Trois jours durant, le chef du Parlement ivoirien a parcouru le département de Gagnoa. Objectif : tracer les sillons d’une réconciliation vraie et recadrer des faits.
Meeting final. La place Laurent Gbagbo de Gagnoa a été le point d’encrage de la visite de trois jours, effectuée par Soro Guillaume, dans le département de Gagnoa. Le samedi 17 août dernier, le président de l’Assemblée nationale s’est longuement lâché sur bien de sujets. Comme partout où il est passé avant cette rencontre-bilan, Soro a souligné le courage du Conseil des chefs de village, promoteur du périple qui l’a conduit à Gnabodougnoua, Ouaragahio et Guiberoua. Avec les intermèdes de Gnaliépa, Mama et d’autres bourgs du département. Partout, il a parlé «vrai et réconciliation », motif du voyage qui a fait couler tant de salive et d’encre. « Les chefs sont courageux, ils ont subi des injures, des menaces de mort », a ressassé l’hôte des gardiens de la tradition locale. Malgré tout, se réjouit-il, la visite a eu lieu. C’est pourquoi, Soro Guillaume tance publiquement ceux qui, à l’en croire, ont tout mis en œuvre, en vain, pour empêcher sa tournée. Sans gants, il brocarde « les soi-disant cadres, dont le Pr Sébastien Dano Djédjé, figure de proue du FPI dans le département. « Dano Djédjé dit qu’il m’interdit d’aller à Gnaliépa et à Mama. Il dit, si je vais à Gnaliépa et à Mama, il va me tuer, lui qui a été ministre de la Réconciliation. Je comprends pourquoi on ne s’est pas réconcilié. Il n’y a pas de principautés en Côte d’Ivoire, a vivement protesté Soro. Très remonté, il fait noter à l’assistance que « Gagnoa ne peut pas être le bastion castique d’un parti. Gagnoa appartient à tous les partis politiques, sans exclusion. Je n’avais pas parlé depuis, puisque je n’avais pas terminé ma tournée, je ne savais pas ce qu’il pouvait me faire. Mais puisque c’est fini aujourd’hui, je peux parler un peu. » Place donc aux révélations. Et d’un : «Je venais avec mes enfants et mon épouse, mais puisqu’on dit qu’on va me tuer, je leur ai dit de rester à Abidjan, parce qu’on ne sait jamais. Grâce à l’opposition de Dano Djédjé, toute la presse internationale est venue, pour voir si on va me recevoir. Et puisqu’il prône la conciliation nationale, Soro demande au chef de Ferké, Koné Mamourou, venu le soutenir avec une forte délégation, d’inviter Dano Djédjé dans son fief, « on le recevra. »
‘’Je suis choqué’’
Et de deux, l’ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo tient à mettre le holà à une idée largement répandue, selon laquelle il aurait trahi son chef, à l’issue de la Présidentielle de 2010. Soro nie avoir joué contre son patron d’alors, puisque, jure l’ancien petit séminariste, « Gbagbo a perdu les élections. Celui qui a gagné, s’appelle Alassane Ouattara. » Pour lui, et à la joie de ses supporteurs de Gagnoa, le temps est venu de tourner la page, et se tourner vers le développement. Au demeurant, « ceux qui disent que je suis traître, je leur dis que je suis un bon traître. Un traître qui donne une école à Gnabodougnoua, qui donne des chaises à Gnaliépa où je vais réhabiliter le préau, et construire des latrines pour l’école. » Allusion faite aux dons faits dans les contrées où il est passé les jeudis et vendredi derniers. Il a répondu avec diligence aux doléances des populations. « Je dis au peuple Bété de ne pas parler comme Dano Djédjé. Allez dans la réconciliation, allez dans la paix, pour qu’on trouve le salut ensemble. » Soro Guillaume qui entendait « parler vrai », s’est élevé contre ceux qui accusent le pouvoir d’avoir envoyé l’ex-Président à la Haye. « On me dit, ‘’libérez les prisonniers, on m’a aussi demandé, ‘’où est Laurent Gbagbo ?’’ C’est la CPI qui l’a envoyé », soutient l’ancien leader syndical, sans doute pour dégager la responsabilité du pouvoir, et enrayer tout espoir de la libération de l’ex-numéro un Ivoirien. Il poursuit, relatant brièvement son récent passé de chef du MPCI. Juste pour marquer sa reconnaissance à ceux qui, tels Louis-André Dacoury Tabley, et Abel Djohoré, cadres de Gagnoa, qui l’avaient suivi à Bouaké, en 2002. Depuis quelques temps, ils sont tous devenus députés. Dans la foulée, et parlant toujours du scrutin suprême de 2010, Soro note que «certaines personnes continuent de donner l’illusion et de mentir aux populations. » Sur sa lancée de « parler vrai », Soro marque son indignation, sur une attitude de ses interlocuteurs. «J’ai été choqué qu’à Ouragahio, on n’ait parlé de tout le monde, sauf de Benoît Dacoury-Tabley qui a été criblé de balles à Abidjan, le jour où Louis-André Dacoury a déclaré qu’il est avec nous, numéro deux du MPCI. Benoît n’est pas un fils de Gagnoa ? Quand on a voulu l’enterrer, les gens ont jeté son cadavre, disant qu’ ‘’il a eu ce qu’il a cherché’’ », se souvient l’élu, avec amertume. « C’est au nom de tout cela qu’il faut qu’on aille au pardon. Je demande aux chefs d’aller demander pardon à la famille de Dacoury-Tabley », recommande-t-il.
