ABIDJAN - Opposition en marge, majorité fragilisée: c’est le paradoxe auquel est confronté le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara après des élections locales entachées d’incidents, avertissement avant la présidentielle de 2015 à laquelle il compte se représenter.
Des blessés, de la casse et surtout beaucoup d’invectives et d’accusations de fraude: le spectacle offert lors des municipales et régionales du 21 avril n’a guère été brillant, deux ans après la fin de la crise née de la présidentielle de novembre 2010, qui avait fait environ 3.000 morts.
Les incidents n’ont certes touché qu’une dizaine de communes et surtout la capitale économique Abidjan. Comportements de "mauvais perdants", a regretté le président de la commission électorale, Youssouf Bakayoko, en livrant les résultats globaux vendredi soir.
Mais le plus frappant tient à ce que les tensions ont concerné surtout les partis de l’alliance au pouvoir: le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ex-chef d’Etat Henri Konan Bédié. Le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), boudait officiellement ces scrutins.
Dans le quotidien d’Etat Fraternité-Matin, le directeur du journal Venance Konan s’est inquiété de la "guerre qui s’annonce" entre le RDR - conforté comme premier parti du pays après ces élections - et le PDCI, son indispensable soutien de la dernière présidentielle.
Au fil d’une longue décennie de crise, les Ivoiriens "ont été nourris à la sève de la violence", déclare à l’AFP un proche du président Ouattara pour expliquer ces incidents. Il se veut rassurant sur la santé de la coalition: "les états-majors vont se retrouver".
Ouattara "vraisemblablement" candidat en 2015
Mais les tensions n’ont pas surpris. Ex-parti unique, le PDCI vit mal son
statut de second et beaucoup en son sein s’estiment lésés dans le partage du
pouvoir, et de ses avantages.
Toutefois, si, malgré son âge (bientôt 79 ans), Henri Konan Bédié garde le
contrôle du parti à l’issue du congrès du PDCI attendu cette année, l’alliance
a en principe de beaux jours devant elle, et le parti pourrait même être amené
à ne pas présenter de candidat face à Alassane Ouattara en 2015.
Ce dernier a en effet indiqué, dans un entretien à paraître dans
l’hebdomadaire Jeune Afrique, qu’il briguerait "vraisemblablement" un second
mandat.
Le FPI cherche en tout cas à profiter des dissensions au sein de la
majorité. Quelques jours avant les élections locales, il a carrément appelé le
PDCI au "rassemblement".
Les responsables du FPI "n’ont pas fait ça au hasard, ils sentent qu’il y a
des tensions de plus en plus fortes" entre RDR et PDCI, analyse Rinaldo
Depagne, chercheur à International Crisis Group (ICG).
Si cet appel a jeté le trouble au sein de la coalition au pouvoir, il est
resté sans suite. Et le parti de Laurent Gbagbo s’installe plus que jamais en
marge du jeu politique, après avoir déjà boudé les législatives fin 2011. Sa
stratégie semble suspendue au sort de son mentor, détenu à La Haye par la Cour
pénale internationale (CPI), qui le soupçonne de crimes contre l’humanité.
Il reste que ces élections locales, boycottées par le principal parti
d’opposition et à ce titre symbole d’une réconciliation en panne, auront eu
valeur de test, et même d’avertissement.
Le double scrutin "devait faire la démonstration que l’état de droit est
installé", relève un familier de la scène politique ivoirienne. Or,
souligne-t-il, "la violence est toujours latente, et rien n’est réglé avant la
prochaine présidentielle".
Si la sécurité a très nettement progressé, la croissance économique
retrouvée dans le pays, première économie d’Afrique de l’Ouest francophone, ne
fait pas encore reculer la pauvreté. Et des dossiers cruciaux, comme le
foncier, n’ont toujours pas été ouverts.
