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International Publié le samedi 17 août 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Arsène Touho, réagissant à la libération des pro-Gbagbo : ‘‘Gbagbo est notre unique interlocuteur face à Ouattara’’

Ancien fésciste, auteur de ‘’Il faut sauver le soldat FESCI’’ et de ‘’Côte d’ivoire, leçons du 11 avril 2011’’, Arsène Touho est aujourd’hui le représentant du parti de Stéphane Kipré en Europe. Il a accepté de décrypter l’actualité politique récente de la Côte d’Ivoire. Entretien…

Arsène Touho, vous venez d’être nommé délégué Europe de l’Union des nouvelles générations de Stéphane Kipré dont vous étiez le conseiller, à quoi cela répond ?

J’aimerais d’abord remercier le président Stéphane Kipré pour la confiance qu’il vient de me renouveler en me portant à ces nouvelles responsabilités politiques. Au moment où, l’essentiel de l’action politique de l’opposition s’est déplacée au sein de la diaspora ivoirienne en Europe, c’est une lourde charge que je m’évertuerai à remplir ; et c’est également la marque que notre organisation politique compte bien être présente et active sur le continent européen.

Le 05 août dernier, 12 détenus pro-Gbagbo étaient remis en liberté dont Michel Gbagbo. Certains partisans de Laurent Gbagbo n’auraient pas apprécié ses sorties médiatiques. Quel regard portez-vous sur ces sorties et sur les commentaires des mécontents ?

Je me réjouis d’abord de la libération de Michel Gbagbo. J’ai lu, entendu et vu ses sorties médiatiques ; quand Michel Gbagbo remercie Ouattara et le gouvernement, je le comprends aisément. C’est parce qu’il sait qu’il était un prisonnier politique, que son esprit a du mal à intégrer qu’il a été remis en liberté par la justice ivoirienne. C’est aussi un réflexe naturel ; quand un otage est libéré, c’est toujours vers son geôlier qu’il se tourne afin de lui dire merci pour lui avoir permis de recouvrer la liberté. C’est un comportement qui est propre à tous les otages du monde. Mais je reste persuadé que Michel Gbagbo comprendra que s’il est libre aujourd’hui, ce n’est pas parce que Ouattara l’aime particulièrement.

Mais certains trouvent que ces déclarations étaient hasardeuses et inopportunes ?

Je ne porterai pas de jugement de valeur sur un quelconque impact des déclarations de Michel Gbagbo. Pour l’instant, je retiens que c’étaient des propos d’un homme heureux de recouvrer la liberté. Ces déclarations ne sont donc pas, en mon sens, des convictions politiques.

Comment commentez-vous la remise en liberté provisoire d’une partie de la direction du FPI qui était détenue au nord du pays ?

C’est un immense plaisir de revoir des personnes qui avaient été injustement privées de leurs droits élémentaires, c’est-à-dire le droit à la liberté. Nous avons été ravis de voir des personnes dont les dernières images présentaient des gens complètement déshumanisés, animalisés, voir chosifiés par les soldats de Ouattara.

Pensez-vous comme beaucoup que le président Ouattara pourrait tirer un bénéfice sympathique auprès des populations après ces libérations ?

J’ai entendu et lu des déclarations de partisans de Ouattara réclamant des remerciements pour ces libérations. J’aimerais leur répondre que Ouattara a plus besoin d’aide que de remerciements. Il a besoin d’aide pour qu’il comprenne que dans une république, les hommes et les femmes de l’opposition ne sont pas des éléments de marchandage qu’on stocke dans un grenier pour les sortir à la veille de la fête de l’indépendance afin de les troquer contre un quelconque bénéfice de sympathie auprès des populations.

Ces libérations n’auront donc pour vous aucun impact sur les partisans de Laurent Gbagbo, surtout les organisations de résistance à l’autorité de Ouattara afin d’aller à la réconciliation ?

A mon sens, il est clair que cet acte aurait dû décrisper l’atmosphère politique actuelle, mais comme beaucoup d’ivoiriens, c’est au nom de quoi une partie de ceux qui sont détenus pour les mêmes raisons sont libérés pendant que d’autres sont gardés en détention ? Si ce n’est pour des buts électoralistes, je ne vois pas d’autres raisons qui pourraient motiver ces libérations. Sinon, il aurait fallu libérer tout le monde. Et en premier, le président Laurent Gbagbo qui est aux mains de la justice internationale. Car la CPI devrait comprendre que la libération du président Laurent Gbagbo enclencherait définitivement le processus de réconciliation en Côte d’Ivoire.

Face à cette nouvelle donne qu’est la remise en liberté des membres de la direction du FPI, quelle pourrait être la posture des organisations et associations anti-Ouattara en France dont vous êtes membres ?

