«On nous a menti sur toute la ligne. Nous ne demandons qu’une seule chose : la démission de tous ceux qui sont à l’Areca. Au lieu de notre bonheur, on se rend compte qu’ils ne font que leur propre bonheur. Comment comprendre qu’on dit faire une réforme d’une filière qui n’a jamais été formée ? Et pour mieux nous voler, on dissout l’inter-cajou, notre cadre d’expression, rien que pour pouvoir percevoir la ristourne qui nous revient de droit. Allez-y comprendre quelque chose. Nous demandons qu’une seule chose. Qu’on nous remette notre filière», s’indigne Daouda Koffi Mouroufié, président de l’Association des producteurs agricoles du Gontougo (Apag). Et pourtant, le vendredi 15 février 2013, au siège de l’Autorité de régulation du coton et de l’anacarde (Areca), Meité Mamadou, président du comité scientifique mis en place pour fixer le prix bord champs des noix de cajou, au titre de la campagne 2013, était heureux de donner les conclusions de leur travail sur la fixation de 200 Fcfa, le prix du kilogramme. Mais trois mois après cette annonce, les producteurs se rendent compte que rien n’a bougé. «L’application obligatoire du prix minimum, la révision du prix minimum sur la base d’une évolution de 15 % du prix Caf convenu, n’est qu’un vieux souvenir aujourd’hui. Au lieu d’augmenter nos revenus, ils font le contraire », s’indignent les producteurs de la région. En effet, à la demande de l’Union des coopératives de cajou de Côte d’Ivoire (Uccaci), l’Etat ivoirien, a autorisé l’exportation, à partir de Bondoukou, de 30.000 tonnes de cajou vers le Ghana et 40.000 tonnes vers le Burkina-Faso à partir de Ferké. Pour répondre à la demande express des partenaires de cette union de coopérative basée dans ces pays limitrophes. Surtout que la situation du marché de l’anacarde a pris un coup en Côte d’Ivoire. Avec la présence de la société Aita, commissionnaire agréé en douane qui effectue les opérations de transit à Bondoukou, « c’est un pas vers la création d’un port sec à Bondoukou que nous appelons de tous nos vœux pour endiguer l’exportation frauduleuse des produits vers le Ghana», soutient Peté Bini Yao. Mais pour lui, la solution des problèmes de la filière n’est pas de faire convoyer les produits vers le Ghana. «C’est un manque à gagner énorme pour la Côte d’Ivoire. Si le Ghana est prisé, c’est simplement à cause du séchage de ses produits. La solution est là pour revaloriser davantage nos prix. Remettez-nous la filière pour qu’on l’organise car nous en avons les solutions», a-t-il exigé. Si l’avènement du transitaire est salué par tous, ce n’est pas le cas pour les trafiquants de la noix de cajou qui ne démordent aucunement pas. Ils continuent leurs actions avec la complicité de certaines personnes tapies dans l’ombre. D’où l’appel à une prise de conscience pour mettre fin à ces pratiques illicites. Toutefois, si cette exportation des produits qui se légalise maintenant est officielle, «elle doit être ouverte à tous tant au niveau des exportateurs agréés que des transitaires. Le marché exclusif attribué à un seul exportateur et un seul transitaire nous porte entorse. Surtout que le port d’Abidjan n’est pas encore opérationnel par manque d’entrepôts. S’il y a une porte de sortie, qu’on l’ouvre à tous », confie un responsable d’une coopérative agréée à l’exportation pour cette présente campagne. Pour l’heure, malgré l’exportation de la production vers le Ghana, le prix qui devait se stabiliser ou augmenter, au contraire baisse drastiquement pour se retrouver entre 75 et 100 Fcfa. «Les acheteurs profitent de notre naïveté en nous faisant croire que c’est la présence du transitaire qui fait que le prix est bas. Nous ne sommes pas dupes. Les frais qu’ils payent sont sensiblement égaux à ceux qu’ils payaient quand ils partaient frauduleusement. Pourtant, les prix étaient bons. On ne les comprend plus. Ils veulent nous pousser à la révolte pour installer encore l’anarchie», fait remarquer Kouadio Faustin Adingra, un paysan qui refuse de vendre son produit à ce prix dérisoire.
Raymonde Desuza
Raymonde Desuza