ABIDJAN (Région des Lagunes)- Plus de deux ans après
une crise politico-militaire sanglante, la réconciliation est toujours en
panne en Côte d’Ivoire, alors que la commission chargée de conduire ce
processus crucial est censée boucler bientôt ses travaux.
Réconciliation: le mot est sur toutes les lèvres. Du côté du président
Alassane Ouattara comme du Front populaire ivoirien (FPI), parti de l’ex-chef
de l’Etat Laurent Gbagbo, chacun en fait une profession de foi, pour tourner
la page de la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011, qui a fait
environ 3.000 morts.
Mais les récents échanges entre les ennemis d’hier montrent que le fossé
demeure.
En tournée début juillet dans le Nord, son fief électoral, M. Ouattara a
appelé le FPI à "demander pardon aux victimes" de la crise, déclenchée par le
refus de M. Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre
2010.
Le FPI, qui considère toujours que son champion - détenu à La Haye par la
Cour pénale internationale (CPI), qui le soupçonne de crimes contre l’humanité
- avait remporté le scrutin, a sèchement rejeté cette semaine cet appel au
"repentir". Et il a renvoyé au camp Ouattara la responsabilité de la violence.
Installée par le chef de l’Etat en septembre 2011, la Commission dialogue,
vérité et réconciliation (CDVR) s’est invitée dans le débat.
"Dans ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire, les torts sont partagés", a
affirmé son président, l’ex-Premier ministre Charles Konan Banny.
"Il importe que tous ceux qui ont commis des violations des droits humains
le reconnaissent et fassent acte de repentance", a-t-il souligné, en clôturant
en fin de semaine dernière un colloque sur les "causes profondes" de la longue
décennie de tourmente ivoirienne.
Le chantier de la réconciliation reste donc immense. Or, la CDVR est censée
achever dans moins de trois mois son mandat de deux ans.
M. Banny demandera-t-il de prolonger le bail de la commission ? La
"limitation dans le temps" n’est "pas la meilleure" des solutions,
explique-t-il à l’AFP, suggérant que deux ans ne suffiront pas.
Compte-t-il lui-même rempiler à son poste? L’intéressé maintient le flou
sur ses intentions.
"catharsis nationale"
Mais, dans la classe politique, beaucoup se demandent si M. Banny ne va pas
s’engager dans une autre bataille: celle de la présidentielle de 2015. Dans ce
but, il pourrait tenter de prendre le contrôle de sa formation, le Parti
démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principal allié de M. Ouattara, qui doit
renouveler ses instances en octobre.
Au moment où la Commission réconciliation s’approche de la fin de son
mandat, la question de son bilan se pose plus que jamais. Sur ce point,
politiques, diplomates, ONG et observateurs se montrent le plus souvent d’une
grande sévérité.
"La CDVR est en panne sèche", lance René Legré Hokou, président de la Ligue
ivoirienne des droits de l’Homme (Lidho), lui reprochant son manque de
visibilité et d’actions concrètes.
Promises depuis des mois par la commission, les audiences publiques censées
confronter "bourreaux" et "victimes" à travers le pays n’ont toujours pas
commencé. Cette "grande catharsis nationale", selon l’expression de M. Banny,
est pourtant très attendue.
Sous le feu des critiques, certains à la commission invoquent des
ressources financières insuffisantes, mais aussi le climat politico-judiciaire
qui compliquerait leur tâche.
Dernier épisode en date: 84 personnalités ou proches du régime Gbagbo, dont
l’ex-Première dame Simone Gbagbo, viennent d’être renvoyés devant une cour
d’assises pour leur implication présumée dans la crise de 2010-2011. La date
du procès n’est pas encore fixée.
Si, pour le président Ouattara, il ne peut y avoir de réconciliation sans
justice, les partisans de M. Gbagbo y ont vu une nouvelle illustration d’une
"justice des vainqueurs". La justice ivoirienne n’a encore engagé aucune
poursuite concernant les graves crimes imputés aux forces pro-Ouattara durant
la dernière crise.
Pas de quoi aider à relancer les discussions entre gouvernement et FPI,
bloquées depuis plusieurs mois. Or, il s’agit de préparer le terrain pour la
présidentielle de 2015, à laquelle M. Ouattara est d’ores et déjà candidat.
Membre de la CDVR, Mgr Siméon Ahouana, l’évêque de Bouaké (centre), confie
avoir "des préoccupations" concernant l’élection.