Dans l’entretien à Jeune Afrique, Alassane Ouattara dit d’ailleurs qu’il ne
croit pas possible de "redresser la Côte d’Ivoire" comme il l’entend d’ici
2015.
tmo/hba
Des blessés, de la casse et surtout beaucoup d’invectives et d’accusations de fraude: le spectacle offert lors des municipales et régionales du 21 avril n’a guère été brillant, deux ans après la fin de la crise née de la présidentielle de novembre 2010, qui avait fait environ 3.000 morts.
Les incidents n’ont certes touché qu’une dizaine de communes et surtout la capitale économique Abidjan. Comportements de "mauvais perdants", a regretté le président de la commission électorale, Youssouf Bakayoko, en livrant les résultats globaux vendredi soir.
Mais le plus frappant tient à ce que les tensions ont concerné surtout les partis de l’alliance au pouvoir: le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ex-chef d’Etat Henri Konan Bédié. Le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), boudait officiellement ces scrutins.
Dans le quotidien d’Etat Fraternité-Matin, le directeur du journal Venance Konan s’est inquiété de la "guerre qui s’annonce" entre le RDR - conforté comme premier parti du pays après ces élections - et le PDCI, son indispensable soutien de la dernière présidentielle.
Au fil d’une longue décennie de crise, les Ivoiriens "ont été nourris à la sève de la violence", déclare à l’AFP un proche du président Ouattara pour expliquer ces incidents. Il se veut rassurant sur la santé de la coalition: "les états-majors vont se retrouver".
Ouattara "vraisemblablement" candidat en 2015
Mais les tensions n’ont pas surpris. Ex-parti unique, le PDCI vit mal son
statut de second et beaucoup en son sein s’estiment lésés dans le partage du
pouvoir, et de ses avantages.
Toutefois, si, malgré son âge (bientôt 79 ans), Henri Konan Bédié garde le
contrôle du parti à l’issue du congrès du PDCI attendu cette année, l’alliance
a en principe de beaux jours devant elle, et le parti pourrait même être amené
à ne pas présenter de candidat face à Alassane Ouattara en 2015.
Ce dernier a en effet indiqué, dans un entretien à paraître dans
l’hebdomadaire Jeune Afrique, qu’il briguerait "vraisemblablement" un second
mandat.
Le FPI cherche en tout cas à profiter des dissensions au sein de la
majorité. Quelques jours avant les élections locales, il a carrément appelé le
PDCI au "rassemblement".
Les responsables du FPI "n’ont pas fait ça au hasard, ils sentent qu’il y a
des tensions de plus en plus fortes" entre RDR et PDCI, analyse Rinaldo
Depagne, chercheur à International Crisis Group (ICG).
Si cet appel a jeté le trouble au sein de la coalition au pouvoir, il est
resté sans suite. Et le parti de Laurent Gbagbo s’installe plus que jamais en
marge du jeu politique, après avoir déjà boudé les législatives fin 2011. Sa
stratégie semble suspendue au sort de son mentor, détenu à La Haye par la Cour
pénale internationale (CPI), qui le soupçonne de crimes contre l’humanité.
Il reste que ces élections locales, boycottées par le principal parti
d’opposition et à ce titre symbole d’une réconciliation en panne, auront eu
valeur de test, et même d’avertissement.
Le double scrutin "devait faire la démonstration que l’état de droit est
installé", relève un familier de la scène politique ivoirienne. Or,
souligne-t-il, "la violence est toujours latente, et rien n’est réglé avant la
prochaine présidentielle".
Si la sécurité a très nettement progressé, la croissance économique
retrouvée dans le pays, première économie d’Afrique de l’Ouest francophone, ne
fait pas encore reculer la pauvreté. Et des dossiers cruciaux, comme le
foncier, n’ont toujours pas été ouverts.
Dans l’entretien à Jeune Afrique, Alassane Ouattara dit d’ailleurs qu’il ne
croit pas possible de "redresser la Côte d’Ivoire" comme il l’entend d’ici
2015.
tmo/hba