Secret familial
Puis, de trois, Soro livre une nouvelle info. «Moi-même, j’ai vécu l’intolérance, l’injustice, la violence dans mon couple. Il s’agit du père de Tagro Sylvie, ma femme, chef du village de Zakoua (Daloa). La veille de l’élection de 2010, un émissaire a réuni les chefs pour leur dire d’aller voter tel candidat. Il a répondu que ‘’mon beau-fils Soro Guillaume, Premier ministre, m’a dit que chacun est libre d’aller voter qui il veut.’’ Quand il a quitté la réunion, on a envoyé un véhicule le cogner, il est mort. Est-ce que j’en ai parlé aux Ivoiriens ? J’ai géré tout cela, seul. J’ai dit à ma femme que je sais que c’est à cause de moi qu’il est mort, et que sa famille me pardonne », livre-t-il ce secret familial, concédant que c’est une raison supplémentaire d’aller à la réconciliation. Aussi, le chef du Parlement ivoirien s’étonne et s’offusque-t-il qu’une frange de la classe politique ivoirienne « refuse de demander pardon. » Alors que, à l’en croire, le chef de l’Etat, lui-même, et les Yacouba, qui ont perdu leur leader, feu Rober Guéi, se sont adonné à cet exercice de catharsis. Pour Soro Guillaume, le temps est à la reconstruction. C’est pourquoi, relevant la misère des populations visitées, il entend s’impliquer, pour une prochaine visite présidentielle. Objectif : permettre à Alassane Ouattara de prendre le pool de la situation, et œuvrer au développement de la région du Gôh.
Guillaume KOUASSI
Envoyé spécial
Meeting final. La place Laurent Gbagbo de Gagnoa a été le point d’encrage de la visite de trois jours, effectuée par Soro Guillaume, dans le département de Gagnoa. Le samedi 17 août dernier, le président de l’Assemblée nationale s’est longuement lâché sur bien de sujets. Comme partout où il est passé avant cette rencontre-bilan, Soro a souligné le courage du Conseil des chefs de village, promoteur du périple qui l’a conduit à Gnabodougnoua, Ouaragahio et Guiberoua. Avec les intermèdes de Gnaliépa, Mama et d’autres bourgs du département. Partout, il a parlé «vrai et réconciliation », motif du voyage qui a fait couler tant de salive et d’encre. « Les chefs sont courageux, ils ont subi des injures, des menaces de mort », a ressassé l’hôte des gardiens de la tradition locale. Malgré tout, se réjouit-il, la visite a eu lieu. C’est pourquoi, Soro Guillaume tance publiquement ceux qui, à l’en croire, ont tout mis en œuvre, en vain, pour empêcher sa tournée. Sans gants, il brocarde « les soi-disant cadres, dont le Pr Sébastien Dano Djédjé, figure de proue du FPI dans le département. « Dano Djédjé dit qu’il m’interdit d’aller à Gnaliépa et à Mama. Il dit, si je vais à Gnaliépa et à Mama, il va me tuer, lui qui a été ministre de la Réconciliation. Je comprends pourquoi on ne s’est pas réconcilié. Il n’y a pas de principautés en Côte d’Ivoire, a vivement protesté Soro. Très remonté, il fait noter à l’assistance que « Gagnoa ne peut pas être le bastion castique d’un parti. Gagnoa appartient à tous les partis politiques, sans exclusion. Je n’avais pas parlé depuis, puisque je n’avais pas terminé ma tournée, je ne savais pas ce qu’il pouvait me faire. Mais puisque c’est fini aujourd’hui, je peux parler un peu. » Place donc aux révélations. Et d’un : «Je venais avec mes enfants et mon épouse, mais puisqu’on dit qu’on va me tuer, je leur ai dit de rester à Abidjan, parce qu’on ne sait jamais. Grâce à l’opposition de Dano Djédjé, toute la presse internationale est venue, pour voir si on va me recevoir. Et puisqu’il prône la conciliation nationale, Soro demande au chef de Ferké, Koné Mamourou, venu le soutenir avec une forte délégation, d’inviter Dano Djédjé dans son fief, « on le recevra. »
‘’Je suis choqué’’