Le président de la Lidho est plus direct: pour lui, si la réconciliation
n’avance pas d’ici là, "il faut craindre qu’on ne retombe dans des violences
encore plus graves".
ck-tmo/hba
une crise politico-militaire sanglante, la réconciliation est toujours en
panne en Côte d’Ivoire, alors que la commission chargée de conduire ce
processus crucial est censée boucler bientôt ses travaux.
Réconciliation: le mot est sur toutes les lèvres. Du côté du président
Alassane Ouattara comme du Front populaire ivoirien (FPI), parti de l’ex-chef
de l’Etat Laurent Gbagbo, chacun en fait une profession de foi, pour tourner
la page de la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011, qui a fait
environ 3.000 morts.
Mais les récents échanges entre les ennemis d’hier montrent que le fossé
demeure.
En tournée début juillet dans le Nord, son fief électoral, M. Ouattara a
appelé le FPI à "demander pardon aux victimes" de la crise, déclenchée par le
refus de M. Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre
2010.
Le FPI, qui considère toujours que son champion - détenu à La Haye par la
Cour pénale internationale (CPI), qui le soupçonne de crimes contre l’humanité
- avait remporté le scrutin, a sèchement rejeté cette semaine cet appel au
"repentir". Et il a renvoyé au camp Ouattara la responsabilité de la violence.
Installée par le chef de l’Etat en septembre 2011, la Commission dialogue,
vérité et réconciliation (CDVR) s’est invitée dans le débat.
"Dans ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire, les torts sont partagés", a
affirmé son président, l’ex-Premier ministre Charles Konan Banny.
"Il importe que tous ceux qui ont commis des violations des droits humains
le reconnaissent et fassent acte de repentance", a-t-il souligné, en clôturant
en fin de semaine dernière un colloque sur les "causes profondes" de la longue
décennie de tourmente ivoirienne.
Le chantier de la réconciliation reste donc immense. Or, la CDVR est censée
achever dans moins de trois mois son mandat de deux ans.
M. Banny demandera-t-il de prolonger le bail de la commission ? La
"limitation dans le temps" n’est "pas la meilleure" des solutions,
explique-t-il à l’AFP, suggérant que deux ans ne suffiront pas.
Compte-t-il lui-même rempiler à son poste? L’intéressé maintient le flou
sur ses intentions.
"catharsis nationale"
Mais, dans la classe politique, beaucoup se demandent si M. Banny ne va pas
s’engager dans une autre bataille: celle de la présidentielle de 2015. Dans ce
but, il pourrait tenter de prendre le contrôle de sa formation, le Parti
démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principal allié de M. Ouattara, qui doit
renouveler ses instances en octobre.
Au moment où la Commission réconciliation s’approche de la fin de son
mandat, la question de son bilan se pose plus que jamais. Sur ce point,
politiques, diplomates, ONG et observateurs se montrent le plus souvent d’une
grande sévérité.
"La CDVR est en panne sèche", lance René Legré Hokou, président de la Ligue
ivoirienne des droits de l’Homme (Lidho), lui reprochant son manque de
visibilité et d’actions concrètes.
Promises depuis des mois par la commission, les audiences publiques censées
confronter "bourreaux" et "victimes" à travers le pays n’ont toujours pas
commencé. Cette "grande catharsis nationale", selon l’expression de M. Banny,
est pourtant très attendue.
Sous le feu des critiques, certains à la commission invoquent des
ressources financières insuffisantes, mais aussi le climat politico-judiciaire
qui compliquerait leur tâche.
Dernier épisode en date: 84 personnalités ou proches du régime Gbagbo, dont
l’ex-Première dame Simone Gbagbo, viennent d’être renvoyés devant une cour
d’assises pour leur implication présumée dans la crise de 2010-2011. La date
du procès n’est pas encore fixée.
Si, pour le président Ouattara, il ne peut y avoir de réconciliation sans
justice, les partisans de M. Gbagbo y ont vu une nouvelle illustration d’une
"justice des vainqueurs". La justice ivoirienne n’a encore engagé aucune
poursuite concernant les graves crimes imputés aux forces pro-Ouattara durant
la dernière crise.
Pas de quoi aider à relancer les discussions entre gouvernement et FPI,
bloquées depuis plusieurs mois. Or, il s’agit de préparer le terrain pour la
présidentielle de 2015, à laquelle M. Ouattara est d’ores et déjà candidat.
Membre de la CDVR, Mgr Siméon Ahouana, l’évêque de Bouaké (centre), confie
avoir "des préoccupations" concernant l’élection.
Le président de la Lidho est plus direct: pour lui, si la réconciliation
n’avance pas d’ici là, "il faut craindre qu’on ne retombe dans des violences
encore plus graves".
ck-tmo/hba