lui demande «d’user de sa notoriété» auprès d’Alassane Ouattara, pour que Gbagbo soit libéré. Il sort le bile: «Pensez-vous sincèrement que je peux faire revenir Laurent Gbagbo ici ? Soyons sérieux… Je ne peux pas le faire. Nous sommes dans un processus associant réconciliation et justice. Le plus sérieux ce n’est pas la libération de Laurent Gbagbo. Ma mission ce n’est pas de faire libérer quelqu’un». Deux années après, le 25 février 2013 précisément, il est en tournée à Bouaflé, pour le compte de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr) qu’il dirige, ici, le même Banny simule à merveille le cœur meurtri en étalant sa «tristesse» et sa «peine» : «Gbagbo Laurent a été Président pendant dix ans de la Côte d’Ivoire, ce qui veut dire que c’est la Côte d’Ivoire qui est à La Haye parce que nous n’avons pas été capables de faire en sorte qu’il ne soit pas là-bas», a-t-il déclaré selon l’Agence ivoirienne de presse (AIP).
Quel «rassembleur» ?
L’audience à La Haye du Président Laurent Gbagbo, commencée le mardi 19 février, doit prendre fin le jeudi 28 février, jour de la prise de parole de Laurent Gbagbo qualifié de «moment historique». Déjà son ancien Premier ministre, le seul qu’il ait eu qui soit transfuge du Pdci-Rda - Charles Konan Banny dont le passage à la Primature n’aura pas été de tout repos pour les Refondateurs qui en gardent un amer souvenir en raison de ses défiances quasi quotidiennes, tente un lobbying suffisamment maladroit comme sait le faire un ambitieux peu sûr de lui. «C’est la Côte d’Ivoire qui est à la Haye». Les «allusions» de Banny sont prises pour des «illusions» par ses détracteurs. Pour ses admirateurs, elles sont loin d’être des paroles en l’air. Car, pour ces derniers, l’homme qui parle ainsi, est différent du Banny nommé fraîchement dans le dispositif Ouattara pour piloter l’appareil qui prétend réconcilier les Ivoiriens. Il feint de jouer la carte du rassembleur. Sachant qu’à 71 ans, le président Alassane Ouattara n’a plus la fraîcheur d’antan. Le Président du Rassemblement des républicains, Ouattara, est «arrivé vieux à un pouvoir trop jeune» commente un de ses affidés. Qui ajoute que son mentor a besoin d’une certaine fraîcheur morale mais surtout… physique. Ses nombreux voyages à l’extérieur, (le dernier effectué le samedi 29 mars, à Paris, en catimini et en dehors du calendrier officiel porte le nombre à 85) sont désormais conditionnés par des visites chez le toubib. Au Pdci-Rda, les années Bédié relèvent désormais d’une simple nostalgie. La tendance est plus que jamais au renouvellement. Pas besoin de parler de sang nouveau qui effarouche les «dinosaures» anciens compagnons du père fondateur, ce qui supposerait le choix d’un jeune cadre dynamique. Non, pas besoin !
Comment afficher l’ambition d’un destin national ?
L’actuel président de la Cdvr croit savoir son heure approcher. La Côte d’Ivoire a soif d’un rassembleur. Banni possède le profil de l’emploi. Croit-il ? Son Cv plaiderait pour un destin national : Gouverneur de la Bceao, Premier ministre puis président de la Cdvr, il sait qu’une telle ambition ne peut que se nourrir d’hommes, de femmes et de jeunes venus d’horizons divers. Il ne lui reste plus qu’à brasser à tout vent et à ratisser large pour être «à deux doigts du fauteuil présidentiel», position dans laquelle il se trouvait, il y a huit ans (2007). Le moment est arrivé de cornaquer les esprits sur des sujets d’intérêt national. Comme celui du foncier rural. Le 26 mars, à l’hôtel Bel Côte, au cours d’un énième séminaire, «monsieur le Premier ministre» peut ouvrir les vannes : «Il ne peut y avoir de travail réussi dans la réconciliation qui ne soit inclusive. Nous devons donc tout faire pour que personne ne soit exclu. Mais, bien plus, la réconciliation doit être participative, parce que la justice transitionnelle qui participe de cette réconciliation, n’est pas une science exacte. Le génie de chacun est nécessaire.» Pour les témoins, Banny a «haussé le ton» … à sa façon. Mais c’est surtout cette sévère mise en garde du président de la Cdvr qui fait vibrer la fibre patriotique : «Nous risquons d’avoir une crise encore plus grave si ce problème n’est pas réglé». Les Ivoiriens y voient un appel au rassemblement autour de la mère patrie, pour sauvegarder le massif forestier de l’ouest. Mais sauvegarder de qui ? L’heure n’est pas encore venue pour le candidat putatif aux futures élections présidentielles de passer la ligne rouge. Synonyme de déclaration officielle des velléités présidentielles contre l’autorité d’Alassane Ouattara.

