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Politique Publié le mardi 23 juillet 2013 | Nord-Sud

Les amalgames entretenus : par Hubert Oulaye

Le «professeur agrégé de droit» ne peut pas ignorer que le Droit est une science, c’est-à-dire «un ensemble de connaissances raisonnées et coordonnées», avec son «dialecte» fait «de concepts dont la définition, les conséquences et l’agencement déterminent la forme et le contenu du raisonnement et du discours du juriste» (voir not. G. Kalinowski, in Introduction à la logique juridique, éléments de sémiotique juridique…, 1965 et C. Perelman, in Logique juridique, Nouvelle rhétorique, 1976). Aussi, est-il incompréhensible, sinon suspect, qu’il utilise les concepts d’étranger par opposition à celui de national et de nationalité d’origine, dans un sens commun qui conduit à de fâcheux amalgames.
Le concept d’étranger par opposition à celui de national. En droit, ce concept désigne la personne qui a la nationalité d’un pays souverain donné, par opposition au national d’un autre pays indépendant.
Sans doute, il y avait des Wê, des Guérés, des Bétés, des Gouros, des Koyakas, des Sénoufos, des Tagbanas, des Baoulés, des Ebriés, des Agnis, des Abrons, des Lobis, etc… Mais, ces groupes ethno-linguistiques, soixante dit-on, n’étaient pas des nationaux ivoiriens, au sens juridique du terme.
Il en était de même dans toutes les ex-colonies françaises, d’Afrique Occidentale ou d’ailleurs. Avant leur accession à l’indépendance, les populations autochtones n’avaient pas la nationalité de ces pays.
Telle était la réalité juridique de l’époque, que «le professeur agrégé de droit» tente, par de vaines contorsions, d’adultérer en prétendant que la qualité de citoyens ou de nationaux français des ressortissants des territoires coloniaux français d’Afrique noire «(…) était plus formelle qu’effective (sic), car ceux-ci restaient soumis à leur statut coutumier local et les droits politiques reconnus aux Français métropolitains ne leur étaient pas applicables». Chiche, trois fois chiche !
En quelle qualité, «formelle ou effective», le Président Félix Houphouet-Boigny a-t-il siégé à l’Assemblée nationale française comme député, avant l’indépendance de la Côte d’Ivoire ? En quelle qualité, formelle ou effective, les ressortissants des territoires coloniaux français d’Afrique noire ont-ils pris part au référendum constitutionnel de 1958 ?
Au demeurant, prétendre, sans se dégonfler, que «dans chaque territoire (colonial) des textes permettaient par des décisions individuelles ( ?!?), décrets ou jugements (sic), de leur conférer des droits de citoyens français (…)» et que «le statut de citoyen français n’était pas, en tous points assimilable à la nationalité française» relève de la prestidigitation. Que cache le ««professeur agrégé de droit» derrière cette fumée épaisse ? Manifestement, une manœuvre bien risquée, pour tenter de faire illusion.
Sinon, dans l’attente qu’il structure et énonce mieux sa pensée avant de s’y essayer, à nouveau, rappelons, successivement, la Loi Lamine Gueye du 7 mai 1946 entrée en vigueur le 1er juin de la même année, dont les dispositions ont été reprises dans la Constitution française du 27 octobre 1946 prise en ses articles 80 à 82, ainsi que décret français du 24 février 1953 traitant spécifiquement de la nationalité dans la communauté et l’article 77, alinéas 2 et 3 de la Constitution française du 4 octobre 1958. Tour à tour, ces textes conféraient, expressément, le statut de citoyen français aux ressortissants des territoires d’Outre-Mer de l’ex-Afrique Occidentale Française, en ces termes :
«il n’existe qu’une citoyenneté de la Communauté. Tous les citoyens sont égaux en droit, quelles que soient leur origine, leur race et leur religion. Ils ont les mêmes devoirs».