Je note déjà que les actions de mobilisation de la diaspora ont eu des échos et gênent réellement. C’est une bonne chose que le FPI qui conduit notre combat de la résistance retrouve sa direction au complet. Nous allons faire bloc derrière le président Pascal Affi Nguessan pour reprendre le combat où le président par intérim Miaka Ouretto l’a conduit. Et nous seront tous derrière Affi Nguessan pour le combat de la libération du président Laurent Gbagbo qui reste notre unique interlocuteur face à Ouattara.

En dehors du FPI, il est né une structure fédérale qu’est le CDR-CI dont vous avez été élu secrétaire général, quelle sera votre posture et l’essentiel du contenu de votre discours?
J’aimerais rappeler que lors des états généraux de la résistance qui se sont tenus le 30 mars dernier à Paris, les Ivoiriens ont manifesté le désir de continuer le combat dans l’union. C’est ainsi qu’est né plus tard le Conseil de la diaspora pour la défense de la démocratie et la restauration des droits de l’homme en Côte d’Ivoire. Ce jour-là, j’ai entendu les interventions du secrétaire général du FPI depuis Abidjan, le porte-parole du président Laurent Gbagbo, la coordination du FPI en exil, d’Alain Cappeau et de Désiré Porquet. Cela m’a suffi pour comprendre que les Ivoiriens voulaient une organisation commune, et c’est ce consensus qui m’a poussé à adhérer pleinement à cette organisation fédératrice souhaitée par toutes les associations qui la composent.

En tant qu’ancien fesciste et auteur de l’ouvrage ‘’Il faut sauver le soldat FESCI’’, comment jugez-vous aujourd’hui l’implication de cette organisation syndicale estudiantine dans le paysage politique ivoirien?

Vous constaterez avec moi que le FESCI est complètement effacée, même du terrain syndical. Par voix de conséquence, elle est aussi effacée de la vie politique dans laquelle elle n’était pas censée être présente d’ailleurs. La FESCI est aujourd’hui ce que je craignais déjà lorsque je quittais le mouvement. Comme vous le disiez d’ailleurs, j’avais écrit un livre qui est paru aux éditions l’Harmattan, dans lequel je mettais en garde tous les camarades du danger qui guettait le mouvement. Et il est finalement devenu ce que je craignais, et est là où je craignais qu’il arrive. Je n’en dirai pas plus car l’heure n’est pas à la FESCI, mais à la Côte d’Ivoire.

Retenons que vous avez également écrit ‘’Côte d’Ivoire, leçons du 11 avril 2011, et préfacé les ouvrages de deux jeunes auteurs ivoiriens dont Steve Beko. D’où vient cet engouement pour l’écriture ?

En acceptant de préfacer les livres de Steve Beko et Jovani Méledj, il s’agissait pour moi d’abord d’aider deux jeunes compatriotes à réaliser leurs rêves. Ensuite, il a été toujours question pour moi de réaliser ce rêve d’aider tout jeune à publier des idées pouvant faire avancer nos sociétés et améliorer les conditions de vie de l’homme. Pour l’instant, les cas de Steve Beko et Jovani Méledj font tâche d’huile, car il y a énormément de manuscrits dans les tuyaux.

En votre qualité de délégué Europe de l’UNG de Stéphane Kipré, comment envisagez-vous les échéances de 2015 ?

Pour moi, il n’y a qu’un seul mot d’ordre ; la troisième vague de libération de nos camarades ne doit pas nous faire perdre de vue que le président Laurent Gbagbo demeure notre interlocuteur unique face à Ouattara. Tous les Ivoiriens savent que c’est à l’issue de la présidentielle de 2010 que nous sommes arrivés à cette crise en Côte d’Ivoire. Il revient donc à ces deux acteurs majeurs de la vie politique ivoirienne qui restent les interlocuteurs naturels de la réconciliation dans notre pays de se parler en hommes libres. Il faut que Laurent Gbagbo soit libéré de sorte que nous partions résolument à la réconciliation, et que toute la classe politique participe sereinement aux joutes électorales.

Dites-nous clairement, l’opposition proche de Laurent Gbagbo devrait-elle avoir un candidat face à Ouattara pour la présidentielle de 2015 ?

Je n’imagine pas un scénario dans lequel il y aurait un candidat autre que Laurent Gbagbo face à Ouattara. Il ne faut pas oublier qu’il peut être libéré dans les prochaines semaines si la chambre d’Appel de la CPI ne suit pas la décision de la Chambre préliminaire 1. De façon raisonnable, cette institution est en train de partir vers la déculpabilisation du président Laurent Gbagbo. Pour moi, il serait hasardeux d’envisager le choix d’un candidat de notre camp tant que nous n’avons pas encore connu l’issue de la procédure engagée contre le président Laurent Gbagbo à la CPI. Je suis convaincu qu’il sera libéré avant 2015. Pour l’instant donc, concentrons nos énergies pour le combat de sa libération et de celle qui sont détenus encore au nord du pays en raison de leur appartenance au camp Laurent Gbagbo.
Entretien réalisé par Jean-Paul Oro à Paris
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