Tournée américano-européenne sous le masque Cdvr

Travailler sur des sujets sensibles en interne sans oublier l’extérieur. Charles Konan Banny le veut. Mais il faut un masque pour un beau déguisement. La Cdvr est un pain béni, un tremplin idéal. Les arguments, disons les prétextes sont à foison. Les enfants de la Côte d’Ivoire ne sont-ils pas éparpillés aux quatre vents ? La nation a besoin d’eux, la réconciliation en dépend. Cela prendra du temps, mais l’initiative vaut la chandelle. Du 8 au 25 avril, Charles Konan Banny entreprend donc une tournée qui le conduira en Europe et aux Etats-unis. L’ex-Premier ministre se rendra successivement à Paris, à Bordeaux, à New-York et à Londres. Officiellement. Le côté visible de ce périple se dévoile aisément sous la forme d’ «un projet de programme» dit «provisoire» avant validation, bien entendu, du palais présidentiel d’Abidjan. Le lundi 8 avril, Banny, s’il réussit à obtenir le ok présidentiel prend son vol pour Paris où, le mercredi 10 avril, il déjeune avec le Medef (Mouvement des entreprises de France). Plutôt affairiste, économique et financier comme programme pour un président de commission de réconciliation. Le vendredi 12 avril, L’ancien Gouverneur de la Bceao est à la mairie de Bordeaux. Son programme n’en dit pas plus. C’est véritablement le dimanche 14 avril, qu’il pourra se consacrer à ses activités de réconciliateur des âmes ; ce jour-là, une rencontre est prévue avec la Plateforme Cdvr-France. Avant de retomber dans le flou, du 15 au 16 avril où l’ancien Premier ministre aura «divers RDV à Paris». Là aussi, une boule de cristal sera nécessaire. Avant de s’envoler pour les USA le mercredi 17 avril, précisément à New-York. Dans cette ville, l’ancien Gouverneur de la Bceao a «divers Rendez-vous», du 18 au 21 avril 2013, sans plus de détail. Sans paraître sorcier, l’on devine aisément que l’économiste qu’il est et qu’il a toujours été ne va pas dans la capitale économique de la nation la plus puissante de la planète sans y remuer le marigot financier. Et c’est le samedi 20 avril qu’une cérémonie officielle de lancement des activités de la Plateforme Cdvr-USA est programmée à son intention. Le lundi 22 avril, il quitte l’Amérique pour le vieux continent, notamment pour Londres. Dans la capitale britannique, le mercredi 24 avril, le président de la Cdvr présidera la cérémonie officielle de lancement des activités de la Plateforme Cdvr-UK (Royaume Uni). Le jeudi 25 avril, il retourne à Abidjan pour retomber dans ses train-train quotidiens fait de séminaires Cdvr, rencontres avec les populations et autres audiences plus ou moins médiatisées. Comme on le voit, l’ancien Premier ministre ivoirien effectue une tournée aux Etats-unis et en Europe où l’utilité des «divers rendez-vous» occupe une place prépondérante au point d’en cacher les contenus, que les agréables «cérémonies de lancement de la Plateforme de la Cdvr ». Qui veut aller loin ménage sa monture, dit la sagesse.

Simplice Allard
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