De même, pour la gouverne du «professeur agrégé de droit» et de son fan-club, il importe de souligner que la citoyenneté est, comme le diraient les mathématiciens, un sous-ensemble de l’ensemble que constitue la nationalité. Etre citoyen d’un pays, c’est-à-dire littéralement avoir droit de cité dans ce pays, implique d’en avoir, d’abord et avant tout, la nationalité. En d’autres termes, on ne peut pas être citoyen d’un pays dont on n’a pas la nationalité. Par contre, on peut être national d’un pays, sans avoir tous les attributs de la citoyenneté. Exemple, les personnes déchues de leurs droits civiques ou civils, pour une raison ou une autre (ne pas pouvoir voter ou ne pas pouvoir être électeur par suite d’une condamnation pénale, ne pas pour pouvoir conclure un contrat, être assigné à résidence, etc.).
Au total, il est incontestable qu’avant l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, il n’existait pas, au plan juridique, de nationaux ivoiriens, ni d’étrangers, par opposition à ceux-ci. Les personnes vivant sur le sol du territoire ivoirien, aussi bien celles qui y sont nées que celles venues d’autres pays pour y résider pour des raisons ou d’autres, étaient, toujours sur le terrain juridique, soit des nationaux français, soit des étrangers, nationaux d’autres pays indépendants, par rapport aux nationaux français.
Le concept de nationalité d’origine. Le «professeur agrégé de droit» utilise, indifféremment, les termes «originaire, origine ou d’origine, nationalité d’origine», sans s’embarrasser de fioritures, ni de nuances. Curieux, voire suspect, parce qu’on ne saurait faire l’injure à «l’agrégé de droit», sans se faire hara-kiri en tant qu’intellectuel, d’ignorer que l’origine est une chose, la nationalité d’origine en est une autre.
L’origine est un mot d’une extrême plasticité. Le Petit Robert, éd. 2013, le définit comme la cause, le milieu humain ou social, la naissance, le point de départ, la racine, la souche, le terroir, etc. En ce sens, les recherches des ethnologues, des anthropologues et des historiens sur le peuplement de la Côte d’Ivoire établissent que les Abourés, les Abrons, les Agnis, les Akyés, les Baoulés, les Bétés, les Ebriés, les Guérés, les Gouros, les Koyakas, les Krous, les Lobis, les Sénoufos, les Tagbanas et les Wê, notamment, ont leur origine au Ghana, au Libéria, au Bénin, au Togo, en Guinée, au Burkina Faso, au Mali, au Sénégal, au Niger, en Côte d’Ivoire, etc. Une origine lointaine ou proche, pour les uns et pour les autres.
La nationalité d’origine est la nationalité attribuée par chaque Etat, en toute souveraineté, aux personnes que le Code de la nationalité détermine, suivant les deux critères connus dans le monde, qui sont utilisés, en général, séparément, mais peuvent l’être aussi et le sont, parfois, cumulativement  : être né sur le territoire du pays considéré (critère du lieu de naissance ou droit du sol ou jus soli) ; être né d’un ou de deux ascendants ayant la nationalité de ce pays (critère de la filiation ou droit du sang ou jus sanguinis).
Elle ne réfère, nullement, à l’origine ethnique ou tribale ou à la race blanche, noire, rouge, jaune ou verte, contrairement aux affirmations à mi-mots du «professeur agrégé de droit». Sinon, il faudrait chercher à savoir quelle nationalité d’origine devrait-on attribuer aux peuples dont l’origine ivoirienne est récente et aux peuples qui sont à cheval entre plusieurs territoires. Il faudrait également chercher à savoir quelle autorité,- étatique, ethnique ou tribale ?- attribuerait cette nationalité d’origine ethnique, raciale ou tribale.
L’origine ethnique, territoriale, tribale, blanche, noire, rouge, jaune ou verte n’a jamais et nulle part rien eu à voir avec la nationalité d’origine. Pour preuve, au regard du Code de la nationalité ivoirienne actuellement en vigueur, l’enfant né de deux étrangers, nationaux guatémaltèques, hongrois, chinois, indiens, italiens, somaliens, sénégalais ou d’autres pays étrangers, qui ont obtenu la nationalité ivoirienne, notamment par naturalisation, est ivoirien d’origine.
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