Et de deux, l’ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo tient à mettre le holà à une idée largement répandue, selon laquelle il aurait trahi son chef, à l’issue de la Présidentielle de 2010. Soro nie avoir joué contre son patron d’alors, puisque, jure l’ancien petit séminariste, « Gbagbo a perdu les élections. Celui qui a gagné, s’appelle Alassane Ouattara. » Pour lui, et à la joie de ses supporteurs de Gagnoa, le temps est venu de tourner la page, et se tourner vers le développement. Au demeurant, « ceux qui disent que je suis traître, je leur dis que je suis un bon traître. Un traître qui donne une école à Gnabodougnoua, qui donne des chaises à Gnaliépa où je vais réhabiliter le préau, et construire des latrines pour l’école. » Allusion faite aux dons faits dans les contrées où il est passé les jeudis et vendredi derniers. Il a répondu avec diligence aux doléances des populations. « Je dis au peuple Bété de ne pas parler comme Dano Djédjé. Allez dans la réconciliation, allez dans la paix, pour qu’on trouve le salut ensemble. » Soro Guillaume qui entendait « parler vrai », s’est élevé contre ceux qui accusent le pouvoir d’avoir envoyé l’ex-Président à la Haye. « On me dit, ‘’libérez les prisonniers, on m’a aussi demandé, ‘’où est Laurent Gbagbo ?’’ C’est la CPI qui l’a envoyé », soutient l’ancien leader syndical, sans doute pour dégager la responsabilité du pouvoir, et enrayer tout espoir de la libération de l’ex-numéro un Ivoirien. Il poursuit, relatant brièvement son récent passé de chef du MPCI. Juste pour marquer sa reconnaissance à ceux qui, tels Louis-André Dacoury Tabley, et Abel Djohoré, cadres de Gagnoa, qui l’avaient suivi à Bouaké, en 2002. Depuis quelques temps, ils sont tous devenus députés. Dans la foulée, et parlant toujours du scrutin suprême de 2010, Soro note que «certaines personnes continuent de donner l’illusion et de mentir aux populations. » Sur sa lancée de « parler vrai », Soro marque son indignation, sur une attitude de ses interlocuteurs. «J’ai été choqué qu’à Ouragahio, on n’ait parlé de tout le monde, sauf de Benoît Dacoury-Tabley qui a été criblé de balles à Abidjan, le jour où Louis-André Dacoury a déclaré qu’il est avec nous, numéro deux du MPCI. Benoît n’est pas un fils de Gagnoa ? Quand on a voulu l’enterrer, les gens ont jeté son cadavre, disant qu’ ‘’il a eu ce qu’il a cherché’’ », se souvient l’élu, avec amertume. « C’est au nom de tout cela qu’il faut qu’on aille au pardon. Je demande aux chefs d’aller demander pardon à la famille de Dacoury-Tabley », recommande-t-il.
Secret familial
Puis, de trois, Soro livre une nouvelle info. «Moi-même, j’ai vécu l’intolérance, l’injustice, la violence dans mon couple. Il s’agit du père de Tagro Sylvie, ma femme, chef du village de Zakoua (Daloa). La veille de l’élection de 2010, un émissaire a réuni les chefs pour leur dire d’aller voter tel candidat. Il a répondu que ‘’mon beau-fils Soro Guillaume, Premier ministre, m’a dit que chacun est libre d’aller voter qui il veut.’’ Quand il a quitté la réunion, on a envoyé un véhicule le cogner, il est mort. Est-ce que j’en ai parlé aux Ivoiriens ? J’ai géré tout cela, seul. J’ai dit à ma femme que je sais que c’est à cause de moi qu’il est mort, et que sa famille me pardonne », livre-t-il ce secret familial, concédant que c’est une raison supplémentaire d’aller à la réconciliation. Aussi, le chef du Parlement ivoirien s’étonne et s’offusque-t-il qu’une frange de la classe politique ivoirienne « refuse de demander pardon. » Alors que, à l’en croire, le chef de l’Etat, lui-même, et les Yacouba, qui ont perdu leur leader, feu Rober Guéi, se sont adonné à cet exercice de catharsis. Pour Soro Guillaume, le temps est à la reconstruction. C’est pourquoi, relevant la misère des populations visitées, il entend s’impliquer, pour une prochaine visite présidentielle. Objectif : permettre à Alassane Ouattara de prendre le pool de la situation, et œuvrer au développement de la région du Gôh.
Guillaume KOUASSI
Envoyé spécial